De l’inconnaissance bien tempérée

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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De l’inconnaissance bien tempérée

14 avril 2020 – Nous avons regardé et écouté les premiers échos du Coronavirus, alias Covid-19, d’un œil serein et d’une oreille légèrement narquoise. (Quand je dis “nous”, je ne m’exclue pas complètement, par rapport à la polémique signalée [la chinoiserie du virus Corona], et même pas du tout, et cela malgré mon attention à éviter de tremper le bout du doigt de pied dans les polémiques qu’affectionnent les zombieSystème optimistes-nihilistes et les antiSystème nihilistes-pessimistes. Disons qu’il faut tenter de saisir, “avec des pincettes” si vous voulez, ce qu’il y a de plus proche du ridicule dans ces supputations.)

Il n’était question que de savoir ce dont on était déjà assurés, si le gouvernement dictatorial chinois mentait ou disait la vérité, si les droits des gens étaient respectés, si l’organisation de riposte du gouvernement communiste chinois à l’épidémie naissante était au point, si la croissance chinois reculerait de un, deux ou trois points, si les bombardes hypersoniques chinoises tenteraient (elles échoueraient c’est sûr, technologies d’un autre temps) de déverser sur nos équipages des boulets épouvantables bourrés jusqu’à la gueule de Coronavirus.

Toute inquiétude était bannie au profit d’une jubilation absolument américaniste. Pompeo ricanait ouvertement en réclamant un regime change  d’urgence à Beijing, avec tant de bonhomie dévastatrice qu’on s’interrogeait pour savoir si ce n’était pas ses services qui avaient fabriqué la bestiole Covid-19, histoire de donner un coup de main aux Chinois. Le Système se félicitait bruyamment de sa propre vertu, de sa propre morale, de sa propre démocratie dont les Chinois s’avéraient plus que jamais dépourvus, privés et incapables à la fois. Puis brusquement, aidés en cela par le début de l’expansion du virus sur nos terres abondantes et aussi bien cultivées que civilisées, nous commençâmes à réaliser que nous étions tous dans la même baignoire, à barboter misérablement, et que le sort des Chinois n’était contenu par aucune barrière, que les chaînes libérales et libre-échangistes qui nous unissent comme les deux poignets d’une paire de menottes constituaient le meilleur moyen de partager le même sort éventuellement catastrophique, de connaître les mêmes avatars.

(Les Chinois sont-ils coupables ? Vous pouvez disserter là-dessus, et grand bien nous fasse. Pour mon compte, la seule chose qui m’importe, c’est leur folie, je veux dire des zombieSystème ; c’est de voir combien le Système les rend fous de développer ces thèses antichinoises, à ce moment et dans ces conditions... “Fous”, je veux dire, allant jusqu’à envisager indirectement des actions de représailles, que dis-je, une guerre oui ! Avec une armada de porte-avions dont le USS Theodore Roosevelt portant autant de milliards de Covid-19 que d’avions de combat F-18, selon l’argument de venger l’attaque traîtresse et lancée sans déclaration de guerre d’un nouveau Pearl Harbor bien au-delà de l’original, par des escadres chinoises de virus Codiv-19, dits-“virus de Wuhan”, – « A date which will live in infamy ».)

Il est très probable, à notre sens et dans le chef de cette plume, que c’est évidemment cette réalisation de la vérité-de-situation de cette pandémie, alors que la dite-pandémie avait prospéré sans que l’on s’en avisât jusqu’à prétendre être catastrophique, qui a conduit notre perception à ignorer la seule crise sanitaire du Coronavirus pour passer directement à la crise-Covid19, “détonatrice” de ce que nous appelons la Grande Crise d’Effondrement du Système (GCES). Il s’agit de cette crise-Covid19 qui déclenche une réaction “en chaîne” nous faisant passer, ou plutôt révélant en plein jour qu’il s’agit en fait de la crise du Système, c’est-à-dire d’une étape supplémentaire, et peut-être décisive comme l’on peut dire de plus en plus pour chaque épisode, de la GCES.

De ce point de vue, les polémiques politiques antichinoises du début, – qui se poursuivent et se renforcent d’ailleurs plus que jamais, accentuant encore cet effet décrit ici, – ont bien contribué à accélérer puis à boucler désormais cette prise de conscience, en donnant une dimension politique et polémique à la perception, en éloignant cette perception de la neutralité solidaire qui caractérise ce qu’on ressent devant une crise sanitaire lorsqu'elle n’est que cela. Les barbotages initiaux autour du virus, mais surtout autour et contre la Chine, ont, pour notre perception, mis de force Codiv-19 dans notre tourbillon crisique (T.C.) en cours, pour l’habiller de ses plus beaux atours, – T.C. type-GCES.

