Histoire d’en France…

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

   Forum

Il y a 2 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 3399

Histoire d’en France…

6 octobre 2019 – J’ignore si je l’ai jamais connue vraiment, moi qui suis un “Français du dehors”, comme je l’avais confié à ce site, et même à deux reprises pour reprendre le même texte que je jugeais si significatif de l’auteur, pour expliquer certains de ses penchants, de ses démarches, de ses distanciements et de ses déchirements. (Mais je parle, dois-je le préciser, de la France, car c’est bien d’elle dont je constate que “J’ignore si je l’ai jamais connue vraiment”.)

Ce texte me revient à l’esprit, – qu’il ne quitta jamais d’ailleurs, mais souvent mis en réserve pour reparaître aux temps mauvais, – pour exprimer un chagrin, une incompréhension, une colère et une lassitude à ne pas croire : « …Ma passion française ne s’éteignait donc pas, malgré tant de vicissitudes, la médiocrité puis l’incohérence des temps. Puis ma passion changea… Ma passion devint une Passion, si l’on comprend ce que je veux dire, et, sans jamais mourir, elle entra dans son hiver. Certes, l’on comprend ce que je veux dire. »

(Le titre du texte est « Une Passion en hiver », avec la même nostalgie chaleureuse et désespérée pour son objet que Blondin avait mis, je pense, dans son « Singe en hiver ».)

Ces quelques jours qui viennent de s’écouler, qui déroulent un destin marqué par l’acrimonie, le sarcasme et l’inimitié, la désunion et l’intolérance, la fureur et le dégoût, n’ont fait que tristement justifier ce texte déjà vieux de près de sept ans, – confirmation en pire, sans nul doute. Des retraites à points à l’âge de la retraite, des obsèques insensés de grandiloquence abracadabrantesque d’un Chirac institué “homme d’État”, à l’incendie de Rouen, à l’attaque d’une sorte d’“ennemi de l’intérieur de l’intérieur” quoique malentendant mais peut-être “radicalisé” contre ses pairs de la Préfecture de Police, au rêve de la censure comme vertu de-La-République, à l’intervention lumineuse de cette députée “en marche”, – Aurore Bergé est son nom et diplômée Précieuse ridicule-PMA sa fonction, qui nous assure en une révélation qui aurait mérité quelques-uns des carillons du monde, par exemple ceux de Notre-Dame, que « ni dans ce projet de loi, ni aujourd’hui, ni demain, nous n’empêcherons quelconques parents hétérosexuels de vouloir concevoir un enfant de manière charnelle »…

… De tout cela à tout cela entouré comme par des babelés de bavardages sans fin et de grandiloquences diverses, de débats sempiternels et de formules vides répétées jusqu’à une nausée de convenance, rien ne se trouve qui pût me réveiller de ce si long hiver, même pas un juste courroux. Au contraire, le froid dans mon cœur grandit et j’irais jusqu’à me demander s’il n’y eut pas un simulacre malin à la naissance de cette passion que j’avais pourtant décrit avec tant de fougue : « A la fois près et loin d’elle, avec beaucoup à lui reprocher, avec des arguments sans fin, jamais content, toujours critique, mais au-dessus de cela un sentiment puissant fait de raison et d’intuition, d’affection intellectuelle, surtout d’une sorte d’étrange spiritualité charnelle qui m’enveloppait décisivement et semblait être le sang de ma pensée. Ma passion était née. »

Non seulement je ne reconnais plus rien de ce pays que j’ai tant aimé de si loin mais je me demande parfois s’il n’a jamais existé. Je me défie d’une explication bien trop rationnelle de sa pente catastrophique et de sa dégringolade dans tous les sens et de toutes les façons, qui ferait de ses dirigeants, de la génération en-cours, une sorte de complot en un rassemblement satanique, lesdiaboli-ex-machina de la chose réunis dans des danses incantatoires… Ceux-là, regardez-les et voyez-les, et dites-moi si vous pourriez y croire, à leur machiavéliste capacité ? Moi, pas une seconde :

« Ce ne sont pas de mauvaises personnes, ce sont des exécutants hallucinés d’un destin auquel ils ne comprennent rien parce qu’ils ne peuvent rien comprendre. Avec eux, la France est entrée en hibernation. Elle est inexistante, médiocre, insensée en singeant la raison, bouffie de formules vides et accablée de prétentions exceptionnelles au cœur du troupeau dont elle est le mouton le plus zélé. »

