Cauchemars otaniens, trumpistes & autres...

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Cauchemars otaniens, trumpistes & autres...

25 septembre 2016 – L’idée m’en est venue assez brusquement, sans aucune intention, sans malveillance ni recherche spécifique ; bref, je n’en voulais pas spécialement à ce brave monsieur Soltenberg et je ne voudrais pas le mettre dans l’embarras... Mais le fait est que la chose, qui nous a été signalée Fort Russ News, le 22 septembre 2016, a paru, au bout d’un réflexe de méditation sans intention de nuire, complètement singulière :  

« Stoltenberg, a named source, in his position as the result of what is effectively a US appointment,  publicly stated that he will “not speculate on who carried out the attack”, which is a decisively different position than what was expressed through Western media, in an original Reuters story citing unnamed sources from the US military. The meaning of this is tremendous in terms of the public discourse. [...] So far, western media has not paid attention to Stoltenberg's big statement, as this runs counter to the dissimulation story citing two unnamed sources via Reuters. Reuters has run the story of Russia's claim of US drones in the sky, but MSM outlets have not yet made any breaking story of this... »

Il est incontestable que Joaquim Flores, de Fort Russ News, a attiré notre attention sur ce fait que j’avais rapidement noté, en passant, sans en mesurer la signification qu’on peut lui donner, – je veux dire, cette abstention bien étrange de l’OTAN dans une matière directement conduite par ses maîtres incontestés. D’où cette note dans les Notes d’analyse du 24 septembre :

« Un des aspects les plus impressionnants de cette bataille a été la déclaration du Secrétaire Général de l’OTAN, après une rencontre avec le ministre russe Lavrov à l’ONU. Normalement, Soltenberg aurait dû immédiatement suivre la position US (accusation antirusse), et éventuellement éviter de rencontrer Lavrov. Enfin, il n’aurait pas dû faire, normalement répétons-le, cette déclaration où il s’abstient de prendre position, à RT rien de moins, sortant de chez Lavrov... On n’a pas dû aimer, à Washington, c’est-à-dire dans l’hypothèse où l’on s’est aperçu de quelque chose. »

La supputation qui m’est enfin venue à l’esprit, naïvement je dois dire, sans aucune autre interrogation, mais parce que je sais combien est chère la stabilité de l’emploi pour cette sorte de personnage qui devient Secrétaire Général à l’OTAN, fut alors de faire l’hypothèse que Soltenberg pourrait avoir agi de la sorte en prévision de la possibilité que Donald Trump devienne effectivement président des États-Unis. On comprendrait que, dans ce cas et parce que Trump ne cache pas ses sentiments pour Poutine et son intention de se rapprocher de la Russie pour entamer des négociations constructives, un Soltenberg juge habile, ou bien prudent, d’adopter une attitude plus réservée vis-à-vis des emportements de l’actuelle administration.

Cette observation m’est venue alors que je supputais de consacrer quelques lignes à l’attitude courante à l’OTAN, vis-à-vis d’une possible élection de Trump. Je n’affirmerais surtout pas que ce fut une enquête en belle et due forme de ma part au sein de l’OTAN, parce que je ne m’aventure guère dans cette digne institution ; que je n’y cultive aucun contact en tant que tel, conforme et conformiste... Alors, je parle plutôt de quelques échos, extrêmement indirects et complexes à reconstituer, sans le moindre interlocuteur direct mais par des témoignages de plusieurs mains, extrêmement difficiles à “tracer” parce que de pure circonstances indirectes ; pourtant, et selon mes conceptions, mon expérience et mon intuition, et parce que ce “matériel de communication” est rassemblé sur la durée et qu’il rencontre par sa cohérence, sa cohésion et sa structure satisfaisante une conception de bon sens et de sens naturel, il produit pour mon compte ce que j’estime être une de ces fameuses et glorieuses vérités-de-situation.

A partir de ce matériel de communication feutrée et labyrinthique, me voici donc ébauchant l’image d’une architecture psychologique torturée, qui emploie pour se constituer des matériaux tels que l’angoisse, l’appréhension infantile devant l’apparition d’un père inconnu, imposteur, qui serait peut-être incestueux, qui porte avec lui une force terrorisante. Avec des mots plus brutaux, cela pourrait se résumer selon cette question abrupte et presque selon l’esprit d’une inquisition, et la réponse à mesure : que pense l’OTAN, si l’OTAN y pense, d’un désormais très possible Trump-devenu-POTUS ? Certes l’OTAN y pense, et la réponse est qu’elle est interdite, terrorisée, incrédule et plongée dans la plus terrible confusion devant cette perspective.

