Courage, creusons

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Courage, creusons

8 novembre 2021 – Voici qu’il apparaîtrait que nos ‘Master of the Universe’,  les 1% (ou les moins de 1%) qui mènent le monde, se précipitent dans une nouvelle mode qui en dit long : la construction d’abris souterrains sur leurs vastes territoires privés. C’est un Mr. Ron Hubbard, CEO de Atlas Survival Shelters, qui nous en informe dans une interview de ‘The Canadian Prepper’, relayée par Mac Slavo, de SHTFplan.com... Cette “mode”, cela me rappelle quelque chose.

C’était dans les années1950-début des années1960. La panique nucléaire était très grande, une façon d’être et de vivre aux USA, avec le fou LeMay qui faisait voler 24h/24 ses B-52 et le monstre soviétique qu’on jugeait rêvant d’anéantir le monde. C’était ‘Spoutnik’ sur la tempe, fusée en gagée dans le canon.

C’est en ce temps-là qu’il y eut une floraison extraordinaire d’installation d’abris anti-nucléaires de survie. Tout le monde cultivait cette terreur en même temps que soin abri personnel dans son jardin. Les bambins blondinets et propres sur eux apprenaient à l’école le B-A-BA des comportements à suivre en cas d’explosions nucléaires un peu trop proches, suite à l’attaque russe. C’était l’époque du “Duck & Cover”, – “Cache-toi et couvre-toi !”, car il s’agissait de tout faire pour protéger les yeux et la peau notamment de tout contact aux chocs divers de  question de laisser les yeux et la peau au contact des chocs divers (force, chaleur, radiation). Avec cette hystérie, la panique des Soviétiques laissa place rapidement à la panique de la guerre nucléaire elle-même.

Puis, avec la crise des missiles de Cuba et l’accord pour des essais souterrains entre Kennedy et Krouchtchev (les deux auraient été très loin sur la voie de l’entente si le premier n’avait pas été assassiné, le second liquidé, ceci expliquant cela [essentiellement l’assassinat]), le climat changea et l’hystérie disparut (les USA avaient désormais de quoi s’occuper avec le Vietnam). Cette sorte hystérie avec abri anti-nucléaires de survie ne revint plus, même lors d’un nouveau paroxysme de la peur, en 1979-1984, d’un affrontement nucléaire où les populations soi-disant ennemies partageaient les mêmes craintes d’anéantissement.

Et voici, nous dit monsieur Hubart, de la société (traduction française) ‘Abris de survie Atlas’, que la “mode” des abris de survie revient, qu’elle explose littéralement.

« Ron Hubbard, le PDG d’‘Atlas Survival Shelters’, interviewé par ‘The Canadian Prepper’, nous dit d’emblée que le secteur de la construction de bunkers explose...

» ... Alors que l'année 2021 touche à sa fin, le commerce des bunkers contre l’apocalypse [de survie] repart avec une dynamique prodigieuse et ceux qui achètent ces bunkers sont ceux qui craignent actuellement le “grand réveil” ou l’“apocalypse”, la mise à nu de la situation. Ils craignent que les gens réalisent enfin qu’ils sont nés dans l‘esclavage. »

J’ai essayé de conserver le suspens quant à la cause de cette résurgence d’achat d’abris de survie, mais on peut le deviner je crois. Monsieur Hubbard ne peut dire un seul mot sans en venir à la cause, comme s’il était partisan, mais après tout, aussi bien parce que cette cause favorise son business. Le secteur est en pleine expansion « parce que les élites commencent à avoir peur d’un réveil des masses ».

Et alors, monsieur Hubbard se transforme, indirectement sous la plume de Mac Salvo, directement selon sa propre dialectique, en une sorte de prédicateur, annonçant des mouvements massifs de révolte, les justifiant, les encourageant, exaltant l’ardeur et l’alacrité du peuple, la révolte des esclaves, et ainsi de suite, dans le style d’une sorte de Spartacus appelant au soulèvement des opprimés de tous les pays. :

« Nous savons que nous sommes des esclaves, et ceux qui ont suivi ce blog savent que nous ne “perdons pas la liberté” mais nous n'avons jamais eu la liberté.  Ce que nous perdons, c'est l'illusion que nous sommes libres. Mais le reste de l'humanité se réveille enfin et évolue au-delà du besoin de maîtres pour les asservir et voler le fruit de leur travail. [...]

» Hubbard prévient qu'une des raisons pour lesquelles cela se produit maintenant est que les globalistes pensent qu'une “rébellion” se prépare en Amérique et qu'elle est probablement très proche, le peuple américain étant de plus en plus en colère contre l’ensemble de l’establishment et ceux qui le contrôlent. Le système est en train de s’effondrer. Les gens évoluent mentalement et beaucoup savent qu'ils ne supportent plus leur condition d’esclave.

