L’entonnoir qu’est la postmodernité

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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L’entonnoir qu’est la postmodernité

08 mars 2017 – La chose est comme une cascade, un tourbillon, une poignée de sable entre les doigts... Passez de la fuite massive dite-Vault7 sur les œuvres de la CIA pour écouter et manipuler everybody et la Russie en premier, à l’antirussisme furieux et sans retour qui soulève les cœurs à Washington D.C. mais aussi bien le cœur gros comme ça du p’tit Micron, à cette deuxième réunion en moins d’un mois des deux chefs d’état-major US et russe (cette fois avec le CEM turc, à Ankara) – puis soufflez un peu, d’une part pour vous reprendre et comprendre qu'il n'y a rien à comprendre après tout, d’autre part comme on éteint une bougie puis la rallume en se frottant les yeux pour voir si l’on a bien vu ce qu'on croyait voir. Voyez, c’est ce que je fais.

En composant le titre de cette page de mon Journal-dde.crisis, je n’ai pas pris garde qu’il avait deux significations. Un entonnoir est cet objet que le fou met sur sa tête en guise de couvre-chef, et qui vous indique obligeamment que le fou est bien fou, qu’il le sait et qu’il se trouve très bien ainsi. (C’est la signification qui me poussa à ce choix.) Mais un entonnoir est aussi cet instrument qui siphonne un flot tournant et furieux pour le forcer à se précipiter dans un passage étroit, en quelque chose forcée à s’intégrer, à se transmuter en une autre chose complètement agglomérée qui présentera bien ce que le torrent furieux initial est en substance. De ce point de vue, un entonnoir peut aussi bien prétendre à la représentation paisible et domestique de ce que je nomme “tourbillon crisique”, qui tourne-fou jusqu’à une intégration, une transmutation de ses composants qui sont autant de crises folles jusqu’au trou noir de son fond sans-fin, et alors ce deuxième modèle est également parfaite représentation de l’époque. Les deux modèles sont non seulement acceptables, ils sont interchangeables.

Vault7 est un de ces énormes paquets dont WikiLeaks a le secret, considéré par certains comme une moisson type-“Snowden 2.0” et venu d’un “whistleblower” anonyme toujours dans le circuit CIA & Cie, et même selon certains de ces certains, qui va au-delà du Snowden original. Tout se passe comme si la CIA avait sa propre NSA en son sein, avec des trouvailles encore plus exceptionnelles, comme celle de vous écouter en permanence par l’intermédiaires de vos objets postmodernes usuels, de la TV (quand elle est fermée, moment où l’on échange des secrets) à l’IPhone, et peut-être bien jusqu’à la cigarette électronique et à votre brosse à dents. Quelque part dans les documents, il est signalé que la CIA n’a pas assez de personnel pour gérer, interpréter et comprendre tout ce qu’elle récolte ; tout se passe comme si on avait glissé dans le Vault7 fuité une offre d’emploi : “la CIA recrute d’urgence”. (*) Mercouris, qui a une sacrée suite dans les idées, remarque qu’avec Vault7, la CIA a pu parfaitement simuler la prétendue incursion russe dans la campagne présidentielle USA-2016. (**) Tout s’explique et s'éclaire dans ce Mystère transparent de la postmodernité et la transition est elle-même toute trouvée pour que je passe à mon deuxième volet de l’entonnoir postmoderne.

Ce deuxième volet sera rapidement décrit. Il est continuellement dans nos esprits, dans nos oreilles et dans nos convictions. La Russie est la menace suprême, elle est partout, elle écoute tout, elle influence tout, jusqu’au vertueux p’tit Micron qui a l’honneur d’être “hacqué” par les moujiks. Les sénateurs US se battent comme des beaux diables pour fabriquer un procureur spécial qui mettra à nu et au grand jour cette affreuse situation, mais il semble qu’ils s’y prennent comme des manches et ratent les occasions en or d’y parvenir. Qui, enfin, nous protégera de cet horrible complot qui menace la postmodernité ? Car il n’y a pas danger plus grand que le Russe qui ne rêve que de nous attaquer, de nous réduire en cendre, et avec lequel (le Russe) il faut se garder d’avoir le moindre contact. C’est ce que disait Podesta, le directeur de campagne de la pauvre Clinton, qui n’a cessé de réclamer des mesures contre les Russes-espionnant-Hillary, notamment encore plus de sanctions. Par ailleurs et à propos, et cela sans penser à mal mais pour continuer à swinguer car l’entonnoir et la postmodernité ça swingue sévère, on vient de nous faire savoir que Podesta, qui doit gagner sa vie, dirige un groupe de lobbying représentant deux banques russes pour travailler par l’influence auprès de tout ce qui compte à Washington D.C. dans le sens de faire lever les sanctions antirusses... Ce qui, en un sens à moi, me donne à nouveau une transition pour aborder mon troisième volet.

