Mélenchon tel qu’en lui-même

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Mélenchon tel qu’en lui-même

Des “couacs” considérables et parisiens se sont fait entendre dans le concert très comme-il-faut des soutiens que le Système dispensait, pour la bonne marche des apparences, en faveur de Mélenchon, dans les présidentielles françaises. Soutenir un candidat qui semble promettre une sorte de “Grand Soir” et “les 200 Familles à la lanterne”, circa “Front Popu”-1936, cela tout en restant dans le champ des débats intérieurs, la chose pouvait aller car ne mangeant pas trop de pain. Tout a changé commence-t-on à susurrer, notamment selon un article de Marianne2, du 18 avril 2012, mais aussi pour notre compte. Notre idée, pour notre compte toujours, est que tout a commencé à changer avec le discours du 30 mars 2012, dont nous nous sommes faits l’écho (voir le 12 avril 2012). Ce jour-là, Mélenchon a commencé à inquiéter les milieux qui comptent…

Donc, Marianne2 nous annonce “la chasse au Mélenchon”, version adaptée postmoderniste de la chasse aux sorcières, habituelle méthode du parti des salonards,… Extraits de la fin de l’article : «Mais même s'il commence, semble-t-il, à se tasser un petit peu dans les derniers sondages, Jean-Luc Mélenchon commence à apercevoir la face cachée de la médaille de la réussite : les boules puantes. Et depuis le début de la semaine, c'est l'avalanche. Il y a d'abord cet échange musclé avec Jean-Jacques Bourdin sur RMC à propos de la présence de Mélenchon à la remise de la légion d'honneur de Patrick Buisson, inspirateur de la campagne de Sarkozy. Au minimum maladroit pour celui qui espère incarner la résistance aux dérives très droitières du Sarkozysme et au Front National. Un peu plus tard, ressurgit une photo de Mélenchon aux côtés de Bachar al-Assad, pas vraiment reluisante en ce moment. Photo qui date de… 2001, ministre de Lionel Jospin, il accueillait à l'époque le président syrien en visite officielle au nom du gouvernement. C'est ensuite la “sympathie” du candidat pour l'industriel Serge Dassault qui ressort, suite aux révélations d'un livre de Lilian Alemagna et Stéphane Alliès, Mélenchon le Plébéien, sorti début janvier 2012.

»Aujourd'hui, car il serait dommage de s'arrêter en si bon chemin, c'est en raison d'un déjeuner en compagnie d'Henri Guaino que Jean-Luc Mélenchon est épinglé. Et, horreur absolue, c'est l'éditorialiste Eric Zemmour qui aurait organisé cette rencontre. Si, avec cela, les Français ne comprennent pas que Mélenchon n'est pas le « résistant » de gauche qu'il prétend incarner, c'est à désespérer de l'art du lancer de boules puantes. Quant à la question de savoir si un homme politique peut parfois fréquenter des personnes dont il ne partage pas les convictions, il faudra patiemment attendre la fin de l'élection présidentielle pour se la poser sereinement. En attendant, la chasse au Mélenchon est ouverte, il vous reste 3 jours.»

En réalité, il nous semble, à nous, que “la chasse au Mélenchon”, – encore une fois, nous parlons d’une “chasse” sérieuse, hors du champ folklorique des drapeaux rouges ressortis de la naphtaline, – avait déjà commencé il y a une bonne quinzaine, après le discours en question. Les critiques avaient commencé à bourgeonner, selon une ligne bien définie qui est l’assimilation de Mélenchon aux communistes du passé certes, mais aux “communistes du passé” en tant que soutiens de la politique extérieure de l’URSS, notamment sur ce point de demander le retrait de la France de l’OTAN (point inscrit dans le programme de Mélenchon) ; et cette critique se retrouvant, chez les différentes sources, d’une façon remarquablement et historiquement coordonnée, sur la période des année 1950…

• Après le discours du 30 mars et le grand meeting populaire de Toulouse, intervention le 4 avril 2012 sur Fraz,nce 24 citant les bonnes sources, justement… «“Où est notre liberté quand on est enchaîné à l’Otan ?”, a-t-il lancé à ses sympathisants rassemblés place du Capitole, avant de leur soumettre l’idée d’“une nouvelle alliance altermondialiste”. Des positions qui s’inscrivent dans la droite ligne des partis qu’il représente (le Parti communiste français et le Parti de gauche), selon Eddy Fougier, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de la gauche radicale. “C’est de l’extrême gauche et du bon vieux communisme anti-impérialiste à l’ancienne, analyse-t-il. En matière de politique étrangère, il y a d’un côté les réalistes, et de l’autre les idéalistes. Mélenchon se place clairement du côté des idéalistes quand il définit sa vision, humaniste et assez floue, héritière de la Révolution française.”

