La charge du choix

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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La charge du choix

25 août 2023 (13H30) – Il suffit de jeter un coup d’œil sur la journée d’hier, rapidement mais avec franchise, sans arrière-pensée ni autre pré-jugement d’aucune sorte ; l’œil de Candide, disons, ou bien une sorte de vigie qui nous la joue comme un “Vu de Saturne” :

• Il y a les BRICS, on en a parlé ;

• Il y a la mort probable de Prigojine, sur laquelle Poutine a fait un premier commentaire ; sans doute pas un événement essentiel malgré les diverses raclures et sottises infâmes de la presseSystème mais le signe des tensions et des soubresauts de la GrandeCrise.

• Il y a le premier débat des candidats républicains à l’investiture des présidentielles US de 2024, qui a vu l’officialisation de la domination  du jeune candidat Vivek Rawaswamy face auquel les vieux croutons, même les pas très âgés, ânonnant du neocon dans le texte l’ont tous paru, au-delà du “néo” ;

• ...pendant ce temps, Trump, refusant le débat des candidats républicains, débattait avec lui-même, sous le feu amical mais néanmoins sans concessions de Tucker Carlson. Le résultat est, comment dirait-on, – “stupéfiant” par exemple :  250 millions de vues en 24 heures (et toujours en cours) pour la vidéo de la première partie ;

• Ces avatars politiques US se développent sur le fond d’une crise juridique (Trump, Biden) sans aucun précédent, qui menace totalement la structure même de la démocratie (‘DINO’, pour “Democracy In Name Only” convenant à merveille au système de l’américanisme) ; et cette crise qui place les États-Unis au bord de l’abysse de la désintégration, à explorer dans un délai extrêmement court (présidentielles de novembre 2024) ;

• Il y a la guerre en Ukraine, où les Ukrainiens ont “réussi” à n’emporter strictement rien, aucune parcelle significative qu’on puisse farder précipitamment en un symbole d’espoir du régime Zelenski pour le jour commémoratif de l’indépendance. Pendant ce temps, la presseSystème, complètement égale à sa fonction de Vide du Rien, parle à peine de l’avance russe sur la ville de Koupiansk, au Nord, qui commence à prendre l’allure d’une offensive extrêmement décidée, sinon décisive.

Ces différents évènements ont chacun valeur d’une crise massive spécifique inscrite dans le cadre élargi à la situation générale de la GrandeCrise. Certains ne sont pas faits pour durer, d’autre sont appelés à durer comme le fait un destin fondamental, tous participent à ce qui ne peut être perçu que comme un basculement total, cosmique, de l’univers du monde.

Je sais pertinemment, pour l’avoir déjà tant de fois évoqué, qu’on peut presque chaque jour décrire un tel constat du bouquet de “sous-crises” en cours qui toutes renvoient à celle qui est au-dessus de nous et règle notre destin. Qu’importe, on ne parle jamais trop du seul sujet qui doit occuper nos pensées et réclamer notre constant regard.

La seule difficulté, qui tient à notre cuisine intérieure, nous commentateurs dissidents et indépendants, est celui du choix de chaque jour pour nous porter sur telle ou telle crise, ne pas céder à des éclats de l’écume du jour en se concentrant sur un autre domaine qui réclame pour ce même jour nos commentaires. Nous sommes les premiers, nous qui sommes soi-disant les mieux à même de suivre les convulsions du monde, à peiner chaque jour presqu’au bord du découragement, – mais n’y cédant jamais, – devant l’immense difficulté du choix du commentaire du jour.

Note de PhG-Bis : « Hier, par exemple, fallait-il sauter sur le cas Prigojine, ou bien choisir le bouillonnement américaniste ? Ce fut plutôt l’appréciation de la fin du sommet des BRICS qui l’emporta. Avons-nous eu tort, avons-nous eu raison ? Question sans importance finalement : nous avons fait ce que nous avons fait en sachant que nous aurions pu faire différemment sans démériter. Il y a, entre nous et la GrandeCrise, comme le sait chaque commentateur de notre acabit, cette espèce de complicité dans la recherche de la vérité-de-situation. “Dans ces moments-là, dit PhG, moi qui ait été ‘journaliste professionnel’ dûment reconnu pendant 45 ans, je ressens une sorte de soulagement, un bonheur fou, la sensation d’une véritable gloire à ne plus faire partie de cette horde soumise au diable des petites plumes de la presseSystème alimentant les égouts d’une civilisation épuisée qui dégage un fumet pestilentiel... Leur monde pue !”. »

... Et puis, certains jours comme celui-ci d’aujourd’hui, on prend la tangente qui est en vérité la voie royale de la gloire complète du commentaire pour apprécier la GrandeCrise dans son ensemble. C’est un jour où vous n’osez tout de même pas croire tenir le monde dans votre main mais où vous avez la sensation pleine et entière de faire partie du monde, avec une mission, un devoir de messager, – et souffrez que je ressente dans ces appels la marque d’une dimension divine.

Mais je ne fais que me répéter. On sait bien ce que je sens et ressens devant ces évènements, sans en savoir plus, – et voyez-vous, surtout ceci : sans avoir besoin d’en savoir plus. Nous sommes dans des eaux insondables et dans des terres inconnues, progressant à marche forcée vers un avenir dont il nous est interdit d’en savoir rien de plus. Notre monde, le voici, dans toutes ses ruines flambant neuves, ses technologies comme autant d’insectes venimeux et infâmes, ses progrès machinistes dévorant par sa pourriture le ciel, la terre et les mers... Alors, comprenez bien que les moins nihilistes, les êtres de l’énergie du monde s’en vont poursuivre leur épuisante tâche, répétant la phrase de cet officier de l’U.S. Navy, – pardonnez cette référence à l’innommable, mais l’US Navy de l’ancien temps n’était pas sans vertus, – celui-là dont on nous rapporta qu’il méditait devant les restes fumant et brûlant  du désastre de Pearl Harbor, dans la journée du 7 décembre 1941, et se répétant :

« Je sais bien que nous allons gagner cette putain de guerre, mais je me demande bien comment... »