Guénon-sur-Potomac

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Guénon-sur-Potomac

• Dans l’extraordinaire désordre qui s’est installé sur le monde comme une pandémie d’au-delà de la crise sanitaire, d’au-delà la Covid19, émerge une pensée prégnante et puissante comme hypothèse fondamentale de cette situation sans précédent. • Un auteur, Jim Quinn, ressuscite la ‘vision’ du ‘Fourth Turning’ pour nous expliquer que 2021, après les signaux fondamentaux éloignés de 80 ans de 1781 (indépendance), 1861 (Sécession) et 1941 (Pearl-Harbor), est peut-être l’étape ultime d’une histoire américaniste des USA conçue selon le schéma cyclique. • Quinn parle de « The Detonation of Fourth Turning » pour nous présenter l’année 2021, alors que Biden continue à signer en aveugle ses Executive Order. • Une telle sécession de la pensée par rapport aux normes permises par le système du Politiquement-Correct nous indique combien la conception moderniste de l’histoire est désormais totalement en panne. • Devant l’évidence de la tempête, il nous apparaît évident que cette conception est assurée d’un avenir glorieux. • C’est en venir à l’essentiel, c’est-à-dire René Guénon.

30 janvier 2021 – Il est désormais avéré que la présidence Biden est entamée, et elle est entamée comme celle de Trump s’est terminée : accélération du désordre, de l’incontrôlabilité, de la désintégration du pouvoir du système de l’américanisme avec d’intenses efforts de corruption et de manipulation (le principal : Obama derrière Biden).

Alors, comme c’est normal dans ces temps hyper-communicationnel laissant une large place à l’inévitable spéculation, certains s’essaient à des scénarios d’apocalypse. (Cela dans notre chef et pour nous contredire nous-même, – c’est un passe-temps intellectuel justifié dans ces temps incertains, – pour montrer qu’il ne faut pas désespérer de ne plus pouvoir tenter une prédiction de l’avenir.) Bien entendu, on choisit une thèse qui concerne les USA, là où le chaudron, bouillonne plus que nulle part ailleurs, et parce que cela concerne directement l’avenir du monde, dans un enchaînement des plus normaux... Nous voyons ici la thèse de Jim Quinn, du site ‘The Burning Plateform’, exposée le 26 janvier 2021 dans sa deuxième partie qui concerne l’année 2021 (« The Detonation of Fourth Turning »).

« Sur la base des trois premières semaines de cette année et de ce qui semble être à l’horizon à court terme, je suis convaincu que le terme détonation s’appliquera à cette année fatidique. L’intensité de la force du vent sur l’Échelle de Beaufort a d’ores et déjà atteint la Force 11 et elle se dirige vers le paroxysme de la Force 12 de l’ouragan.
» En se référant au rythme événementiel de la thèse des  ‘Fourth Turnings’, le rythme des 80 ans du cycle plaide certainement en faveur de l’éclatement d’un conflit important en 2021. »

La thèse est connue, et basée sur une analyse extrêmement précise de la succession cyclique des événements, exposée en 1997 dans le livre de William Strauss et Neil Howe, ‘The Fourth Turning’, qu’on peut traduire benoîtement et platement par ‘Le Quatrième Tournant’ (*). Quinn adapte le modèle en prenant à son compte les cycles de 80 ans contenant les épisodes de la ‘Renaissance’ à la ‘Crise’ et les comptabilise historiquement pour les USA d’une façon convaincante :

