Glossaire.dde: l’antiSystème

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Glossaire.dde : l’antiSystème

27 juillet 2016 – Il nous paraît particulièrement opportun de présenter, dans le temps présent et selon les événements courants dont on sait que nous les jugeons directement inspirés par la métahistoire, le concept d’“antiSystème”. Nous l’utilisons quasi-naturellement depuis 2009, et sous cette forme orthographique exactement depuis le 10 décembre 2010. On sait que nous tenons pour prodigieuses l’accélération de l’Histoire et la contraction du Temps qui en résulte. L’effet principal est l’empilement d’évènements extraordinaires, largement répercutés par le système de la communication dans certains de ses canaux. La presse-Système aux abois tente par tous les moyens de dissimuler ce phénomène colossal au grand public, utilisant systématiquement les moyens les plus grossiers et les plus infâmes pour accomplir sa besogne, y compris le déni par absence, par silence, par ignorance volontaire et sinistre mutisme, etc., tout cela servi par un effondrement extraordinaire à la fois de l’esprit critique et de la lucidité des manipulateurs de la chose, dans la soumission la plus basse et qu’on doit juger abjecte au Système dont ils n’osent imaginer qu’il s’agit d’un monstre à substance extrahumaine, totalement hors de contrôle, totalement déchaîné. Au contraire, le phénomène antiSystème, structuré notamment et même essentiellement à partir de ce que nommons “presse-antiSystème” (réseaux, internet, essentiellement cette presse constituée hors des normes-Système selon une économie efficace mais selon la vertu de la très faible ampleur financière excluant la dépendance qui va avec), ce phénomène alimente la dynamique antiSystème après l’avoir créée pour l’essentiel, en renforçant chaque jour son être même, son ontologie

Ces circonstances étranges, à la fois d’autisme assumé et sans cesse renforcé dans le sens du “rien” et du “vide”(zombies-Système), à la fois de perception aiguë et sans cesse affinée dans le sens de la lucidité (antiSystème), organisent une vérité-de-situation colossale où se côtoient des évidences absolument contraires, comme le jour et la nuit absolument côte-à-côte jusqu’à se toucher, mais avec des échanges constants, des passages de l’un dans l’autre, et essentiellement du Système vers l’antiSystème ; pourtant sans jamais que les deux phénomènes puissent envisager de se confondre, cela du point de vue (antiSystème) de l’esprit disposant d’une raison qui échappe à la subversion, qui reste ouverte à l’intuition et qui est nourrie par une psychologie forte, et qui considère qu’il ne peut y avoir en aucune façon assimilation du Système dans l’antiSystème, avec cette phrase toujours à l’esprit comme un programme décisif, – Delenda Est Systema”, rien d’autre n’est possible.

Cette psychologie justement, quelle qu’elle soit, consciemment ou inconsciemment, est soumise à des pressions fantastiques résultant autant du vertige des perspectives qui se découvrent que de cette phénoménale contradiction entre “ autisme assumé et sans cesse renforcé dans le sens du ‘rien’ et du ‘vide’ [et] perception aiguë et sans cesse affinée dans le sens de la lucidité”. En d’autres termes, personne n’échappe au phénomène, d’une façon ou l’autre, et nous sommes tous des acteurs, se contentant de faire de la figuration pour les uns, cherchant à improviser pour les plus lucides, – avec bien entendu toutes les variations qualitatives. Comme ces circonstances phénoménales sont dues aux spasmes de fureur du Système, – entre surpuissance et autodestruction, – et que nous nous trouvons dans une phase finale qui prend de plus en plus la forme d’un affrontement direct entre le Système et ce qui se constitue en antiSystème, sorte d’Armageddon-Système si l’on veut, il s’ensuit logiquement que la fonction d’antiSystème n’a jamais été aussi présente, aussi diverse, aussi sollicitée ; ainsi verrons-nous qu’au bout du compte, franchissant un pas de géant, elle s’est institutionnalisée elle-même à la mesure du Système lui-même, dans le champ de l’affrontement avec lui et pour l’affronter au plus haut qu’il est possible ; elle s’est “ontologisée”, pourrait-on dire en se référant au mot grec initial (ontos : être). Il n’a donc jamais été aussi urgent et nécessaire de tenter d’en donner une définition la plus complète possible.

Une évolution opérationnelle remarquable

Il nous apparaît, à relire nos propres chroniques à ce propos qui dégagent d’elles-mêmes des vérités-de-situation que nous ne soupçonnions pas en les rédigeant, que la fonction d’antiSystème a évolué opérationnellement d’une façon fondamentale, comme nous allons tenter de le montrer. La première phase, avec la mise en évidence de l’“antisystème”/“antiSystème”, définit la fonction comme complètement détachée du sapiens qui l’opérationnalise dans la plupart des cas. En un sens, elle est un phénomène extérieur qui fait élection dans l’un ou l’autre, selon les circonstances,– et cette situation initiale doit rester comme le fondement du phénomène, même dans ses manifestations de plus en sophistiquées, où le sapiens joue un rôle de messager de plus en plus affirmé. Durant cette phase originelle que nous pourrions dire “phase de l’inconscience complète”, il n’est nul besoin, ni d’être antiSystème, ni d’avoir conscience d’être antiSystème à l’instant précis où la fonction vous habite momentanément, pour être efficacement antiSystème. Si l’on veut traduire cela trivialement, c’est la “phase Ron Paul”. (Tout en étant formidablement antiSystème, le candidat républicain qui rencontra un tel succès en 2010-2011, puis qui fut littéralement dissous dans les machinations et procédures du parti républicain, présentait un caractère d’éminente honnêteté qui le fit se conformer à toutes les procédures auxquelles le soumettait sa culture de constitutionnaliste, bien que cette constitutionnalité fût [ou fût devenue, si l’on veut être extrêmement compassionnel] de facto celle du Système.) La deuxième phase baptisée tout aussi trivialement, c’est la “phase The Donald” (Trump), celle où le candidat antiSystème affirme l’être consciemment, se vante de l’être, et fait de l’antiSystème son véritable fond de commerce (cyniquement ou pas, stupidement ou non, que nous importe). Il n’est pas assuré que ce soit la phase ultime (celle qui aura la peau du Système), comme il n’est pas assuré du tout que cela ne le soit pas ; il n’est pas assuré que cette phase antiSystème soit totalement consciente dans le sens de la lucidité, donc elle peut ménager des erreurs et des rechutes (dans le Système)... Nous en sommes là pour l’instant, par exemple en fonction du fait que nous ne savons pas jusqu’où ira, ou pourra aller Trump en tant qu’antiSystème.

