Larme de Dieu

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Larme de Dieu

3 septembre 2020 – Le titre pourrait se lire “L’arme de Dieu”, et il serait aussi vrai, peut-être plus juste. (Je ne cesse de faire des titres à tiroir, à plusieurs significations,  jouer avec les mots... ) Qu’importe, ‘larme’ ou ‘l’arme’, Covid19 est sans aucun doute ‘de Dieu’, comme l’on est à son suzerain, tant il montre de brio et prouve à chaque instant, à chaque détour, à chaque nouvelle annonce, non seulement son utilité mais désormais sa nécessité.

Monsieur Alain Jakubowicz, ancien président de la LICRA, tweete, plein d’une grande espérance compassionnelle : « #DonaldJTrump testé positif au #COVID19. Et si Dieu existait ? » Si l’on est un peu soupçonneux, et si l’on croit être dans les petits papiers de Dieu, on conclura que ce message implique qu’il serait de bonne fortune que Trump trépassât, dans tous les cas que le Covid fût punition de Dieu à son encontre et démonstration de la vilénie trumpiste.

La drôlerie du propos, à propos d’une situation qui n’est pas nécessairement drôle mais plutôt étrange selon le deuxième sens du mot (la “drôle de guerre” n’a jamais fait rire personne), est que ce tweet est inséré dans un texte où la personne interrogée nous dit cet avantage paradoxal que la maladie de Trump, s’il ne s’ensuit pas un funeste développement, prive les démocrates de la stratégie d’attaque contre le susdit Trump ainsi transformé en personnage tragique, en ‘gentil’. On nous précise, pour que nul ne s’y trompe que « [l’]un des principaux axes de la campagne de Joe Biden était de taper sur le méchant Trump ; maintenant qu’il est malade, il devient difficile de l’attaquer car ce serait très mal perçu... »

Charlie Stone, ancien de la BBC, est assez d’accord, comme l’indique le titre de son texte (avec les sous-entendus que chacun peut y entendre résonner : « La campagne de Trump était à moitié morte. L’infection au Covid pourrait bien être le coup de pouce dont il [Trump] a besoin pour gagner l’élection ») ; et il nous rappelle que Boris J., qui était alors connu et dénoncé comme ‘anti-confinement’, et plutôt impopulaire à ce propos, comme Trump d’une certaine façon, a failli mourir de la maladie maudite mais a gagné une gloire immortelle, au moins pour quelques semaines sinon quelques mois : « Cela n’a pas fait de mal au Britannique Boris Johnson, n’est-ce pas ? Covid-19 a failli le tuer, mais le drame lui a permis renflouer décisivement sa popularité. Voilà pourquoi la même chose pourrait arriver à Trump. »

Peut-être que bien des gens, et pourquoi pas Trump lui-même, ont-ils pensé ou pensent-ils la même chose, dans la signification profonde avec ses suites de l’accident. Les temps sont si étranges, – drôle d’époque...

Quoi qu’il en soit, ceux qui attendaient une “October Surprise” sont servis : ils l’ont, et ils ne l’ont pas vue venir, véritable et fameuse surprise, bien au-delà de l’humain et sans que l’humain n’en sache rien. Moi le premier, ou le dernier, je n’aurais pu imaginer que cette campagne si furieuse, chaotique, supra-atmosphérique, pût prendre un tel fantastique tournant, un tournant de plus, encore comme rien moins qu’une brutale courbure de l’Espace-Temp, – toujours à cause de l’étrange, de l’infernale, – à cause de la drôle de bestiole. Sans le moindre doute, Covid19 est l’arme de Dieu, lorsqu’Il entend faire régner le désordre dans les affaires humaines.

Je ne pouvais envisager que, dans le dessein divin, fût introduit une manipulation tactique de la puissance imaginative, et de la capacité infinie de surprendre, telle que se révèlent ce Covid19 et sa pandémie. Il est assez révélateur qu’en même temps que l’on considère les conséquences de cette nouvelle éruption événementielle, s’accumulent, venue de partout, les suggestions de manipulations et de complots à l’avantage de l’un, ou bien au désavantage du même. Tout cela contribue à épaissir encore le ‘brouillard crisique’, – comme il serait de bon choix de qualifier ces événements du point de vue météorologique et de la crise climatique.

On parle à juste raison du ‘brouillard de la guerre’ (‘fog of the war’) ; mais c’est du passé, me semble-t-il. Voici l’événement qui compte désormais, la météorologie des événements et de leurs mythes, je veux parler du ‘brouillard de la crise’ (‘fog of the crisis’), ou plus prestement dit, – ‘brouillard crisique’ s’accumulant au gré des tempêtes et des ouragans, des tourbillons crisiques et des ouragans crisiques. Nous vivons dans une période de nouvelles formes et circonstances, où la matière première de l’Histoire, c’est-à-dire de la métahistoire se faisant directement, cette matière première et presque unique est la crise elle-même, comme une sorte de narrative-crisique. Le récit de notre monde est devenu celui d’une crise indomptable, insoluble, qui ne se résoudra jamais que selon ses propres termes et selon un sens qui nous est inconnu, sinon inimaginable.

En un sens, qui est celui de ce court message avec ce qu’il contient d’énigmatique y compris pour l’auteur, c’est comme si la crise USA-2020 de l’élection  présidentielle de l’année-folle en cours redémarrait, redynamisée. On ne repart pas à zéro, non, on stocke tout le précieux désordre qui s’est déjà signalé et affirmé, mais l’on passe un palier au-dessus et effectivement l’on redémarre. Certains y verront la promesse d’une résurrection en craignant d’ici là que Thanatos vienne réclamer son dû, qui serait chose indue ; d’autres jureront qu’il y a une curieuse occurrence, presque une justice, à voir une personne victime des mesures qu’elle a elle-même promulguées contre toute sagesse, et qu’il ne nous gênerait pas qu’elle en mourût ; d’autres encore, enfin, affirmeront qu’ils distinguent toutes les certitudes d’une machination, d’un côté ou de l’autre, pour tenter de s’approprier un processus qui revient de droit au peuple et à son icône démocratique. Chacun voit midi à sa botte, ce qui permet de s’y croire encore, comme ‘maître des horloges’ et manipulateur du temps et de l’espace.

Ce qui veut dire, me semble-t-il, cette évidence que rien n’est joué et que tout s’est passé comme si le croupier avait redistribué un nouveau jeu. Mais quelle impudence enfin ! Comparer Dieu à un croupier, est-ce bien raisonnable ? Pourquoi pas s’il ne s’agit que d’un déguisement et d’une disposition tactique... Avec cette sorte de cocos comme ceux que l’on voit s’agiter aujourd’hui, toutes les mesures de prudence sont bienvenues, et dissimuler Dieu derrière l’apparence d’un croupier est une idée pleine de sagesse.

D’ailleurs, l’Amérique, et le monde [le bloc-BAO] avec elle, tout cela n’est-il pas un immense casino où le diable joue un jeu d’enfer ? Dans ce cas, l’on comprend que Dieu y intervienne comme il fait.