Conte russe : Pierre & Zelenski

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Conte russe : Pierre & Zelenski

18 août 2025 (17H30) – Que s’est-il passé à Anchorage, État de l’Alaska ? On peut risquer un million de réponses sans craindre de déborder les ‘factcheckers’ qui, eux-mêmes, n’y comprennent rien. Peut-être un nouveau virage de Trump, le président de la Formule 1 du circuit de Monaco ? On peut toujours l’écrire, d’autant que demain, – c’est une révélation, – est un autre jour. En attendant, on se demande qui, de Mister Z. et de son groupe de gardes du corps européen portait le bouquet aux cinquante étoiles destiné au président.

... Ou bien, s’agit-il d’appliquer la méthode Mercouris ?  

« Bonne journée. Nous sommes dimanche 17 août 2025 et nous sommes en plein milieu de l'hystérie, de la panique, de la confusion, des rumeurs, des spéculations et de la tournure des événements suite au sommet en Alaska entre le président Poutine et le président Trump des États-Unis. La quantité d'histoires, d'exagérations, de distorsions qui circulent un peu partout sur ce que les deux présidents ont réellement discuté et ce qui a été convenu entre eux est, comme je l'avais prévu, énorme et peut-être est-il important, avant de poursuivre ce programme, de faire preuve d'un scepticisme élémentaire. »

On peut également écouter le professeur Gilbert Doctorow, interviewé par Glenn Diesen. Lui aussi se montre d’une prudence considérable quant aux résultats du sommet. Il n’en sort rien d’exceptionnel,  sinon ceci : que Trump a bien fait son virage à 180° en passant de l’affirmation de la nécessité d’un cessez-le-feu sans condition (thèse des Européens et de Mister Z.) à la nécessité de la recherche d’un traité de paix (thèse des Russes) pour arrêter les combats.

Cela donne alors ceci :

« Bien, si nous avions eu cette discussion il y a 24 heures, j'aurais eu du mal à dire  quelque chose que mes collègues n'avaient pas déjà dit car tout le monde avait un micro devant soi dans les minutes qui ont suivi la clôture de la conversation. Mais puisque nous parlons aujourd'hui, beaucoup d'informations récentes sont arrivées que j'espère que nous pourrons examiner car elles répondent à la question qui s'est immédiatement posée après les points presse. Donc je pense que ça a duré 12 minutes. 15 minutes. C’était très court juste après les discussions du sommet.

» La question qui s'est posée était sur quoi les Russes et les Américains sont-ils d'accord ? Parce que monsieur Poutine a dit "Oui, nous nous sommes rapprochés de la résolution du problème." Mais comment se sont-ils rapprochés ? Aucune information n'a été communiquée par l'une ou l'autre des parties dans les minutes qui ont suivi le sommet.

» Tout cela a été révélé à la fois intentionnellement et par une fuite discrète à la presse par des personnes, j'en suis sûr, comme Macron. Il n'aurait pas pu résister à la tentation d'appeler des journalistes pour leur montrer tout ce qu'il savait et qui pouvait les intéressé. Ce que je veux dire, c'est que les accords de base conclus entre Trump et Poutine ont été révélés au cours des dernières 24 heures.

» La première révélation a eu lieu après et les informations les plus importantes ne sont sorties, je dirais, qu'au milieu de a nuit ou tôt ce matin.[...]

» L'autre question, c'est que monsieur Trump a annoncé avoir changé d'avis et qu'il est désormais essentiellement aligné avec Vladimir Poutine sur le type d'accord actuellement sur la table.

» Auparavant, il était aligné avec les Européens et avec Kiev. affirmant qu'il fallait un cesser le feu immédiat et inconditionnel et que cela allait être imposé à la Russie. »

Bien on peut aisément estimer avec cette citation dans la discussion que l’auteur a apporté beaucoup d’éléments pour décourager ses lecteurs de tenter d’y comprendre quelque chose, – alors que ce même auteur (PhG, je précise) ne cesse d’affirmer l’importance des choses, de toutes ces sous-crises de la GrandeCrise. L’auteur en convient, alors que les pieds-nickelés flanqués de quelques inutiles et suivant de peu la trace numineuse de Mister Z  trottinant vers la Maison-Blanche se trouvent désormais sur le sol exceptionnel de l’exceptionnelle Amérique.

