La crise touche le bloc BAO de plein fouet

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La crise touche le bloc BAO de plein fouet

Moment historique” certes, mais peut-être bien “événement historique”, – dans tous les cas, rien n’est venu jusqu’ici écarter cette possibilité, et divers éléments vont dans ce sens... Ce qui nous intéresse par-dessus tout dans ce jugement d’un éventuel “événement historique”, c’est-à-dire dans la façon dont nous l’interprétons, c’est l’éventuelle formation de cet événement prodigieux que serait la fracturation interne du bloc BAO, non pour sauver l’Europe, non pour rapprocher l’Europe de la Russie, non pour réduire l’influence des USA, non pour déterminer un nouveau leader mondial, etc., mais pour accélérer peut-être de façon décisive le rythme de l’autodestruction (l’effondrement) du Système. C’est le seul but qui peut être recherché, le reste n’étant qu’anecdotique dans le sens de n’être que les moyens, auxquels on ne peut ni ne doit s’arrêter, du but nécessaire qui est absolument impératif. (Bref, Delenda Est Systema.)

• D’abord un événement qui nous a paru intéressant à relever, tel que l’interprète Alexander Mercouris (dans le Saker-US le 7 février 2015 et Russia Insider le 7 février 2015)... Les circonstances décrites par Mercouris sont particulièrement intéressantes, à la lumière des hypothèses qu’il propose. Il observe que Merkel et Hollande sont venus à Moscou, non pas avec un plan pour l’Ukraine, – et nous dirions avec l’idée implicite qu’un plan pour l’Ukraine était une matière secondaire, – mais pour avoir un entretien “franc et complet” avec Poutine, – et nous dirions dans l’intention de connaître un point de vue sur la vérité de la situation qui soit complètement dégagé de ce qu’ils entendent jusqu’ici, qui soit aussi “protégé” de toute incursion et observation extérieures...

«One of the most interesting things about the Moscow talks is that they mainly happened without the presence of aides and officials i.e. Putin, Hollande and Merkel were by themselves save for interpreters and stenographers. Putin and Merkel are known to be masters of detail and given his background as an enarque I presume Hollande also is. However the German and French officials will be very unhappy about this. The Russians less so because since the meeting is taking place in the Kremlin they are listening in to the discussions via hidden microphones.

»One wonders why this is happening? Even if the Russian officials are not listening in Merkel and Hollande will assume they are. The fact that Russian officials were not present is therefore less significant than that German and French officials have been barred from the meeting by their respective chiefs, suggesting that Merkel and Hollande do not entirely trust them.

»There has been an extraordinary degree of secrecy about this whole episode and it rather looks as if Merkel and Hollande were anxious to stop leaks and to prevent information about the talks from getting out. Presumably this is why their officials were barred from the meeting. From whom one wonders do Merkel and Hollande want to keep details of the meeting secret? From the media? From other members of their own governments? From the Americans? What do they need to keep so secret? The frustration and worry on the part of all these groups must be intense... [...]

»I am coming increasingly round to the view of Alastair Newman that Merkel and Hollande came with no plan to Moscow but with the purpose of having what diplomats call “a full and frank discussion” in private with Putin looking at all the issues in the one place in Europe – the Kremlin – where they can be confident the Americans are not spying on them. That must be why they sent their officials away.»

• Les Russes ont retiré de la conférence de la Wehrkunde de Munich et des divers événements de ce week-end extrêmement chargé l’impression d’une évolution marquante des choses... «Quoi qu’il en soi, écrit RT le 8 février 2015, malgré la rhétorique antirusse dominante venue de l’Ouest, il y a un nombre croissant de politiciens [occidentaux] qui adoucissent notablement leur ton [antirusse.]» Nous dirions que la qualité dans ce mouvement d’“adoucissement” commence à l’emporter sur la quantité de vocifération antirusse venues de divers seconds couteaux ou habitués de cette activité ... (L’abaissement accéléré de la qualité des vociférations est caractéristique et exactement inversement proportionnel au poids quantitatif. On l’a vu à Munich avec l’intervention de Edward Lucas, de The Economist. Se conduisant en sous-fifre d’une sorte de Propagandastaffel, Lucas a prôné le boycott et le lynch professionnel des journalistes de Sputnik.News et de RT. Il a ainsi montré à quel niveau de bassesse, de mccarthysme de caniveau s’abaissait la vitupération-Système, particulièrement dans l’anglosphère. Il s’agit bien, dans le chef de The Economist, dans le chef de ce petit tas de déchets orduriers d’intellect, de l’inspirateur de la pensée-Système du bloc BAO. On mesure le niveau.)

