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36001er avril 2021 – Quelle importance, au reste, de substituer “vont se suicider” au fameux “ceux qui vont mourir te saluent” puisque Jules César n’a jamais existé ? Cette remarque qui se voudrait gratuitement ironique, mais qui dissimule quelques sous-entendus, me vient à la lecture du texte (repris ci-dessous), que monsieur Philippe Mesnard, notamment rédacteur en chef de Politique Magazine, consacre à « La novhistoire contre l’Occident », c’est-à-dire la “cancel culture” dans sa fonction de récriture de l’histoire (cancelhistorien, si vous voulez), démolisseur de statues et du passé, bref ce qu’on nomme dans ces colonnes le wokenisme. Mesnard s’attache notamment à ceux-là de ces universitaires américains, qui sont des spécialistes de l’Antiquité et qui nient complètement l’intérêt, l’interprétation, voire l’existence de l’Antiquité ; dit en d’autres termes plus convenables, “qui nient complètement” cette phase de notre histoire se découvrant elle-même, honteuse et déconfite une fois de plus, comme une construction suprémaciste des Blancs.
Mesnard commence par une analogie qu’il veut évidemment dévastatrice sans nécessité de forcer le trait. Il cite une “théorie” de l’histoire qui nie complètement des parties essentielles de notre histoire telle qu’elle est perçue et enseignée, et figurez-vous que cela ne nous vient pas des USA et ne propose pas un ex-voto de liquidation de tous les mâles-blancs-suprémacistes, et du racisme dans son entièreté et son exclusivité par conséquent :
« Les récentistes [lancée par le Russe Anatoli Timofeïevitch Fomenko] prétendent que le haut Moyen-Âge n’a pas existé. L’Église catholique, en réformant le calendrier au XVIe siècle, et les Jésuites ensuite, ont carrément inventé plusieurs siècles d’Histoire, faisant littéralement surgir du néant les Grecs, les Romains et l’Égypte, dans le but évident d’asservir les populations. Heureusement, des scientifiques allemands, russes ou français, ont dénoncé la supercherie [jésuitique] au XXe siècle : Jules César n’a jamais existé ! »
Je l’avoue, j’ignorais complètement la chose. J’ai donc appris l’existence en détails de ces “récentistes” qui ont fleuri à la fin du siècle précédant celui-ci où tant de bonnes et justes révisions sont opérées. Les “récentistes” sont de sombres, sinistres et dangereux imbéciles, jugera-t-on péremptoirement. Par contre, les professeurs des universités américanistes qui proposent la “cancelation” de l’Antiquité sont gens vertueux et démocratiques, très sérieux, respectables, chargés de diplômes et d’honneur, et gens que l’on cite abondamment avec respect et admiration, un genou en terre. On comprend la différence : les “récentistes” sont passés comme une lettre à la poste, dans cette poubelle élégante des “sachants” qu’on nomme “Fringe science” (pour les non-“sachants” : “histoire marginale”) ; cela formant une catégorisation où l’on fait les sommations d’usage après que le peloton d’exécution se soit mis en rond et ait procédé à l’exécution, cela (l’exécution en rond) avant que l’on commence le procès et ainsi de suite.
Pour les universitaires américanistes et wokenistes qui envoient l’Antiquité dans la poubelle des “Fringe périodes”, au rayon des simulacres du suprémacisme blanc, au contraire, il s’agit de réfléchir avec sérieux à la nouvelle approche qu’ils nous proposent. Je pense, au fil de la plume, que j’ironise à peine, d’autant que l’un des meneurs de cette thèse, – le professeur d’histoire romaine de Stanford, Dan-el Padilla Peralta, – a la particularité d’être Africain-Américain, tendance BLMiste.
(Je crois en effet qu’il faudrait songer à créer un tel néologisme à partir de “Black Lives Matter”, ou BLM, et qu’ainsi “BLMiste” deviendrait comme une sorte de badge d’honneur, une médaille de la vertu civique. Suggestion, comme ça, by the way...)
Bien, on ne s’attarde pas trop au reste. Monsieur Mesnard s’y emploie avec une logique et un talent nourris de belle culture. Je sais bien que dans ce siècle impie règne la bêtise, comme facteur essentiel, écrasant, – « L’énorme poids du rien », – et qu’il est alors tout à fait logique qu’elle se manifeste.
Elle le fait d’autant plus dans le cas qui nous occupe que, pour moi, avec mes piètres connaissances et ma culture insuffisante de cette période, je connais tout de même, par l’intuition éclairant mon âme poétique, assez de l’Antiquité pour l’aimer profondément, parce qu’elle recèle une somme incroyable de beautés créées par les humains inspirés par les dieux, dans la langue, dans la pierre, dans l’architecture et la sculpture, dans la philosophie, presque dirais-je dans les paysages du monde et la hauteur de la pensée. Que l’Antiquité ait eu lieu ou non, cette beauté-là suffit à instituer que, par décret divin, elle existe.