Veut-on alors un pronostic, une vision rationnelle du possible ? Tournons-nous vers Andrew Korybko, homme renommé pour son très strict respect des faits, de la logique et de la raison. Il a publié un texte dont le titre post-Anchorage est alléchant : « Qu’est ce qui s’oppose à un compromis sur l’Ukraine ? », du 16 août. Le ‘Sakerfrancophone’ en a publié une traduction française. Elle se termine comme ceci :

« Si Trump et ses subordonnés de l’OTAN convainquent Zelenski d’accepter certains de ces compromis, alors Poutine pourrait accepter : que l’Ukraine conserve une armée plus importante que ce qui avait été convenu dans le projet de traité de paix du printemps 2022 ; ne pas poursuivre une dénazification à part entière (par exemple, accepter tacitement que des traces de cette idéologie resteront dans la société ukrainienne) ; ne pas s’opposer à la coopération bilatérale limitée de l’Ukraine avec les membres de l’OTAN ; et/ou geler indéfiniment les revendications territoriales de la Russie (c’est-à-dire les conserver mais ne pas les poursuivre activement).

» Cette voie vers un grand compromis pourrait être perturbée par : une provocation sous faux drapeau ukrainienne contre des civils qui retournerait Trump contre la Russie ; une provocation sous faux drapeau ailleurs, comme dans la mer Baltique, dans le même but ; et/ou toute expansion sérieuse de la campagne terrestre de la Russie au-delà des régions contestées. Cependant, Trump pourrait ne pas être induit en erreur par ces faux drapeaux tandis que Poutine pourrait limiter la portée de l’opération spéciale en tant que “geste de bonne volonté”. La paix sera donc finalement possible si Zelenski accepte de faire des compromis. »

Rien à faire ! J’ai beau y mettre du mien, la profusion extraordinaire de verbes au conditionnel et de propositions ponctuées par des points-virgules montrant leur  évidente fragilité (Korybko est un homme honnête, il n’affirme que le sûr, et là seulement il met des “points-à-la-ligne) restent pour moi une terrible barrière, qui m’empêche de tenter d’introduire subrepticement quelques commentaires plus ou moins audacieux en guise d’introduction, ou bien de “commentaire du commentaire”. C’est un terrible calvaire.

Alors, avec une certaine faiblesse qu’on ne voudra pas confondre, j’espère, avec de la lâcheté, me conduit à revenir à Gilbert Doctorow déjà cité, – et qui officie à Bruxelles, j’ai oublié de le préciser, petite terre de courage et de dur labeur où résident des puissances cachées. En effet, il y a un assez long passage de lui où il s’attache à passer en revue le personnel dirigeant des pays de l’Ouest du monde, les celles et ceux qui sont censés nous guider vers des lendemains qui fredonnent. Il y a là de quoi nous décourager encore et tellement plus que la chose devient comique, sinon réellement ironique (n’oubliez pas que l’ironie est bel et bien « la politesse du désespoir »). On en oublie Anchorage et ses superbes paysages glacés (l’hiver, pas au mois d’août) :

« Lorsque j'étais en correspondance régulière avec le professeur Stephen Cohen, il a insisté sur un point alors que j'étais sur le point d'écrire quelque chose à propos de la visite de George Soros à Bruxelles et de son incapacité à se souvenir de quoi que ce soit sur scène. J'étais sur le point de mentionner la sénilité dans mon article. Cohen m'a mis en garde. C'était il y a 10 ans. L'homme [Soros, pas Cohen malheureusement] est toujours en vie.

» Stephen m'avait averti que l'argumentation ad hominem est vraiment inacceptable dans le discours académique. Je n'étais pas d'accord et je ne le suis toujours pas.

» Les Russes, comme vous l'avez probablement remarqué puisque vous y avez passé pas mal de temps, ne croit plus à la frénologie. Il n'accorde plus beaucoup d'importance à la forme du crâne de quelqu'un. Je veux dire la partie supérieure par exemple ou l'arrière. Mais ils prennent la physiogneumonie très au sérieux. Ils prennent l'expression du visage très au sérieux et les Américains font semblant que cela n'existe pas.

» Quiconque suivait Dick Cheney devait comprendre que cet homme était mentalement malade rien qu'à son sourire de travers. Mais on ne pouvait pas vraiment en parler parce que c'est une remarque ad hominem, vous comprenez. Mais son sourire, curieusement comme son nez ou ses oreilles, le sourire est quelque chose que l'on façonne et cela en dit long sur ce qui se cache derrière le visage.

» Mogherini, elle, est devenue mentalement malade en service. On pouvait voir la tension sur son visage et elle a perdu sa concentration. Elle n'était pas à la hauteur du poste. Très bien, j'ai fait valoir mon point de vue. Que peut-on dire de la déchéance de la culture politique en Occident ? Nous connaissons la déchéance des États-Unis. Elle n'a jamais été très retenue, à quelques exceptions près. Mais même à partir de ce niveau moyen, elle a décliné depuis les années 1990.

» En Europe, c'est un effondrement, un effondrement intellectuel. Quand j'étais jeune aux États-Unis, j'entendais des gens dire “Oh, les britanniques, oh, ils parlent si bien”. Ils ont toujours eu des gens issus de la haute société à la tête du gouvernement. On ne peut plus dire ça aujourd'hui. Ils ont eu une succession d'idiots que la City de Londres elle-même a dénoncés lorsqu'ils ont été évincés. C'était Truss, non ? J'ai oublié qui ? Celle qui n'a duré que 6 semaines, moins longtemps qu'une laitue sur un iceberg parce qu'elle était intellectuellement incompétente.