• 1781, la bataille de Yorktown et la victoire des futurs USA (avec l’aide décisive de la France), autrement dit une ‘Renaissance’ en forme de ‘Naissance’, qu’on pourrait prendre en adoptant une vue plus large que les entités nationales comme l’ouverture de la période de ‘l’Envol’ de la modernité aussi bien que des USA ;
• 1861, la Guerre de Sécession, dont l’issue marque effectivement le point de rupture de ‘l’Envol’ à la ‘Maturité’ de la puissance du système de l’américanisme (et non des USA pour notre compte), pour le meilleur ou pour le pire (pour le pire, certes, d’un point de vue plus élevé... On verra plus loin). C’est à ce moment que l’entité a pris toute sa forme et toute sa force de sa maturité, et la grammaire entérine cela : désormais on passe du pluriel au singulier, créant ainsi dans le langage l’individualisation de l’entité (on passe en 1866-1867 du “The USA are...” à “The USA is...”) ;
• 1941, l’attaque de Pearl Harbor, qui entérine la puissance immense des USA et leur ‘empire sur le monde’, qui atteindra effectivement son sommet absolu en 1945, bien plus qu’à aucun autre moment dans l’histoire des XXe et XXIIe siècles ; lorsque les USA représenteront quasiment près de 50% du PIB mondial, la plus grande puissance militaire et technologique, un système politique irrésistible avec des forces d’influence et de communication comme jamais vues auparavant, alors que le reste du monde, vainqueurs et vaincus mêlés, git dans les ruines de l’affreux conflit de la Deuxième Guerre mondiale... S’ouvre alors la période de la mise en cause générale, combinant dans une même logique ‘la prise de conscience’ et la ‘mise en cause’’, « exploration spirituelle et rébellion », puis ‘entropisation’ du système de l’américanisme (sous l’œil du Système) ;
• 2021, ‘la Crise’ de rupture ou de l’effondrement achevé, tout simplement, avec l’idée explicite que le processus d’entropisation est lui-même achevé et que la “détonation” du ‘Fourth Turning’ est nécessaire et attendu pour aborder la renaissance.

On reprend ici quelques éléments du ‘Fourth Turning’ pour mettre en situation les facteurs essentiels de cette ‘prophétie’, avec ses grandes lignes et les conceptions qui ont guidé les deux auteurs. L’approche est d’abord globale, sur le temps moyennement long (les 500 dernières années) dans laquelle s’inscrit le destin américain selon les mêmes règles historiques (c’est-à-dire métahistorique) exposées. Il s’agit d’une sorte d’‘abstract’ du livre, présenté pour accompagner l’offre d’achat. La théorie se veut fortement inspirée effectivement du cycle des saisons, dans tous les cas dans sa conceptualisation et sa force symbolique.

« Strauss et Howe fondent [leur] vision sur une théorie provocatrice de l'histoire américaine. Les auteurs se penchent sur les cinq cents dernières années et décrivent un modèle chronologique distinct : L'histoire moderne se déroule par cycles, chacun d'entre eux ayant la durée d'une longue vie humaine, chacun étant composé de quatre époques, – ou tournants - qui durent environ vingt ans et qui arrivent toujours dans le même ordre. Dans ‘The Fourth Turning’, les auteurs illustrent ces cycles à l'aide d'une brillante analyse de la période de l’après-guerre.
» D’abord vient un Envol, une période d’expansion confiante où un nouvel ordre prend racine après que l’ancien ait été balayé. Vient ensuite un Éveil, une période d’exploration spirituelle et de rébellion contre l'ordre désormais établi. Puis vient un Déclin, une époque de plus en plus troublée où l'individualisme triomphe des institutions qui s'effritent. Enfin, il y a la Crise, le quatrième tournant, lorsque la société franchit une grande et périlleuse porte de l’histoire. Ensemble, les quatre tournants constituent le rythme saisonnier de croissance, de maturation, d’entropie et de renaissance. »

On peut aussi consulter, avec avantage nous semble-t-il, un texte d’analyse de la thèse à la lumière des événements qui se sont produits entretemps, publié le 29 octobre 2009 par François Lenglet dans La Tribune. Il s’agit donc d’un texte qui prend en compte l’énorme crise de 2007-2008, par un analyste économique qui a montré depuis qu’il a une vision historique des événements économiques. Le texte dont l’extrait ci-dessous est tiré se termine par l’appréciation, brève et sans ambiguïté, de l’auteur : « Pas mal vu ».

« “Vers 2005, une soudaine étincelle déclenchera une crise. Les vestiges de l’ordre social ancien se désintégreront. La confiance politique et économique disparaîtra.” À cette date, expliquent-ils, nous serons à quatre-vingts ans environ de la précédente crise, celle des années trente. Prévision qui trouve un écho particulier aujourd’hui même, alors que le monde subit les séquelles d’une crise inhabituelle, quatre-vingts ans jour pour jour après le ‘jeudi noir’ du 24 octobre 1929.Dans leur livre, Howe et Strauss prévoyaient que le monde anglo-saxon entrerait au milieu des années 2000 dans l’“hiver”, c’est-à-dire vingt ans de crise profonde où les catastrophes économiques et politiques se succéderaient, pour rénover complètement la société et les valeurs qui la structurent. Vers 2025, “l'Amérique traversera une des grandes portes de l'histoire”, prophétisaient encore nos deux mages. À les suivre, ce sera alors le début du printemps, une période de reconstruction comparable à la fin de la guerre d'Indépendance américaine, fin du XVIIIe siècle (1785), à la fin de la guerre de Sécession (1865) ou à la fin de la Seconde Guerre mondiale (1945) : forte croissance, déclin de l'individualisme, cohésion sociale et optimisme seront au programme pour vingt années... »

