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261229 mars 2017 – Je vais revenir, avec ma voix solitaire et ma plume exigeante, sur un aspect essentiel du commentaire de ce 28 mars, dans Ouverture Libre, et ce qu’il expose de la méthodologie que les événements nous conduisent, et même nous forcent à adopter. Il y a cette entre-parenthèse dans le propos, que je cite ici (je fais sauter les parenthèses, justement, pour la facilité de lecture) :
« Il doit être compris d’une façon impérative que le but n’est pas de mettre en évidence une “trouvaille” [d’un personnage], – sans aucun doute par ailleurs connu, notamment de nombre de nos lecteurs, – encore moins de le glorifier ou toute autre chose de ce genre, mais bien de saisir l’occasion d’un exemple pour détailler une méthodologie de notre travail d’identification des références et des perceptions, et de leurs variations à très grande vitesse au rythme extraordinaire des événements que nous connaissons. Nous détaillons plus loin diverses observations qui mettent en évidence la nécessité d’une telle méthode. »
On comprend que je veux explorer encore plus l’idée, qu’elle m’apparaît d’une importance primordiale. Elle suppose une extrême agilité de l’analyse, avec de l’expérience, de l’imagination et je l’espère de l’intuition, avec une capacité de changer de jugement dans tel ou tel cas singulier avec paradoxalement la sensation et même la certitude de ne pas se déjuger sur l’essentiel en faisant cela.
Depuis quelques semaines, quelques jours (entrée en fonction de Trump, accélération de France-2017 à la fois dans le néant, l’hystérie et une sorte d'angoisse assez vague) s’est renforcée de plus en plus fortement dans la pensée active, opérationnelle disons, le sentiment de la complète déconnexion entre les événements et les hommes/femmes (bref, les sapiens) qui sont censés conduire la politique d’une part ; d’autre part le sentiment de l’apparition à cause de la puissance du système de la communication des effets des événements avant les événements , cela produisant à son tour des effets extrêmement inattendus et modifiant les événements à venir eux-mêmes. Cette dernière idée déjà présente dans le précédent Journal-dde.crisis, que ce texte, ici même, complète et précise :
«…[I]l y a cette idée selon laquelle, “les effets d’un événement [en arrivent à précéder] l’événement lui-même” et, par conséquent, modifient d’une façon extraordinaire ce que cet événement attendu sera en vérité. »
Dans ce contexte, la nécessité est plus grande que jamais, elle est impérative, d’écarter l’étiquette, l’engagement référencé, les affirmations qui leur sont prêtés des acteurs et figurants, comme ne donnant aucune indication que ce soit sur leur comportement, ou bien leur comportement selon ces données devenant rapidement sans signification véridique.
Ce que je propose au commentateur, et donc également à moi-même, c’est d’abandonner toute référence politique des acteurs-figurants comme ne pouvant être qu’un trompe-l’œil et un faux-nez à la fois. Ce n’est ni tromperie, ni russe de leur part, mais simple constat de l’évidence, sans qu’il faille pour autant porter un jugement de valeur sur leur comportement. Le fait quasiment dynamique est que les événements, non seulement n’ont plus de rapport avec nous, mais également qu’ils vont beaucoup plus vite que nous et beaucoup trop vite pour nous, et qu’ils sont impossibles à prévoir en aucune façon.