»Le candidat du Front de gauche n’en est pas à ses premières critiques en direction de l’Otan, lui qui expliquait récemment à la Revue de défense nationale sa position en faveur d’une “défense souveraine et altermondialiste”. “Un concept un peu confus mais qui a le mérite de rassembler la branche communiste classique et le mouvement altermondialiste, en y ajoutant sa patte à lui”, explique Eddy Fougier. “On croirait entendre Georges Marchais” […] “On croirait entendre Georges Marchais ou un leader communiste des années 1950”, s’amuse le chercheur.»

• Pour continuer, nous aussi, à nous “amuser”, voici également, et surtout, l’inaltérable et indémodable Cohn-Bendit, déjà cité par ailleurs dans le texte référencé… On s’en tiendra à un extrait de l’interview que l’ex-“Dany le rouge” viré au vert nuancé du bleu de l’atlantisme globalisé a donné au Monde le 9 avril 2012.

Le Monde  : «Au-delà de cette conception de l'Etat et de l'Europe qui vous opposent, vous reprochez à Jean-Luc Mélenchon de recycler les vieux discours du Parti communiste des années 1950...

»Cohn Bendit : «Mais oui ! Quand vous entendez Jean-Luc Mélenchon fustiger l'impérialisme américain, n'entendez-vous pas en creux les discours du PC contre l'OTAN dans les années 1950 ? Non seulement il nous ressuscite une rhétorique très “guerre froide”, mais il escamote dans son discours tout ce qui le gêne. […] Moi aussi, je veux bien refaire l'histoire à ma sauce, ça n'est pas bien compliqué, mais c'est tellement simplificateur…»

Le PCF des années 1950 ? George Marchais ? Ces gens-là ont-ils demandé la sortie de la France de l’OTAN ? Certainement pas d’une façon systématique, tant s’en faut, et pour diverses raisons dont certaines sont historiques. (Rappelées, ces raisons permettront à “Dany le Rouge” de ne pas avoir à “refaire l'histoire à [sa] sauce”, car ce bon vieux Dany est lui-même un bon spécialiste de la chose. C’est bien en effet ce jeune homme à propos duquel discourait un peu à découvert un très haut fonctionnaire de l’ambassade US à Paris, fin avril 1969 dans une mondanité du diplomatico-parisienne, après quelques verres dans le nez et après la démission du général de Gaulle suivant les conséquences diverses de mai 68 ; et glissant en a parte à Michel Jobert, sur l’air rigolard de la mi-plaisanterie triomphante et complice, que «This “Dany le rouge” has done a hell of a good job…» A prendre ou à laisser, au premier ou au second degré ; Jobert, lui, s’était fait sa religion...)

• …Suivant les derniers guillemets et la signification qu’on peut lui imputer, on rassurerait en effet Cohn Bendit en lui faisant observer qu’il est inutile d’aller chercher dans les poussières du PCF pour trouver une voix qui demandait, qui exigeait, et qui obtenait le retrait de l’OTAN. Il n’y en eut une principalement et impérativement, bien entendu, et ce fut celle de Charles de Gaulle ; et mai 68 suivi d’avril 69 permirent de limiter les dégâts déjà considérables causés par ce de Gaulle, cela du point de vue du parti-Système, américaniste-occidentaliste avant la lettre et déjà dans l’esprit.

• Pour les années 1950, en effet, l’histoire nous dit que, à partir de la mort de Staline (mars 1953) qui suivit de peu l’installation de SHAPE (le commandement intégré de l’OTAN, en 1952), l’URSS eut une politique de très grande confusion, marquée notamment par une volonté de rapprochement avec l’Ouest, jusqu’à cette fameuse demande officielle d’adhésion, adressée le 31 mars 1954 à l’OTAN. Si elle avait été traitée sérieusement par l’Ouest au lieu d’être repoussée dans l’urgence sinon la panique dissimulée sous la dérision, cette demande d’adhésion de l’URSS à l’OTAN aurait-elle pu changer bien des choses ? Question de “refaire l’histoire”, voilà un bon champ d’exploration ; mais l'OTAN ne tenait pas vraiment à être privée de son Ennemi… (Lord Ismay, premier secrétaire général de l’OTAN, écrivit dans son livre L’OTAN, les cinq premières années, à propos d’une réunion du Conseil de l’Atlantique Nord d’avril 1954 : «De même, tous les membres du Conseil se sont entretenus de la note adressée le 31 mars 1954 par le gouvernement soviétique aux trois puissances occupantes et dans laquelle — proposition assez singulière — ce gouvernement se déclarait “prêt à examiner conjointement avec les gouvernements intéressés la question de la participation de l'URSS au Traité de l'Atlantique Nord”. Les gouvernements des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni tinrent pleinement compte des points de vue des autres gouvernements membres de l'OTAN en préparant leur réponse à cette note.» Le 23 avril 1954, poursuit Ismay, le Conseil de l’Atlantique Nord rendit son verdict, selon une dialectique indirecte un peu confuse et qui paraîtrait à peine dissimuler une certaine gêne : «Le Conseil, après avoir examiné l'évolution de la situation internationale depuis sa dernière réunion, a estimé que rien ne semblait indiquer un changement dans les objectifs ultimes de l'Union Soviétique et a constaté que la puissance militaire de l'URSS et des ses satellites n'a cessé de croître. En conséquence, le Conseil a affirmé à nouveau la nécessité pour les peuples libres de rester vigilants, unis et persévérants dans l'effort.»)