(Par ailleurs, il est évident que la deuxième phase dite The Donald de l’antiSystème ne repose pas sur le seul Trump, tant s’en faut et y compris dans ses véritables origines ni même dans son destin, et son appréciation ne peut en aucun cas être réduit à ce seul destin ; par exemple et au pire, Trump, après avoir été véritablement antiSystème, peut ne plus l’être du tout. D’autre part, la “phase The Donald” ne remplace pas complètement la “phase Ron Paul” ; le plus souvent, elle la supplante et/ou la rend inutile ou inopérante, mais la première reste active là où il est utile qu’elle le soit. Il n’y a rien de plus souple, de plus tactiquement insaisissable que l’antiSystème ; par contre il y a la fermeté extrême de l’évolution stratégique selon une ligne implacable [“Delenda Est Systema”], qui ne dépend pas des acteurs de cette fonction.)

Nous passons maintenant à un rapide exercice de sémantique pour nous expliquer de l’orthographe utilisée, qui a une singulière importance pour la compréhension du concept.

L’importance d’une majuscule et d’un singulier

L’article référencé plus haut de décembre 2010 porte justement comme titre : « Des antisystèmes” aux “antiSystème” ». Dans notre toute première approche, qui s’était faite d’une manière intuitive sans que la raison explore la voie indiquée par l’intuition, nous étions simplement enclins à écrire “anti-système” avec un tiret. Très vite, le tiret disparut.

Voici donc le terme essentiel d’“antiSystème” : nous le tenons comme invariable, nous ne nous embarrassons nullement de tiret (anti-Système) et nous tenons comme condition sine qua non que le “S” de Système est une majuscule parce qu’il s’agit “du Système”, de “notre Système”, du seul et unique, né du “déchaînement de la Matière”… Nous parlons ici, à ce point, de la “fonction antiSystème”, et nullement de l’“être antiSystème”, c’est-à-dire l’“antiSystème” dans sa première phase (“phase Ron Paul”) où justement n’existe pas encore cette possibilité d’un “être-antiSystème”.

Cette orthographe spéciale doit rendre compte de la caractéristique de mobilité de la fonction d’antiSystème, dont un seul terme, une seule référence est immuable (le Système), qui justement n’a aucun lien de participation avec la fonction... Cette fonction (1) peut se fixer sur des acteurs totalement inattendus, selon les circonstances et nullement selon les acteurs ; (2) elle les quitte et disparaît aussi vite qu’elle était venue, selon les circonstances ; (3) elle n’assure en rien la transformation de l’acteur qu’elle investit (puis qu’elle quitte éventuellement), mais peut aussi assurer cette transformation ; (4) elle se fixe et qualifie l’acte de l’acteur sans qu’il soit nécessaire qu’il en ait la moindre conscience ; et (5) enfin, le terme “anti” absolument intégré dans le mot Système implique que le concept ne peut être qu’une attaque contre le Système. En d’autres mots et pour résumer le propos, la fonction antiSystème dans l’action relative qu’on décrit ici est une chose en soi, qui est né et a existé en-dehors de l’acteur, du sapiens ; lequel sapiens, dans ce cas, n’acquiert sa substance d’antiSystème qui le différencie décisivement qu’en tant qu’il est investi par sa fonction antiSystème et qu’il s’y tient avec une extrême fermeté de caractère ; il ne peut pas “négocier” des arrangements où il serait antiSystème tout en gardant des engagements fondamentaux qui lui sont chers, – par exemple idéologiques et en général toutes les idéologies, – dont il est avéré qu’ils sont manipulables et récupérables par le Système, – cela même s’il peut tactiquement évoluer à l’intérieur du Système pour trouver de meilleures conditions de devenir antiSystème comme peut l’être une “taupe” dans un service de renseignement adverse.

... Comme on le comprend, il s’avère nécessaire également de faire évoluer la définition de l’opérationnalité de la chose lorsque nous en arriverons à la “phase The Donald”. Une seule des cinq conditions considérées reste et restera immuable dans toutes nos définitions parce qu’elle est ontologique au concept, la cinquième (“enfin, le terme ‘anti’ absolument intégré dans le mot Système implique que le concept ne peut être qu’une attaque contre le Système”). Le reste est, pour l’instant, terra incognita même s’il est évident qu’on le retrouvera sous diverses formes, identiques ou différentes, avec notamment, c’est l’évidence, l’évolution vers la situation ontologique qui domine le reste.

Rapport entre Système et antiSystème : Armageddon

Il est important de bien comprendre que notre intention est de créer une nouvelle dialectique propre à notre situation. (D’où l’emploi d’une orthographe si particulière.) Le terme “système” est d’emploi immémorial, bien entendu, mais celui que nous employons, qui a nécessairement une majuscule (“le Système”) est conçu par nous comme un et sans précédent, absolument unique, et la majuscule marque cette spécificité. Les termes “anti-système”, “antisystème”, “Anti-Système”, ont déjà été largement employés sous ces diverses formes (un de nos lecteurs signale que le premier emploi remonte à 1717 lors de l’affaire du système Law, pour décrire une initiative des frères Paris pour attaquer le système Law) ; mais notre terme antiSystème a une spécificité qui le lie directement et exclusivement à “notre” Système à ce moment de l’Histoire (9/11) où il s’est révélé sans plus aucun artifice, et induit un emploi exclusif fixé dans notre temps métahistorique.