(Mais l’on verra plus loin que j’étends la question à l’UE, pour bien montrer que je n’entends nullement semer ici ou là la jalousie ou la frustration. Je présente une petite synthèse, un petit tableau que je voudrais plutôt esquissé et assez général des institutions qui ont en charge notre bonheur et la tranquillité de notre sécurité. Le caractère assez dégagé des règles ontologiques strictes de la profession, qui sont d’ailleurs ridiculisées chaque jour par les professionnels-officiels de la presse-Système, me conduit à orienter ce travail vers le Journal-dde.crisis, pour qu’il le traite à sa façon, assez libre, peu soucieux des contraintes, suivant des voies buissonnières de préférence aux “autoroutes de l’information”, – selon le mot célèbre de Clinton [le mâle] du temps de sa présidence, –  farcies de péage, de radars de surveillance et de marquages sur le bitume vous indiquant la voie à suivre, de panneaux publicitaires rappelant que notre Very-Big Father is watching you.)

L’arrivée possible de Trump est vécue à l’OTAN, dans cette bureaucratie qui est comme le système sanguin qui irrigue tout ce grand corps et lui donne vie, comme une épreuve épouvantable, comme la venue triomphale de quelqu’un “qui n’est pas de la famille”, un imposteur dont il faudra pourtant chanter les louanges comme s’il était votre vrai père. Ce n’est pas une question d’influence, de soumission, d’obéissance, non c’est vraiment une question absolument affective, de consanguinité dirais-je, une affaire de cœur qui les déchire. D’ores et déjà, je les sens paralysés, se demandant dans quel sens arranger le grand sommet de Bruxelles de 2017, selon ce que sera l’élu, car en plus de l’horreur énigmatique que serait la venue de Trump, il y a l’insupportable suspens qu’il faut supporter d’ici le 8 novembre pour savoir si l’intrus recevra effectivement les clefs du paradis ou si Hillary sauvera in extremis le trône de l’infamie qui le menace.

Il est vrai qu’on a construit autour du personnage (Trump) une telle narrative d’épouvante et d’horreur sans nom qu’il a fini par apparaître vraiment dans cette stature, comme une sorte d’Attila du conformisme-Système, là où il passe le conformisme-Système ne repousserait pas ; comme le produit d’une machination extraordinaire dont effectivement, – pourquoi pas et Who Else bien entendu ? –  Poutine serait tout de même et au moins en partie le diabolus ex machina. Nous allons vivre des heures fiévreuses et incertaines, car cette sorte de machine immense et qui semble invincible, – je parle de l’OTAN, – au fond a un cœur de midinette, une fragilité de jeune fille qui n’a rien connu de la vie parce qu’elle a consacré sa vie à cultiver sa vertu. Imaginez-là livrée aux mœurs bestiales de ce rustre ! (l’Immonde-Trump, pas Poutine.)  Car rien n’y fait, malgré l’incertitude du combat ils ne parviennent pas à s’ôter du sentiment que ce sera Trump, et que ce sera horrible.

Et je pense bien, là-dessus, qu’on aurait bien tort de croire les Européens, lorsqu’ils se regroupent dans leur propre basse-cour, – là, on aura entendu que je parle de l’UE, – de les croire plus en sécurité et en meilleure posture que lorsqu’ils se rencontrent à l’OTAN, à la fin de la récréation. Je sais bien qu’il y en a pour prendre des postures avantageuses, parlant d’une “armée européennes”, se préparant pour paraphraser notre notaire-en-chef, à “se défendre elle-même” (« L’UE devra se défendre par elle-même, si les Etats-Unis s’éloignent »). Cette veine est aujourd’hui largement utilisée par des “européistes” type-New Age, qui verraient brusquement une opportunité formidable dans l'élection de Trump ; cela se lit à cœur ouvert dans cet article de Politico.eu, version européenne du site US Politico extrêmement conforme au Système, décrivant cet événement formidable qui activerait une miraculeuse transmutation de l’anti-américanisme en une vertu “européiste”... (Je me demande bien ce que l’auteur entend par “anti-Américain” lorsqu’il écrit “anti-American politicians”, comme s’il y avait aujourd’hui des “anti-Américains” parmi les “politiciens” convenables, c’est-à-dire ceux dont il parle, qui roucoulent au nom de l'UE et applaudissent Juncker.) :

« Just last week, Jean-Claude Juncker, hailing the Commission’s crackdown on Apple’s Irish tax penalty in his State of the Union speech, declared: “Europe is not the Wild West.” Anyone listening knew that “Wild West” means America. “We are not the United States of Europe,” Juncker added, to applause from the assembled MEPs. “We are much more diverse in Europe and stronger.”

