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250216 novembre 2015 – Comme je crois assez peu au “complots”, je vais commencer par dire qu’il n’y en a pas dans ce cas... (C’est-à-dire, pour être tout à fait précis : je crois assez peu à la réussite des “complots”, ne niant pas une seconde par contre qu’il y a toujours eu des complots, et qu’aujourd’hui il y en a une prolifération extraordinaire, – je dirais même, pour le coup, “assourdissante”, – mais avec les échecs à mesure, un peu comme dans un asile d’aliénés où le comportement des fous ressemble à un complot permanent qui échoue en permanence.) “Ce cas”, c’est celui des étudiants, ou militants, ou ceci et cela en même temps, Africains-Américains ou blacks comme l’on dit sans trop craindre la censure, qui ont investi le campus de l’université du Missouri-Columbia. Ils se plaignent qu’on ne parle pas assez de leur coup d’audace, qui entend servir la cause des blacks, parce que l’essentiel du système de la communication US (dont notamment et essentiellement la presse-Système pour ce qui est de leurs récriminations) s’est précipité sur les attentats de Paris. Ils y voient un complot...
« Les militants, qui ont récemment pris le contrôle du campus de l'Université du Missouri-Columbia, espéraient que leur action ferait grand bruit dans le paysage médiatique américain. Toutefois, les médias américains se sont massivement concentrés sur la vague d'attentats sanglants qui a frappé la France le 13 novembre, relayant ainsi au second plan les protestations de défenseurs de la cause noire qui dénonçaient les injustices raciales dont les Afro-Américains sont victimes aux Etats-Unis. “Intéressant de voir comment les journaux couvrent les attaques terroristes de Paris mais ne disent rien sur l’attaque terroriste à ‘Mizzou’ [l’Université du Missouri-Columbia]”, déplorait un tweet... » (voir RT-français, le 15 novembre 2015, avec une curieuse interrogation sur l’emploi du mot “terroriste” par la tweeteuse Kyra).
Je crois qu’ils se trompent, il n’y a pas complot... Il y a, pour le cas, dans le système de la communication US, cet événement extraordinaire par rapport aux temps passés que je connus bien qu’un événement non-US qui ne soit pas absolument impératif (les crises pullulent, Paris 13-novembre n’a pas écrasé le reste) puisse prendre le pas sur tout ce qui se passe aux USA de cette façon. On est alors conduit, ou dirais-je pour plus de sûreté et ne compromettre personne que je suis conduit à observer qu’il y a la formidable force d’attraction de ce qu’on a coutume de nommer sur ce site la Grande Crise, ou la Grande Crise d’effondrement du Système, – vous voyez à quoi je fais allusion, parmi les tics innombrables de dedefensa.org ? (Ce qui induit, je le reconnais, que je fais mienne la thèse que l’évènement parisien de vendredi dernier est un événement majeur, une étape importante de cette Grande Crise ; pas la première, d’étape, bien entendu et quant à savoir s’il s’agit de la dernière, de l’ultime... On verra plus loin et on verra bien.)
Cette formidable force d’attraction de la Grande Crise transitant par le 13-novembre se marque d’abord dans le système de la communication. La “couverture” médiatique et de communication (moi, j’appellerais ça plutôt “l’édredon”) des attentats de Paris a été, est et sera encore pendant quelques jours tout simplement phénoménale. Tiens, comparez avec ceci, dont vous pourriez vous souvenir, c’est-à-dire la “couverture” dérisoire par comparaison de la série d’attentats de Madrid du 11 mars 2004, également montés comme une opération minutieusement coordonnée sur le réseau ferroviaire de banlieue, qui fit tout de même (oups) près de 200 morts et 1.400 blessés. Cela ne signifie nullement que la qualité du point de vue de la communication soit à la mesure de cette quantité si extraordinairement amplifiée pour le 13-novembre, surtout si l’on considère l’état de détresse avancée de ce qui est nommé, également sur ce site, la presse-Système, et j’affirmerais même : “tout au contraire”... Mais l’intérêt est dans ceci que la force et l’effet de masse dans la communication sont là, et il est alors tout aussi d’un réel intérêt de savoir s’il ne s’agit pas d’un événement en soi, qui semblerait alors, si c’était le cas, avoir une grande et forte signification, et qui pourrait, lui, recéler un effet qualitatif indépendant de l’extrême bassesse du contenu de la communication.(C'est un peu la thèse du globalisme selon laquelle le tout est, dans certaines conditions dynamiques, d'une autre substance que l'addition de ce qui le compose.)