Les deux termes (Système et antiSystème), comme les deux situations, les deux actes, etc., et tout ce qui les lie, et particulièrement l’affrontement, sont absolument uniques. Dans les circonstances que nous vivons et en acceptant notre appréciation que le Système est l’opérationnalisation du “déchaînement de la Matière”, donc l’opérationnalisation du Mal, le rapport exclusif des deux concepts est nécessairement l’affrontement, et cet affrontement est nécessairement exposé par l’affrontement dit “du Bien et du Mal”. Par conséquent, le rapport entre Système et antiSystème doit être symboliquement nommé : Armageddon.

On comprend dans ce cas l’importance de la détermination des deux concepts, et notamment du concept antiSystème. Pour le cas du “Système“, l’identification et la caractérisation, y compris sa forme et ses modalités d’action, étaient assez évidentes et restent très visibles. Mais le concept d’antiSystème ajoute soudain une dimension complètement nouvelle : d’une situation figée, ou bien d’une dynamique déterministe inarrêtable, où le Système ne peut qu’avoir raison, de toutes les façons possibles et pour toutes les causes adéquates, y compris et particulièrement celle de la destruction du monde, nous passons à une dimension d’affrontement où le sort du monde est soudain soumis à l’enjeu suprême, où le déterminisme tel que nous percevions dans la situation précédente n’existe plus.

En ce sens, l’apparition de l’antiSystème est une première victoire. Nous ne combattons plus selon les seuls termes du Système, et même nous défions le Système en lui jetant au visage qu’il n’est pas, – qu’il n’est plus absolument indestructible, que son être est désormais soumis à l’incertitude. Le Système hurle de fureur en déchaînant des forces terribles de sa surpuissance dont nous voyons les effets chaque jour : tant mieux, la Bête blessée devient terrible et effrayante à se débattre, et la terreur et la frayeur que nous éprouvons à la voir s’agiter de fureur est donc bien l’assurance qu’elle est blessée, que l’existence même de l’antiSystème est une blessure qui s’est ouverte dans son flanc comme une flèche s’y fiche. Notre terreur et notre frayeur, que nous devons maîtriser, sont la garantie suprême, quasi métaphysique et spirituelle, que le Système sera réduit à la néantisation, – et cela, dans ces temps exceptionnels où les choses défilent à une vitesse stupéfiante...

On voit bien que notre intention, en développant cette définition du concept d’antiSystème est d’en faire bien plus qu’une posture, bien plus qu’une riposte, mais une chose-en-soi, un concept qui crée de lui-même sa métaphysique, qui se hisse à hauteur du Système et qui, bientôt, nous en sommes assurés, le dominera pour contempler son effondrement et son néantissement. L’antiSystème est donc un concept et il est également, ou plutôt bien au-delà, bien plus qu’un concept ; il porte en lui une potentialité de susciter la résurrection (effectivement : la résurrection) de la représentation de forces principielles qui ont jusqu’ici été écartées, voire niées, dans l’illusion de leur néantissement, par le Système. Il est bien plus qu’une insurrection contre le Système, même si tout commence par l’insurrection, il est ce qui doit faire place nette pour autre chose lorsque le Système se sera effondré et se sera de lui-même réduit au sort qu’il nous réservait, – son entropisation, et son néantissement.

Historique de l’antiSystème

Comme souvent dans notre Glossaire.dde, il est intéressant et important de rappeler et de synthétiser les évènements, les circonstances et les acteurs qui ont été à l’origine de la formation du concept étudié. C’est avec l’affaire Wikileaks-Cablegate de l’automne 2010 (diffusion de masse de documents US diplomatiques et autres) que l’hypothèse (l’intuition) de ce que nous appelâmes alors “système antisystème” puis “système antiSystème” nous est venue à l’esprit. Il nous apparut très vite que cette sorte d’“organisation” qui n’en est pas une à proprement parler, mais caractérisée plutôt par des structures fluides ou par l’absence de structure, pouvait se retrouver dans d’autres cas, – à cette époque, le mouvement Tea Party ou le rassemblement observé autour de Ron Paul peuvent également, à notre sens, être qualifiés de systèmes antiSystème.

Un point important qui s’est rapidement imposé comme totalement essentiel nous apparut assez vite être que le “fait antiSystème” gommait les oppositions idéologiques sans décision ni concertation à cet égard. Alors qu’on observait des antagonismes et des contradictions qui auraient pu apparaître décisives pour ne pas mettre ces entités dans la même catégorie si l’on s’en était tenu aux références idéologiques et autres du domaine (certains dans Tea Party, plutôt perçus comme d’extrême-droite dénoncèrent WikiLeaks, perçu plutôt comme de gauche sinon comme anarchiste), on observait par contre des similitudes structurelles et de comportement qui, bien que d’apparence “technique”, s’imposeraient comme essentielles pour définir le fait antiSystème… Parmi ces similitudes, nous notions à l’époque « une espèce de consistance “molle” de ces organisation, – dont le premier caractère est de dépendre d’“organisations” qui n’en sont pas vraiment, selon des structures imprécises, avec des groupes disparates. Ces […] phénomènes sont, chacun dans leurs domaines, dans une sorte d’“institutionnalisation” réticente qui leur fait accepter sélectivement certaines règles et passer outre à d’autres... »

Face à ces formations que nous identifiions comme antiSystème, le Système est apparu comme réagissant mal, ou pauvrement. Il aurait pu riposter d’une façon dévastatrice ou habile car il en a les moyens et la pratique ; il ne le fit pas. Les trois exemples cités de cette époque (Wikileaks, rassemblement Ron Paul, Tea Party) se sont développés, pour des raisons et selon des processus divers, sans véritables obstacles alors qu’il était logique d'attendre qu'ils n'aient aucune chance de réussite réelle (c’est-à-dire efficace, non “récupérée”). Depuis, ces “organisations” se sont transformées, ont transmuté en d’autres courants et surtout sous d’autres formes, sous d’autres noms (ou bien sous le même nom comme Wikileaks, devenu une arme antiSystème extrêmement sophistiquée comme on le voit avec la diffusion des 20.000 e-mails de la direction nationale démocrate (DNC) à la veille de la Convention démocrate devant désigner Hillary Clinton)... Dans tous les cas, ce que nous voulons dire est que l’héritage initial n’a pas été dilapidé.