» Most Europeans at the center of Europe’s political spectrum genuinely fear the consequences of a Trump victory and a weakening of the Transatlantic relationship. But others smell an opportunity too good to be allowed to pass. As long as moderate politicians like President Barack Obama or U.S. Democratic candidate Hillary Clinton occupy the White House, anti-American politicians will find it difficult to turn their rhetoric into reality. A Trump presidency would force a rethink. »

Bien, l’on comprend que cet article, qui est également là où il se trouve pour se faire l’avocat du diable et représenter au peuple de l’américanisme plongé dans la confusion quelles conséquences terribles (la puissance européenne qui s’affirme !) aurait pour lui l’élection de Trump, l’on comprend qu’il s’adresse d’abord aux peuples terrorisés de l’Europe pour leur indiquer que, face à Trump-élu, l’UE est leur sauvegarde. La manœuvre dialectique se comprend, de la part des élites-Système qui, pendant des mois, ont refusé de voir le phénomène Trump s’affirmer, et qui aujourd’hui doivent en tenir compte... Mais tout de même, parvenir à faire, dans un seul et même article, de Clinton-“We Came, We Saw, He Died” une “politicienne modérée”, quasiment une centriste apaisée, et de l’anti-américanisme à la sauce bruxelloise une vertu cardinale, c’est charger notablement leur Titanic de représentations hollywoodiennes.

Si les peuples européens ont montré des signes d’impatience, voire de révolte ces dernières années, ce n’était pas contre Washington mais bien contre Bruxelles. C’est Bruxelles (et Berlin, si l’on veut un complot) qui a coulé la Grèce et ouvert la porte au flot des réfugiés, pas Washington, même si certains y voient des manigances. C’est l’UE qui a ouvert le feu de la crise ukrainienne, en novembre 2013, pas Washington. Si l’on veut tout de même voir des manigances américanistes dans tous ces avatars pour mieux mettre en valeur la vertu européenne, – qui se nommerait alors irresponsabilité et servilité si l’on comprend bien, – il suffirait de rappeler qu’à Washington trônaient alors les hordes “modérées” d’Obama et de Clinton, et que ces hordes comptaient dans leurs rangs Goldman-Sachs et Victoria Nuland, lesquels seraient d’ailleurs prêts, en cas de malheur, à s’exiler en Europe tant est grande leur haine de l’Immonde... Bref, avec qui feront-ils leur TTIP rebaptisé si Trump arrive au pouvoir ? Avec Poutine qu’il accablent de sarcasmes satisfaits ?

Mais non, tous ces gens sont de la même eau, et les Européens de l’UE, comme les jeunes filles de l’OTAN, vont se retrouver, si l’Immonde est élu, aussi perdus que le Petit Chaperon Rouge. Ceux qui se découvriront anti-Américains pour ranimer leur Europe chancelante et globaliste n’arriveront peut-être bien qu’à faire se constituer un axe USA-Russie, et ceux qui continuent à se battre contre Bruxelles auront désormais un modèle sur lequel s’appuyer. Cette élection aux USA, si elle parvient au terme catastrophique que certains redoutent, et parce que justement on a fait nécessairement un terme catastrophique de la possibilité d’un Trump président, constituera un formidable ferment de division au sein de l’UE. Cela n’a rien que de très logique, puisque l’UE, création du modèle américaniste à vocation globaliste comme cela est largement documenté, se trouverait brusquement sans modèle, face aux éclats tonitruants de son modèle brisé, – et cela à cause d’elle-même, toujours, puisque c’est elle et toujours elle qui a monté les enjeux si hauts en faisant de Trump l’Immonde inacceptable.

... En fait, j’ignore bien si Trump sera ce Diable que l’on annonce partout, parce que j’ignore ce que Trump a dans la tête, parce que Trump a dit beaucoup de choses et que certaines d’entre elles laissent circonspect. Mais ce n’est pas à ce point de savoir qui est Trump que réside le problème, mais bien à ce point de savoir ce que la communication qui façonne les événements va le conduire nécessairement à être. Devant tant de cœurs éplorés et tant d’esprits qui se découvrent batailleurs, selon que l’on se tourne vers ceci ou vers cela, je me dis qu’ils vont finir par faire de Trump, peut-être à son insu, peut-être contre son gré, l’Immonde qu’ils s’empressent aujourd’hui de dépeindre, – si l’Immonde est élu. Ils sont peut-être bien en train de faire en sorte que se fabrique lui-même le monstre dont ils ont fait la représentation comme s’ils étaient dans la caverne de Platon, spectateurs plutôt que manipulateurs parce que manipulateurs d’eux-mêmes, pour pouvoir mieux le dénoncer. Cela s’appelle, on le sait assez sur ce site, du déterminisme-narrativiste, – cette obligation de croire jusqu’au bout, jusqu’à l’absurde éventuellement, la narrative que l’on a inventée... Si l’Immonde est élu, il est bien possible que d’étranges choses se passent et les croyants de la religion européiste doivent se préparer à des tensions schismatiques bien plus qu’à la réalisation des envolées si satisfaites d’elles-mêmes d’un Juncker qui manie fort bien la canette.

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