Les mille-et-une nuits du Grand Sud-Est

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Les mille-et-une nuits du Grand Sud-Est

• A l’occasion de quelques précisions importantes données par l’ambassadeur de Russie en Arabie, on devine l’importance des changements en cours dans le grand rassemblement en train de se faire contre l’ordre ancien (dit-“Ouest-Collectif”). • Il est question bien entendu de l’Arabie et des BRICS, mais aussi, et plus encore, de l’OSC et de nombreux autres pays. • La tendance implique « un rééquilibrage de ces ensembles vers l’Est à partir de l’organisation d’un socle important au Sud ». • Rien n’est tranché mais tout est en marche.

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L’offensive multipolaire générale conduite par les Russes et les Chinois au niveau de la stratégie politico-économique et culturelle, outre un travail de fond évoqué par ailleurs dans un texte de ce jour, est marquée périodiquement par des poussées de communication qui nous informent sur l’avancement du programme qu’on nomme également “Grand-Sud”, et qui pourrait être désigné comme le “Grand-Sud-Est”, – on va voir pourquoi. L’occasion ici est une longue interview donnée à RIA-Novosti (synthétisée par RT.com) de l’ambassadeur russe à Ryad et concernant d’abord l’Arabie Saoudite bien sûr, mais d’autres pays également.

Pour rappel et en accès facilité, ce que dit le texte publié parallèlement :

« Et ainsi, sous nos yeux et dans nos oreilles, nous voyons la cause de la multipolarité, de l’anti-Occident, et peut-être bien de l’antiSystème pour ceux qui savent ce que signifie l’expression pour nous, progresser à pas de géant. Le premier texte nous parle des relations de l’Égypte avec la Russie, rappelant la façon dont les ambassadeurs du G7 ont été renvoyés à leurs dorures alors qu’ils venaient enjoindre au ministre égyptien des affaires étrangères de ne pas recevoir Lavrov l’été dernier ; le second de l’Afrique du Sud qui prépare des manœuvres navales conjointes avec la Russie et la Chine, qui commenceront dans quatre jours. Tout cela sent son BRICS+ (l’Égypte est candidate), dont le commentateur nous fait comprendre, dans le second cas, que la chose prend de plus en plus des allures militaires. »

Dans les déclarations de l’ambassadeur russe à Ryad Sergei Koslov, on parle donc essentiellement de l’Arabie, et ce sont les grands points à cet égard qui sont repris par RT.com. D’ores et déjà, on observe un élément assez nouveau : la mention de l’OCS (Organisation de Coopération de Shanghai) en plus des BRICS, et même plus que les BRICS pour l’Arabie. (devenir membre de l’OCS est « activement discutée », devenir membre des BRICS est « est à l’étude » ; devenir membre de ces organisations, « principalement l’OCS ».) Cela mérite un commentaire auquel nous nous attachons plus loin.

« “Dans le cadre de la diversification de la politique étrangère du royaume, l'Arabie saoudite souhaite rejoindre des associations internationales telles que l'OCS et les BRICS”, a déclaré Kozlov dimanche dans une interview accordée à RIA Novosti.

» Selon l'ambassadeur, la possibilité que le pays du Golfe devienne membre de l'OCS est activement discutée, tandis que l'idée de rejoindre les BRICS est à l'étude.

» “En général, la volonté de [nos] partenaires saoudiens de devenir une partie intégrante de ces organisations multilatérales, principalement l'OCS, semble avoir de bonnes perspectives", a déclaré M. Kozlov. »

Dans le même article, l’accent est pourtant mis sur les BRICS, avec quelques précisions sur les demandes d’adhésion de divers pays à cette organisation, dont Lavrov a dit il y a au début de cette année qu’ils étaient « plus d’une douzaine ».

Actuellement, les nations BRICS, – Afrique du Sud, Brésil, Chine, Inde et Russie, – regroupent plus de 40% de la population mondiale et près d’un quart du PIB mondial... Pour la liste d’attente :

« L'Algérie, l'Argentine et l'Iran auraient demandé à rejoindre les BRICS, tandis que le Bangladesh, l’Égypte, les Émirats arabes unis et l'Uruguay sont membres de sa Nouvelle banque de développement. L'adhésion potentielle de l'Argentine est soutenue par la Chine, selon plusieurs sources.

» Le Bahreïn, le Bangladesh, l'Indonésie, l'Égypte, le Mexique, le Nigeria, le Pakistan, le Soudan, la Syrie, la Turquie, les Émirats arabes unis, le Venezuela et le Zimbabwe ont également manifesté leur intérêt pour devenir membres des BRICS. »

Montée de l’OSC, vers l’Est

Il est remarquable, dans ces courtes mais significatives nouvelles, plus celles qu’on relève dans l’autre texte mis en ligne aujourd’hui que de nouvelles tendances apparaissent dans les regroupements symbolisé par le terme “Grand-Sud”, – dont l’identification du symbolisme géographique pourrait devenir plutôt “Sud-Est”.

• La référence à l’OSC, organisation largement centrée sur les questions de sécurité (pas une “OTAN de l’Est”, plutôt une autre forme...), prend désormais autant d’affluence que celle des BRICS+. C’est particulièrement évident, comme on l’a vu, avec l’Arabie Saoudite, ce qui semblerait indiquer des préoccupations du type sécuritaire. (Dire qu’il y a peu, certains parlaient d’“une OTAN du Moyen-Orient” regroupée autour de l’Arabie !)... Comme si l’Arabie pensait désormais qu’aller au BRICS est moins urgent qu’aller à l’OSC, d’autant que l’Arabie est dans l’OPEP avec quelques amis des BRICS.

• Par ailleurs, on a vu que les BRICS peuvent devenir une sorte de creuset pour une coopération militaire qui ne demande qu’à se développer (comme décrit par ailleurs, entre l’Afrique du Sud comme organisatrice de manœuvres navales, la Chine et la Russie).

• Le fait est que ces deux organisations, – BRICS et OSC, – n’ont pas encore “digéré” la crise ‘Ukrisis’ et n’ont pas encore envisagé les modifications structurelles vers lesquelles pousse cette énorme extension de la GrandeCrise. Cela pourrait être fait à l’occasion de l’entrée de nouveaux membres ici ou là, avec d’éventuelles modifications dans le sens d’une plus grande coopération stratégique, avec une nette orientation, un rééquilibrage de ces ensembles vers l’Est à partir de l’organisation d’un socle important au Sud.

• D’une façon inhabituelle, ou peut-être annonçant de nouvelles formes de comportement écartant la géopolitique chaotique de ces dernières décennies, BRICS et OSC regroupent et attirent des pays qui, dans l’ancien système, se trouvaient (se trouvent encore) en état de confrontation, – entre Arabie, Syrie, Iran, Turquie, etc. Un tel regroupement fondant une nouvelle forme de géopolitique se fera évidemment en s’appuyant sur le Grand Sud et en déplaçant le centre de gravité vers l’Est, par rapport à l’axe transatlantique en crise existentielle profonde.

• Tout cela n’a rien d’inattendu ni de révolutionnaire sauf si l’on se réfère à l’ordre ancien en cours de dissolution. Il nous est simplement indiqué que BRICS et OSC devront nécessairement devenir des outils, – non pas nécessairement le[s] centre[s] ni les modèles mais des outils essentiels de l’organisation du monde qui devra peu à peu émerger sur les ruines de la crise civilisationnelle que nous connaissons. Par contre, bien entendu, nous ne connaissons encore rien d’essentiel de cette nouvelle “organisation du monde”.

 

Mis en ligne le 14 février 2023 à 14h55

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