Notre hypothèse à cette époque, et valant pour la naissance et les premiers développements de l’antiSystème, a été qu’il a existé de la part du Système, une fascination pour ces développements, qui l’ont empêché de réagir d’une façon efficace. Cette fascination se trouvait dans ceci que le Système retrouvait dans le développement des systèmes antiSystème le même processus de formation et la même structure “molle” qui le caractérisent lui-même. (Cette “structure molle” caractérise bien la formation des élites-Système, leur insaisissabilité et leur mobilité formelle, leur absence de hiérarchie bien définie, etc.)

Sensible à la seule substance et étranger à toute notion d’essence (dans ce cas, l’essence représentant la forme dynamique antiSystème et son dessein implicite, plus tard mis à jour, de la destruction du Système), le Système a été fasciné, enfermé dans une croyance comme s’il avait lui-même enfanté une sorte de double, un enfant fait de sa propre chair diabolique ; cela, sans s’aviser, ou bien s’en avisant dans une sorte d’inconscience qui seule porte quelque essence en lui et ne lui en dit jamais rien d’utile, que “cet enfant fait de sa propre chair diabolique” porterait son double mimétique de destruction, – la surpuissance enfantant l’autodestruction, une formule à laquelle nul Diable dans l’univers ne saurait résister...

L’inconscience d’être antiSystème

Ce qui caractérise cette phase, à notre sens, c’est que les acteurs de cette formation de “systèmes antiSystème”, ou les figurants s’habillant de la fonction montraient tous la même “inconscience d’être”, – c’est-à-dire l’inconscience d’être, par leurs actes, des êtres devenus antiSystème. (Dans ce cas, la situation restait fluide, et les “modifications d’être” antiSystème ou de ne plus l’être après l’avoir été se faisaient effectivement sans conscience de cette modification ; ainsi parle-t-on d’“êtres” puisqu’il s’agit effectivement de cela, mais sans aller jusqu’à l’“être-antiSystème”.)

Nous allons reprendre ici une partie de notre texte déjà référencé à plusieurs reprises du 10 décembre 2010, « Des antisystèmes” aux “antiSystème” », où nous analysions le rôle des acteurs et figurants, c’est-à-dire des sapiens chargés d’une capacité antiSystème d’une façon ou l’autre, et en général d’une façon inconsciente.

« Par simple logique antinomique, les effets constatés plus haut conduisent à une redéfinition de la résistance au Système devenant insurrection contre le Système. Mais parlons plutôt de la première définition sérieuse d’une possibilité d’insurrection efficace contre le système, dans des conditions générales qui ont radicalement changé avec l’installation dans toute sa puissance du système de la communication. Les événements des quinze dernières années, avec la puissance nouvellement apparue du système de la communication, ont complètement enterré le concept classique d’insurrection ou de révolution, passant par la violence et l’organisation, spontanée ou pas, d’événements de rupture dans l’espace public. (Voir notre Note d’analyse du 24 septembre 2009.) Les derniers événements renforcent l’idée qu’il existe une alternative, ou, plutôt, une nouvelle voie qu’on qualifierait dans le langage dépassé du XXème siècle de “révolutionnaire”. Dans ces “derniers événements”, nous sommes conduits de plus en plus précisément à mettre dans la même catégorie l’émergence de Tea Party et Cablegate, auxquels les définitions classiques (“populisme” ou extrême droite pour l’un, “cyberguerre” dans le sens classique pour l’autre) ne conviennent pas, sans le moindre doute. (Quant à Tea Party, nous nous sommes expliqués à son égard à plusieurs reprises et rien de fondamental n’est venu démentir les caractères absolument inhabituels de ce “mouvement”.) [...]

» ...Dans ce cadre, il faut considérer l’intervention humaine au niveau de l’action, nullement à celui de l’intention originelle et de la pensée conceptuelle. Si, une fois le “système antiSystème” effectivement formé dans sa dynamique antiSystème, il peut y avoir des intentions humaines suivies d’actions, il ne s’agit que d’intentions tactiques qui ne peuvent influer sur la dynamique stratégique initiale. Il s’agit, sans aucun doute, d’une conception maistrienne adaptée à la situation postmoderne qui implique, sous l’empire des systèmes du technologisme et de la communication, une dynamique structurelle de formation d’une résistance devenant insurrection, de ce qui serait selon le point de vue classique des systèmes anthropomorphiques, mais où le sapiens, malgré sa présence active, n’a aucune part conceptuelle. De là, la réalité chaotique de ces systèmes lorsqu’on s’en tient à l’analyse des affirmations humaines émanant des acteurs humains qu'on y trouve.