(Je dis tout cela, je m’en avise exactement à l’instant, sans prendre en compte l’hypothèse d’autres attentats à venir, ou d’autres évènements de crise, hors de France et même hors d’Europe, également à venir, peut-être dans les prochains jours ; alors que le 13-novembre a eu lieu sans que nous ayons pu “digérer” cet autre évèement colossal d’il y a 45 jours, que fut l’intervention russe en Syrie … Et disant ceci et cela, justement, me vient à l’esprit l’idée en forme d’hypothèse, aussitôt écrasante par son évidence, et sur laquelle on reviendra sans aucun doute par d’autres rubriques et méthodes d’écriture sur ce site, que nous sommes entrés dans la phase de perte totale de l’illusion du contrôle de notre Grande Crise. Il faut bien avoir à l’esprit l’importance du mot “illusion” ; la perte, ou l'absence de contrôle humain de la Grande Crise est d'évidence puisque c'est l'essence même de la chose d'être hors de notre portée, mais ce que nous avons perdu le 13-novembre c’est l’illusion que nous contrôlions encore quelque chose d’elle. C’est peut-être cela, essentiellement, que salue ce déluge de communication.)
Nous vivons des heures étranges, écrasés sous la force diluvienne de la communication qui tient la perception sous son empire, transformant démesurément l’événement, comme une de ces ombres immenses de son Nosferatu que Murnau, au sommet de son art expressionniste allemand, projetait sur les murs de la ville terrifiée, dans le film du même nom ; pendant ce temps, Assad, l’innommable Assad, le président-qui-ne-devrait-pas-exister, nous dit qu’il est désolé pour ce qui survient à Paris, mais que la Syrie, vous savez, vit cela chaque jour, depuis cinq ans. Quoiqu’on pense d’Assad, si on peut appeler “penser” pour la plupart de ceux qui émettent l’avis standard-Système à son propos, ce qu’il dit est vrai et laisse à penser. Et pourtant, je m’y tiens... Malgré l’évidence, je ne crois pas une seconde que cette fantastique disproportion de la communication, de la perception, de l’appréciation, soit simplement un accident technique ou une aberration de nos sens, ou bien encore une disproportion épouvantable de notre attention pour nous-mêmes et de notre inattention pour les autres ; il y a de cela, mais il y a aussi dans cet aspect de l’événement, tapie, une profonde vérité-de-situation qui nous parle de notre Grande Crise arrivée à un moment historique, ou métahistorique puisque nous sommes sur ce site, de son évolution. C’est simple et pure intuition, dire cela, mais l’on sait l’importance que j’attache à l’intuition ; et de la traduire aussitôt en une question pratique : ne sommes-nous pas dans la possibilité aujourd’hui proche, mais que nous ne sommes pas encore assurés de voir menée à bien, que la cuirasse que le Système nous impose pour la perception du monde soit en train de céder ?