Maintenant que nous y sommes, il est essentiel, selon notre point de vue que je partage sans hésiter, et aussi selon la logique de la perception telle qu’elle doit s’exercer, littéralement “de n’y rien comprendre”, et même bien plus encore, – de ne pas chercher à comprendre, au niveau des causes, des détails, des perspectives, etc., pour chacune des crises (sous-crises dans le tourbillon crisique de la GCES), – c’est-à-dire de ne pas chercher à comprendre quoi que ce soit de l’accessoire. Il ne faut pas perdre l’esprit dans des dédales improbables et en venir là où brille la lumière splendide et sublime de l’Effondrement du Système. En bref, c’est de l’“opérationnalisation” de l’inconnaissance dont il s’agit et dont je parle, exactement de cette inconnaissance qui nous a fait ignorer, – mais cette fois plus selon des avatars dont l’origine nous vient du Très-Haut, – la crise sanitaire du Coronavirus pour nous précipiter dans la “crise détonatrice”, T.C. type-GCES.

Ce n’est pas un mince avantage que d’avancer que cette attitude de l’inconnaissance nous permet d’éviter le “dilemme” mentionné dans  T.C.-89, – c’est-à-dire “pour ou contre” le confinement, “pour ou contre” l’identification numérique, “pour ou contre” la reprise rapide de l’économie, “pour ou contre” la dictature totalitaire pour mille fois mille ans, “pour ou contre” l’existence et la malfaisance de Codiv-19, voire pour les plus malins “pour ou contre” les incroyables manœuvres réussies du Système pour nous faire prisonniers-moutons de ses caprices, nous qui sommes prisonniers-moutons des caprices du Système depuis deux-trois, voir cinq-six siècles au bas mot. Il faut éviter tant et tant de ces “dilemmes” ! (« Le  dilemme n’est rien d’autre qu’un ‘piège à cons’, comme il est dit par Jean Rochefort dans ‘Le grand blond avec des chaussures noires’ . ») Il faut les laisser à nos dirigeants et autres zombieSystème, et autres antiSystème faussaires, qu’ils se dépatouillent de ce “piège à cons” déguisé en “petit virus sans chaussures noires” que sont les divers dilemmes énumérés.

Je veux redire, je le dis si souvent et pour la nième fois, qu’il faut absolument laisser faire le Système. Comme l’écrit Jonathan Cooke cité par Caitline Johnstone : « Nos dirigeants sont terrifiés. Pas par le virus, mais par nous », – et Dieu sait si nous n’avons pas tenté grand’chose pour les tortionner, les tourmenter et les persécuter, eux et aucun autre, votant pour eux, les acclamant, les écoutant et prenant leurs conseils pour du comptant, et tant de choses dans ce sens ; et voilà qu’ils sont terrifiés ! Laissez-les se terrifier eux-mêmes de nous, c’est excellent pour la circulation et la confusion, et continuez à exister dans toute la grandeur de la dissidence accomplie comme un acte de la nature même du monde. Il faut être léger, bondissant, adaptable, sauter d’un sujet à l’autre, parler du Système avec mépris, ne pas chercher à comprendre la vastitude de ses vilenies et de leurs innombrables machinations mais trouver ici et là cette vérité de leur ridicule et de leur pathétisme dont le commentaire lumineux angoissera soudain, terrifiera un peu plus ces zombieSystème qui pilotent cette usine à gaz selon les consignes.

Il faut être bien attentif à leurs faux-pas et à leur benêterie, cela en les observant de Sirius, comme le recommande l’inconnaissance qui s’y est réfugiée (sur Sirius), et choisir ici, et insister là, pour se saisir du mot, de la remarque, de l’hypothèse qui les terrifie toujours plus et les ridiculise. On fait des bêtises lorsqu’on est terrifié et ridicule, ils nous le montrent et le démontrent depuis des décennies.

Arrêtez d’essayer de trop bien comprendre leurs soi-disant manigances et de vous faire délicieusement peur, alors qu’ils sont si parfaitement terrifiés et ridicules.