» En fonction de ce que nous écrivions plus haut, nous dirions que ce qui différencie un “systèmes antisystèmes”, modèle technique de référence, au “systèmes antiSystème” que nous tentons de décrire, c’est la légitimité inhérente du second puisqu’il s’attaque au Système dont on a vu plus haut que les derniers événements confirment son illégitimité. En ce sens, c’est la légitimation de son intention supra-humaine qui transforme un “systèmes antisystèmes” (modèle technique de référence) en un “systèmes antiSystème”. Le résultat de cette action est déstructurante dans le sens vertueux, par inversion : une attaque déstructurante du Système, lui-même à finalité déstructurante, constitue un acte objectivement structurant. (Effectivement on voit bien, par les cas rapportés ci-dessus, combien Cablegate accentue la déstructuration du Système à finalité déstructurante.) Là encore, l'intervention des sapiens est réduit au rôle d’acteurs, au demeurant très actifs dans certains cas, d’une pièce à la rédaction et à l’esprit de laquelle ils ont une part absolument négligeable, s’ils ont seulement une part quelconque. »

La deuxième phase de l’antiSystème

Ce que notre réflexion offre de nouveau aujourd’hui sur le concept d’antiSystème, qui est synthétisé par un constat et l’emploi d’expressions symboliques, “le passage de la première phase (‘phase Ron Paul’) à la deuxième phase (‘phase The Donald’) de l’antiSystème”, c’est l’hypothèse de la venue à maturité du concept d’antiSystème. Nous reprenons (citons) quelques lignes écrites plus haut pour préciser notre propos, en passant de son aspect illustratif à son aspect explicatif, de son aspect formel à son aspect opérationnel :

« Cette fonction [antiSystème] (1) peut se fixer sur des acteurs totalement inattendus, selon les circonstances et nullement selon les acteurs ; (2) elle les quitte et disparaît aussi vite qu’elle était venue, selon les circonstances ; (3) elle n’assure en rien la transformation de l’acteur qu’elle investit (puis qu’elle quitte éventuellement), mais peut aussi assurer cette transformation ; (4) elle se fixe et qualifie l’acte de l’acteur sans qu’il soit nécessaire qu’il en ait la moindre conscience ; et (5) enfin, le terme “anti” absolument intégré dans le mot Système implique que le concept ne peut être qu’une attaque contre le Système. [...]

» ... Comme on le comprend, il s’avère nécessaire également de faire évoluer la définition de l’opérationnalité de la chose lorsque nous en arriverons à la “phase The Donald”. Une seule des cinq conditions considérées reste et restera immuable dans toutes nos définitions parce qu’elle est ontologique au concept, la cinquième (“enfin, le terme ‘anti’ absolument intégré dans le mot Système implique que le concept ne peut être qu’une attaque contre le Système”). Le reste est, pour l’instant, terra incognita même s’il est évident qu’on le retrouvera sous diverses formes, identiques ou différentes, avec notamment, c’est l’évidence, l’évolution vers la situation ontologique qui domine le reste. »

Passer à la “phase The Donald” est une expression symbolique de pure communication, qui ne donne aucune prépondérance créatrice ou conceptuelle au personnage, mais tient compte de son énorme effet de communication l’ayant d’ores et déjà constitué, – quoi qu’il en soit de sa vérité-de-situation, – comme un acteur volontairement et consciemment antiSystème, quel que soit son destin désormais. (Il y a ainsi deux vérités-de-situation : Trump lui-même et ce qu’il est, qui reste et restera à déterminer dans la perspective historique le temps de sa carrière ; et l’effet de communication de Trump, qui est d’ores et déjà acquis comme étant antiSystème et qui est symbolisé par l’expression “phase The Donald”.)

Cette deuxième phase de l’antiSystème n’apparaît d’ailleurs pas avec l’épisode-Trump commençant à la mi-2015, mais clairement avec la crise ukrainienne commençant en novembre 2013-février 2014. Cette crise a en effet activé des processus de narrative d’une telle puissance que nous avons bientôt parlé de déterminisme-narrativiste pour mesurer sa dynamique, et cette dynamique a réalisé, ou achevé une telle destruction complète de la réalité que nous avons été conduit à élaborer et à présenter le concept de vérité-de-situation pour rendre compte de la possibilité d’atteindre à certains moments et en certains points une vérité du monde, en passant outre à la réalité qui n’existe plus parce que nécessairement faussaire.

Littéralement, avec la crise ukrainienne, nous sommes passés  dans un cosmos différent, composé de deux univers différents quoique non fixés et malléables. La réalité n’est plus le terrain d’affrontement des propagandes, des distorsions des faits, des trafics d’influence, elle est tout simplement pulvérisée. Dans cette dimension universelle soudain vidée de toute cohérence s’affrontent deux situations. Il existe ce qui pourrait être présenté comme une “réalité-Système”, que nous nommons narrative pour bien indiquer son absence de rapport avec ce que pourrait être une “réalité retrouvée” ; et une guérilla permanente devenue guerre ouverte et proclamée (antiSystème) contre ce montage, qui se donne pour tâche d’opposer à ce montage des parcelles de vérités, que nous nommons “vérités-de-situation”. A nous d’enquêter pour distinguer, comme des pépites dans la boue et le limon du fond de la rivière dont le chercheur d’or a rempli son tamis (ou “pan” en anglais), les vérités-de-situation.

Cette nouvelle époque conduit à une redéfinition de l’antiSystème puisqu’il est devenu évident qu’il existe un Système, qu’il agit à visage découvert, qu’il est identifiable, quantifiable dans toute sa surpuissance, qu’il ne prend plus aucune peine pour se dissimuler. Il s’ensuit que l’antiSystème devient une fonction ouverte, compréhensible, saisissable, et par conséquent que l’on peut assumer en tant que telle. Cela ne signifie nullement que dans tel monde il y a le Système et dans tel autre l’antiSystème, même si l’on sait que dans l’un le Système tient l’essentiel sans trop d’obstacles et que dans l’autre il rencontre des obstacles parfois considérables. Il y a des échanges, des variations, des modifications, dans les deux sens, dans les deux mondes, mais, selon notre jugement, selon une tendance qui favorise de plus en plus l’antiSystème qui gagne ses galons et sa gloire fondamentale à apparaître comme tel face au Système. L’on est parti d’une situation (jusqu’en 2014) où le Système dominait quasiment partout, mais avec une guérilla gagnant en intensité depuis l’apparition de l’antiSystème dans sa première phase, et l’on est passé à une situation où l’antiSystème se constitue en un composant structuré du monde qui a déclaré la guerre totale jusqu’à destruction totale de l’ennemi (“Delenda Est Systema”).