Ainsi, la bêtise déferlant, complètement folle comme sorcières en ripailles et chiures en chamailles se précipitant pour emprunter l’orifice l’un avant l’autre, – cette bêtise-là ne peut que haïr l’Antiquité jusqu’à la néantiser puisque, par la définition divine qu’on en doit tirer, – cette bêtise-là hait tout ce qui est beauté et elle hait la beauté du monde, et l’Antiquité par conséquent.
Je parle bien ici des dignes professeurs hystériques de nos établissement universitaires avec leurs aéropages de commentaires sirupeux, mielleux et presque convaincus (“quelle audace, cette thèse ! Mais après tout, ma.mon chère.e, pourquoi pas ?”). Ceux-là, le doigt levé comme la justice pour annoncer la censure rigoureuse et puritaine, n’ont ni l’entrain ni la gaie lubie de nos “récentistes” ; ils sont terriblement sérieux, bombastique, pleins de componction furieuse et, au vrai, chiant comme le “Rien” sait être lorsqu’il rencontre le Sphinx. Partout dans nos salons par conséquent, on les accueille, on leur fait fête et l’on se couche car la démence de la décadence qui s’effondre est un virus qui en remonterait à un bataillon de Covid19, masque ou pas masque.
Et monsieur Mesnard termine ainsi : « Puisque tout le mal vient exclusivement de l’Occident, coupez-le définitivement de ses racines et il trouvera à se nourrir dans un autre terreau, vierge de toute pollution ; ou il crèvera. C’est sans doute le but recherché. »
Certes, “il crévera” (car le “ou” me paraît dépassé). Et si “c’est sans doute le but”, comme je le crois aussi, je dirais qu’il n’est pas “recherché”. Il est de lui-même, et ne vous y trompez pas : tous ces superbes hordes blanches racisés dans le sombre, qui bourdonnent de bonheur autour des BLMistes, BLMistes elles-mêmes, et plus encore autour des néantisseurs des Pharaons jusqu’au Parthénon et au Colisée, de Héra clite à Marc-Aurèle et à Plotin, – tous ceux-là font partie de l’“Occident” qu’ils sont en train de détruire, – oh ! bien plus qu’ils n’imaginent ; ils en sont les détritus les plus avancés, zombies annonciateurs de la néantisation achevée, déchets stéréotypés de l’en-dessous de la poubelle, là où la pourriture vous réchauffe de ses productions gluantes et collantes.
Il est vrai qu’une “civilisation” qui se prétend telle, qui montre à quel point elle est devenue l’inversion d’elle-même, celle-là ne mérite que de “crever”. Charogne tu devins, charogne tu crèveras. Et ses soi-disant fossoyeurs qui dansent au rythme du wokenisme, devenus censeurs d’eux-mêmes, sont bien ceux qui mènent le troupeau et qui iront jusqu’à tomber les premiers dans l’abîme sans fin pour bien leur indiquer la marche à suivre.
Par ailleurs...
“Ave Caesar, ceux qui vont se suicider te saluent”.
Et Caesar tourna à peine la tête et interrogea son cher Brutus : “Qui sont ces étranges citoyens ? Ils ne sont pas de nous ! Je ne les connais plus !” Puis, avec un sourire qui semblait montrer qu’il avait balayé le spectacle des candidats-suicidés de son regard, se penchant et à l’oreille du traître à venir il eut ces mots m’a-t-on rapporté : « Animos inanes velut longo fallacique somnio luso. »
(On m’a soufflé la traduction, j’espère que je ne choquerai pas trop les puristes mais qu’ils se disent que je trouve que cela va assez bien : « J’ai dupé leurs esprits vidés comme venant d’un sommeil prolongé et trompeur. »)
Et c’est ainsi que l’Antiquité fut cancelled et que l’Occident disparut. Glou glou glou.
Dans l’intervalle, lisons le texte de Philippe Mesnard, sur RT-français du 27 mars 2021.
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Les récentistes [lancée par le Russe Anatoli Timofeïevitch Fomenko] prétendent que le haut Moyen-Âge n’a pas existé. L’Église catholique, en réformant le calendrier au XVIe siècle, et les Jésuites ensuite, ont carrément inventé plusieurs siècles d’Histoire, faisant littéralement surgir du néant les Grecs, les Romains et l’Égypte, dans le but évident d’asservir les populations. Heureusement, des scientifiques allemands, russes ou français, ont dénoncé la supercherie [jésuitique] au XXe siècle : Jules César n’a jamais existé !
