Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
• Deux affaires importantes mettent en lumière la stratégie faussaire des USA en déclin, conduits par un Trump en délire. • D’une part, la querelle avec le Venezuela, qui vient de ratifier son traité avec la Russie, réveille l’antiaméricanisme du continent. • D’autre part, l’accord officiel de défense entre l’Arabie Saoudite et le Pakistan après l’attaque israélienne de Doha que les USA n’ont pas empêchée alors qu’ils étaient au courant. • En fait, plus l’empire décline, plus grandissent ses illusions et ses agressions. • Stratégie du ‘DoubleDowning’.
________________________
Le Washington de Trump 2.0, décidément inimitable dans la distorsion et la trahison chaotiques des promesses de l’aube de son second mandat, vient de réussir deux coups gagnants, – dits “impasse et cul-de-sac” dans la dialectique du jeu, – mettant en évidence les vertus d’inversion de sa Grande Stratégie... C’est-à-dire, comme je l’ai comprise : cogner très-fort pour ensuite proposer un ‘perfect deal’ très-avantageux pour le cogneur, qui recueillera ainsi les remerciements larmoyants et les génuflexions empressés du punching ball, fort satisfait de ce traitement.
Les deux “coups gagnants” sont respectivement le Venezuela et le couple Arabie Saoudite-Pakistan. On s’explique.
Les USA surveillent l’affaire depuis longtemps, depuis les débuts de Chavez et sa résistance victorieuse à un changement de régime en 2003. On se disait, au Washington de toutes les saisons, d’Obama-Biden à Trump, qu’on ne ferait qu’une bouchée de son successeur Maduro.
En 2018, le brillant Bolton avait eu l’idée d’une possibilité de coup d’Etat/invasion à Caracas ... Mais l’élu démocratique de la CIA pour le remplacer, un nommé Guaido, n’était qu’une pauvre savate à chaussettes trouées. Maduro l’a balayé, et Maduro est toujours en place. Entretemps, d’autres horizons (Kiev, Gaza) sollicitaient cette brillante stratégie. Parallèlement, Maduro commença à nouer des liens avec Moscou.
Là, tout d’un coup, Trump 2.0 devenu ‘America Firster’ s’avisa qu’il y avait intrusion sur le sous-continent des pouilleux du Sud. Le Venezuela était irrésistible pour lui : du pétrole, beaucoup de pétrole ! Et Moscou, maintenant, qui va jusqu’à signer un traité d’amitié et de coopération avec Maduro en mai dernier, et avec un volet sécurité important (armes et tout le toutim : « résistance aux sanctions, le multilatéralisme et la défense de la souveraineté contre les ingérences étrangères »). C’en est trop : on mobilise l’US Navy en masse et l’on coule l’une et l’autre barcasses intitulées “flotte des narco-trafiquants”. Maduro fait approuver en urgence le traité russe par le Parlement (à l’unanimité), ce qui implique un grand intérêt immédiat sinon très concret de la Russie en cas de danger, en plus de la promesse renouvelée d’appuyer la demande d’entrée dans le groupe des BRICS+ du Venezuela.
Quelles sont les perspectives ?
« Les États-Unis cherchent à démontrer à la Chine et à la Russie que, même si le Venezuela est considéré comme leur allié dans l'hémisphère occidental, ils contrôlent en fin de compte la région, explique à Sputnik le Dr Vinicius Vieira, de l'Université de São Paulo.
» Les États-Unis “redessinent le partage du monde, où ils doivent asseoir leur suprématie dans l'hémisphère occidental, en particulier dans les Caraïbes, en Amérique centrale et dans le nord de l'Amérique du Sud”. » [...]
« Les États-Unis “se livrent à un jeu très dangereux, menaçant le Venezuela”, prévient Vieira. ”Le plus grand risque est un incident entre les forces vénézuéliennes et américaines, susceptible de déclencher une guerre majeure dans la région, aux conséquences mondiales”. »
Effectivement, nous sommes bien partis pour une aggravation difficilement contrôlable de la situation. Tandis que l’Argentin Milei, le seul vrai ‘ami” de Washington du continent, affronte un très gros temps, on sent une tension croissante autour de la crise vénézuelienne. Lula du Brésil, homme de paix certes, s’est plutôt brouillé avec Washington ces derniers mois ; il serait étonnant qu’il ne fasse rien par rapport à l’évolution de la situation au Venezuela.
Luis Arce, le banquier bolivien devenu socialiste et populiste, a sans doute bien résumé l’avis général lorsqu’il a dit furieusement :
« Washington utilise la prétendue guerre contre la drogue comme prétexte pour exercer une domination politique et économique sur l'Amérique latine, a affirmé mercredi le président bolivien Luis Arce. Il a vivement critiqué le déploiement militaire américain dans le sud des Caraïbes, le qualifiant de tentative de contrôle de la région plutôt que de véritable lutte contre le trafic de stupéfiants.