Dans ce cadre nouveau, ce qu’on percevait initialement comme la nécessité de l’antiSystème (encore “antisystème”) de se constituer en “systèmes antiSystème”, c’est-à-dire en organisations informelles, n’existe plus. Il s’agissait d’« une espèce de consistance “molle” de ces organisation, – dont le premier caractère est de dépendre d’“organisations” qui n’en sont pas vraiment, selon des structures imprécises, avec des groupes disparates. Ces […] phénomènes sont, chacun dans leurs domaines, dans une sorte d’“institutionnalisation” réticente... » Dans la deuxième phase, l’“institutionnalisation réticente” n’existe plus puisqu’il y a effectivement “institutionnalisation”. L’antiSystème s’installe à visage découvert, face au monde même du Système, le pénétrant même à volonté ; il n’a plus besoin de cette organisation de “guérilla molle” ; il existe, ontologiquement... Il ne reste plus aux sapiens qu’à décider de leur destin, pour ceux qui entendent être antiSystème. Pour ceux-là, un rassemblement naturel est en devenir, et c’est le fameux « Tout les sépare, l’essentiel les rassemble », comme nous l’écrivions le 29 août 2015, après le constat de l’échec de l’antiSystème dans l’affaire grecque, selon nous par ignorance de la forme même de l’enjeu par les principaux acteurs à qui il restait, – à qui il reste à comprendre que toutes les idéologies doivent être remplacées impitoyablement par un seul mot d’ordre, un Principe sublime : “Delenda Est Systema.

Quoi qu’il en soit, et c’est en cela qu’il mérite de donner son nom à cette deuxième phase de l’antiSystème, Trump est au moins parvenu à devenir un symbole de cette occurrence. Devenu officiellement le candidat officiel d’une des deux ailes du Parti-Unique/Système, son affirmation tonitruante d’être antiSystème, – quelles que soient la perception qu’on a de lui et les humeurs qu’on cultive à son encontre, – constitue un acte institutionnel, volontaire et parfaitement clair de l’antiSystème. Il a modifié entièrement la communication à cet égard et effectivement officialisé la seconde période du concept telle que nous la percevons.

D’autre part, le personnage de Trump est exemplaire. Il n’est en aucune façon vertueux, ni même nécessairement recommandable, et rien ne nous assure qu’il ait une politique vertueusement antiSystème. C’est aussi le paradoxe de l’antiSystème : la vertu, disons la vertu civique, devient vite une faiblesse face au Système tant que l’univers du Système existe. En un sens, c’est sa vertu civique qui a perdu Ron Paul, qui l’a empêché, par son respect des règles nécessairement manipulées par le Système, de tenir jusqu'à son terme possible (au moins participation effective jusqu'à la Convention aux primaires républicaines de 2012) le rôle antiSystème auquel il pouvait prétendre. La vertu de Trump est justement, de notre point de vue principiel et sans juger de la personne, de n’en pas avoir, et la seule chose qui importe est le désordre et la réaction de fureur haineuse, signe de la faiblesse de celui qui réagit, qui a embrasé le Système contre lui et conduit ce Système à se découvrir dans sa dimension maléfique, éveillant toutes les oppositions contre lui-même (le Système) ; Trump n’est antiSystème que parce qu’il est désordre absolu par rapport au Système et se proclamant antiSystème, et que, au cœur du Système, le désordre qui se proclame antiSystème peut être mortel pour le Système... On peut ici, pour développer et expliciter cet aspect, citer PhG dans son Journal-dde.crisis du 26 juin 2016 : 

« Je ne pense pas que cette sorte de contradiction gêne en quoi que ce soit The Donald. C’est un monstre, une sorte d’extra-terrestre, sans le moindre intérêt pour la cohésion de la pensée et la rectitude de la logique. Il n’est même pas démagogique, il est tout instinct et dynamique d’adaptation, braillard, absolument plein d’une énorme conviction qui est celle de n’en avoir aucune. Absolument né du Système, aussi vulgaire que lui, sans aucun apprêt, sans le moindre fard malgré la permanence de son bronzage, il le déteste (le Système) comme le fils prodigue pourrait détester le Père s’il s’apercevait, par pure inversion, qu’il est revenu vers lui pour découvrir la vérité de sa tromperie et de sa dissimulation. S’il le faut et si la chose est bonne pour ses investissements mis dans une ‘Trump Independence Tower’ qui serait la plus haute de toutes, Trump-devenu-Donald-The-1st pourrait tout aussi bien être le détonateur qui embrase l’explosion finale de ce patchwork de principes bafoués que sont les USA. »

... D’une façon générale, cela signifie que nous n’avons nul besoin d’une espèce de prophète qui, en quelque sorte, porterait dans son caractère et ses actes les vertus d’une ère nouvelle qu’il annoncerait prétendument. Nous avons besoin d’un démolisseur, d’un déclencheur, d’un être-mécanisme qui brise le mécanisme du Système pour achever sa chute dans l’autodestruction (définition même de l’être-antiSystème).