• Ce rejet de la demande de l’adhésion de l’URSS fut suivie de la constitution du Pacte de Varsovie en 1955. Cette mesure était, du point de vue de l’URSS, purement réactive sinon défensive. Elle suivait l’entrée de l’Allemagne dans l’OTAN (l’Allemagne réarmée, hantise de l’URSS, peut-être pour des raisons historiques qu'on peut comprendre) ; l’entrée de l’Allemagne dans l’OTAN, sans doute à la place de l’URSS, découlait, elle, directement de l’échec de la CED du fait de la France à l’été 1954. L’échec de la CED se fit notamment et essentiellement avec la conjonction des voix des communiste et des gaullistes du RPF lors du vote de l’Assemblée d’août 1954, et la position des gaullistes étant évidemment essentielle dans ce débat. (Le point non moins évident qui donne tout son sens à ce vote était le refus de l’abandon de la souveraineté française dans cette Communauté Européenne de Défense manipulée par les USA, jusques et y compris dans l’élaboration de l’idée suggérée au Français Robert Schuman.) Pierre Mendès-France, qui dirigeait alors le gouvernement, était lui-même très proche de cette position gaullo-communiste, qui n’avait rien à voir avec l’habituelle “trahison” imputée au PCF sinon d’en être son contraire. C’est d’ailleurs à la suite de l’échec de la CED que Mendès-France accéléra dans les seamaines qui suivirent, avant la chute de son gouvernement, un travail d’information en profondeur, dont une ultime réunion générale de près d’une centaine de hauts fonctionnaires de confiance et de tous horizons bureaucratiques, pour débattre du lancement de la production d’une arme nucléaire française. Selon Michel Jobert toujours, – il participait à cette réunion, – Mendès fut convaincu à la suite de cette réunion du bien-fondé de la chose et mit sur ses rails le démarrage effectif du programme qui allait aboutir à l’armement nucléaire de la France. C’était préparer ainsi un outil magnifique qui permettrait à de Gaulle d’imposer, avec la grandeur de conception et l’efficacité de l’action qui le caractérisaient, la souveraineté de la France. (Cette anecdote qui n’est pas sans beauté revient à réunir trois hommes que l’histoire récrite à la sauce “Dany le rouge” a l’habitude de séparer, – Mendès, Jobert et de Gaulle, – et à les exprimer solidairement dans cette commune passion française qui les caractérisait.)

…Bref, l’on comprend que ce qui est reproché à Mélenchon dans cette occurrence, c’est moins le drapeau rouge et ses poussières que son intention affirmée de restaurer la souveraineté de la France, actuellement en bien mauvais état, et donc beaucoup moins ses fréquentations communistes que ses références implicitement mais authentiquement gaullistes qui sont à la fois très fortes et très évidentes. Voici donc justifiée l’information faisant partie, selon Marianne2, de cette “chasse au Mélenchon”, selon laquelle Mélenchon aurait eu et aurait des rapports cordiaux avec Henri Guaino (voir le blog de Said Mahrane, du Point.fr, le 18 avril 2012). La chose est tout à fait compréhensible, logique, et d’ailleurs visible par ailleurs et selon la simple appréciation intuitive (Guaino a eu des mots très chaleureux à la télévision sur la poussée récente de Mélenchon et sur ses succès populaires) ; et elle n’a évidemment rien de commun avec l’infamie type-parti des salonards sinon d’en être son contraire (bis). Guaino est un gaulliste souverainiste dont, semble-t-il selon les sondages, le calvaire toucherait à sa fin puisque, en cas de défaite de Sarkozy, l’évidence nous suggère de conclure qu’il n’aura plus à écrire des discours pour ce président-là. L’on observera par conséquent combien cette information Mélenchon-Guaino, ou plutôt l’utilisation qui en est faite (celui qui l’a écrite n’étant pas nécessairement en cause, le jugement reste ouvert), s’inscrit bien dans la campagne lancée contre Mélenchon, désormais dirigée par les milieux-Système évidemment de tendance américanistes-occidentalistes, relayant les habituelles pressions et actions d’origine parfaitement identifiée. Nous avons quitté le domaine folklorique pour les choses sérieuses.


Mis en ligne le 20 avril 2012 à 07H59