Exercice OTAN en Géorgie et la tension qui va avec

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Les Russes poursuivent leur critique virulente et leurs attaques contre l’exercice OTAN-Géorgie qui se déroulera en Géorgie du 6 mai au 1er juin, sous le nom prometteur de Cooperative Longbow 09/Cooperative Lancer 09. L’affaire avait été mise en évidence par une interview du représentant permanent de la Russie auprès de l’OTAN, Dmitri Rogozine, notamment rapportée en ces termes par Novosti, le 17 avril 2009:

«“Nous avertissons qu'il est très probable que des incidents surviennent car on peut s'attendre à tout du [président géorgien] Saakachvili... Imaginez une provocation visant les Américains ou des militaires européens en Géorgie et organisée de telle sorte que la piste mène en Ossétie du Sud ou en Abkhazie. L'Alliance en sera la seule responsable”, a indiqué M.Rogozine à la radio ‘Service russe des actualités’.»

Hier, divers échanges verbaux ont eu lieu entre les parties concernées, essentiellement la Russie et la Géorgie. Le ministre des affaires étrangères russe Lavrov a renouvelé les mises en garde russes, selon le registre ouvert par Rogozine. (Selon Novosti, le 27 avril 2009) :

«“Nous estimons que dans les conditions actuelles ces exercices sont dangereux. M. Saakachvili a montré au monde entier qu'il sait profiter des gestes encourageants de l'OTAN”, a indiqué le chef de la diplomatie russe interrogé à l'issue de négociations avec son homologue chinois, Yang Jiechi, en visite à Moscou. “Nous disons à tous nos partenaires qu'il est dangereux de complaire au régime géorgien en place qui n'a pas abandonné l'intention de régler ses problèmes en se militarisant et en recourant à la force”, a indiqué M.Lavrov.»

Aussitôt après ces déclarations, les Géorgiens ont répliqué, par des déclarations du président du Parlement invoquant la souveraineté nationale. (Toujours selon Novosti, du 27 avril 2009.):

«“La Russie n'est pas en droit de dicter le comportement des membres de l'OTAN ”, a [déclaré] lundi David Bakradzé, président du parlement géorgien. M.Bakradzé a prétendu que la Russie “violait le droit international”, qualifiant la Russie de “pays occupant” et l'invitant à “remplir ses propres engagements”. Le président du parlement géorgien a qualifié la déclaration du chef de la diplomatie russe de “poursuite de la diplomatie soviétique classique, quand l'attaque était toujours considérée comme la meilleure défense”.»

Nous rapportons toute cette phraséologie sans rien de vraiment exaltant, essentiellement pour introduire la description des conditions qui ont présidé à l’élaboration et à la décision de cet exercice. On peut observer effectivement que l’exercice ne constitue pas une initiative diplomatiquement très habile alors que les liens entre l’OTAN et la Russie sont en cours de restauration et que la politique US autant qu’européenne actuelle est de chercher à pacifier les liens entre l’Occident et la Russie. On peut aussi avancer le soupçon qu’il s’agit d’une manœuvre de l’OTAN, ou de l’Occident, ou de tout autre sorte de groupe ou de réseau ayant quelque influence, pour relancer la tension, dans on ne sait quel but (mais on pourrait aisément deviner). On peut aussi faire l’hypothèse d’une machination de Saakachvili dans ce sens, – et ainsi de suite, réflexions habituelles et suppositions machiavéliques courantes dans cette sorte de circonstance.

Mais c’est la genèse de l’événement qui est intéressante et c'est elle qui éclaire le propos. L’exercice Cooperative Longbow 09/Cooperative Lancer 09 est un exercice de commandement qui n’implique aucune manœuvre militaire proprement dite. Il s’agit d’une initiative bureaucratique qui a été décidée en janvier 2008, bien avant la crise géorgienne d’août 2008, sans rapport avec elle. La direction politique de l’OTAN, pour dire simplement, n’était pas au courant. Le Secrétaire général et son cabinet ont appris l’existence de l’exercice à peu près en même temps que les déclarations de Rogozine mettaient le feu aux poudres de ce baril de dimensions assez modestes. Depuis, la direction de l’OTAN gère cette affaire, qui l’embarrasse évidemment, comme elle le peut, au jour le jour, sur la défensive et en mode purement réactif. Il a été très vite admis qu’il ne pouvait être question d’annuler l’exercice pour ne pas “perdre la face” face aux pressions des Russes.

C'est une affaire assez banale mais embarrassante pour les relations de l’OTAN avec Moscou; c'est aussi un bon exemple d’enchaînement bureaucratique hors du contrôle du pouvoir politique, un bon exemple de la situation d’irresponsabilité politique du système. On peut certes imaginer ici ou là les fils d’un complot qui traîne, ce qui reviendrait à faire compliqué quand l’affaire paraît d’une extrême simplicité. Une vraie direction politique otanienne capable d’initiative et de volonté, si cette chose existait ailleurs que dans nos fables médiatiques, aurait évidemment annulé l’exercice dès que son existence aurait été portée à sa connaissance, en s’offrant le luxe de communiquer la véritable explication pour donner un avertissement à sa bureaucratie. Une vraie direction bureaucratique otanienne aux échelons inférieurs, – si cette chose existait ailleurs que dans nos fables médiatiques (bis repetitat), – se serait avisée depuis janvier 2008 et les événements survenus entretemps que cette initiative n’était pas du meilleur sens diplomatique possible.

Les Russes, eux, jouent “perso” dans cette affaire, faisant monter la tension et en rajoutant des tonnes sur la dangerosité de la circonstance et sur les menaces de déstabilisation pour tout le monde. Ce n’est pas un jeu exaltant et c’est évidemment, de leur part, décrire la situation d’une façon fort outrancière; mais c’est un jeu conséquent avec la politique russe, et reflétant par ailleurs la confiance bien maigrelette que ces mêmes Russes accordent à l’OTAN et la vindicte qu’ils entretiennent vis-à-vis de Saakachvili.


Mis en ligne le 29 avril 2009 à 10H12