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643631 janvier 2023 (07H00) – J’avoue platement avoir complètement raté l’histoire du siècle, je veux dire “de la semaine dernière”, avec mercredi l’interview de Blinken par l’ami Ignatius (du ‘Post’, entre amis), suivi par l’audition de l’impressionnante Victoria Nuland, en pleine santé et adjointe du précédent, jeudi devant la Commission des Relations Extérieures du Sénat. John Helmer, qui s’amuse bien en ce moment en “dansant avec les ours” (‘DancewithBears.com’), rapporte ces deux interventions qui se sont magnifiquement télescopées, selon une parfaite coordination psycho-technologique, comme l’on danse le tango sur le rythme de la java chaloupée au rythme de la valse.
Je lui laisse la parole tandis que Mercouris rapporte l’aventure entre divers éclats de rire (fin de la vidéo du 27 janvier) :
« Depuis que James Forrestal a sauté du seizième étage d'un hôpital de la marine américaine en 1949, aucun secrétaire de cabinet américain n'a présenté autant de symptômes psychopathologiques qu'Antony Blinken, l'actuel secrétaire d'État. L'annonce faite par Blinken cette semaine sur les conditions de la fin de la guerre en Ukraine peut-elle être crue dans une clinique psychiatrique militaire américaine, et encore plus au Kremlin à Moscou ?
» Et que peut-on croire lorsque, le lendemain des remarques de Blinken, Victoria Nuland, la sous-secrétaire d'État la plus psychopathologique de l'histoire de la fonction, a annoncé à la commission des affaires étrangères du Sénat qu'elle et Blinken sont prêts “dans le contexte de la décision de la Russie de négocier sérieusement, de retirer ses troupes d'Ukraine et de restituer des territoires [qu’elle occupe]”, [à soutenir l’assouplissement des sanctions].
» Ce que Nuland entendait par l'Ukraine et les territoires “à restituer”, Blinken l'avait détaillé la veille [dans sa proposition]. La Crimée, Zaporozhye et “le pont terrestre qui relie la Crimée et la Russie”, c'est-à-dire Kherson, Donetsk et Lugansk, resteront russes et ne seront ni négociés ni “restitués” car, selon Blinken, “un assaut contre la Crimée serait un déclencheur d'escalade nucléaire”. »
Il est vrai que tout le monde (sauf moi, qui pensais à autre chose) fut ou aurait dû être fort surpris de cet étrange pas de deux. On chercha des hypothèses rationnelles à cet exposé de politique schizophrénique, pour ceux qui ont du temps à perdre. Moi-même, qui ai du temps à perdre entre mes angoisses diverses, favorise l’hypothèse que ce n’est pas un hasard si l’ahurissante proposition Blinken, aussitôt rectifiée-Nuland, est rendue publique le jour où le rapport de la RAND est rendu public. On remarque que Blinken s’affirme notamment, pour au moins 24 heures, contre une attaque et une reprise de la Crimée, notamment parce qu’« un assaut contre la Crimée serait un déclencheur d'escalade nucléaire ». Cela doit rassurer les militaires étoilés du Pentagone, non ?
Je me répète... “Il est vrai que tout le monde [...] fut ou aurait dû être fort surpris de cet étrange pas de deux”... Et je complète : tout le monde sauf les Russes, indifférents ou méprisants c’est selon, comme le montre ce commentaire de Maria Zakharova la brillantissime porte-parole du ministère des affaires étrangères. (Toujours d’après John Helmer, qui s’est bien amusé.)
» ...Il me semble que tout le monde a compris depuis longtemps de quoi nous parlons - la confrontation avec notre pays, la stratégie de l'isoler. Auparavant, cela n'était possible par aucun moyen, ni économique, ni politique, ni financier. Même avec des appels à mettre fin aux contrats lucratifs entre entreprises privées. Cela n'a pas fonctionné. Alors ils ont imposé des sanctions et des listes, et des listes d'arrêt, et ont menacé toute la communauté internationale, mais rien n'en est sorti. On est passé à la phase suivante. Comment l'appeler autrement ? Par conséquent, le “développement des relations” découlera de tout cela, de l'exposé de la situation réelle “sur le terrain”, – et non de quelques déclarations mineures.
