Midterm, champ d'action pour l’antiSystème

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Midterm, champ d'action pour l’antiSystème

07 novembre 2018 – Pour commencer d’une façon inhabituelle, nous jugeons qu’il est bon de proposer, avant l’explication de texte, une “explication de titre”, qui permettra de clarifier notre perception du concept d’antiSystème tel que nous le voyons (très vite) évoluer. Les événements n’ayant cessé d’accélérer, les crises de s’élargir et de s’intégrer, le “tourbillon crisique” (le “T.C.” du Journal-dde.crisis de PhG) n’ayant cessé de se creuser, les acteurs humains ont de moins en moins d’importance ainsi que les situations qu’ils contribuent à créer plus qu’ils ne créent, situations temporaires et insaisissables.

Ce qui compte c’est de parvenir à percevoir le sens d’une situation générale résultant de cette dynamique de désordre et de chaos, établie pour un temps donné selon les événements, avant d’évoluer à nouveau selon de nouveaux événements. Pour cette raison, nous prenons la voie de ne plus parler principalement de personnes et d’individus antiSystème, mais de situations antiSystème, – c’est-à-dire de situations antagonistes du Système, toxiques pour le Système, etc.

(Cela ne signifie pas que des personnes ne peuvent pas être un peu, beaucoup, voire constamment antiSystème grâce à leurs convictions et à leur clairvoyance concernant ces “situations antiSystème”. Mais elles ne sont pas créatrices de ces situations antiSystème, elles en sont les productions pour leurs actes, et les obligées pour leur pensée.)

C’est donc selon cette conception que nous orientons notre perception des résultats des élections midterm aux USA, annoncées comme “historiques”, et qui le sont effectivement, et qui le sont plus qu’elles n’auraient pu l’être autrement, justement, de façon très démocratique, grâce aux résultats : la Chambre des Représentants passe aux démocrates, le Sénat reste aux républicains avec une majorité renforcée. Ces élections sont historiques, sinon métahistoriques, parce qu’elles nous offrent un champ d'action avec un potentiel notablement antiSystème, une situation potentiellement productrice de blocages, de désordre, d’exacerbation des antagonismes, etc.

Contrairement aux systèmes européens où des partis extrêmes et/ou antiSystème peuvent introduire par eux-mêmes dans l’institution parlementaire une situation antiSystème, cela est en principe impossible aux USA où règne le “parti unique“ avec ses deux ailes droite (républicains) et gauche (démocrates). Mais la situation qui prévaut depuis l’élection de Trump a tout bouleversé et ce bouleversement suscite indirectement des situations antiSystème par l’évolution des rapports de force, dans un climat de haine irrationnelle ; les sujets impliqués sont extraordinairement futiles par rapport aux facteurs généraux de sécurité nationale et aux fondements principiels des USA des Pères Fondateurs mais ils ont été institués comme politiquement centraux après avoir été transmutés en simulacres et par conséquent ils contribuent décisivement à la transmutation des situations où ils évoluent. On pense évidemment aux questions progressistes-sociétales, qui ne sont pas perçues d’un point de vue culturel mais d’un point de vue politique, sinon révolutionnaire, jusqu’à effectivement occuper une place centrale.

Ainsi apparaît-il assez vain de raisonner en termes classiques de “droite” et de “gauche”, comme le fait par exemple le commentaire de ce jour de WSWS.org. Tous les parlementaires sont nourris aux mêmes sources d’une corruption institutionnelle et universelle, sous la forme des lobbies et des donations de la classe des ultra-riches alimentant aussi bien les démocrates que les républicains, aussi bien les députés de la Chambre que les sénateurs. Comme le rapporte la journaliste Danielle Ryan sur RT, « Seulement 0,42%des Américains ont donné $200 ou plus pour les élections de cette année. Aussi minuscule que soit ce chiffre, ces donateurs ont fourni 66% de toutes les donations » d’une campagne dont le coût se situerait autour de $5,2 milliards.

Ce qui compte aujourd’hui, ce  sont le climat et les points d’intérêt et de mobilisation qui ont été développés depuis 2015-2016 et l’élection de Donald Trump. Les habituels facteurs de “droite” et de “gauche” sont effectivement dépassés, complètement obsolètes, par exemple lorsque WSWS.org diagnostique un “virage à droite” en se référant aux positions des uns (républicains) et des autres (démocrates) par rapport au Big Business, à la situation sociale, à la politique extérieure interventionniste largement influencée par les politiques de sanction et de ventes d’armement.