Le commentateur doit donc accepter ce fait de l’impossibilité complète de l’acteur-figurant d’agir sur les événements, c’est-à-dire qu’il faut qu’il le considère comme un événement lui-même, par conséquent sans chercher à expliquer pourquoi il fait cela et quels sont ses buts notamment selon l’étiquette qu’on leur attribue, puisque l’acteur-figurant est agi par les événements, animé par eux plutôt qu'il n'agit sur eux et ne les anime. Un cas évident, c’est Trump (comme un cas évident pourrait être aussi le commentateur lui-même, signataire de ces lignes). Malgré un début (une ou deux semaines) où il sembla vouloir lancer des initiatives propres, Trump est rapidement parvenu à un stade où il n’est plus capable de réaliser, et où l’on réalise, nous, que son importance n’est nullement dans ce qu’il réalise. Il est un événement, Trump, dans le sens où sa présence seule par ses caractéristiques produit de multiples effets inattendus, et notamment des effets de désordre et d’instabilité particulièrement remarquables. (Il ne fait rien que ce qu’il avait annoncé ou qu’on croyait attendre de lui, d’une façon telle qu’il engendre le désordre, – et c’est d’ailleurs parfait puisque c’est le désordre qu’on attend de lui.) Il devrait nous apparaître qu’il a été absurde, comme nous l’avons tous fait durant la campagne US-2016, moi y compris, de tracer des plans sur la comète avec un météorite de la taille monstrueuse du The-Donald, et surtout parce que le Grand Ordonnateur de l’Univers a décidé il y a quelques temps, quelque part entre 2013 et 2015, que le système de l’univers, désormais, ne fonctionne plus en rien comme nous avions l’habitude de voir, et que sapiens sapiens est relégué au rang de l’accessoire, acteur strictement surveillé sinon tout juste acteur-figurant.
Ce que je dis là, avec la proposition qui va avec, qui est en partie détaillée dans le texte déjà référencé pour un cas précis et assez aisé à embrasser (celui de Gilles-William Goldnadel), est en soi extrêmement difficile à accepter comme une règle, à réaliser et à “opérationnaliser” (y compris pour moi [bis], et comment), parce que c’est s’imposer une tache de déstructuration par essence contraire à nos habitudes et à notre mission. Il faut savoir que cette déstructuration, – pour dissiper le soupçon d’incohérence vis-à-vis de celui (moi notamment) qui veut s’affirmer comme un personnage structurant, – agit sur une structure faussaire, parce le Système a construit sa propre structure pour chercher à réaliser son objectif d’entropisation. Moi-même j’en ai parfaitement conscience, et par conséquent de la difficulté de l’exercice qui est décrit ici.
D’un autre côté, ces observations que je fais me semblent absolument irrésistible, péremptoires, indiscutables. Voici un exercice pratique où je vais prendre un cas bien précis, avec un sapiens sapiens qui a comme étiquette, qui n’est pas rien, celle de sénateur du Sénat des États-Unis, dans les rangs du parti républicain, et même de président de la toute-puissante commission des forces armées…
On a deviné de quelle bestiole je veux parler, oui ? C’est cet homme-là qui, recevant un appel dans son bureau d’un type qui parle anglo-américain avec l’accent qu’il faut, qui lui dit qu’il est le Premier ministre ukrainien, – comme moi-même je pourrais faire en disant “I am Mr. Micron, the alreaday new President of France, and I want to talk to you about the future offensive ‘Barbe-bleue’ deep into Russia” ; et mon sénateur discutant argent comptant (façon de parler) directement avec le farceur malin, répondant comme un automate par des cris de guerre contre Poutine, affirmant que oui, il va faire une proposition de loi, que oui on va livrer des chars, et que Poutine va voir ce qu’on va voir. C’est le même qui s’adresse comme un Robespierre furieux devant la Convention au sénateur Rand Paul qui vient de jeter froidement le “I object” classique à une de ses propositions de loi et qui quitte son siège. (Commentaire ensuite de Rand Paul : « Le comportement du sénateur McCain montre bien qu’il est temps de s’occuper de l’instauration d’une limite d’âge pour les parlementaires. »)
… C’est donc ce type-là dont ZeroHedge.com rapporte, le 25 mars :
« McCain also revealed he hasn’t met the President Donald Trump in person since he took office… […] McCain said he’d met Trump “some years ago” when he was a businessman, but had not met him since. McCain said he did speak “almost daily” to National Security Adviser Lt. Gen. H.R. McMaster and Defense Secretary Jim Mattis, however. “He doesn’t seem to be that upset that he’s not talking to [Trump],” said German Marshall Fund’s Derek Chollet, a former Obama Pentagon official. “He’s trying to run U.S. defense policy through Mattis and effectively ignore Trump.” »
“C’est donc ce type-là” qui laisse entendre, à demi-mot et entre les lignes tout cela, confidentiellement pour que cela s’imprime et se sache partout, et d’abord à la réunion du Marshall Fund à Bruxelles où la chose se passait, où l’on trouve toutes les têtes pensantes du monde de la sécurité nationale otanienne et transatlantique ; qu'il laisse entendre impérativement qu’il donne “almost quotidiennement” ses consignes au directeur du NSC et au secrétaire à la défense, et que, pratiquement et quasiment, c’est lui qui dirige la politique de sécurité nationale des États-Unis sans s’encombrer d’aller rendre visite à Trump.