Comme on le comprend, Quinn ne suit pas exactement les lignes de ‘la prophétie’ de Strauss-Howe, ou plutôt ils les affinent considérablement autour de sa trouvaille chronologique et fortement symbolique, et qui suggère de ce fait une forte vérité-de-situation métahistorique, des quatre dates à la première année de la décennie, de quatre événements fondamentaux (trois réalisés, un à faire) pour les USA, et chacun séparé de l’autre par ces fameux 80 ans que Strauss-Howe. Le modèle est suivi, mais son application diffère en s’adaptant.

Là où règne une certaine confusion, c’est bien entendu pour le ‘Quatrième Tournant’, c’est-à-dire les événements de 2021, ce qui va suivre, etc. Il est plus que jamais question d’effondrement, mais avec quelles conséquences, et pour déboucher sur quoi... A la différence de Strauss-Howe, qui sont résolument optimistes, Quinn est beaucoup plus réservé, bien entendu, et nous laisse à nos capacités, à notre résolution, à notre lucidité pour saisir l’enchaînement des événements. (« L'histoire n'offre aucune indication ni assurance quant à l'issue de la crise. Cela dépendra entièrement de nous. Bonne chance et bonne continuation. »)

« Je ne prétendrais pas connaître la suite, mais je suis sûr que les trois facteurs clés à l'origine de cette crise depuis 2008, – la dette, la dégradation de la société civile et le désordre mondial, – continueront de se fondre en une concoction mortelle, destinée à balayer les fondements de l’empire américain, inaugurant un nouvel ordre social. Je pense que les mesures répressives mises en œuvre par Pelosi, Schumer, les gouverneurs démocrates despotes et les apparatchiks du gouvernement sont un signe de faiblesse et de peur. Leurs fanfaronnades, leurs menaces, leurs craintes et la dénonciation de la moitié des électeurs du pays, dépeignent une fragilité précaire, avec un programme dangereux construit sur un fondement de tromperie et d'illusion.
» La démence s’est emparée de la nation, avec l’affreux constat que “rien n’est juste”. Tout est chaotique, alors que les marchés financiers dépassent le stade de la bulle pour entrer dans une terra incognita ; les politiciens se menacent et s'accusent mutuellement de trahison ; les excès et les dysfonctionnements du gouvernement sont mis à nu ; le DeepState apparaît tel qu’il est car le coup d'État qui a fait tomber Trump les a obligés à sortir de l'ombre ; une guerre raciale fabriquée, menée par les idiots utiles du BLM et de l’ANTIFA sur ordre de Soros et de ses semblables, continue de s’envenimer. La Russie et la Chine continuent de saper l’Union européenne et l’hégémonie américaine, et le système de Ponzi de la dette mondiale est entré dans sa phase d’effondrement.
[...]
» Cet amalgame hautement inflammable de dettes impayées, d'anarchie civique et de chaos mondial est sur le point d’exploser en 2021, déclenchant une période crépusculaire de mort, de destruction et de décisions déstructurantes. Nous sommes propulsés vers un paroxysme marquant la mort de l’ordre ancien et la naissance d'un nouvel ordre. La question est de savoir si le nouvel ordre sera meilleur ou pire pour les Américains moyens.
» Avec le régime totalitaire nouvellement installé à Washington DC, il semble que cette direction prévoit de mettre en place un contrôle gouvernemental complet sur tous les aspects de notre vie, avec l'éradication définitive des 1er, 2e et 4e amendements comme bâton et des subventions gouvernementales illimitées comme carotte. Leur classification et leur traitement de 75 millions d’Américains [ceux qui ont voté pour Trump] en soi-disant ennemis transformeront ces citoyens en véritables ennemis.
[…]
» Compte tenu de l'histoire, la résolution finale ne sera pas fondée sur le compromis, la civilité, la persuasion ou les moyens non violents. Notre monde sera ébranlé dans ses fondements mêmes et transformé de manière méconnaissable au cours de la prochaine décennie. L'hiver est arrivé avec une férocité née des tromperies des hommes puissants, et nous devrons rassembler toutes nos forces et notre courage pour survivre aux tempêtes à venir. La fureur de la crise finira par s’épuiser et aura des conséquences positives ou destructrices. L’histoire n’offre aucune indication ni assurance quant à l'issue de la crise. Cela dépendra entièrement de nous. Bonne chance et bonne continuation. »

