Le SS & “la” trans

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Le SS & “la” trans

19 août 2023 (18H55) – Ce fut un drame terrible ! Shakespearien, dantesque, kafkaïen, lacanien et foucauldien. Cela ne pouvait donc se passer qu’à Kiev, en Ukraine ? Pas du tout, à Lviv plutôt, où, dit-on, – mais que ne dit-on pas par ces temps incertains ? – les choses sont plus tolérables. Ce fut une improbable rencontre.

Je vais d’abord reprendre les extraits d’un premier texte, pour avoir toutes les données du drame, et en remarquant l’importance incroyable donnée à cet incident puisqu’il figure comme une nouvelle majeure, à peu près de même importance que l’interview de Lavrov. On remarquera dans tous les cas les divers prolongements de l’incident, devenu un acte d’incivilité anti-LGTBQ d’une gravité non dissimulé, suscitant l’intervention d’associations et autres représentants de “la communauté”.

« Une femme transgenre servant dans les forces armées ukrainiennes a été agressée dans les rues de Lviv dans la nuit de mardi à mercredi, l'agresseur ayant apparemment proféré une insulte avant de la frapper au visage. Un groupe de défense des droits a exhorté les autorités fédérales à prendre des mesures dans cette affaire.

» Identifiée seulement comme Helen, la soldate a déclaré à ‘Kyiv Pride’ [organisation LGTBQ de Lviv] qu'elle se rendait dans cette ville de l’ouest de l'Ukraine pour assister aux funérailles de sa mère, mais qu'elle a été accostée par un homme qui a commencé à “parler de manière agressive”.

» Helen lui a demandé de partir, et la seconde suivante, l'homme lui a donné un coup de poing dans le nez, en disant “Qu'est-ce que tu es, une ‘tarlouze’ ?”, a indiqué l'organisation LGBTQ dans un message publié sur les réseaux sociaux. “Le coup a déséquilibré Helen et il l'a frappée à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'elle réussisse à s'éloigner de quelques mètres”.

» Des parties de l'attaque ont été filmées par Helen et par un spectateur, et l'on voit le soldat ensanglanté après avoir reçu un coup de pied au visage. Elle précise que si certaines personnes ont assisté à l'agression, aucune n'a tenté d'intervenir. Les images de l'incident semblent montrer qu'un homme a tenté d'attraper l'agresseur, mais qu'il a rapidement renoncé et l'a laissé s'éloigner.

» Le groupe de défense de la fierté ukrainienne a ajouté qu'Helen avait servi dans l'armée pendant trois ans et a exprimé l'espoir que les autorités “assureraient une protection décente à notre défenseur”. Il a appelé la police nationale et le médiateur parlementaire pour les droits de l'homme, Dmitry Lubinets, à suivre la situation et à traduire l'agresseur en justice.

» Helen n'est pas le seul soldat transgenre à se battre au nom de Kiev à faire les gros titres ces derniers mois. Sarah Ashton-Cirillo, ancienne journaliste et vétéran de l'armée américaine, a attiré l'attention des médias après avoir été nommée porte-parole des forces de défense territoriale de l'Ukraine au début de l'année. Elle aurait été blessée alors qu'elle servait en tant qu'infirmière de combat près de Kreminna en février dernier, et anime désormais une émission d'information parrainée par l'État et intitulée "La Russie déteste la vérité”. »

... Et ce n’est pas fini. L’affaire s’est poursuivie le lendemain matin par une grande rencontre de réconciliation, c’est-à-dire avec des excuses et un mea-culpa considérable quoiqu’un peu incertain de l’agresseur (« Je ne sais pas ce qu’il faut dire », explique-t-il). Tout cela est vidéo-filmé et bien entendu aussitôt réseau-socialisé. Dans tous les cas, les autorités publiques et gouvernementales ont suivi l’affaire de près, délaissant pour un temps la contre-offensive pour établir un nouveau centre de crise.

Encore n’avons-nous pas l’essentiel de cet événement considérable par son symbolisme, ses références aux grandes affaires du temps, sa mise en évidence que l’horreur de la guerre n’empêche pas à l’humanité de s’imposer... Mais l’essentiel ne bénéficie pas de toutes ces vertus, – comme on le lit, découvrant la vérité de la condition de “néo-nazi” de l’agresseur... Terrible vérité quoiqu’aussi bien improbable, – il y a donc des néo-nazis en Ukraine ? Surprise-surprise.

« La vidéo d'excuses a été partagée en ligne par la victime de l'agression, identifiée uniquement sous le nom d’“Helen”. L'agresseur et la femme transgenre apparaissent ensemble dans la vidéo, cette dernière donnant des instructions au néonazi sur la manière précise dont il doit s'excuser.

» L'agresseur a commencé par proclamer son “orientation de droite”, faisant apparemment référence à ses préférences politiques plutôt que sexuelles.

» “Je suis le petit-fils d'un éclaireur de la division SS Galicia”, a-t-il déclaré, en référence à la 14e division de grenadiers de la Waffen SS, une unité de l'Allemagne nazie datant de la Seconde Guerre mondiale et composée principalement de collaborateurs ukrainiens.

» L'agresseur a expliqué son agression par le fait qu'il était “mal à l'aise” avec le comportement d'Helen, qu'il jugeait “contre nature”.

» “Quoi qu'il en soit, je m'excuse pour mon comportement. Et je serai plus tolérant envers les femmes et les hommes transgenres”, a-t-il déclaré.

