La Grande Guerre et sa mémoire insatisfaite, – pour comprendre notre époque

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Commence ce mois de novembre 2008, cette année mois du 90ème anniversaire de la Grande Guerre. Il y aura beaucoup de choses écrites là-dessus, sans aucun doute plus qu’on en attendrait. John Lichfield, dans The Independent de ce 1er novembre 2008, met en évidence au début d’un long texte sur le sujet, combien la mémoire de la Grande Guerre qu’on croyait promise à l’effacement progressif a connu au contraire une résurgence ces dix dernières années. Voyez ces observations, toute britanniques bien entendu…

«…The last poilu – the last of 8,410,000 Frenchmen to be mobilised – died in March. Astoundingly, there are six British and British Empire veterans, still living. Their ages range from 107 to 112 – the last patrol of an immense host of 8,904,467 soldiers, sailors and airmen.

»The First World War is passing over the horizon of living memory. With next week's 90th anniversary of the armistice of 11 November 1918, it is right, surely, to bury the Great War. Naturally, we should continue to study it as history. However, hasn't the time come to re-file the years 1914-18 in the same card-index of collective memory as the Crimean or Napoleonic wars: fascinating, terrible, but no longer linked umbilically to our own guts, to our everyday lives?

»The answer, it seems, is no. And it comes not from historians or politicians or journalists, but from ordinary people, and especially ordinary British people.

»Martin Middlebrook, the first British historian to chronicle the war from the viewpoint of the common soldier, says: “After the 80th anniversary [of the Somme] in 1996, I would have told you that two things were inevitable. We will see declining numbers of people at future commemorations. Interest in the war will gradually reduce. The opposite has been true.”

»There are now more British visitors to the Commonwealth War Graves cemeteries in France and Belgium than ever before. The nightly ceremony of the playing of the Last Post at the Menin gate in Ypres might have been attended by a handful of people 30 years ago. Now, there is a sizeable crowd each night.

»Memories of the war refuse to die…»

John Lichfield nous donne ensuite une longue analyse de la Grande Guerre. Nous ne sommes pas sûr du tout d’épouser tous ses arguments, tant s’en faut, encore moins son interprétation générale qui renvoie à une vision qu’on qualifierait paradoxalement de “classiquement postmoderne”. (Le terme “classiquement” étant pris dans son sens trivial plutôt que dans son sens noble; nous aurions pu écrire “banalement postmoderne”, avec un sens similaire, l’effet en moins.) C’est une étrange époque que celle où l’on est conduit, où l’on se trouve même impérativement justifié d’accoler deux termes de qualification qui sembleraient contradictoires (“classiquement postmoderne”), qui pourraient faire penser qu’une interprétation qui doit tout à la modernité et à son idéologie puisse s'offrir le lustre de se dire “classique”.

L’autre surprise qu’on éprouve à propos de la Grande Guerre, à côté de la renaissance de sa mémoire, est ainsi de découvrir combien l’interprétation de l’immense conflit reste ouverte, même combien elle est plus ouverte que jamais, à un point où l’on dirait qu’elle appelle aujourd’hui des interprétations nouvelles. La vision “classiquement postmoderne” est envahie de propos d’incompréhension qui ne nous satisfont guère, qui nous irriteraient plutôt. Boucler l’explication d’un événement qui a bouleversé le monde au prix de millions de morts par quelques “on ne comprend pas” bardés de gémissements et complaintes sur l’horreur de la guerre a l’heur de nous déplaire souverainement. C’est bien pour l’esprit de la midinette, moins pour l’esprit tout court.

Notre appréciation de cette question, elle, est bardée d’“au contraire” par rapport à l’esprit du temps (de notre temps). La Grande Guerre est, selon notre appréciation, un événement historique qui n’a jamais été autant d’actualité. C’est un événement historique qui, plus qu’aucun autre, éclaire notre époque parce qu’il est lié à notre époque dans une mesure surprenante. C’est la thèse que nous vous offrons dans le livre à la réalisation et à la publication duquel nous avons eu une grande part, et dont nous savons bien qu’il a été réalisé fiévreusement, comme l’on fait d’une chose qu’on juge nécessaire et urgente. Nous parlerons encore, dans les jours qui viennent, de nos Âmes de Verdun, ce livre d’histoire, d'intuition et d’émotion qui est aussi un superbe album de photos, d’“images” comme disent les artistes photographes. Nous sommes heureux et fiers que ce livre naisse, sorti de l’imprimerie le 7 novembre, dans six jours. Nous sommes heureux et fiers de presser nos lecteurs de commander ce livre, sur le site edde.eu dont dedefensa.org est partie prenante. Cette recommandation commerciale, nous la faisons de tout cœur, sans sacrifier en rien à cet esprit de commerce dont nos lecteurs savent la détestation où nous le tenons. C’est une occurrence où cet acte d’“acheter” a un sens qui pulvérise l’esprit de commerce caractérisant cette étrange civilisation à l’agonie.

Avec Les Âmes de Verdun, nous apportons notre contribution à la compréhension de la Grande Guerre, en retrouvant la mémoire de “la plus grande bataille de tous les temps”, qui nous apparaît comme une bataille “antimoderne” au sens qui nous est cher. Nous prétendons hautement que cette contribution est importante. Au contraire de ceux qui “ne comprennent pas”, nous avons la sensation d’avoir “compris” Verdun et la Grande Guerre comme on embrasse, autant avec notre esprit qu’avec notre intuition, qu’avec notre émotion du temps retrouvé avec la souffrance et la mort de ces milliers de jeunes hommes. Nous n’aurons de cesse de vous faire partager notre démarche, et nos retrouvailles avec Les Âmes de Verdun par conséquent.


Mis en ligne le 1er novembre 2008 à 06H41