Le “bloquisme” avant inventaire

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Le “bloquisme” avant inventaire

31 octobre 2022 (18H00) – Nous vivons le temps des “ismes”. Nous-mêmes, certes, mettons la main à la pâte (voir notre ‘Glossaire.dde’ notamment), et le prince absolu des “ismes”, – le “néologisme” soi-même, – n’a ainsi jamais autant régné en maître absolu de l’expression de la pensée. Par “ismes” récents, disons les classiques “covidisme”, “ukrainisme”, “énergétisme”, “écologisme”, “globalisme”, etc., chacun avec une infinité de nuances et autant d’ismes de convenance. Chacune de ces choses recèle, – dans un sens ou l’autre, –  son lot de mesures révolutionnaires et transformatrices, de contraintes, de révoltes, de résistances.

L’important dans cette description est certainement dans la remarque “dans un sens ou l’autre” ; c’est-à-dire qu’en général chaque mesure de contrainte suscite une action de résistance sans qu’aucune d’entre elles ne l’emporte alors qu’il était prévu au départ que la mesure de contrainte l’emporterait et installerait de nouveaux temps (ou que d’autres espéraient, assez naïvement il me semble par rapport aux capacités des révolutions, que la résistance l’emporterait et changerait le monde)... Ainsi, cette situation de blocage ne fait que s’accentuer. C’en est au point où, dans cette époque ultra-rapide qui bourdonne d’une communication démentielle, le néologisme “bloquisme“ ferait paradoxalement l’affaire pour la définir...

PhG-bis : « ... A part qu’il n’est néologisme que pour les incultes comme se trouve être l’auteur, puisqu’assez largement employé, je crois, au Québec, – ce qui n’étonnera personne tant cette terre de francophonie dans sa chair et son âme a le respect de la langue et de son extrême diversité. Mais bon, considérons-le, pour la séquence autant que pour le rythme de ce début, comme un néologisme. »

Prenez le “covidisme” qui a inauguré ce cycle fou de contrainte-résistance encalminé dans le bloquisme. L’idée générale était, il y a quelques mois encore, que cette situation de contrainte allait se généraliser et l’été, ainsi, bourdonna-t-il d’avertissements des bien-avisés... Nouvelles “vagues” annoncées (huitième ? Neuvième ? Dixième ? Onzième ?), retour du pass sanitaire, retour des vaccinations, dictature sanitaire poursuivie et accentuée, masque et re-masque. Rien du tout ! Il faut dire que les maîtres du covidisme gèrent la question un peu à la façon d’une usine à gaz par temps de sanctions : Pfitzner reconnaissant qu’il a travaillé comme un cochon mais espère augmenter le prix de ses vaccins non testés par dix, l’Ursula van der La Hyène prise dans un étau de soupçon de corruption qui devient gênant, Biden qui bredouille que “le Covid c’est fini”, le masque, — toujours lui, – qu’il faut à nouveau porter et dont tout le monde se contrefiche, le Professeur Peronne blanchi avec les honneurs et peut-être va-t-il fonder un parti après avoir porté plainte contre Bill Gates, et ainsi de suite.

... En un mot déjà dit et que nous répétons tant est grande son universalité : les complotistes-globalistes du Covid travaillent comme des cochons. Qui plus est, bien d’autres “ismes” sollicitent notre attention, où les complotistes nos-maîtres-du-monde ne font pas mieux qu’amonceler sottises et bêtises. L’antirussisme, ou russophobie, règne certes. Du coup, cause folle à effet invertis, il y a même des Polonais conservateurs qui seraient prêts à acheter du charbon russe. Il faut dire que la guerre des sanctions menée par l’UE représente la plus vertigineuse plongée dans l’abîme sans fin de la bêtise caparaçonnée d’hébétude idéologique. L’Ukraine tangue sans retenue entre la menace d’une guerre thermonucléaire totale et très sale, et l’alimentation en armes occidentales sophistiquée du crime organisé.

... Transition toute trouvée, petite anecdote souriante à cet égard, venue de la vertueuse Finlande dont nous admirons la magnifique Première Ministre (toujours elle), la Finlande dernière acquisition de l’OTAN, et pourtant qui montre une certaine insatisfaction ; la chose nous vient de la part d’un officier du NBI, la police centrale finlandaise.

