Le crépuscule du ‘Patriot

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Le crépuscule du ‘Patriot

• Entre ‘Patriot’ et ‘Tomahawk’, que choisir ? • Qu’est-ce qui importe le plus ? • Est-ce l’échec affiché et acté de la défense aérienne ukrainienne et particulièrement du ‘Patriot’ ? • Est-ce la menace à la fois floue et pressante de la livraison de missiles ‘Tomahawk’ à l’Ukraine par un Pentagone qui n’a plus que quelques exemplaires de ce missile (20 à 50 pour l’Ukraine au maximum) et a abandonné sa production ? • On ignore ce que veut Trump dans cette affaire de l’Ukraine “qui n’est pas sa guerre” et ce qu’il y apporte est un peu plus de chaos.

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Plusieurs interventions de sources disons plus ou moins hostiles à la Russie ont eu lieu pour mettre en doute gravement, sinon décisivement, l’efficacité du système de défense aérienne ukrainien, et donc occidental, dont le facteur et le vecteur central est le missile sol-air Raytheon ‘Patriot’. Les sources sont très différentes et se rencontrent pourtant sur ce constat qui a plus ou moins été développé depuis au moins un an. Il n’est pas nécessaire de montrer une surprise remarquable : depuis très longtemps, les capacités du ‘Patriot’ sont mises en doute d’une façon qui fait penser à des faiblesses structurelles qu’aucune amélioration ni ‘updating’ n’ont jamais réussi à résorber.

Note de PhGBis : « Il y a bien plus d’un quart de siècle selon PhG, dans certains pays de l’OTAN dont le personnel servait des batteries ‘Patriot’, des chefs de ces pays faisaient régulièrement des visites chez Raytheon pour signaler des problèmes, en espérant que la compagnie US s’attèlerait à trouver des solutions radicales. Espoir toujours déçu, ces “solutions radicales” signifiant l’abandon du modèle initial qui est resté la structure de base de l’entièreté du système, c’est-à-dire des dépenses trop élevées en R&D et modification des cha^$ines de production. L’Ukraine a confirmé tout cela, après d’autres conflits. Le problème est que le ‘Patriot’ reste tout de même le principal système de défense aérienne de l’OTAN (notamment). ».

Il y a d’abord, dans les témoignages récents et, répétons-le, absolument pas amis de la Russie au contraire, celui du général Romanenko, qui fut adjoint au commandement de l’armée ukrainienne. Il utilise des chiffres d’origine ukrainienne et observe que l’efficacité du système est passée de 42% à 6%. Ses faiblesses structurelles ont, dans ce cas, pour effet d’être incapables de suivre la défense contre les missiles russes offensifs, régulièrement améliorés et d’une adaptabilité bien plus grande, avec notamment des capacités de manœuvrabilité à très haute vitesse qui expédient les ‘Patriot’ n’importe où dans le grand bleu :

« Les systèmes de défense aérienne Patriot de Kiev, fabriqués aux États-Unis, se révèlent de plus en plus inefficaces pour repousser les frappes de missiles russes, a affirmé Igor Romanenko, ancien chef d'état-major adjoint des forces armées ukrainiennes.

» Le premier de ces systèmes de missiles est arrivé en Ukraine en avril 2023 et a été fourni par plusieurs pays de l'OTAN, dont les États-Unis, l'Allemagne et les Pays-Bas. Kiev ne dispose pas de “nombreuses batteries Patriot” et l'efficacité de celles dont elle dispose est récemment passée de 42 % à 6 %, a déclaré vendredi le lieutenant-général à la chaîne ukrainienne Espreso TV.

» Romanenko a attribué ce développement aux mises à niveau logicielles apportées par l'armée russe à ses missiles Iskander, qui auraient accru leur vitesse et leur manœuvrabilité à l'approche de leurs cibles. »

Le même article cite un texte du ‘Financial Times’ qui développe, à partir d’autres sources, la même approche, en mettant l’accent pour son compte et lui aussi, sur les améliorations incessantes que les Russes apportent à leurs missiles offensifs.

« La semaine dernière, le Financial Times, citant des responsables ukrainiens et occidentaux anonymes, a également rapporté que les missiles russes sont désormais capables de suivre un arc normal avant de piquer en piqué terminal ou d'effectuer des manœuvres qui “confondent et évitent” les intercepteurs Patriot. Selon le journal, Moscou aurait probablement modernisé le système mobile Iskander-M et le missile aérien Kinzhal.

» Selon le Financial Times, un ancien responsable ukrainien a qualifié la manœuvrabilité améliorée des missiles russes de “changement de donne”. Le journal cite des données publiées par l'armée de l'air ukrainienne indiquant que le taux d'interception des missiles balistiques russes s'était amélioré au cours de l'été, atteignant 37 % en août, avant de retomber à seulement 6 % en septembre.

» En mai, le porte-parole de l'armée de l'air ukrainienne, Youri Ignat, a déclaré que les trajectoires balistiques des missiles Iskander-M avaient été “améliorées et modernisées’. »

Passons maintenant au ‘Tomahawk’...