» “Nous savons que derrière l'échec de cette guerre internationale contre la drogue se cache le véritable objectif : contrôler géopolitiquement l'Amérique latine pour ses ressources naturelles et démanteler les peuples organisés, afin que nous ne puissions pas poursuivre notre propre voie souveraine”, a déclaré M. Arce, s'exprimant par visioconférence lors du 13e Sommet extraordinaire de l'Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique. »
On sait que depuis février 1945 et la rencontre de Ibd Ben Saoud et du président Roosevelt retour de Yalta sur un croiseur de l’US Navy qui fit escale au Caire, la sécurité de l’Arabie est assurée par les États-Unis en échange d’une garantie de livraison de pétrole. Ces dernières années, le marché a tangué, à mesure que les capacités des USA se détérioraient et que leur comportement politique devenait de plus en plus erratique. Les Saoudiens avaient déjà pris contact avec les Pakistanais desquels ils sont très proches, et ils ont resserré ces contacts ces dernières années jusqu’à une situation d’une véritable alliance militaire. Des sources affirment que le Pakistan s’est engagé à livrer des ogives nucléaires à l’Arabie en cas de danger, l’Arabie ayant acquis des fusées balistiques chinoises qui peuvent être équipées de telles têtes.
L’attaque israélienne sur Doha a tout changé. Malgré de vagues regrets de Trump, il est acquis, notamment pour les Saoudiens, que les USA étaient au courant et avaient approuvé l’attaque. Les pays arabes se sont réunis pour envisager une riposte et constater que les USA n’ont plus de capacité, ni même de volonté, comme celles qu’ils avaient affichées en 1945, – aux temps bénis, soupirent les uns ou les autres, où Israël n’existait pas. Cette évolution des pays arabes, ou disons musulmans, est désormais actée par la signature d’un traité entre les deux pays.
« L’Arabie saoudite et le Pakistan, pays doté de l'arme nucléaire, ont signé un pacte officiel de défense mutuelle, renforçant ainsi le partenariat de sécurité qui unit les deux pays musulmans depuis des décennies.
» Cette décision intervient peu après une session conjointe extraordinaire de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), au cours de laquelle les États membres ont condamné l'attaque israélienne perpétrée la semaine dernière contre Doha, la capitale du Qatar, qui visait des responsables du groupe armé palestinien Hamas. Selon les médias, cet incident a suscité des inquiétudes parmi les pays du Golfe quant à la capacité des États-Unis à garantir leur sécurité. »
On observera que la coopération entre Arabie et Pakistan n’est pas nouvelle, y compris et surtout dans le domaine militaire. Mais la voilà concrétisée par un document officiel signé en grandes pompes, c’est-à-dire signé pour être vu et su. Il est clair que c’est ainsi affirmer que d’autres orientations vont suivre, notamment un équipement militaire saoudien qui, désormais, s’alimentera à d’autres sources que l’américaniste, – la russe, par exemple, et bien sûr la Chine où des acquisitions ont déjà été faites par l’Arabie. Il s’agit quasiment d’un renversement d’alliance.
Il y a peu, nous abordions le problème, quasiment psychiatrique, de la « pathologie du ‘DoubleDowning’ ». Ici, nous nous trouvons devant son application pratique, une véritable stratégie du ‘DoubleDowning’, conduite effectivement par une pathologie du même genre, renvoyant à l’exceptionnalisme américaniste et à ses caractères psychologiques d’inculpabilité et d’indéfectibilité directement enfantés par le Système et par la modernité que les États-Unis ont réalisée “en mode-turbo”.
Finalement, Trump en est le parfait représentant dans le genre bouffe. S’appuyant sur cette certitude inconscient d’avoir toujours moralement raison et d’être toujours sûr de l’emporter, il a été élu sur un programme implicite de repli et de retrait correspondant au destin du déclin américaniste, sinon de l’effondrement. Il a nommé cela ‘America First’ et a fait exactement le contraire, et de ce qu’avait fait ‘America First’ avant lui, et de ce qu’il promettait de faire.
A la tête d’un Amérique qui perd sa puissance et son influence à une très grande vitesse, il agit comme s’il disposait plus que jamais de cette puissance et de cette influence, comme s’il en acquérait en supplément en quelque sorte : plus il dépense ce qui n’existe plus, plus il renforce son portefeuille de triomphes divers, – ainsi rêve-t-il son destin sans pareil. Plus il rencontre de résistance, plus il en remet (‘DoubleDowning’), persuadé que c’est parce qu’il n’a pas frappé assez fort qu’il n’a pas réussi la fois précédente. Il fait cela même dans des positions de soumission complète, comme avec Israël et son attaque sur Doha, qu’il gère indirectement comme une ruse triomphante dont il aurait eu lui-même l’idée et le projet alors qu’Israël le manipule à ciel ouvert.
Le résultat est évident : une accélération extraordinaire du processus de déclin, l’“empire” bel et bien voué à disparaître, dispersé en milliers et milliers de confettis, déchiqueté, gâché et gâté, écrasé, ridiculisé.
Mis en ligne le 22 septembre 2025 à 17H10