... Et, pour cette fois, notre observation est que la France est clairement sur le devant de la scène dans ce processus d’“adoucissement”, de changement de ton qui indique plus que ce qu’il montre à première audition. Le sommet de Moscou du 6 février a été suivi, dans le chef de Hollande, de déclarations qui indiquent plus qu’un changement de ton, qui indique disons un “changement de flottement”, – pour rester dans le style de ce président-là, dont la pensée semble évoluer en “flottant”. (Même s'améliorant, Hollande garde le style du président-poire.) Selon qu’on lit la presse française ou les médias russes, on a l’impression d’un Hollande qui “domestique” mieux Poutine ou d’un Hollande qui “coopère” mieux avec Poutine, – et l’on choisira l’interprétation qui convient. La vérité de la situation est que le président français appuie divers points qui vont dans le sens des séparatistes ukrainiens, c’est-à-dire dans le sens des Russes, c’est-à-dire dans le sens d’une situation où, selon des paroles dites en a-parte, “il ne faut pas pousser à l’isolement de la Russie” ni envisager une seconde de faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN. La vérité de la situation est que Hollande, comme Merkel d’une certaine façon, prend conscience de la possibilité d’un très grave conflit en Europe à un moment où les USA se sont mis à découvert à cet égard avec la question des livraisons d’armes ... Bref, l’Ukraine n’est pas la Syrie, question de géographie et question de hauteur de l’affrontement.

L’événement français est que la question extérieure de la crise ukrainienne et des relations avec la Russie a pris une place sur la scène intérieure. Largement mis en difficulté ces dernières semaines par divers événements où il a sa responsabilité, ou bien dont il n’a pas su profiter, Sarkozy se trouve en difficultés dans son entreprise de réinstallation sur la scène politique à la tête de l’UMP. C’est dans ces conditions qu’il choisit de faire une intervention sur la politique extérieure où il se place largement “en avant”, ou bien largement “à l’Est” de Hollande. Son discours de samedi devant le Conseil National de l’UMP exprime une position soudain radicale sur la crise ukrainienne, une position fondamentalement prorusse (voir FranceTVInfo du 7 février 2015)...

«“Nous avons une civilisation en commun avec la Russie. Les intérêts des Américains avec les Russes, ce ne sont pas les intérêts de l'Europe avec la Russie”, a argué le président de l'UMP. “Nous ne voulons pas de la résurgence d'une guerre froide entre l'Europe et la Russie”, a-t-il martelé, sous les applaudissements de plusieurs centaines de conseillers nationaux. Nicolas Sarkozy a également affirmé que “la Crimée a choisi la Russie, on ne peut pas le lui reprocher”. Et il a estimé qu’“il faut trouver les moyens d'une force d'interposition pour protéger les Russophones d'Ukraine”. Enfin il a jugé que “l’Ukraine doit garder sa vocation de pont entre l'Europe et la Russie” et “n’a pas vocation à entrer dans l'Union européenne”.»

... L’intérêt étant de savoir si ces diverses agitations vont finir par provoquer en France un véritable débat sur l’Ukraine et sur les relations avec la Russie, c’est-à-dire autre chose que ce chœur contraint ou halluciné c’est selon de la rengaine-Système organisé jusqu’ici par le monde français officiel de la communication. C’est sans aucun doute un débat tellement, infiniment plus intéressant que “Je suis Charlie”, et qui peut réserver des surprises, et selon des “clivages” également pleins de surprises ; plus encore, les circonstances sont favorables, parce que la crise a suffisamment évolué pour que se décantent ses véritables enjeux, notamment la spécificité de la position US, autant anti-européenne qu’antirusse, à un moment où (voir plus haut), “les USA se sont mis à découvert à cet égard avec la question des livraisons d’armes”.

• Mercouris pense que l’“interlocuteur-clef” de Poutine est Merkel, et non Hollande. C’est peut-être juste au départ, mais les limitations de Merkel sont connues et elles subsistent ; tandis que la France, même si elle a totalement sacrifié sa politique d’indépendance nationale, conserve les structures mentales et certains moyens principiels pour la réactiver au moins en partie. La France a plus de champ que l’Allemagne à cet égard, et Poutine, parce qu’il est désormais dans un raisonnement politique et stratégique extrêmement large sinon globalisé, se fiche de savoir qui est son “interlocuteur-clef” pourvu qu’il puisse pousser aux feux de la division interne du bloc BAO, – on comprend qu’on parle de sa “division transatlantique”. Cette division est d’autant plus possible qu’un événement discret a eu lieu ces derniers jours, qui est le naufrage corps et bien de l’influence britannique. Mercouris note justement que “c’est la première fois depuis la guerre de 1870 que le Royaume-Uni n’est pas impliqué dans une négociation pour la résolution d’une crise majeure en Europe” («The fact that the British are excluded from the talks is going down very badly with many people here in London. It has not escaped people’s notice that this is the first major negotiation to settle a big crisis in Europe in which Britain is not involved since the one that ended the Franco-Prussian War in 1870»). La politique nihiliste du Royaume-Uni d’alignement sur les USA est arrivé à son terme parfait : “politique nihiliste” (alignement sur les USA) s’alignant sur une politique nihiliste (celle des USA) ... La boucle est bouclée.