Personne, entre démocrates et républicains, ne s’oppose ou ne débat sur ces questions parce que l’unanimité est faite dans le sens des grands intérêts économiques industriels et financiers. Il n’y a même pas de véritable débat entre globalistes et nationalistes en tant que tels puisque la globalisation tout comme le nationalisme ne sont en général abordés que du point de vue économique, et l’on n’a guère entendu de récriminations des démocrates contre la politique America First de Trump. Au contraire, le débat se poursuit autour de ces sujets qui ont acquis une importance politique disproportionnée et qui, finalement, parce qu’il faut bien qu’un tel déchaînement ait un sens dans le chef de ceux qui l’ont lancé et ceux qui sont forcés d’y participer, débouchent sur des mises en question de l’union et de l’unité du pays. Ainsi, les simulacres d’affrontement déclenchés au départ par les seuls sentiments exacerbés, finissent par se justifier en abordant indirectement des questions fondamentales qui, jusqu’ici, étaient écartées par l’exploitation habile des sempiternels faux-problèmes de “droite ” et de “gauche” écartant les véritables sujets porteurs de véritables réflexions.

Observons quelques éléments fondamentaux de cette situation générale :

• La personnalité de Trump et son mode opératoire ont fait croire, et continue à faire croire qu’il s’agit d’un président “populiste” qui usurpe sa position par rapport à l’establishment. Usurpateur, il l’est certainement, mais en aucune façon pour introduire une politique “populiste” (tout juste a-t-il un discours qui le prétend ou qui pourrait y faire croire) ; il est usurpateur d’un point de vue corporatiste, et refuse de se plier aux us et coutumes de l’establishment. D’autre part, son caractère et ses pratiques de businessman-de-casino, ainsi que son inexpérience en politique, y compris en politique extérieure, jouent aussi leur rôle dans l’usurpation. Le résultat est qu’il a suscité une haine qui ne faiblit pas, et dont le principal effet politique est un désordre constant, qui ne cesse de se renouveler, avec un brouillage intense de toutes les références.

• Cette haine anti-Trump a été utilisée, au niveau des réseaux associatifs et autres satellites du parti démocrate, pour une offensive généralisé du type progressiste-sociétal (LGTBQ, “marxisme-culturel”, etc.) appuyé sur des pratiques de communication se référant à un simulacre de violence révolutionnaire sans conséquences révolutionnaires marquantes dans le paysage politique. Le résultat est une violence assez réduite mais une tension psychologique énorme, exacerbant ce qui était sa cause fondatrice : la haine antiTrump initiale s’exacerbant en un climat de haine générale qui installe une rupture fondamentale dans le pays, – rupture psychologique, rupture civilisationnelle, bien au-delà de “droite” et de “gauche”, etc.

• D’une façon remarquable, ces conflits sur des matières baroques ou inattendues par rapport au domaine politique, conduisent au constat d’un désaccord civilisationnel et amènent à des oppositions fondamentales, qui vont bien au-delà du politique type-“bon père de famille” géré par Washington D.C. et, passant par la transmutation en “D.C.-la-folle”, débouchent sur des affrontements conceptuels entre tradition et postmodernité, entre principes et valeurs, etc., avec transcription dans la situation du pays par le constat de l’impossibilité du fameux “vivre-ensemble” si vanté par la postmodernité et détruit justement par les outrances de cette postmodernité.

... Ainsi s’est établie une situation antiSystème

Opérationnalité de la situation antiSystème

Comment déterminons-nous que la situation issue des midterms est la meilleure possible pour la poursuite, avec exacerbation, de la situation antiSystème ? (C’est-à-dire, la poursuite de la situation de l’invective, de la fracture du pays, du désordre de “D.C.-la-folle”, de la présidence à la fois erratique et constamment à contrepied par rapport aux attentes, totalement insensibles aux usages et aux processus courants, appuyés sur la communication sensationnelle, etc., tout cela avec l’empreinte de Trump lui-même contributeur majeur de cette situation antiSystème.) Nous tenons compte de plusieurs éléments, en laissant de côté les “civilités” échangées entre Trump et dame Pelosi (la nouvelle Speaker de la Chambre démocrate) qui se définissent par “Je suis pour la civilité avec vous démocrates si vous soutenez mon programme”  et “Je suis pour la civilité avec vous président Trump si vous soutenez le programme démocrate”.

