Loukachenko cherche la faille

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Loukachenko cherche la faille

• Normalement, Loukachenko est l’allié privilégié, presque “frère” de la Russie... • D’où, chez certains, des soupçons de trahison lorsqu’il tend la main à l’UE (par politesse) et surtout à la Pologne. • On suivra plutôt l’interprétation d’Andrew Korybko, accordée aux actuelles méandres de la politique polonaise, – la Pologne, “alliée jurée” de l’Ukraine découvrant une solide inimitié pour ce pays avec en arrière-plan de solides antagonismes culturels. • A long terme, la manœuvre biélorusse, avec le soutien russe, comme une tentative de préparer l’après-guerre.

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Le président de la Biélorussie Loukachenko a fait une déclaration détaillée, à la  fois surprenante, inattendue et illogique ; à moins, disent certains, qu’il ne trahisse la Russie... ? Assez improbable, dans l’état actuel des choses et des liens avec la Russie, allant jusqu’au déploiement d’armes nucléaires tactiques russes en Biélorussie.

Nous suivrons plutôt l’interprétation d’Andrew Korybko en examinant des extraits de cette déclaration où il est bon de noter :
1) que Loukachenko s’adresse à l’UE et à la Pologne mais c’est surtout, sinon exclusivement à la Pologne qu’il parle, et disons à la Pologne qui est si souvent en désaccord avec l’UE ;
2) que Loukachenko insiste bien sur la perspective post-électorale de la Pologne (élections à la mi-octobre), laissant entendre qu’à son sens ces élections peuvent montrer une certaine évolution, et de l’électorat polonais, et de sa direction politique, dans un sens favorable à sa proposition ;
3) que Loukachenko ne manque pas rappeler que, dans le jeu actuel, les Polonais sont manœuvrés par les USA, d’une façon contraire à leur souveraineté nationale.

Donc, Loukachenko dit ceci :

« Aujourd'hui, nous gagnons de l'argent principalement à l’Est : en Russie, en Chine. Mais nous ne devons pas négliger les contacts avec l'Occident high-tech. Ils sont tout proches, l’Union européenne est notre voisine. Nous devrions maintenir des contacts avec eux. Nous sommes prêts à le faire, mais il faut tenir compte de nos intérêts. Croyez-moi, le temps viendra (en utilisant vos termes professionnels, je dirais que nous traversons actuellement une période de turbulences), et en 2024-2025, il y aura de sérieux changements dans le monde.

» Et nous devons parler aux Polonais. J'ai dit au premier ministre de les contacter. S’ils le souhaitent, nous pouvons discuter, rétablir nos relations. Nous sommes voisins, et c’est quelque chose que l'on ne peut pas choisir, les voisins sont donnés par Dieu. Ils organisent des élections législatives le 15 octobre, ils essaient donc d’attiser les tensions afin de prouver que l'armement et le réarmement du pays étaient la bonne chose à faire.

» Par conséquent, avant le 15 octobre, il est peu probable qu'ils prennent des mesures significatives qui leur seraient bénéfiques, ainsi qu'à nous. Ils exigent et demandent beaucoup de nous, mais nous ne pouvons pas accepter cela, car c’est contraire à nos intérêts. Les Américains ont misé sur la Pologne. Mais les Polonais ne sont pas des gens stupides. Nous sommes un peuple apparenté, les Slaves. Ils comprennent parfaitement tout. Attendons de voir. Nous sommes ouverts à la coopération. »

D’abord, Korybko rappele rapidement les situation actuelle, en pleine évolution, de la Pologne par rapport à la Biélorussie et de la Pologne par rapport à l’Ukraine. Il y a, d’une façon parallèle, détérioration dans les deux cas. On pourrait croire que la détérioration des relations Pologne-Biélorussie est bien plus grave, vu l’importance quasi-divine que le simulacre accorde aujourd’hui au soutien de tous les attirails de l’Ouest-convulsif à l’Ukraine contre la Russie haïe pour l’éternité. Il semble que ce ne soir pas l’avis de Loukachenko qui fait l’aimable proposition qu’on a vue.

« Les relations de la Pologne avec le Belarus et l'Ukraine se sont détériorées parallèlement au cours du mois dernier... En ce qui concerne le premier, un renforcement militaire sans précédent est en cours le long de la frontière polonaise, sous prétexte de répondre aux menaces présumées du PMC Wagner. Pour ce qui est de la seconde, les deux pays sont désormais engagés dans un cycle auto-entretenu de différends économiques et politiques qui ne semble pas près de s'arrêter.

» On aurait pu penser que les problèmes polono-ukrainiens seraient plus faciles à résoudre compte tenu de leur grand objectif stratégique commun consistant à “contenir” la Russie dans la guerre par procuration que mène l'OTAN contre elle, mais il s’avère que Loukachenko vient de prendre l’initiative en proposant un rapprochement avec la Pologne vendredi. Tout le monde a été pris au dépourvu après qu’il ait mis en garde contre les incursions par procuration de type Belgorod et les menaces pour la sécurité de son pays de toute opération militaire polonaise potentielle dans l'ouest de l'Ukraine. »

Korybko analyse les différents scénarios possibles, notamment ceux d’une “trahison” de Loukachenko. Il ne leur accorde guère de crédit, selon certains arguments qu’on a vus plus haut des liens obligatoires actuels entre la Russie et la Biéloriussie. Au contraire, Korybko tient pour probable sinon certain que cette initiative de Loukachenko, non seulement a été prise après information et accord de Poutine, mais qu’elle a été prise à la suite d’une élaboration commune Poutine-Loukachenko.