Guénon à ‘D.C.-la-folle’

On se rend bien compte que ce travail théorique et conceptuel à partir d’une impulsion générale du type cyclique trouve de plus en plus de quoi se confirmer dans les faits, à mesure que s’effondrent les certitudes et les croyances concernant la vision ‘moderniste’, néo-libérale, de l’histoire, – “fin de l’histoire” et au-delà. Bien entendu, il s’agit essentiellement des USA, y compris dans l’impulsion initiale de Strauss-Howe ; mais qui ne comprend aussitôt, presque par intuition et par conviction forcée dirions-nous, autant que par la force de l’évidence, que le ‘modèle’ correspond à une universalité de jugement que nous imposent les événements ?

• Certes, il s’agit des événements pressants et très-actuels des USA, mais il faut encore et encore répéter qu’ils nous concernent très fortement, directement ne serait-ce que par le rôle commun joué par la crise-Covid, indirectement du fait du poids de puissance et de mythe que représentent les USA, facteur essentiel et marqueur de référence pour notre histoire du XXème siècle et depuis... Nous voilà toujours répétant l’importance fondamentale, et surtout l’importance rupturielle qu’implique l’effondrement des USA, cette importance telle que nous le rappelions encore récemment :

« ... [N]otre profession de foi plusieurs fois répétée que la chute des USA, quand elle se produira (le “si” étant réglé pour notre compte), changera le monde tel que nous le connaissons, nous privant absolument de la capacité de prévoir l’évolution des situations économique, stratégique, etc., après cet effondrement, – exactement, à notre sens, comme ce fut le cas avec la chute de Rome, mais dans des conditions chronologiques et psychologiques très différentes. Ce changement interviendra essentiellement au niveau de la psychologie comme outil de la perception du monde. »

• L’auteur de cette suite en ‘Fourth Turning’ comprend fort bien l’importance des événements, n’envisageant pas autre chose qu’un effondrement apocalyptique des USA qui, implicitement, se placerait au cœur, et comme déclencheur, d’un effondrement du modèle actuel et hégémonique de civilisation. C’est à la fois une vision très ‘américano-centrée’ des événements, mais tout à fait justifiée comme nous venons de le rappeler parce que cet aspect rencontre effectivement le destin du monde. Il y a la perception d’une rupture, et nullement de la possibilité d’un continuum par d’autres centres de puissance. Même les complots les plus épouvantables tels qu’ils sont dénoncés par nos vigilantes sentinelles, participent à la curée, – bien entendu pour entreprendre de faire pire encore, mais qui leur garantit quelque succès que ce soit alors que la destruction, elle, sera un fait accompli ? Le projet de New Reset de l’excellent docteur Schwartz, de la ‘Davos Crowd’ et qui croit encore au ‘Reich millénaire’ par la porte dérobée du capitalisme globalisée, est un bon marteau de plus pour taper sur les restes agonisants du Système. De ce point de vue, le ‘Fourth Turning’ est tellement juste qu’il devient un modèle dépassant les USA.

• ... Et de ce fait, il devient trop gros pour les seuls théoriciens américanistes. Même les deux ‘mages’ identifiés en 2009 par Lenglet sont un peu court avec leur vision sur les 500 dernières années qui les amènent à réduire notre perspective retournée à la Renaissance et, bien entendu, à la ‘découverte’... de l’Amérique. Là, l’aspect ‘américano-centrée’ rétrécit considérablement la vision en impliquant une annexion de l’histoire par l’Amérique (par les USA), même dans le chef d’auteurs dont la production accouche nécessairement d’une sorte de Frankenstein-antiSystème ; cela fait qu’aucun ne s’autorise à concevoir que les USA, au lieu d’être en train de parvenir au ‘Fourth Turning’ de leur propre cycle, pourraient être à eux seuls, dans toute leur histoire, et parce qu’étant également un rejeton direct du ‘déchaînement de la Matière’, le ‘Fourth Turning’ lui-même du cycle métahistorique en cours, c’est-à-dire la catastrophe nécessaire du cycle général de la métahistoire en cours d’achèvement... nécessairement catastrophique.