» Helen a ensuite demandé à l'agresseur de proclamer que “les femmes transgenres sont des femmes”. Il a hésité, déclarant qu'il ne savait pas ce qu'il fallait dire.»

Entretemps, bien entendu, les vidéos du drames étaient devenues virales, à la façon du Covid. La section LGTBQ de Lviv a veillé au grain et bien fait son travail de protection et de promotion de sa cause. Ainsi l’affaire s’est-elle greffée sur les nécessités de la défense de la patrie ukrainienne, laissant penser qu’un trans-LGTBQ fait bien, et même bien mieux son devoir patriotique qu’un néo-nazi encore un peu tendre.

« Les militants ukrainiens pro-LGBTQ ont exhorté les autorités à “assurer une protection décente à notre défenseur”, se référant à la révélation qu'Helen avait en fait servi dans l'armée pendant trois ans. »

J’ai mis tout cela selon plusieurs intentions qui sont apparues à mesure que les deux textes se déroulaient, – dont j’ai dit plus haut l’importance que leur accorde l’information officielle. L’aventure fait en effet naître plusieurs interrogations, qui nous montreront qu’à partir d’un incident que les cervelles de moineau séniles des vieux ronchons réacs’ jugeraient d’une importance assez mineure on parvient symboliquement à des questions d’une importance  que nul ne peut nier.

Redite : quelle affaire importante !

Il est vrai que, dans un pays en guerre, et dans une situation si difficile où il est question de sa survie, l’importance qu’on sent être accordée à cette affaire est tout simplement stupéfiante. La question des ‘trans’ semble équivaloir, dirait un candide, de leur statut, de leur “poids” symbolique jusqu’à être politique, quasiment les heurts principaux de la guerre en cours.

Mais au fait, qui devrait s’en étonner ? Les milieux gouvernementaux, leur chef, doivent nous paraître très préoccupés par cette problématique qui est un des piliers, à la fois du simulacre total qu’est l’Ukraine, à la fois du débat fondamental sur la nature de l’être, le transhumanisme (un ‘trans’, lui aussi). La sexualité dans son arborescence la plus large et la plus étrange de perversité est centrale pour comprendre l’effondrement général que nous observons avec la plus grande attention.

Il faut également en revenir à un texte du 8 novembre 2015, où il est question d’affaires sexuelles (homo, pas encore trans) avec son effet sur la situation politique ukrainienne d’une part ; et d’autre part de l’histoire de l’homosexualité et de son énorme poids politique en Allemagne (fin XIXème, XXème jusqu’aux nazis), avec les connexions entre les homosexuels organisés et la nazisme (avec Röhm et la SA, totalement pénétrée par l’homosexualité).

« En effet, un point sur le moment très conjoncturel qui a aussi retenu notre attention pour cette interview, disons qui a suscité une sorte d’“intérêt intermédiaire” (au-delà de la moquerie de FrontRuss et RI, dans tous les cas), c’est la situation en Ukraine avec le phénomène néonazi aujourd’hui reconnu par tous, y compris les antirusses US. Il y avait dans la conjonction qui semblait aléatoire de cette situation et de l’affirmation d’un “complot gay” à la Rada [assemblée nationale ukrainienne] une occurrence qui avait d’ores et déjà retenu notre attention. »

Des néo-nazis, ça alors ?

Cette rencontre est effectivement intéressante et contradictoire par rapport au simulacre qui a été hâtivement mis en place dès que l’Occident-addictif a été sommé de se mettre en rang derrière la régime Zelenski, le régiment ‘Azov’ et ainsi de suite. La narrative devint : des néo-nazis en Ukraine ? Où cela, donc ? A cette lumière, l’accrochage avec le petit-fils d’un troupier de la Division ‘Galicie’ de la Waffen-SS acquiert une valeur symbolique bien intéressante.

... Et je suis sûr que l’incident sera vite oublié, je veux dire mis sous le tapis. Le jeune “agresseur”, un peu tendre, s’est laissé emporter dans des insultes de bastringue, parce que mal instruit des contingences impératives de l’Ukraine-Zelenski. On l’enverra faire un stage chez ‘Azov’, et peut-être bien ‘Hélène’ rempilera-t-elle dans la même unité avec un grade de formateur des néo-nazis qui ont raté le sens de l’histoire. Bref ; LGTBQ et néo-NSDAP, à peu près même combat. C’est donc plus que jamais l’occasion de reprendre une fois de plus la citation précieuse de Bruno Berthez :

« La militarisation de la sodomie !

» En son temps je me suis fait l’écho de la déclaration authentique du patron des services de renseignements britanniques, lequel avait déclaré que  la guerre en Ukraine était une guerre contre les transphobes et autres homophobes, une guerre en défense des LBGTQ, etc.»

Tout est en dans le détail

Je veux dire : à peu près tout s’explique avec cette aventure qui n’est vraiment qu’un détail, pourtant élevé à la hauteur d’un Himalaya du symbolisme... C’est l’époque : le plus dérisoire perçu comme un acte suprême, l’accessoire imperceptible devenu essentiel jusqu’à l’absolu, l’élévation si-haute contenue dans l’inversion sans la moindre retenue.

Les Anglais disent : « The devil is in the details » ; les Français (attribué à Flaubert) : « Le bon Dieu est dans les détails »