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1766... Il est de bon ton, comme certains continuent à nous le dire de la façon qu’on vous chapitre, de constater que l’“Empire” triomphe comme d’habitude. Il a établi sa loi sur l’Ukraine et sur la Turquie et ces deux pays sont des modèles de bon fonctionnement en faveur de l’avancée des machinations de l’“Empire”. Bref, il est de plus en plus difficile de comprendre comment les mêmes “certains” peuvent continuer à nous expliquer que les entreprises de subversion du Système, par Soros & USA interposés, donnent quelque résultat que ce soit, sinon un désordre qui ne cesse de miner ceux qui l’ont déclenché. L’antiSystème sait qu’il faut “faire aïkido” pour l’emporter, et il n’y a pas meilleur faiseur d’aïkido contre lui-même que le Système... Cela dit, l’on ne s’ennuie pas, les aspects bouffes de la tragédie-bouffe étant souvent extrêmement marquants.
• ... Il en résulte que certaines têtes qui vous enrageaient rien qu’à les voir sur une photo, soudain deviennent sympathiques. Ainsi de Saakachvili l’inimitable ex-président géorgien devenu fuyard de son pays où il est inculpé pour divers délit, épisodiquement racheté par les banquiers de Wall Street & Soros, récemment passé à l’Ukraine et à la nationalité ukrainienne pour recevoir le poste de gouverneur de la province d’Odessa. On eut l’occasion de se scandaliser ou de grincer de dérision c’est selon à propos de cet événement incroyable ; et puis, changement brutal de perception et d’appréciation pour ceux qui savent saisir l’antiSystème là où il surgit de la façon la plus inattendue, jusqu’à cette scène où l’on voit cette réunion houleuse à propos de la corruption des ministres entre Saakachvili et des représentants du gouvernement ukrainien, impérialement présidée par le “roi du chocolat” Porochenko, se terminant par le geste vigoureux du ministre de l’Intérieur de Iatseniouk/Porochenko, Andrei Avakov, jetant un verre d’eau à l’auguste visage saakachvilien, disons en pleine poire, souligné d’un vigoureux “espèce d’enculé” (“fuck Saakachvili” dirait Victoria Nuland, oubliant complètement son sens de l’orientation). Pendant ce temps, l’oligarque Igor Kolomoïski, que Saakachvili a détrôné à Odessa, arpente les rues de sa ville et donne son analyse de la situation en expliquant que s’il croise Saakachvili, il “lui cassera la gueule”.
Saakachvili en chevalier blanc anti-corruption, et avec de nombreux arguments de son côté ! On croit rêver et pourtant l’on ne rêve pas. Ainsi a-t-il convoqué le 23 décembre un séminaire, très American-style, pour lancer son mouvement “Pour la purification de l’Ukraine” où il nous décrit la situation en Ukraine... Qui décrirait mieux cette situation qu’il ne le fait, c’est-à-dire se faisant ainsi dénonciateur actif de tous les contes et toutes les illusion BHLesques qui ont accompagné la saga de Maidan ? Saakachvili en passeur de la vérité, dans tous les cas d’une vérité-de-situation qui n’en peut mais, et il sera dit que nous aurons tout vu. Voici la chose, rapportée par Sputnik-français, y compris avec les allusions vipérines qui s’imposent... Tout cela nous suffit à ce point pour comprendre à quel point “Kiev-la-folle” l’est plus que jamais, en mode-turbo.
« La situation en Ukraine n’a jamais été aussi mauvaise qu’aujourd’hui, même lors de la présidence de Viktor Yanoukovitch, estime l’ex-président géorgien et gouverneur de la région d’Odessa Mikhaïl Saakachvili. Lors d’un forum anticorruption qu’il a lui-même organisé à Kiev, il a déclaré que la corruption perçait actuellement toutes les sphères de la vie et que le seul moyen de résoudre ce problème était de joindre les rangs de son nouveau mouvement ‘Pour la purification de l’Ukraine’.
» “Depuis tout ce temps que j’ai passé en Ukraine, je n’ai jamais rencontré une seule personne qui me dise qu’il y a moins de corruption dans ce pays qu’à l’époque Yanoukovitch. Pis encore, chaque jour j’entends parler de surenchères de pots-de-vin. Tous les propriétaires de petites et moyennes entreprises que j'ai rencontrés m'ont confié que la situation n’a jamais été aussi grave: que ce soit sous le président Léonid Koutchma, à l’époque [du mouvement “orange”], ou sous Yanoukovitch”. L’arrivée du nouveau pouvoir en place n’a fait qu’aggraver la situation actuelle. L’administration ukrainienne n’est préoccupée que de son rôle dans la distribution des biens matériels, souligne [Saakachvili]. Derrière le slogan du parti présidentiel “Vivre de manière nouvelle”, il n’y a que des gestionnaires et des politiciens qui vivent effectivement “de manière nouvelle“, mais pas de simples citoyens ukrainiens. [...]