Il s’agit ici de signaler que vient de se tenir à Ankara une intéressante rencontre. Trois chefs d’état-major s’y trouvaient réunis : celui des USA, celui de la Russie, et également, tout de même, celui de la Turquie. C’est la deuxième fois en moins d’un mois que les deux potes, Dunford (USA) et Gerasimov (Russie) se rencontrent. Cette fois, les circonstances étaient particulières et remarquables : Dunford et le Turc (appelons-le par son nom, le Général Hulusi Akar) avaient quelque désaccord considérable à débattre, de la sorte qui caractérise deux bons alliés de l’OTAN, sur les Kurdes ou à peu près... Qui pouvaient-ils appeler pour jouer au médiateur, sinon l’ami Gerasimov, qui est Russe et qui ne fait pas partie de l’OTAN, qui est donc un copain loyal et digne de confiance à la fois de Dunford et de Akar ? Tout va bien en Syrie (et au sein de l’OTAN encore mieux).

Dame Pelosi, catholique-fervente-et-pratiquante, milliardaire californienne et fort élégante, à peine fanée malgré son âge avancé, pasionaria anti-Trump et cheftaine de la minorité démocrate à la Chambre, Pelosi ne résume-t-elle pas justement la situation lorsqu’elle déclare : « Trump n’a rien créé sinon le chaos » ? Vous savez, c’est assez simple, simple et juste je veux dire : “N’hésitez pas à cogner sur Trump, si vous ne savez pas pourquoi, lui il le sait”. Certes, on ne peut tout à fait donner tort à la-Pelosi... Il est possible, sinon probable selon les bruits qui courent et que mes sources ne démentent pas, que l’on trouvera trace dans Vault7 du prochain projet du président Trump : une Trump Tower en forme d’entonnoir, et baptisée Kaos-Tower. Bien entendu, elle sera dressée au cœur vibrant de Moscou, pas loin du Kremlin, pour que Poutine puisse la voir et à nouveau sourire.

 

Notes

(*) Remarque en passant, type-“Tout ça pour ça” ou encore style-“verre à-moitié-complètement-plein, verre à-moitié-complètement-vide”, déjà faite notamment lorsque Snowden nous révéla la couleur et le brillant des joyaux de famille de la NSA... Vault7 est opérationnel depuis au moins dix ans ou plus, je ne sais pas précisément, avec modernisation et expansion constantes impliquant les complications exponentielles, kafkaïesque et labyrinthiques qu’on image. La puissance US en est là où elle se trouve. Concluez : Vault7 ou le JSF de la CIA.

(**) Une deuxième remarque, en passant mais suite à un coup de téléphone à cet instant d’une source anonyme sans doute identifiée et agréée par Vault7 : n’est-il pas remarquable sinon tout à fait convivial que  Vault7 sorte trois jours après que Trump ait lancé son attaque contre Obama ? On dit que Vault7 a beaucoup circulé dans les milieux de l’IC (Intelligence Community) et associés avant de trouver son “lanceur d’alerte”. Ne peut-on imaginer, me susurre ma source qui est dotée d’un effroyable mauvais esprit, que Vault7 ait abouti dans les antichambres du bureau ovale et que les deux opérations aient été coordonnées ? Au fait, Trump n’est-il pas un agent d’Assange placé à la Maison-Blanche pour relayer les paquets-WikiLeaks ? Je vais en parler à mon entonnoir...