Bien sûr on me dira qu’il n’y a pas de politique de sécurité nationale des États-Unis, aujourd’hui comme hier et encore moins qu’hier ; que de toutes les façons les généraux font ce qu’ils veulent partout où ils se trouvent, sans vraiment savoir qu’ils le font et pourquoi ils le font ; que Mathis et McMaster répondent obligeamment à McCain “almost quotidiennement” parce qu’ils ont besoin de sa bonne humeur fantasque puisque c’est lui qui leur donne quitus lorsqu’ils viennent tendre leur sébile pour quelques dizaines de $milliards de plus à gaspiller pour leur Pentagone chéri ; bref, qu’on veut bien lui laisser croire, à McCain, qu’en fait c’est lui qui dirige une politique qui n’existe pas selon des consignes que personne n’écoute une seconde, et que d’ailleurs le Système n’a besoin de personne pour conduire tout le monde vers les abysses où elle est en train de dégringoler…
On observera aussitôt qu’il s’agit d’un cas extrême mais nous sommes plein de cas extrêmes aujourd’hui, il n’y a guère plus que cela. Il reste que McCain, c’est bien une étiquette, et pas n’importe laquelle, avec des projets (fous bien entendu), une politique (absurde, cela va de soi), et que la plupart dans les élites-Système boivent dans toutes ses paroles une Vérité révélée qui les rassure avant qu’ils s’en retournent à leurs propres occupations sans que rien n'ait été changé en quoi que ce soit. Ce que je veux montrer et confirmer ici, c’est, notamment dans le troupeau de nos élites-Système mais aussi dans les classifications que nous donnent la presseSystème et sa mécanique de délation-automatisée, la totale inexistence de signification opérationnelle d’une étiquette, d’une position, d’une conception, dans la plupart des cas envisagés, dans ceux des débiles comme dans ceux qui le sont moins. Si tout cela est possible, c’est bien parce que les événements ne dépendent plus de personne et suivent leur course à leur gré, balayant toutes les prétentions au rangement et à la rectitude des conceptions au niveau des affaires humaines. Ce qui vaut pour un McCain vaut pour un Goldnadel qui est l’opposé dans le domaine de la justesse de la logique et de l'équilibre du jugement, et donc les étiquettes dont on l’affubla n’ont pas plus de valeurs que celle du sénateur McCain.
Il nous faut donc, nous les commentateurs qui luttons contre cette marée de communication invertie et faussaire, et désormais sombrant dans la démence, rompre avec toutes les règles rationnelles établies dans le chef de ce qu’on peut apprécier officiellement des positions et des actes des sapiens sapiens … Notre constante ouverture de la psychologie aux perceptions de recherche des vérités-de-situation, notre souplesse d’analyse et d’appréciation de l’esprit, notre capacité de changement du jugement sur les comportements et les choix de ceux que nous sommes conduits à prendre en compte sont constamment requises. Tout doit être constamment pesé et constamment avec la possibilité permanente d’une révision, avec la parfaite conscience de l’extrême relativité des rangements politiques et idéologiques, et rien ne doit nous étonner et nous surprendre à cet égard. Jamais le devoir de l’ouverture de la perception et de la mobilité d’un jugement libéré et hors de toute entrave n’a été aussi impératif, aussi plein de surprises, aussi délicat, aussi peu ennemi des audaces les plus grandes, aussi nécessaire enfin…
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