» ...Il est toutefois curieux de noter que la plupart des participants sont arrivés au forum afin d’“améliorer la situation” en Ukraine en Lexus, Mercédès, BMW et autres voitures de luxe, [observent] les médias ukrainiens. »
• Pendant ce temps, la situation en Turquie mérite également d’être suivie. Le site Fortrus.blog donne le 23 décembre une traduction d’un texte de Andrei Ivanov, de Free Press (Svobodnaya Pressa). Ivanov offre une appréciation de l’action de la Russie vis-à-vis de la Turquie depuis la destruction du Su-24 russe, il y a exactement un mois aujourd’hui. L’évolution de la situation des relations entre la Turquie et la Russie s'est faitte à une prodigieuse rapidité en un mois, se renversant totalement et dépassant tout aussi rapidement le simple fait de la pression militaire russe sur la frontière syrienne de la Turquie, tandis que la situation en Turquie se détériore à une vitesse également très grande. Il y a maintenant une diplomatie russe active, et une diplomatie “subversive”, face à un pouvoir qui se comporte de la manière la plus étrange, sous l’influence d’un Erdogan qui semble de moins en moins s’encombrer des vérités-de-situation dans sa direction de la politique turque ; comme avec cette non moins étrange déclaration du ministre des affaires étrangères de Turquie observant que, si cela était nécessaire, la Turquie pourrait envahir la Russie et viendrait à bout de ce pays en sept jours, – c’est-à-dire le temps que Dieu consacra à la création du monde...
Ivanov : « Actuellement, Moscou a toutes les cartes en main. Le dialogue avec le pouvoir actuellement en place à Ankara est impossible. Ankara refuse toujours de présenter ses excuses pour la destruction du Su-24 et joue à tenter d’intimider Moscou. L’affirmation récente du ministères affaires étrangères turc selon lequel, en cas de conflit, le sort de la Russie serait réglé en sept jours peut difficilement être qualifiée d’amical. Pour autant, la Russie ne manque pas d’affirmer qu’elle considère les Turcs comme nation amie. Il est évident qu’Erdogan et son parti ne représente nullement l’entièreté du pays. On voit bien que les USA utilisent souvent les contradictions internes de pays étrangers pour fomenter des changements de régime. Peut-être le temps est-il venu pour la Russie d’en faire autant ? »
Ivanov fait une synthèse de la situation en Turquie que certains comparent désormais à une “guerre civile” en route, et aussi une synthèse des contacts entre l’opposition à Erdogan et les Kurdes avec la Russie qui ressemble désormais effectivement à cette technique bien connue sous le nom de regime change. Selahattin Demirtash, dirigeant du parti d’opposition turc Démocratie du Peuple, qui représente 13% des votes en Turquie et qui est le seul parti d’opposition pro-kurde, a commencé mardi une visite à Moscou, avec l’intention de rencontrer le ministre russe des affaires étrangères Lavrov. Ivanov a interrogé le directeur du Centre des Études du Moyen-Orient et de l’Asie Centrale, Semen Bagdasarov, d’abord à propos des affrontements avec les Kurdes en Turquie :
« Il n’y a pas seulement des affrontements en Turquie, il y a une guerre civile. Demitarsh a averti il y a quelques mois que le pays se trouvait au bord de la guerre civile, et nous y sommes, après les déclarations d’Erdogan et du Premier ministre Davutoglu que “la libération des territoires des bandits qui l’occupent a commencé”. En fait, il faut parler d’une épuration ethnique, avec des milliers de personnes qui abandonnent leurs villes et leurs villages. Le PKK a déclaré que la guerre a commencé. »
Il apparaît de plus en plus assuré que les Russes vont jouer à fond la carte de soutien des Kurdes, selon une cause qui est par ailleurs, – étrange prolongements, – l’une des plus populaires dans “le parti des salonards” si actif (et si antirusse) dans les pays du bloc BAO. Moscou ne fera aucune distinction entre les Kurdes des régions différentes, si bien que son aide, militaire, de l’armement et de la logistique, voire opérationnelle avec des frappes aériennes, ne sera pas loin de toucher le territoire turc lui-même.