» Ce que les élitistes veulent, c'est un chaos massif et la division, c'est pourquoi nous sommes divisés de toutes les manières possibles. Si nous ne pouvons pas nous entendre et travailler ensemble, ils atteindront leur objectif... »

Monsieur Hubbard se fait encore plus précis sur les circonstances et les perspectives, et l’on comprend aussi bien le fondement de son opinion que la satisfaction de sa comptabilité aux perspectives de ventes que l’évocation de cette véritable ‘Grande Peur des Bien-Pensants’, incroyablement démultipliée par l’ampleur de la fortune et l’extrême médiocrité de ces bienpensants, laisse percevoir sinon déjà palper en espèces sonnantes et trébuchantes.

« “Ce sont les élites presque exclusivement qui construisent des bunkers en ce moment parce qu'ils sont ceux qui peuvent se le permettre”, dit Hubbard dans la vidéo. “L’Amérique est à quelques semaines, voire à quelques jours d’une rébellion. Il y a un achat panique de bunkers en ce moment, surtout aux États-Unis.”

» Il dit que ce n'est pas seulement aux États-Unis non plus. Cet esprit de liberté et d'affranchissement du gouvernement est devenu mondial.  Ils savent qu'ils perdent le contrôle et tout ce qu’il faut c’est une non-conformité massive, et que les gens réalisent qu'ils ne sont pas nés pour être esclaves d'une classe dirigeante.

» Nous n’avons pas besoin d’en faire une rébellion violente, et même Hubbard admet que ce ne sera pas nécessairement une rébellion violente. Mais elle aura lieu. Alors que les gens risquent de perdre leur emploi et tout ce pour quoi ils ont passé des années à travailler, ils n'auront d’autre choix que de se réveiller à ce qui se passe réellement. »

Voilà le témoignage de monsieur Hubbard. Même si on peut à juste titre le soupçonner d’avancer toutes ces considérations pour vendre sa camelote, on doit considérer également qu’il emploie les arguments qu’il sait juste en fonction de ce que lui ont dit ceux qui ont déjà commandé des abris anti-révoltes populaires, exprimannt un sentiment répandu dans leur classe. On comprend alors qu’il existe sans aucun doute un tel état d’esprit dans les fragiles psychologies de nos hyper-milliardaires, et qu’ils jugent que leur statut et leurs privilèges (de toutes les couleurs) éveillent la colère populaire. A évoluer psychologiquement de cette façon, alors qu’on dispose de tant de moyens de conviction et de communication, on finit en vérité par créer ce que l’on craint.

Alors, ce qui je trouve le plus marquant, c’est la symbolique de la différence entre les causes de ces deux mouvements assez similaires dans la forme. Cela n’a rien à voir  avec la survie selon les “survivalistes”, qui attendent tout et son contraire. Il s’agit de la survie face à des menaces bien identifiée. Voilà que nous sommes passés de la survie face à la menace nucléaire, plus ou moins fantasmée, à la survie face à la menace de la colère populaire, là aussi plus ou moins fantasmée. La différence entre les deux époques est stupéfiantes, quant aux fantasmes qu’elles font naître.

La différence entre les deux fantasmes mesure la différence entre les deux époques : d’un côté, un danger supérieur, mécanique, d’une arme absolue dont personne n’est vraiment responsable (car c’est bien un danger palpable de la Bombe qu’on craignait, bien plus que les Soviets) ; une sorte de danger mythique contre lequel on ne peut pas grand’chose, qui nous  dépasse tous, et par conséquent n’engendre pas de véritable tension antagoniste, où la tension est bloquée dans l’abominable perspective de l’élimination de la civilisation, sinon de toute vie sur terre. (En 1962, lors de la crise des missiles, Kennedy et Krouchtchev se sentaient l’un et l’autre prisonniers de cette perspective du nucléaire.) De l’autre côté, un danger bien identifié comme lié à la condition de ceux qui se sentent menacés par lui, un danger où leur responsabilité est directement engagée, où les psychologies sont dans une posture de tension psychologique extrême, et toujours allant vers une confrontation toujours plus grande.

D’un côté, une situation au paroxysme statique, où les gens, même s’ils sont en position d’affrontement, sont forcés à une certaine solidarité devant un danger commun ; les uns et les autres fixeront cela dans la doctrine MAD de facto commune. De l’autre côté, une situation extraordinaire de ce qui semble un paroxysme et qui, à cause d’une dynamique mystérieuse, tend toujours à se dépasser en un paroxysme supérieur ; les gens y sont séparés par des haines, des mépris et des peurs sans retour. D’un côté, une paralysie de l’emprisonnement qui force à l’évasion, de l’autre un emprisonnement de la dynamique qui interdit l’évasion. Ici, l’affrontement doit être et fut évité, là l’affrontement est inévitable et sera accompli.

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