» “Nous avons vu des signes indiquant que ces armes sont déjà arrivées en Finlande"” a déclaré Christer Ahlgren, commissaire de police du BNI, au média Yle dimanche... “Des filières de trafic d'armes entre l'Ukraine et la Finlande ont déjà été mises en place”.

“Trois des plus grands gangs de motards du monde, – qui font partie de plus grandes organisations internationales, – sont actifs en Finlande. L'un d'eux est le Bandidos MC, qui a une unité dans chaque grande ville ukrainienne”, a-t-il déclaré. “Les organisations criminelles ont leurs réseaux dans les ports commerciaux finlandais”...

» La Finlande n'est pas le seul pays de l'UE à connaître de tels problèmes, puisque “des armes expédiées en Ukraine ont également été trouvées en Suède, au Danemark et aux Pays-Bas”, a-t-il précisé. “L'Ukraine a reçu un grand volume d'armes et c'est une bonne chose, mais nous allons être confrontés à ces armes pendant des décennies et en payer le prix ici”. »

C’est la dernière phrase qu’il faut signaler nous semble-t-il, disant que l’envoi d’armes occidentales en Ukraine est « une bonne chose », – nous dirions même, conscient de notre devoir de conformité morale pile-poil, “une excellente chose”, – mais que ces armes vont leur empoisonner la vie pendant des décennies, peut-être transformer ce splendide pays de Finlande en une sordide banlieue londonienne ou en en une sorte de Chicago-Sud dans les bois dont les troncs des arbres seront laminés aux tirs de Kalachnikov et de ‘Javelin’.

C’est étrange, cette façon oxymorique, comme si c’était sans façon après tout, d’apprécier les événement : “Mais oui, c’est très bien cela, il faut le faire !” “Mais oui, c’est sûr, cela sera une catastrophe pour des décennies !”, et le “cela” désignant exactement la même chose. Bien sûr cet argument-là ne suffit pas à expédier le bébé avec l’eau du bain et juger de toute l’affaire ukrainienne sauf qu’il y en a des centaines, des milliers de la sorte, avec autant de bébés, ce qui finit par faire chavirer un ‘Titanic’ transformé en jardins d’enfants gavé de Kalachnikov et de ‘Javelin’. C’est comme s’il y avait une sorte de clown (ou une clownesse ?), assurant être la Vérité, et valsant de l’un à l’autre, chacun sur un rythme différent, mille, dix mille temps qui sait, tournant comme une toupie, balançant d’un partenaire à l’autre et les envoyant dinguer, le tout enfantant une suite sans fin de simulacres, tournant sur eux-mêmes sans avancer ni reculer, – bloquisme absolument verrouillé, infranchissable, le mouvement fou sans le moindre déplacement, sans la moindre progression possible, privé de la moindre possibilité d’avancée vers l’arrière.

Cette ivresse tournoyante sur place jusqu’à creuser un trou affiné et acéré, tout d’un trait, dans la croute de la terre nourricière, vous donne le vertige et vous ne savez plus ce qu’est la Vérité. Cet aspect complètement schizophrénique du bloquisme tournant en rond jusqu’à l’ivresse qui vous fait perdre toutes vos références d’équilibre sans comprendre de quelle nécessité d’équilibre un tel sur-place de derviche-tourneur dépend, finit même, ô surprise, par donner de l’humour à des gauchistes qui, en un éclat de rire, vous affirme que seul un  vieux fasciste comme Berlusconi détient la vérité

Ainsi et pour vous prouver que ce n’est pas une médisance scandaleuse et de circonstance, voici, de Eve Ottenberg, sur le site ‘ConterPunch’, pourtant de mauvaise réputation chez les gens de la gauche véritablement résistante (voir Diana Johnstone) :