D’une façon plus opérationnelle, on observera les derniers développements dans l’évolution du phénomène Trump allant dans le sens d’une structuration du phénomène antiSystème, tel que nous l’analysions le 14 juillet 2016 selon ce qu’on sait des liens que Trump a établis avec le Général Flynn :

« Nous avons donc sous nos yeux, selon ce que nous en savons, l’ébauche d’un rassemblement de type antiSystème, et non plus un antiSystème accidentel ou involontaire, ni même seulement un antiSystème conscient mais limité à un rôle solitaire ; c’est-à-dire l’ébauche d’une structuration antiSystème, ce qui est un phénomène nouveau qui doit être souligné. Ce n’est pas rien, [...] pour observer que cette posture antiSystème suscite assez d’attrait pour attirer des individualités ou des forces de grand intérêt et de qualité qui trouvent désormais l’opportunité de s’exprimer dans ce sens. Ce développement que nous jugeons d’une réelle importance, c’est d’abord un acquis symbolique de la convergence Trump-Flynn, de deux personnages si différents, quelles que soient leur destinée par ailleurs ; c’est ensuite une démonstration de la faisabilité de la formule. »

Observer cela, ce n’est pas proclamer la “victoire” ou le “triomphe” de l’antiSystème, ni de Trump ni de Flynn d’ailleurs, comme divers commentateurs sont prêts à en discuter, pour d’ailleurs en général contester qu’il y ait ou qu’il puisse y avoir “victoire”. Une fois encore et nous espérons qu’il s’agit d’une bonne fois, il s’agit de redire que nous ne parlons pas en termes de “victoire” et de “défaite” mais en termes d’évolution des forces de contrainte entre le Système et l’antiSystème, avec le seul effet possible de l’autodestruction du Système. Il ne s’agit pas d’avoir tort ou raison dans la mesure de l’évolution de l’antiSystème, mais d’analyser les possibilités, les voies et les moyens de cette évolution ; nous sommes des enquêteurs bien plus que des commentateurs, et il nous intéresse moins d’avoir raison que de débusquer, lorsque c’est possible et lorsqu’il y a lieu, des vérités-de-situation. Il ne s’agit pas d’exprimer une opinion mais de faire l’hypothèse de l’existence d’un phénomène, d’observer la véracité de cette hypothèse et son évolution ; et l’enquêteur ne dissimule pas une seconde qu’il y a des phénomènes bénéfiques et des phénomènes maléfiques, et qu’il est juste et fondé qu’il voit les premiers avec faveur, les seconds avec défaveur, et qu’il cherche particulièrement des signes de cette inéluctabilité que les premiers évoluent favorablement et les seconds défavorablement, étant admis que l’effet du système de la communication à cet égard joue son rôle dans cette évolution...

Nous écrivions déjà dans ce sens le 24 août 2015, sous une forme différente et avec un ajout nécessaire aujourd’hui pour préciser le sens de la chose : « Il est inutile d’espérer savoir ce que l’avenir nous réserve, doit penser un antiSystème ; qu’il lui suffise de l’être, antiSystème, pour apporter sa contribution à la possibilité qu’il y ait un avenir, et alors il aura vaincu le Système puisque le Système ne peut être que détruit  [parce que] sa seule raison d’être est qu’il n’y ait plus d’avenir. La tâche de l’antiSystème est donc d’être derrière l’irrémédiable, qui est la destruction du Système, et sa présence est bien ce qui fait que l’irrémédiable le sera vraiment et absolument ; il est né du Système pour le défier, l'affronter et exacerber sa surpuissance [jusqu’à ce que la surpuissance du Système se transmue en autodestruction], il est là jusqu'au bout pour participer à la destruction du Système et en découvrir les effets ; l’antiSystème est à la fois conséquence et cause du Système, à la fois cause et conséquence de la destruction du Système. »

(Pour autant, et sans doute est-ce une répétition, malgré l’aspect structuré de cette deuxième phase le fait d’être antiSystème ne garantit nullement qu’on l’est décisivement et définitivement, ontologiquement si l’on veut. L’antiSystème est d’abord une fonction, qui peut vous abandonner si vous n’y prenez garde : un antiSystème très structuré peut ne plus l’être par inadvertance, sottise, aveuglement, inattention, lassitude, etc. Comme nous en avons fait rapidement l’hypothèse plus haut, Trump peut, demain matin, se révéler ne plus être du tout antiSystème. L’antiSystème, cela se nourrit, cela se soigne, cela doit être l’objet de toutes nos attentions.)

Une “Internationale-antiSystème”... maistrienne

A voir comment le concept d’antiSystème s’institutionnalise si rapidement (Trump, la dissolution en cours du parti démocrate et de sa candidate aux USA, mais aussi l’évènement Brexit et les révoltes européennes, le rôle de la Russie dans la guerre de communication, les péripéties en Turquie, etc.), et à considérer la façon dont toutes les directions-Système en viennent très rapidement dans la séquence présente à considérer elles-mêmes les phénomènes antiSystème pour ce qu’ils sont, avec l’institutionnalisation qui s’ensuit, nous en sommes venus à considérer l’hypothèse que l’antiSystème est en train de se constituer, sinon à être constitué par la perception terrorisée qu’en a le Système en une force d’opposition qui peut se considérer disposant d’une stratégie à hauteur de la puissance du Système. Nous avons proposé l’expression “Internationale-antiSystème” pour désigner cette force, avec une sollicitation que nous espérons ironique par rapport au XXème siècle :

« Au vu et au su [...] de l’ampleur transnationale de ces manœuvres, on observe ainsi un mouvement général de dénonciation de l’antiSystème dans le chef des [directions]-Système, qui conduit, par réaction contradictoire réclamée par l’institutionnalisation et l’adoubement, à un regroupement transnational  et international de l’antiSystème. Ainsi est-il en train de se créer, sous la poussée du Système qui s’agite immodérément et sans guère de prudence dans le sens de sa peur-panique, ce qu’on pourrait opportunément nommer à l’exemple d’autres mouvements dont notre mémoire doit encore avoir le souvenir, une “Internationale-antiSystème”»

Il doit pourtant rester constamment à notre esprit que ces modifications n’impliquent nullement que les acteurs de cette évolution antiSystème, même s’ils s’intitulent antiSystème, même s’ils se perçoivent comme tels, avec la plus complète conscience, etc., le soient réellement en toute autonomie ; ces acteurs restent des acteurs, qui ne connaissent pas le récit épique qu’ils “interprètent” en l’activant dans différentes directions. Il s’agit plus que jamais, – malgré les apparences du libre-arbitre et les agitations que permet la communication, – de personnages maistriens. (Comme nous l’écrivions déjà dans notre texte référencé du 10 décembre 2010 : « Il s’agit, sans aucun doute, d’une conception maistrienne adaptée à la situation postmoderne qui implique, sous l’empire des systèmes du technologisme et de la communication, une dynamique structurelle de formation d’une résistance devenant insurrection. »)