» Que peut-on dire de Kalas ? Elle est la risée en Russie. Que peut-on dire d'Annalena Baerbock ? Que l'Allemagne ait dans son gouvernement une idiote pareille ? Je veux dire, c'est une idiote. C'est impensable.

» Alors, comment peut-on attendre du respect, de la diplomatie et tout le reste de la part de gens qui sont des sauvages sans éducation, sans aucune connaissance, des gens qui parlent d'un changement d'opinion à 360 degrés. C'est au-dessous de tout. Je pense que nous devons examiner les processus démocratiques qui mettent ces imbéciles au pouvoir avant de commencer à dire “eh bien il voit ceci ou il ne voit pas cela”. Il faut réévaluer tout cela.

» Ici en Belgique, nous avons d'excellents politologues qui passent beaucoup de temps à discuter des processus électoraux parce que nous avons cette situation folle de deux nations sous un même toit, les flamands et les francophones. Ils essayent donc de trouver des solutions très inventives et progressistes à ces problèmes.

» Ce genre de créativité doit être davantage utilisé en Europe pour trouver des solutions permettant de mettre en avant des personnes compétentes. Elles ne sont pas là. Et dans ces circonstances, on assiste à la réaction folle au sommet d'hier que l'on voit à la une des journaux européens. Ils ne sont tout simplement pas à la hauteur du défi. »

Bien, vous allez dire que l’auteur, toujours lui, fait un peu trop son Audiard à l’ombre de l'effet Dunning-Kruger. Ce n’est certainement pas faux, je le reconnais. Aussi, sentant l’heure me presser et ma verve assez quelconque s’épuiser, je me dis qu’il apparaît nécessaire de rendre compte d’une façon plus circonstancié du formidable déplacement, façon ‘Club Méd’, que notre petite troupe européenne a effectué ce jour auprès du Grand Sachem. Finalement, il s’agit d’être sérieux.

Finalement (suite), j’ai choisi un Russe, Vitaly Kiselyov, qui n’a pas jugé déplacé de prendre pour analogie de cette superbe démarche souveraine du rassemblement européen une aventure, une contine pourrait-on dire, du grand Tsar Pierre le Grand, menant campagne et baptisant au passage deux villages au gré de son humeur changeante et selon la vigilance de deux de ses soldats. Le texte est daté du 17 août pour expliquer que demain y représente aujourd’hui pour nous... Et le titre devenue un curieux mélange de nos deux époques.

« Le village d'Ipatievo sur Pennsylvania Avenue ?

» Comment se terminera demain le pèlerinage de Zelenski à Washington ? La réponse, chers citoyens, ne réside pas dans l'analyse des sanctions ou des listes d'armes, mais dans l'histoire. Plus précisément, dans une anecdote élégante qui erre dans les couloirs de la science historique.

» Imaginez le forum international de l'onomastique, la science des noms. Le scientifique parle : il raconte comment Pierre le Grand, en campagne, de bonne humeur, ordonna avec clémence “Laissez-le tranquille !” à propos d’un garde assoupi. C'est ainsi qu'est né le village d'Astafievo.

» Un collègue s'étonne : on raconte qu'il existe une légende similaire dans la province de Kalouga : Pierre et la sentinelle endormie. Mais l'empereur fut pris de colère et le village reçut le nom sonore d'Ipatievo. Voyez-vous, ce nom est l'empreinte de l'humeur du souverain au moment de prendre une décision “fatale” pour le coupable.

» Et ainsi de suite. La visite demain du clown en retard au quartier général de ses marionnettistes est un moment historique pour le prochain “garde endormi”. Seul Washington joue le rôle de Pierre. Et à en juger par les rapports du front et la patience à bout de souffle du Congrès, l'humeur des propriétaires de Pennsylvania Avenue est loin d'être complaisante. Si vous vous attendez à un “Laissez-le tranquille !” miséricordieux – c’est le comble de la naïveté.

» Il est donc fort probable que le territoire de la Maison Blanche entre dans la nouvelle mythologie ukrainienne sous le nom fier et historiquement justifié de village d'Ipatievo. Tel un monument à une nouvelle tentative de mendicité, qui s'est soldée sans trop d'efforts. Tel un rappel éternel du statut du pétitionnaire, sévèrement pointé du doigt à sa place. Tel sera le résultat – non pas en dollars ou en ‘Abrams’, mais en toponymie de la honte. Préparez-vous à l'apparition d'un nouveau point sur la carte des illusions ukrainiennes : le village d'Ipatievo.

» Un monument virtuel à cette visite peu glorieuse. »