C’est aberrant, bien sûr. D’ailleurs, de vrais scientifiques, allemands, russes ou français, ont dénoncé cette fantasmagorie. Mais alors, comment juger la prétention d’universitaires reconnus, installés, en exercice, de rejeter l’étude de l’Antiquité au motif – difficile à prouver scientifiquement – que le suprémacisme blanc et le fascisme en seraient sortis tout armés ? Croit-on vraiment que ne plus enseigner les origines de Rome ou la civilisation athénienne va faire disparaître, le temps d’une génération, tous les maux politiques dont les Éveillés nous disent que nous souffrons – quitte à ne ressentir aucune douleur ?
Et pourtant, comme le rappelle Raphaël Doan dans une tribune du FigaroVox, un professeur d’histoire romaine de Stanford, Dan-el Padilla Peralta, a déclaré que «la production de la blanchité réside dans les entrailles mêmes des classiques.» Et il concluait dans un admirable élan sacrificiel, faisant don de sa personne et de ses (maigres) œuvres à l’humanité : «J’espère que la matière va mourir, et le plus tôt possible.» Ne discutons pas du concept de blanchité, aussi scientifique que le phallocratocarnisme de Priscille Touraille. Donna Zuckerberg, classiciste et fondatrice du site Eidolon, considère que sa discipline «a été historiquement impliquée dans le fascisme et le colonialisme, et continue d’être liée à la suprématie blanche et à la misogynie». Et mérite donc d’être éradiquée – une fois Donna assurée de percevoir sa retraite –, en attendant qu’on supprime la biologie, mobilisée par les totalitarismes du XXe siècle, l’ethnologie, inventée dès la plus haute Antiquité par les colonialistes, la linguistique, à cause des missionnaires, etc. À moins qu’on ne développe des «approches non-blanches» des disciplines classiques, c’est-à-dire qu’on enseigne partout que tout ce qui a été enseigné était mensonge et qu’il existe une Histoire alternative, une science non-blanche, radicalement autre, ignorée jusqu’alors par pure oppression, digne donc d’être imposée par la force et de ne surtout pas correspondre à des faits têtus (donc fascistes) qui tendraient à démontrer que les musulmans n’avaient pas inventé le microscope ni les Peuls, l’aviation.
Que l’Histoire soit un perpétuel questionnement, certes. Qu’il soit bon de réviser en permanence nos convictions sur la bonté de Robespierre, la générosité de Lénine, la tendresse de Napoléon et l’intelligence de Woodrow ou Wilson (ou même celle de Biden, pour ceux qui veulent commencer à temps l’examen critique nécessaire), bien sûr. Mais proposer, comme ces professeurs, de purement et simplement passer à la trappe des siècles fondateurs de l’Occident, un Occident qui a lui-même, pour le meilleur et pour le pire, façonné le monde dans lequel nous vivons tous, y compris Africains, Indiens et Chinois, n’est-ce pas se priver de nos racines – et même, puisqu’il s’agit d’être critiques, de notre capacité à corriger nos erreurs ? Pour ne prendre qu’un exemple, si on n’enseigne pas que la démocratie athénienne repose sur l’exclusion de la quasi-intégralité des forces de travail (les esclaves, bien plus nombreux que les hommes libres), comment pourra-t-on considérer dans la bonne perspective les démocratures actuelles, qui ont transformé le mot «populiste» en insulte et imposent au peuple des politiques qu’ils refusent ?
Revenons aux universitaires brillants qui ont décidé qu’il fallait que l’Occident expie ses péchés. Il ne suffit pas qu’il se repente, il faut encore qu’il oublie. De même que dans 1984 la novlangue supprimait des mots pour empêcher qu’on puisse formuler et donc penser ce qui était défendu, de même la novhistoire veut supprimer les siècles maudits pour empêcher que leur souvenir n’empêche l’avènement d’un avenir radieux : supprimez la cause, vous supprimerez tous les effets ! On croirait ces voyageurs temporels fous des romans de science-fiction qui veulent corriger le cours de l’Histoire. Ils sont d’ailleurs déjà à l’œuvre, et quand ils n’enseignent pas des absurdités, ils mutilent quand même l’héritage : les Hollandais viennent de sortir une version de L’Enfer de Dante d’où Mahomet a disparu pour ne pas choquer les jeunes musulmans.
Puisque tout le mal vient exclusivement de l’Occident, coupez-le définitivement de ses racines et il trouvera à se nourrir dans un autre terreau, vierge de toute pollution ; ou il crèvera. C’est sans doute le but recherché.
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