« Vous savez que les choses vont mal lorsque des bouffons absurdes comme l'ancien Premier ministre italien Silvio Berlusconi sont les seuls qui parviennent à presque remettre la réalité à sa place. C'est ce qu'il a fait le 20 octobre en déclarant que l'Ukraine avait provoqué l'invasion de la Russie. On pourrait arguer que Kiev l'a fait en massacrant 14 000 russophones dans le Donbass depuis 2014, puis, l'hiver dernier, en massant d'énormes troupes à la frontière de cette région, en préparation de ce que Moscou a pris pour un génocide. Mais en réalité, l'instigation supposée de l'Ukraine a bénéficié de beaucoup d'aide. Il aurait été plus exact de dire que le maître des marionnettes de l'Ukraine, les États-Unis, ont provoqué Moscou par leurs incitations incessantes en étendant l'OTAN vers l'est depuis la chute de l'Union soviétique, comme de nombreux experts et diplomates américains, – de George Kennan, sommité de la guerre froide, à Jack Matlock, ancien ambassadeur en URSS, en passant par William Burns, chef de la CIA, et John Mearsheimer, spécialiste des grandes puissances, entre autres, – l'avaient prévenu, et ont plus récemment incité Moscou à attaquer par le coup d'État de 2014 à Kiev et les huit années de violence absurde qui ont suivi, et que Washington l'a fait avec la préméditation de rompre les relations économiques entre la Russie et l'Europe. Quoi qu’il en soit, il reste que Berlusconi a mis en plein dans le mille avec ses déclarations. Lorsque vous devez vous adresser à Berlusconi pour obtenir des commentaires éclairés, vous êtes dans le pétrin, car il a récemment choisi son camp au sein du gouvernement italien, et c’est le camp fasciste. Alors maintenant, les choses vont si mal que les fascistes font partie des personnes qui s’opposent à la propagande impériale. Nous vivons des temps amusants. »

Ce que je veux arriver à dire par ce long cheminement, c’est bien entendu que nos psychologies, et elles surtout, – et il serait bon pour la santé de l’esprit que ceux qui le réalisent le reconnaissent loyalement comme je fais ici, – que nos psychologies sont les premières victimes de ce bloquisme. Elles sont complètement prisonnières, comme si elles étaient enfermées dans cette sorte de cellule capitonnée où l’on met les fous.

Vous comprenez que ce n’est pas une mauvaise chose. Vous comprenez que l’on rejoint ainsi l’ami Mercouris récemment cité, nous exposant la vertu des événements laissés à eux-mêmes (d’ailleurs, le moyen de faire autrement ?), car eux, les événement-laissés-eux-mêmes, ils savent y faire (c’est la thèse très-aimable du “chaos-vrai”) :

« Parlant d’événements, je pense à une crise économique, comme cette récession massive qu’annonce un économiste réputé comme Roubini... Non seulement une récession mais des phénomènes de pénurie énergétique, de pénurie alimentaire, provoquant un chaos non seulement économique mais politique que personne ne pourra contrôler... Et cela pourrait être la meilleure chose qui puisse arriver quand on voit les possibilités de ce qui peut arriver dans l’esprit de certains qui prétendent contrôler les choses, en Ukraine où ailleurs, ... ce chaos pourrait être bien la meilleure chose car il serait impossible de le maîtriser [pour imposer une confrontation]... »

Ainsi ce bloquisme général des événements, – de nos événements plutôt, – atteignant nos psychologies et transcrit en termes psychologiques, nous enseignent, non pas qu’il n’y a rien à comprendre mais qu’il est profondément inutile de vouloir y comprendre quelque chose de sensé selon les capacités humaines actuellement disponibles dans un environnement de communication infesté de simulacres et de mensonges comme l’est une rivière grouillante de piranhas.

Vous suivez votre intuition, selon l’un et l’autre grands principes qui vous structurent, – vous connaissez les nôtres, – pour orienter le sens de votre perception, mais n’essayez en rien de forcer le bloquisme des événements courants agencés selon des étiquettes et des préjugés qui courent dans les voies empressées du pouvoir, des élitesSystème, des salons, de la presseSystème, des grimaces convenues. Montrez-leur votre mépris, si cela vous plaît, mais n’espérez ni les vaincre ni les convaincre. On ne s’abaisse pas au poulailler.

Si tout cela a un sens qui nous échappe, je parlerai, d’intuition, plutôt d’une sorte d’inventaire en train de se faire avant le Grand’œuvre du nettoyage nécessaire.