• Ainsi nous tournons-nous vers le grand vainqueur de cet exercice, au-delà même des philosophes ‘cycliques’ de l’Histoire que sont Spengler et Toynbee célébrés par Engels : il s’agit bien entendu de René Guénon. (La reconnaissance de Spengler et de Toynbee est tout à fait justifiée, mais aussi leur classement comme des opérateurs de haut niveau de l’ensemble du schéma guénonien.)

Tout nous ramène à lui, aujourd’hui, à cette puissante pensée d’une métaphysique extraordinairement bien ordonnée. Ce que déroulent aujourd’hui les événements, c’est du pur Guénon, opérationnalisé par une déferlante incontrôlable d’événements, d’origine absolument inconnue pour le savoir si assuré de lui-même de notre seule raison. La théorie des cycles n’est vraiment à l’aise qu’avec Guénon parce que lui, au lieu d’en rester à la description du phénomène, à sa logique mécanique, à son ‘comment ?’, se place de façon à nous suggérer des éléments s’apparentant aux Causes Premières via la tradition primordiale, d’une façon telle qu’effectivement l’histoire ne peut être que cyclique au vu de cette déferlante événementielle, à l’audition du brouhaha infernal de tout cet empilement métahistorique que nous n’avons aucune possibilité de prévoir.

Alors qu’agonisent le Progrès et son histoire néo-libérale alignée au cordeau, du commencement à sa fin, partout la perception évolue vers la conception cyclique. Il faut également se tourner vers d’étranges alliances, qui s’unissent effectivement pour faire sortir d’un catholicisme pur et dur, ardent et dénonciateur des turpitudes d’une Église décrite comme « une vieille femme qui essaye maladroitement de se rajeunir en se maquillant au goût du jour... [...] Elle veut faire oublier qu’elle est vieille dans la mesure où elle a oublié qu’elle est éternelle » (Thibon), et de l’étrange athéisme absolument spirituel et brûlant de foi de l’« éternel retour » (Nietzsche), qui n’apparaît comme rien de moins que l’intuition poétique de l’évidence métahistorique des cycles voulue par la perception de l’éternité ; bref, Gustave Thibon et Frédéric Nietzsche convolant sous les auspices de René Guénon, sans qu’il nous soit nécessaire d’entrer dans le détail des différentes visions confrontées et souvent manipulées en oppositions irréductibles pour éviter de faire surgir une vérité-de-situation bien dérangeante, à l’intérieur de ce modèle théorique et métahistorique devenu absolument fondamental.

La chute de l’Amérique et le ‘Fourth Turning’ rendent obsolètes et singulièrement ridiculisées, comme les ‘sachant-Tout’ de l’anti-Covid qui empilent confinement sur confinement, toutes les pensées ‘molles’ et déstructurantes par réflexe pavlovien du post-Fukuyama, tentant de sauvegarder les derniers débris de notre étrange civilisation devenue contre-civilisation. Les événements actuels, déferlant, emportant tout, surgissant d’un nulle part qui met en lumière les faiblesses tragiques de la raison humaine dans cet épisode, vraiment trop ambitieux pour elle, de résoudre l’énigme du monde par l’exercice ponctuel de la rationalité.

Pour autant et pour en terminer, une autre façon de considérer cette surprenante rencontre est d’établir un lien entre l’hypermoderniste, hyperhystérique et hypernihiliste ‘D.C.-la-folle’, pleine comme dans l’attente de mettre bas, de simulacres et de narrative d’une part ; et l’énigmatique et impassible René Guénon, l’homme qui s’en fut s’isoler au Caire pour exercer pendant vingt ans, puis après sa mort, une influence si improbable et pourtant si grande. On la mesure aujourd’hui, cette influence, entre les cris hystériques et la terreur de la pensée sommaire qui nous viennent de Washington D.C.

 

Note

(*) ‘The Fourth Turning: An American Prophecy - What the Cycles of History Tell Us About America’s Next Rendezvous with Destiny’, Broadway Books, 29 décembre 1997, par William Strauss et Neil Howe. A côté de la traduction évidentes de ‘Quatrième Tournant’, d’autres ont choisi comme traduction ‘La Quatrième Saison’, ce qui est assez ambigu dans la signification bien que poétiquement et métaphoriquement plus séduisant : la quatrième saison devrait être l’hiver, ce qui n’est pas précisément le cas à moins que l’on ne fasse de l’hiver non pas la saison de la mort et de la fin, mais la saison du terme temporaire préparant le regain, donc déjà enceinte d’une renaissance.

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