Il ne s’agit pas de diminuer ces êtres, de les “punir” pourrait-on croire si l’on a la religion du libre-agir comme opérationnalisation de l’immensément vertueux libre-arbitre, mais simplement de prendre la mesure du colossal récit qu’ils contribuent à mener à son terme en s’installant antiSystème et en affrontant le Système, cela qui implique le but de sa destruction (du Système) et un bouleversement du monde et du cosmos. Sans nul doute, ils ont plus de conscience, plus de connaissance de ce qu’ils sont (des antiSystème), que ceux qui ont tracé les premières voies (la première “génération”) ; mais ce constat est relatif et n’a aucune signification cognitive ; inconsciemment ils subissent le poids énorme du récit et leur connaissance s’institue nécessairement en inconnaissance à la façon d’un Pseudo-Denys l’Aéropagyte décrivant la spiritualité la plus haute : « C’est alors seulement que, dépassant le monde où l’on est vu et où l’on voit, [il] pénètre dans la Ténèbre véritablement mystique de l’inconnaissance : c’est là qu’il fait taire tout savoir positif, qu’il échappe entièrement à toute saisie et à toute vision, car il appartient tout entier à Celui qui est au-delà de tout... »

Ainsi sont-ils des “personnages maistriens” ; les plus lucides s’en doutent et comprennent qu’ils ne savent pas l’essentiel mais qu’il faut agir, les autres croient valoir beaucoup plus qu’ils ne sont et s’érigent eux-mêmes en héros, mais au plus vain des propos... Cela importe peu devant le constat de l’institutionnalisation du fait antiSystème, de l’“Internationale-antiSystème”, comme une sorte de construction, d’architecture dont l’essentialité de l’action, comme son ontologie même, sont la destruction du Système.

Conclusion nécessairement métaphysique

Il est évident que nous développons la description de cette situation sous la forme d’une hypothèse fondamentale qui est issue et qui ne pourrait être confirmée que par la grâce d’une intuition haute qui n’a aucun compte à rendre à la raison humaine, et devant laquelle la raison humaine ne peut que s’incliner avec reconnaissance, – elle (la raison humaine) qui s’est perdue dans une subversion épouvantable il y a quelques siècles. Pour nous, il n’est en aucun cas question, non seulement de démontrer, mais de tenter de démontrer ces hypothèses, comme il est recommandé de faire en général, à la manière scientifique ou rationnelle. Cela ne nous désole ni ne nous décourage outre-mesure, quand on voit le résultat d’une évolution historique catastrophique et complètement dissolvante constamment accompagnée, depuis plusieurs siècles, de démonstrations positives et exaltantes de la part de la science moderne et de la raison humaine subvertie (raison-subvertie) par la modernité ; au contraire, cela nous engage à surtout ne pas chercher la moindre démonstration objectiviste ou positiviste que ce soit de nos hypothèses. Nous mettons au contraire ce qu’il nous est donné de liberté de l’esprit, y compris notre propre police de notre propre esprit qui constitue en fait la raison d’être essentielle de cette liberté, dans le choix de cette sorte d’hypothèses dont nous savons parfaitement qu’elles ne recèlent en elles-mêmes aucune certitude qui puisse être cautionnée par la raison. (La raison a, chez nous, un autre emploi et un autre domaine de travail, qui est d’être un outil pour structurer l’esprit et sa pensée dans des voies permettant d’exprimer l’objet de leurs explorations.)

Il est question en effet d’explorer des territoires jusqu’ici, dans notre époque de la modernité, considérés comme inconnus non parce qu’ils n’existaient pas (la question est justement le nœud de l’hypothèse) mais parce qu’ils ont été mis à l’index et frappés d’interdit par la raison humaine subvertie, exactement à la façon que cette raisons-subvertie ne perd jamais une occasion de reprocher aux églises. Nous pensons qu’il existe aujourd’hui bien assez d’éléments, de situations et de tendances pour envisager d’une façon équilibrée, et en s’en tenant aux occurrences politiques que l’on constate, pour explorer de telles interprétations avec un espoir acceptable d’y découvrir des vérités-de-situation fondamentales. Dans ce cas, la raison humaine, lorsqu’elle est sortie de sa subversion, est beaucoup plus à sa place dans un rôle d’appréciation des résultats de l’exploration ainsi entreprise des hypothèses évoquées.

Ainsi en sera-t-il, pour conclure, de notre hypothèse principale, qui concerne la nature même de l’antiSystème tel que nous en avons décrit l’évolution, – sa montée en valeur qualitative, sa constitution en une force cohérente lui permettent de revendiquer la position fondamental et métaphysique d’adversaire du Mal, sous la forme du Système. (On peut alors proposer de se représenter l’antiSystème sous une forme symbolique de la représentation du Bien, de la forme contre l’informe, de l’ordre-harmonie-équilibre contre la déstructuration-dissolution-entropisation, etc.) C’est justement parce que cette fonction antiSystème n’est plus une simple tactique de guérilla de circonstance, mais une stratégie ontologique, que l’antiSystème peut désormais prétendre au rang d’entité métahistorique à qui toutes les manœuvres sont permises, à qui toutes les libertés avec les idéologies et les rangements politiques courants sont autorisées sinon recommandée. Même s’il est opérationnellement souple, adaptable, habile, etc., c’est-à-dire tactique, l’antiSystème est devenu d’abord et au-dessus de tout, fondamentalement, principiel et métaphysique, donc Principe supérieur que les vérités-de-situation ont adoubé dans une fonction métaphysique ontologique. L’antiSystème est devenu un acteur majeur de la crise du monde, et le principal, sinon l’exclusif moyen de mettre décisivement en échec le Système par toutes les tactiques possibles.

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