» “Aujourd'hui, j'ai entendu que Washington a dit que si la Russie fait quelque chose comme ceci ou cela, peut-être que certaines sanctions ou autre chose seront levées. Qui écoute tout cela ? Qui en a besoin ? Qui y prête attention ? Quelqu'un a dit quelque chose, des sanctions. Ce n'est pas la question.
» “Dans le contexte du fait que des armes lourdes sont fournies, il n'est pas nécessaire de parler de ce qui se passera si quelqu'un fait quelque chose là-bas. Il y a une situation sur le terrain dont nous nous occupons. Nous nous occupons de tout. »
La même Zakharova est superbe dans le mépris par dérision et indifférence. Lorsque, lors de cette même conférence de presse du 27 janvier, elle se met à parler des Allemands (voir la partie suivante) et qu’elle attaque, Scholz en tête... Vous vous dites : elle aurait dû s’en prendre à la mégère atlantico-écolo et ‘American Ecolo’, la Baerbock, par exemple pour l’affubler du surnom “Baerbockrossa” qui eût été de circonstance ; mais non, elle méprise, Zakharova ! On ne s’adresse pas aux petites mains quand on tient le gérant de la boutique, agissant au nom des actionnaires d’au-delà du grand océan... Dans cette phrase, le « inutile » dit tout un monde de mépris indifférent :
« “Je veux rappeler à [Olaf] Scholz", a déclaré Zakharova, – “je ne fais pas référence à [la ministre des Affaires étrangères Annalena] Baerbock, cela me semble inutile... »
Puisqu’on est dans du Zakharova, on continue. Cette ravissante porte-parole à la langue bien pendue fonctionne au sein de la politique de sécurité nationale russe comme une voix de défoulement complet pour la libération de la profonde pensée russe. Zakharova dit tout haut, mais vraiment très haut, ce que tous les dirigeants russes pensent tout bas et marmonnent entre leurs dents, – et ce qu’elle dit doit plaire à beaucoup de Russes.
Ici, sa fureur est grandiose, “wagnérienne” pourrait-on dire au second degré (le groupe PMC plutôt que Richard), parce qu’elle concerne la perspective de voir des chars allemands écraser la terre russe de leurs chenilles, – à nouveau... Il n’y a aucune retenue dans la phrase, même si le ton est contenu (« Je parle doucement ici mais dans la vie de tous les jours ce serait différent ») et les dirigeants allemands sont rudement interpellés par leur seul nom (Helmer souligne ironiquement la chose en rajoutant les prénoms entre braquets), avec la volonté de n’y mettre aucun ingrédient apaisant de l’habituelle diplomatie.
« ...“Vous avez posé une question sur la décision des États-Unis de fournir des chars américains. Pourquoi le souligner en particulier ? Il est clair que cette position s'applique à tous les pays. Un seul pays se distingue. Il s'agit de l'Allemagne. C'est une histoire entre nous et eux. Nous nous souvenons bien de ce que sont les chars allemands. Ce sont des machines qui sont devenues un symbole non seulement de la mort et d'une idéologie mortifère, mais aussi de la haine de l'humanité, – une menace globale, existentielle, pour la planète entière.
» “Quand on connaît le fascisme, le nazisme et l'époque de la Seconde Guerre mondiale, je pense qu'il est évident que l'uniforme SS, les chars allemands avec les symboles du Troisième Reich sont devenus un symbole mondial de la chute de l'humanité dans l'abîme de la haine, de l'horreur et du meurtre. De cet abîme, nous avons tous - ceux qui étaient vivants à l'époque et ceux qui sont nés plus tard - été extirpés par les combattants de l'Armée rouge et de la coalition anti-Hitler. Ce sont les jeunes qui ont combattu au front et tous ceux qui étaient à l'arrière, liés à eux. Ce sont les chars allemands qui sont devenus l'anti-symbole qui s'est imprimé à jamais dans la mémoire de l'humanité. Maintenant, ces chars, comme [les Allemands] le supposent, vont à nouveau se déplacer sur nos terres. Du moins, c'est la tâche qui leur a été confiée.