Effectivement, ces quelques considérations sur la défense aérienne ukrainienne (le ‘Patriot’) conduisent au cas du ‘Tomahawk’ qui, s’il était livré dans des conditions d’extrême efficacité conforme à la narrative fleurie à laquelle nous avons droit (le ‘Tomahawk’, qui date de la fin des années 1970, a à peu près la même histoire que le ‘Patriot’), accomplirait des performances dignes d’un conte de fées bellicistes. Dans ces conditions,  – la livraison des ‘Tomahawk’, pas de conte de fée, – c’est d’abord la défense anti-aérienne russe qui est concernée, qui est une toute autre affaire que l’ukrainienne.

Nous voulons mettre en évidence un témoignage, sur la radio ukrainienne NV, du député de la Verkhovna Rada et membre de la commission de la Défense, Sergueï Rakhmanine. Il répondait à la question de savoir si L'Ukraine disposait d’armes capables de “percer le dispositif de défense aérienne autour de Moscou et de porter des coups dévastateurs à la capitale russe”, selon les mots de Zelenski incluant in fine le ‘Tomahawk’ dans ces “armes ukrainiennes”.

« Si l'on parle spécifiquement de Moscou, la réponse est très simple : non [nous n’en disposons pas]. Nous n'avons pas de telles opportunités. Moscou est l'un des endroits les mieux protégés au monde en termes de défense aérienne, de leurs capacités et de la nôtre. C'est peut-être même l'endroit le mieux protégé au monde.

» Par exemple, pour que vous compreniez bien, les États-Unis, bien que bien plus développés techniquement que la Russie ou, par exemple, la Chine, ne disposent pas d'un système de défense aérienne aussi complexe, diversifié et suffisamment efficace. En termes de développement de la défense aérienne et de l’intervention, je pense que, sans exagération, la Russie est numéro un mondial. »

C’est là une réalité, qui doit d’ailleurs résonner durement aux oreilles des Israéliens et de leur “Dôme de Fer”. Elle consacre la position de leader incontesté dans le monde, de la Russie pour la défense aérienne dans une guerre qui intègre de plus en plus l’importance extrême de ce domaine, et notamment sa capacité d’organiser des zones géographiques entières de défense, d’interdiction de vol hostile. C’est un des premiers obstacles que rencontrerait le ‘Tomahawk’.

Le second (obstacle) est de savoir exactement quelles sont les intentions de Trump, si lui-même les connaît, et les moyens dont disposent les USA de mener à bien ces intentions. On parle ici des moyens bruts, en chiffres et en nombre, d’un missile auquel manifestement le Pentagone ne s’intéresse plus guère.

Le ‘Financial Timesa publié l’état actuel des réserves et des intentions de commande du ‘Tomahawk’. (Le quotidien, en citant les théâtres d’opération où les USA pourraient l’utiliser cite le Venezuela mais semble omettre l’Iran.)

« Les États-Unis ne pourront fournir à Kiev que 20 à 50 missiles Tomahawk, selon le Financial Times. Le journal souligne que ces livraisons n'auront pas d'impact significatif sur la dynamique de la guerre.

» Sur les 200 missiles achetés par le Pentagone depuis 2022, plus de 120 ont déjà été utilisés. Dans le budget 2026, le Pentagone n'a demandé le financement que de 57 de ces missiles. Le journal note également que “Washington aura probablement besoin de tels missiles pour attaquer le territoire vénézuélien”. »

Cette affaire des ‘Tomahawk’ est incroyablement complexe. D’abord accueillie comme une catastrophe pouvant mener à l’affrontement suprême, elle s’enlise de plus en plus dans les sourires de plus en plus ironiques de Poutine pour illustrer un discours d’une fermeté soi-disant de plus en plus extrême ; et surtout, elle s’enferme dans les innombrables déclarations ambiguës, contradictoires, incertaines , farcies d’images floues soulignées d’un sourire aimable ou d’une intonation  menaçante de Trump, – allez savoir ce qu’il sait et ne sait pas lui-même de ce qu’il pense et de ce qu’il rêve !

Voyez une de ses dernières déclarations en date sur cette affaire et tirez-en les conclusions qu’il vous plaira de conclure...

« “Je pense vraiment que le président Poutine ferait bonne figure s'il parvenait à régler ce conflit. Et je pense qu'il le fera. Mais on verra bien. Et s'il n'y parvient pas, ce ne sera pas bon pour lui”, a déclaré M. Trump aux journalistes.

« “Je pourrais lui parler [à Poutine]. Je pourrais lui dire :“Écoutez, si cette guerre ne se règle pas, je vais leur envoyer des Tomahawks”, a-t-il déclaré aux journalistes.

» “Les Tomahawks constituent une nouvelle étape dans l’escalade”, a-t-il souligné. »

Autant terminer sur cette déclaration à la fois si incertaine, un  peu puérile et tout de même aussi très inquiétante, car ainsi l’on a une belle et bonne image de la situation de ces ‘Tomahawk’, comme illustration de la situation de la guerre en Ukraine. Vous voyez que Trump menace Poutine si Poutine ne termine pas la guerre tout en omettant de préciser le temps qu’il reste à Poutine pour “terminer” la guerre, et de quelle façon Poutine doit “terminer” la guerre pour satisfaire Trump, – en capitulant ou en écrasant Zelenski ?

 

Mis en ligne le 15 octobre 2025 à 14H30