Ivanov, encore : « Le leader de l’Union Internationale des Organisations Publiques Kurdes, Merab Shamoev, dit que les tous les Kurdes dans le monde fondent désormais de grands espoirs dans l’aide et l’action de la Russie : “La Russie a lancé une campagne aérienne en Syrie et la situation dans ce pays a changé. La Russie est un membre permanent du Conseil de Sécurité. Malgré toutes les tentatives pour l’isoler, la Russie reste une grande puissance. Les Kurdes d’Irak, de Syrie, de Turquie et d’Iran se tournent fondent de grands espoirs sur la Russie. D’autre part, les Kurdes ne cherchent pas la sécession, ils demandent l’autonomie, dans une structure fédérale ou confédérale des États concernés, c’est-à-dire selon les normes du droit international.” »
Outre le désordre, qui est désormais une constante de la situation générale, et singulièrement des situations ukrainienne et turque, il y a une même dynamique qui caractérise ces deux pays, qui les relie intimement du point de vue des circonstances. Leurs visions et leurs ambitions politiques se sont singulièrement rétrécies en quelques mois, sinon quelques semaines. Ils sont passés tous deux d’ambitions internationales au niveau régional, en se targuant du soutien soi-disant puissant du bloc-BAO et des USA (formule OTAN & Soros), à des situations nationales et locales marquées par la plus extrême confusion, et caractérisées par des tensions centrifuges, par l’affaiblissement ou la contestation du pouvoir central, et/ou la schizophrénie grandissante de ce pouvoir central. La Russie est partie prenante dans ces deux situations et se trouve en position de confrontation, passive ou active, où elle détient affectivement nombre de cartes, en trouvant des alliés, directs ou “objectifs”, assez peu probables il y a encore quelques mois (les Kurdes), et complètement surréaliste pour tous les temps d’un Saakachvili se dressant contre le pouvoir central ukrainien et antirusse parce qu’il se trouve laissé-pour-compte dans la grande braderie de la corruption de la direction ukrainienne.
Le désordre se fiche bien des raisonnements sur l’intérêt, l’hégémonie, les grands plans et les Grands Jeux. Il prend en compte les incroyables faiblesses des dirigeants de ces pays à la fois manipulés et manipulateurs, leur corruption, leur hybris de bazar, leur incontrôlabilité par ceux-là (eux-mêmes corrompus et noyés dans l’hybris de mauvaise qualité) qui avaient cru en faire leurs marionnettes et qui se trouvent pris au piège de ces mauvaises fréquentations. Nous sommes dans une époque marquée par l’inversion de l’influence comme l’observe Immanuel Wallerstein (“les marionnettes tiennent leurs tireurs de ficelles, et non l’inverse”) : « Most analysts of the current strife tend to assume that the strings are still being pulled by Establishment elites... [...] This seems to me a fantastic misreading of the realities of our current situation, which is one of extended chaos as a result of the structural crisis of our modern world-system. I do not think that the elites are any longer succeeding in manipulating their low-level followers... [...] I think however that step one is to cease attributing what is happening to the evil machinations of some Establishment elites. They are no longer in control...»
Quand les marionnettes deviennent folles dans cette sorte d’époque, les “maîtres”, ceux qui jouent à l’hégémon, sont obligés de chercher à dénouer un peu le nœud de ce lien si encombrant tout en cherchant à conserver ce lien, et leur hégémonie apparaît pour ce qu’elle est, un exercice de grand écart sans aucun avantage assuré ni influence décisive, – car “le roi est nu” pardi. C’est ce qui est survenu et qui survient avec l’Ukraine et avec la Turquie, dont les destins semblent désormais répondre à une logique mimétique et dont leur maître commun ne sait plus quoi en faire sinon se faire lui-même de plus en plus discret tout en clamant qu'il reste indispensable. Bien entendu, l’habile Erdogan a jugé d’excellente manœuvre de lancer une grande campagne de coopération avec l’Ukraine, avec des accords fructueux à le clef. Plus on est de fous, et pourvu que ce soit d'une folie similaire... Ainsi les Kurdes seront-ils des alliés objectifs de l’abracadabrantesque Saakachvili, sous le regard aimable et attentif du “maître du Kremlin”, comme l’on dit à France 24.
Mis en ligne le 24 décembre 2015 à 15H09
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