Le bruit de la Grande Crise est devenu assourdissant, vous l’entendez comme moi, vous ne pouvez pas ne pas l’entendre. La communication qui le dispense, qui le sème, qui le hurle, s’est transformée en un torrent d’une force extraordinaire. Il est très difficile de continuer à penser que tout cela est vain, qu’il s’agit effectivement de ces futilités grondantes et mugissantes dans le chef nos organes de communication, et des pâles visages qui les servent, vous savez, comme autant d’“histoires dites par autant d’idiots, pleines de bruit et de fureur, et qui ne signifient rien”... Par moment, il me semblerait bien que cet événement nous indique, comme un indice venu d’En-Haut et qui serait un signe, que la situation que nous vivons désormais ne peut plus trouver une issue “normale”, même dans une lutte, une expédition, une “guerre”, etc., tout ce vocabulaire des stratèges et des commentateurs d’évènements que cette sorte de spécialiste-Système traite comme le tout-venant, et qui pourtant échappent à leurs piètres logiques humaines. Quelque part, désormais, plus très loin de nous, gît la Nécessité de la Rupture, la Forme de l’Acte Décisif. Comme des aveugles, des infirmes accablés par tant de vilenies et d’horreurs qui s’accumulent dans nos actes, dans cette prison de fer et de feu qu’est le Système, nous cherchons une issue, une sauvegarde, une serrure où mettre une clef dont nous ne savons pas si nous l’avons vraiment entre nos mains fragiles. Il y a des pensées folles de cette sorte qui, aujourd’hui, nous traversent l’esprit comme autant d’éclairs. Il me semble assuré que là se trouve l’étrange vertu qualitative de ce “bruit assourdissant” de la communication, comme la suggestion que seule la Grande Crise parvenue à son point de réalisation totale est capable de susciter.
Une chose pourtant est étrange, – et peut-être, après tout, plutôt qu’étrange dans le sens de “simulacre” cela pourrait-il être l’indice suprême. Ces pensées enfiévrées, ces supputations pressantes, sont écrites d’une main ferme par un esprit qui résiste au torrent emporté et diluvien. En effet, écrivant tout cela, je n’ai nullement l’impression de hurler, un peu comme dans le fameux tableau où la peinture crie, vous savez, Le Cri de Munch qui semble exprimer toute la folie du monde enfermée dans une âme et cadenassée par une psychologie mortellement atteinte. Au contraire, le calme règne dans mon esprit dans cet instant d’écriture par instant fiévreuse, comme celui dont je vous parle parfois en vous parlant de ma forêt qui chante. Le bruit assourdissant de la Grande Crise qui mugit n’entame pas la finesse de l’oreille, et je dirais même qu’il la polit, qu’il l’affine encore si c’est possible. Dans ce monde du Grand Désordre qui bouleverse le monde, l’esprit est capable de tenir, c’est-à-dire de se redresser brusquement, de se camper, de croire qu’au-delà du Grand Désordre existe une issue parce que le monde, l’univers, est évidemment une chose qui nous dépasse heureusement, et se rit au fond de nos œuvres tragiques et maléfiques, de notre faiblesse face à la tentation de l’hybris que nos vieux-compagnons, les Grecs, connaissaient si bien.
... Bref, je serais bien incapable de vous donner les dernières nouvelles, ni de vous annoncer ce qui nous attend, demain ou après-demain, quelle sera le rebondissement prochain de la Grande Crise, le prochain attentat et le prochain “Nous sommes en guerre !”, et toute cette sorte de prévisions-prédictions qui commencent un peu à balance entre bazar et souk des esprits emportés à tous les vents… Je suis bien incapable de tout cela, de développer de ces grandes analyses et de ces phrases si bien toutes-faites des invités des JT divers ; je suis bien incapable de tout cela sinon pour vous dire que cette sorte de certitude que réclame notre raison, comme une enfant gâtée après qu’elle ait fait et laisser faire ce qui a été fait, est une bien faible assurance contre les forces entrées en jeu dans la mécanique de l’univers dans son état présent, quelque chose comme la dérision pure qui nous contemple, nous et nos œuvres. Nous avons déclenché l’ouragan pour notre compte, mais il y a de ces forces qui se moquent de l’ouragan, simplement pour nous et vous confirmer que, oui, il faut en passer par là, avant d’espérer arriver au terme. Pour mon compte, je me sens à la fois dans la fureur incroyable du déchaînement de la Grande Crise du monde, et à la fois, pour nous contempler tous (y compris moi, pardi) dans cette terrible et funeste occurrence, dans le calme extraordinaire et incompréhensible qui règne, comme chacun le sait, dans l’œil même du cyclone.
J’ai bien l’impression qu’un jour nous aurons des surprises, dis-je, énigmatique. (Il faut toujours terminer une envolée de cette sorte par une remarque énigmatique ; cela montre bien que non seulement vous êtes dans l’œil du cyclone, mais qu’en plus vous êtes l’œil du cyclone.)
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