On observera qu’à notre sens, cette sorte de manœuvre est bien dans la manière de Poutine, qui tient comme contraire à la nature des solidarités naturelles (nations slaves et traditionnalistes) l’actuel antagonisme avec la Pologne, qu’il voit comme le produit du poison des relations transatlantiques charriant les “valeurs” modernistes et progressistes vers les pays européens. On voit encore ici que le centre d’intérêt est bien la Pologne, et nullement l’UE, et éventuellement ce que la Pologne a d’antagoniste vis-à-vis d’une UE totalement idéologisée.

« À la lumière de cette analyse, il apparaît clairement que la proposition surprise de Loukachenko en faveur d'un rapprochement entre la Biélorussie et la Pologne a été l’un des sujets abordés avec le président Poutine lors de leur dernière rencontre, à la fin du mois de juillet. Même si leurs remarques à l’époque mettaient en garde contre la menace régionale que représentait le renforcement militaire non provoqué et sans précédent de la Pologne le long de ses frontières orientales, c’est précisément pour cette raison qu’ils auraient probablement aussi exploré une solution pacifique.

» Ces intentions pragmatiques sont rendues publiques à ce moment précis afin d’exploiter l’opportunité offerte par la détérioration rapide des liens économiques et politiques entre la Pologne et l'Ukraine. Zelenski est censé être un allié polonais et Loukachenko un ennemi aux yeux de nombreux Polonais, mais les rôles sont maintenant inversés après que le dirigeant biélorusse a tendu son rameau d'olivier. Dans le meilleur des cas, cela pourrait modifier les perceptions populaires et permettre à la Pologne de réagir positivement après les élections de l’automne. »

Si nous suivons notre démarche, l’initiative de Loukachenko soutenue par Poutine serait de dire aux Polonais : “Laissons ces contines de conquêtes du monde aux neocons. Parlons plutôt net : préférez-vous vous opposer à un pays, ou un groupe de pays, qui interdit les pratiques démentes des LGTBQ, ou être sous la domination d’un pays qui, au contraire, met toute sa politique au service des LGTBQ dans leurs débordements les plus déments ?”

Note de PhG-Bis : « Pour en rajouter, on dira [PhG en grognant] qu’il s’agit en fait, selon Wendy McElroy, des ‘2SLGBTQ+IA’, selon un sigle qui désigne “les personnes bispirituelles, lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queer, en questionnement, intersexes, androgynes et asexuelles”. Il faut savoir ce que l’on veut, ce que l’on est et ce que l’on sera. »

Nous ne sommes pas, dans ces lignes, en train de mesurer d’une part le degré de “franchise et d’honnêteté” de Loukachenko, – même la presseSystème peut en faire bon usage ; ni en train d’évaluer les chances que cette initiative éveille quelque intérêt chez les Polonais ou ne provoque qu’un éclat de rire méprisant. Nous sommes en train d’évaluer l’enjeu exact de cette proposition sans même argumenter que Loukachenko, voire Poutine, savent exactement sur quoi elle porte.

Nous faisons simplement le constat que la proposition de Loukachenko, hors du discours qui la présente, porte en réalité sur cet enjeu colossal de la culture, des mœurs, d’une façon d’être, du destin d’une civilisation. Nous nous appuyons sur des constats évidents et répétés, comme par exemple cette remarque de monsieur Bertez :

« En son temps je me suis fait l’écho de la déclaration authentique du patron des services de renseignements britanniques lequel avait déclaré que la guerre en Ukraine était une guerre contre les transphobes et autres homophobes, une guerre en défense des LBGTQ etc. »

C’est dire encore, pour bien comprendre le président biélorusse Loukachenko, qu’on observer ceci... Sa démarche est largement destinée au peuple polonais encore plus que vers son gouvernement, et au peuple polonais post-15 octobre en espérant, dans le chef de Loukachenko-Poutine, qu’il aura voté de façon significative pour le mouvement ‘Confédération’, traditionnaliste, hostile à la guerre contre la Russie et à l’Ukraine postmoderne du clown-Zelenski, – c’est-à-dire “populiste !” cracheraient nos propres clowns de salon et de plateaux TV. Une affirmation importante dans ce sens renforcerait la dynamique anti-ukrainienne de la direction polonaise et nous conduirait effectivement vers de nouveaux évènements pour 2024-2025.

La stratégie russe, au-delà de l’événement tactique que représente la guerre en Ukraine, est de briser l’axe transatlantique UE-OTAN, moins pour d’hypothétiques gains géopolitiques et beaucoup plus pour afficher clairement que la GrandeCrise en cours est de nature ontologique, portant sur tout ce qui constitue une civilisation, du spirituel au cuturel, et même en descendant à l’économique si l’on veut (Loukochenko précise bien qu’il s’agit de “gagner de l’argent”). C’est effectivement dans ce champ qu’il faut apprécier les folies du wokenisme et cette immense caravane de machine à profit, de corruption, d’abaissement des principes, de déconstructuration générale qui l’accompagne sur le rythme endiablée d’une danse macabre. Les horreurs de la guerre en Ukraine ne peuvent vraiment se comprendre qu’avec cette référence à l’esprit, avec toujours un petit air d’Armageddon.

 

Mis en ligne le 12 août 2023 à 19H30