» “Qu’espèrent-ils, en Allemagne ? Que des véhicules blindés peints et couverts de croix de fer - symboles des forces armées allemandes d'hier et d'aujourd'hui - traversent nos villes et nos villages ? Nous nous souvenons comment cela s'est terminé à l'époque. S’en souviennent-ils à Berlin ?... Chacun inscrit son nom dans l'histoire, à sa façon. L'Allemagne elle-même comprend parfaitement que Berlin n'a aucun droit moral, légal ou éthique de fournir des véhicules blindés et des chars pour tuer des Russes.”
» Zakharova a poursuivi en rappelant aux Allemands le meurtre planifié de plus de 3 millions de prisonniers de guerre russes entre 1941 et 1945. "Je veux rappeler à [Olaf] Scholz”, a déclaré Zakharova, “je ne fais pas référence à [la ministre des Affaires étrangères Annalena] Baerbock, cela me semble inutile, – et lui dire peut-être parce qu'il ne le sait pas : lorsque les prisonniers allemands étaient sur le territoire de l'Union soviétique après notre victoire, ils n'ont pas été torturés, ils n'ont pas été maltraités de la même manière que les Allemands l'ont fait avec nos soldats et nos civils dans les camps de concentration allemands. Ils étaient nourris par ceux [les Russes] qui n'avaient pas eu assez pendant de nombreuses années, qui n'avaient rien à manger pour eux-mêmes. (Je parle doucement ici mais dans la vie de tous les jours ce serait différent )... Je me souviens bien comment en 2015, dans le cadre d'une délégation officielle, le ministre des Affaires étrangères allemand de l'époque [Frank-Walter] Steinmeier est arrivé à Volgograd. Il s'est repenti et a incliné la tête devant les tombes des soldats soviétiques et allemands qui sont restés sur notre terre. Et il a dit que cela ne devait plus jamais se reproduire. Vous [Scholz], vous êtes en train de le reproduire”. »
Il est vrai qu’on se demande comment, si ce n’est pas l’action d’un simulacre qui ressemble désormais à une drogue diabolique et psychédélique prescrite par des psychopathes du type-Blinken-Nuland eux-mêmes sous totale dépendance, – comment il n’est pas apparu évident aux yeux de nos décideurs, dirigeants, élitesSystème et autres zombies en cravate bleue foncée (le col ouvert se porte moins depuis “l’infâme agression”), que l’envoi de chars allemands contre les Russes constituerait un symbole terrible, presque métaphysique, comme un signe du Diable.
Tant il est vrai qu’avec une telle finesse d’âme, conduite par des Polonais enfiévrés et de ravissantes ‘Harpies’ de nouvelle génération, on est en train de construire une méfiance mortelle, nourrie d’une inconfiance qui définit parfaitement la façon dont on assassine sauvagement une confiance maintenue jusqu’alors et tant bien que mal, avec une sorte de bienveillance presque naïve. Au fond, les Russes, qui furent les premières victimes de l’oppression communiste, avaient, via Gorbatchev, accueilli les Occidentaux comme des “libérateurs”, psychologiquement sans aucun doute mais aussi politiquement. Certains (un Mitterrand certainement, voire un Chirac moins paresseux) étaient prêts à jouer ce jeu de la confiance. Tout ce qui a suivi, en même temps que la prise de pouvoir par les psychopathes, de Blair aux neocon, a été un long saccage de toutes ces chances de départ. L’affaire des ‘Leopard’, d’une exquise délicatesse, nous met une kolossal cerise rouge-sang sur le gâteau.