“Ces quelques jours qui viennent de s’écouler” dont je parle plus haut, mauvaise séquence et une séquence de plus dans ce qui n’est qu’une addition de séquences mauvaises, et bien entendu de plus en plus mauvaises puisqu’on suit la pente n’est-ce pas, – quelle triste débandade... Pourtant, parfois mon intérêt, écartant les cendres de la passion apparemment refroidie, s’éveille et m’avertit d’un passage digne d’écoute ; il s’agit des discours de geignements des discoureurs français sur la France qui est “en retard sur les autres”, qui est “contradictoire et irréformable”, qui “ne peut pas et veut pas s’adapter à la mondialisation” (ils devraient dire “globalisation”, je ne cesse de le répéter !). Il est vrai que ces instants-là sont comme un brusque éblouissement, qui dissipe un instant, et même en un instant, cette humeur d’encre de la passion défaite, et qui me révèle peut-être, selon mon propre “arsenal dialectique”, une vérité-de-situation.

Curieusement, ceux qui font ce reproche à la France, et aux Français puisqu’on y est, ce sont particulièrement et fort singulièrement les représentants des élites de la France, c’est-à-dire les zombieSystème du domaine, les institutionnalisés de la presseSystème et de son PC (Politiquement-Correct), qui ne cessent d’acclamer l’ouverture de tout, des frontières, des portes et des fenêtres, des esprits et des cœurs, et l’ouverture sur les autres enfin, sur tous les autres, pour tous les embrasser du regard et mieux fusionner avec eux. Alors, ont-ils des yeux pour voir ? Ne réalisent-ils pas que les autres, tous les autres, sont dans un état catastrophique tout comme la France, simplement avec les nuances nationales voire régionales qui font que chaque catastrophe a sa couleur locale, et que partout se répercutent un mécontentement sans bornes, une humeur générale défaitiste et furieuse, qui seraient alors la marque de fabrique de notre “étrange époque”.

De ce point de vue qui est différent et plus réaliste que la sombre humeur que j’exposai plus haut, alors, il faut admettre que la France n’est pas vraiment en retard, ni vraiment décevante en un sens. Au contraire, dirais-je avec comme une sorte d’ironie qui serait presque roborative, elle pourrait prétendre au maillot jaune, à la médaille d’or, dans tous les cas prétendre figurer dans le peloton de tête de cette sorte nouvelle (expression nouvelle veux-je dire, donc sollicitation de la fonction) des “lanceurs d’alerte”. La catastrophe sans fin de la figuration d’elle-même comme promoteuse et pétroleuse de tous les faux-pas, sa division, sa détestation d’elle-même et son auto-flagellation, son épuration permanente conduite par les bons sentiments, sa dictature-PC, sa certitude d’elle-même dans le défilement des sottises postmodernes, sa parcellisation et les fureurs de ses humeurs, tout cela fait de la France un membre important de ce que les Pied-Nickelés innombrables qui nous gouvernent bombastiquement nomment “la communauté internationale”.

Ainsi la France pourrait-elle être restaurée dans toute sa gloire et sa place considérable dans le concert de musique atonale des nations aussi bien que dans mon jugement, comme une merveille d’accomplissement de l’Art Contemporain (A.C.). Tout cela est si bête qu’en vérité la France est à nouveau en tête. Elle a passé en tête du peloton le “Pic de Compétence-Incompétence” de cette civilisation et, après la triomphale grimpette, dégringole la pente de la contre-civilisation, prouvant par cette performance qu’effectivement l’“étrange époque” ne peut se justifier que par la catastrophe qui la ponctuera.

… Ainsi ai-je réchauffé un peu de ma passion si affreusement refroidie. Juste ajouterais-je qu’il faudrait, pour montrer plus de justice que cette simple attitude de chauvinisme, disons une place d’ex-aequo pour les États-Unis d’Amérique dans cette descente vers la catastrophe. “D.C.-la-folle” vaut bien les salons parisiens à cet égard. Ainsi pourrais-je affirmer sans trop me compromettre, et même au contraire en retrouvant une place de choix dans les talk-shows, un pro-américanisme qui en surprendra plus d’un, tandis que se confirmerait la grande proximité existant entre la France et les États-Unis d’Amérique, dès l’origine comme l’on sait, et jusqu’à la Fin des Temps selon-Guénon qui se fera en parfaite coordination.