• Le blocage institutionnel : il n’est que partiel, avec la seule Chambre aux démocrates ; c’est-à-dire qu’il ne l’est pas assez pour enfermer Trump dans l’impuissance, mais suffisamment pour contrecarrer certains des aspects essentiels de sa politique. C’est bien assez pour exacerber un affrontement institutionnel dans la mesure où aucun des deux acteurs ne possèdent une position décisive, ce qui signale une aggravation par rapport à la situation précédente.

• La logique de la radicalisation est double. Pour Trump, elle l’est dans le sens où il doit d’ores et déjà lancer sa campagne de réélection et que les résultats des midterms lui disent qu’il doit accentuer son programme pseudo-“populiste” pour retrouver l’électorat populaire qui lui a permis de gagner les présidentielles. Parce qu’il s’agit d’un électorat populiste-conservateur qui s’assume de plus en plus en tant que tel (les Deplorables) face à ceux qui sont dénoncés comme “marxistes”, il ne peut le faire que sur des thèmes qui sont en confrontation direct avec ceux des progressistes-sociétaux.

• Du côté démocrate, la puissance du parti du fait de sa victoire à la Chambre va nécessairement devenir l’otage de la “rue démocrate”, c’est-à-dire de son aile activiste, progressiste-sociétale. Cette aile, qui a pu être discrètement critiquée par les rares modérés du parti, va au contraire arguer qu’elle est la principale architecte de la victoire à la Chambre. La logique est avec cet argument : la Chambre est par essence une assemblée “populaire”, au contraire du Sénat qui représente la pseudo-légitimité dans le chef de parlementaires assumant l’héritage de l’élite-Système venue des Pères Fondateurs ; les démocrates qui ont assuré la victoire ont être électrisés et mobilisés par l’activisme anti-Trump et progressiste-sociétal de ces deux dernières années. Pour lutter contre une présidence Trump-II, les activistes du parti démocrate disposent ainsi des meilleurs arguments du monde pour poursuivre sinon accélérer leur campagne de contestation.

• La victoire démocrate à la Chambre est-elle la victoire d’un élément de désordre de plus ? Un point important, c’est l’absence de véritable leadership démocrate au point qu’il arrive encore aux reste de la calamiteuse Hillary de prétendre à l’investiture démocrate pour 2020. Nancy Pelosi, la nouvelle Speaker, a 78 ans et une autorité extrêmement affaiblie sinon contestée. Il y a beaucoup de femmes, nouvelles parlementaires, chez les élus démocrates, et nombre d’entre elles représentent l’aile activiste (LGTBQ, certes) : cela va donner beaucoup de champ à l’aile activiste et à la “rue-démocrate”

Cette faiblesse du leadership autorise à la fois la contestation interne en faveur d’une radicalisation constante, et les initiatives de personnalités parfois déconcertantes. Ainsi en est-il de Maxine Walters, 82 ans, célèbre pour ses gaffes et ses anathèmes, et qui va sans aucun doute à partir de son nouveau poste partir en guerre pour la destitution du président... Ainsi ZeroHedge.com présente-il cet aspect de la situation antiSystème où nous nous trouvons :

« Cela signifie qu'en plus de Nancy Pelosi, qui est sur le point de devenir le nouveau président de la Chambre, Adam Schiff à la tête du de la commission du renseignement de la Chambre et Elijah Cummings nouveau président de la commission de surveillance, le nouveau président de la commission des services financiers de la Chambre ne sera nulle autre que Maxine Waters. Waters s'est fréquemment heurté à Trump, réclamant sa destitution – et lui-même, Trump, la surnommant “très bas QI”.

» Elle a fait savoir qu'elle serait une “justicière” agressive à la tête de la commission. Elle a jusqu’ici [au sein de la commission que tiennent les républicains jusqu’en janvier 2019] tenté (sans succès) d’obtenir les dossiers de la famille Trump à la Deutsche Bank AG et s’est opposé à un effort bipartisan visant à réduire certains dispositions de la loi [anti-Wall Street] Dodd-Frank. »