• Ce qui est en jeu, c’est donc bien la cohésion interne du bloc BAO, alors que plus personne n’exerce une domination absolue dans ce conglomérat qui n’a rien à voir avec la situation d’influence directe impeccable des USA durant la Guerre froide... Notre définition du bloc BAO comporte ce point évidemment fondamental (et nous mettons en caractère gras le jugement circonstanciel qui importe pour notre propos) : «Le deuxième aspect de cette politique est l’égalitarisation, le nivellement de la politique qu’est la politique du bloc BAO, avec notamment l’effacement, d’ailleurs naturel et comme allant de soi, de la prépondérance US. En fait, plus personne n’a vraiment besoin d’imposer une “politique commune” qui semble couler de source et naître d’elle-même… Il existe désormais, depuis 2008-2010, une remarquable unité de pensée, de réflexe, d’attitude, entre tous les pays du bloc.»

... Effectivement, c’est cette “remarquable unité de pensée, de réflexe, d’attitude” qui est désormais menacée dans son cœur. La menace est née avec la crise ukrainienne, parce que crise ukrainienne menace l’Europe directement, par le fer et par le feu éventuellement, et qu’elle ne menace pas les USA aussi précisément. L’“égalitarisation” dont nous parlons, essentielle pour tenir le bloc BAO bien soudé, est donc en train de voler en éclat parce que la menace directe contre l’Europe se précise, et qu’en plus elle est perçue comme, éventuellement, directement activée par les USA (les livraisons d’armes). Il sera extrêmement difficile d’empêcher la tendance que nous observons de se concrétiser, maintenant qu’elle est apparue, – notamment et précisément, parce que les USA agissent comme des fous à cause d’une psychologie malade (voir Loren B. Thompson), sans le moindre souci ni de diplomatie, ni d’habileté, ni de sagesse, pour ce cas par rapport à leurs alliés et associés du bloc BAO, – et qu'ils continueront à moins que BHO ne soit touché par la grâce, et encore ne serait-il pas du tout assuré que cela suffise. (Mais il faut bien le comprendre : les USA agissent de cette façon parce qu’eux-mêmes ne peuvent faire autrement, prisonniers de la paralysie et de l’impuissance de leur propre pouvoir, lui-même complètement soumis au Système. C’est bien pour cette raison qu’il faut rester absolument concentré sur le but ultime, le Delenda Est Systema.)

• Il ne faut pas déduire de tout cela que l'hypothèse, si elle se confirmait, ferait chanter aussitôt les lendemains. Ce n’est absolument pas notre propos. Ce qui est peut-être en voie d’être brisé, c’est-à-dire de s’autodétruire, doit l’être jusqu’à son terme ... Nous ne faisons pas ici l’hypothèse du renversement d’alliance mais l’hypothèse de la dislocation du bloc BAO, donc du désordre en plus, – encore du désordre, toujours du désordre ! Et la dislocation du bloc BAO, c’est la dislocation d’une structure qui s’était formée sous l’impulsion du Système, une structure-Système, ce qui signifierait que la dynamique de surpuissance du Système, évidemment déstructurante-dissolvante, serait en train de se retourner contre les propres structures du Système, confirmant l’évolution de la surpuissance vers l’autodestruction par l’inversion vertueuse du processus de déstructuration-dissolution. (Et le désordre supplémentaire devenant certes “hyper-désordre” à capacités antiSystème.)

Si l’hypothèse est bonne, si elle évolue dans ce sens, alors il y a effectivement de plus en plus de possibilités que le processus d’effondrement du Système accélère et passe décisivement devant la menace suprême de l’affrontement nucléaire entre les USA et la Russie. (Rappel déjà fait de notre hypothèse de type “pari pascalien”, présentée le 3 mars 2014 : «La crise ukrainienne, et la réalisation que les pressions du Système (du bloc BAO, son factotum) peuvent conduire à l’extrême catastrophique des affaires du monde, peuvent aussi bien, grâce au “formidable choc psychologique” dont nous parlons et à l’immense crainte qu’il recèle, déclencher une autre dynamique d’une puissance inouïe. Notre hypothèse à cet égard [...] est que cette dynamique est celle de l’effondrement du Système...»)

En effet, et c’est peut-être la nouvelle perception essentielle de ce week-end, il faut effectivement comprendre tout le sens de ce que la stupide presse-Système parisienne répète dans l’extase, parce que cela lui permet de “démoniser” encore un peu plus Poutine par logique antagoniste, qui est cette citation de Hollande : «Je pense que c'est l'une des dernières chances. Si nous ne parvenons pas à trouver – non pas un compromis –, mais un accord durable de paix, eh bien, nous connaissons parfaitement le scénario : il a un nom, il s'appelle la guerre...» Il faut savoir ce que cette déclaration veut réellement dire, vu les enjeux, les positions des uns et des autres, l’incontrôlabilité des USA, – c’est-à-dire qu’elle veut elle-même dire, quels que soient les commentaires-narrative, – la guerre nucléaire.

Une course de vitesse terrifiante est engagée, entre cette issue complètement folle et l’accélération irrésistible de l’effondrement du Système. La panique devrait parvenir à activer le second terme de l’alternative (alternative du diable ou alternative de destruction du diable, c’est selon), – quand les esprits infiniment lents et extrêmement creux de nos contemporains zélateurs du Système commenceront à comprendre, précisément, de quoi l’on parle, – de la guerre nucléaire...

 

Mis en ligne le 9 février 2015 à 04H22

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