Au carnaval de la vermine-simulacre

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Au carnaval de la vermine-simulacre

• L’affaire des “fuites du Pentagone” est totalement insaisissable et incompréhensible, comme prise dans les méandres labyrinthique des spasmes complotistes du Système. • Face à cela, l’essentiel n’est pas de tenter de comprendre, de découvrir, de mettre à nu, mais de ricaner, de persifler, de mettre au jour le ridicule de la vérité-de-situation du Système englué dans ses cruautés imbéciles. • Il s’agit de pousser la logique de la résistance à l'extrême de la perception du ridicule de la surpuissance, pour qu’elle produise son autodestruction.

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Atteindrait-on le rivage, – sans doute temporaire, selon notre sceptique expérience, – d’une approximative et trompeuse certitude dans le formidable nœud gordien des “fuites du Pentagone” ? Vous avez remarqué que nul n’est parvenu à affubler cette affaire d’un ‘gate’, – vieille coutume depuis le ‘Watergate’, avec ‘Contragate’, ‘Irangate’, ‘Clintongate’, ‘Hillarygate’ etc., jusqu’au récent ‘Russiagate’ ? Simplement parce qu’il est impossible de la définir par un seul mot qui serait ainsi transformé avec son ‘-gate’, tant il y a de fils entremêlés, de pistes désignées, d’hypothèses avancées, de complots noués et dénoués, etc.

Jack Texeira, le très jeune membre de l’Air National Guard du Massachussetts, « arrêté et inculpé par le FBI, la CIA, le Washington ‘Post’ et le New York ‘Times’ », comme l’écrit ironiquement Larry C. Johnson que nous citerons souvent, fait-il l’affaire comme coupable décisif, comme une sorte de Lee Harvey Oswald enfantin (il a 21 ans et un visage d’ange) ? ‘Texeiragate’ ? Cela nous étonnerait et cela ne sonne pas terrible, – et, bien entendu, son inculpation n’éclaire pas pour autant notre lanterne dans cette affaire aux multiples fils de ces fameux nœuds gordiens, à laquelle nous affirmons hautement ne rien comprendre ni entendre d’assuré.

Note de PhG-Bis : « Nous voilà tous rassurés. Ce n’est pas ici que l’on trouvera la solution ni la preuve de la culpabilité du fil à couper le beurre. Nous avançons, assurés de notre Inconnaissance et la jugeant conforme aux événements qui nous accablent. PhG n’en dit pas autant mais il n’en pense pas moins. »

Larry C. Johnson est intéressant, – outre ce que nous avons déjà dit de lui de manière générale et de sa très grande expérience d’ancien officier de la CIA (en service actif jusqu’en 2018), – parce qu’il a pris diverses positions dans cette affaire, a changé souvent d’avis, s’est trompé ici ou là d’une façon grossière, et ne cherche ni excuse ni explication. Par contre, son jugement général, sa position dans les idées, sont restées fermes et intraitables.

Johnson reconnaît que l’apparition sur la scène du jeune Teixeira change la donne, et sa propre interprétation devient celle d’une “fuite contrôlée” et d’un bouc-émissaire. Par exemple, il écrit en tête du premier article (le 13 avril) mis en ligne par lui après l’identification et l’arrestation de Texeira

« Jusqu'à ce que je vois le document intitulé “CIA Operations Center Intelligence Update”, j'étais enclin à croire que les documents divulgués étaient l'œuvre d’un lanceur d’alerte frustré. Mais j'ai changé d’avis. Il semble qu’il s’agisse d’une fuite contrôlée et dirigée par des individus qui ont manipulé un soldat de la Garde nationale âgée de 21 ans pour qu’il prenne certains documents et les mette en ligne sur un serveur public. »

Zelenski finira-t-il disk jokey ?

L’implication de Texeira n’a, en vérité, rien éclairci de cet extraordinaire imbroglio dont il est difficile de sortir quelque chose de net et de clair, fut-ce la plus infâme trahison ou le plus horrible coup fourré. La phrase mise en épingle par nous aux alentours du détour vers l’aventure claque plus que jamais, chaque jour confirmée et renforcée dans l’amoncellement mélangé de mensonges aux accents véridiques et de vérités à la mine mensongère :

« ...[L]a guerre de l’information est devenue si intense que “nous ne pouvons plus déterminer où est la vérité et où est le mensonge :

» “Nous sommes à un stade où la guerre de l'information est parfois encore plus importante que les affrontements physiques directs au front”. »

L’excellent Larry C. Johnson, d’habitude si apprécié de ses lecteurs a déclenché un tollé lorsqu’il a développé un commentaire sur les renseignements précis détaillés dans certaines pièces auxquelles il avait eu accès. Sa très grande surprise a (d’abord) été les nombres très bas de différents personnels US, – militaires ou logisticiens, etc., – en Ukraine (100 personnes, dont 72 du département d’État et 14 des forces spéciales). Avec cette conclusion, dans le texte référencé du 12 avril :

« Ce qui me surprend, c'est que la France et la Lettonie ont plus de personnel des forces spéciales en Ukraine que les États-Unis. La Lettonie dépasse la France avec un total de 17 personnes.

» Certains diront qu'il s'agit d'une fabrication destinée à induire en erreur sur le nombre réel de diplomates et de militaires américains dans le pays. Ce n'est pas le cas. L'un des objectifs de ce genre de chiffres est de s'assurer que le commandant des forces américaines en Europe sait combien d'Américains officiels se trouvent en Ukraine, au cas où une évacuation d'urgence serait ordonnée et que l'armée doive les secourir.

» S’agit-il d’un autre moment du type “Tout ça pour ça” ? Oui. Cette diapositive démystifie l'histoire qui circule parmi les blogueurs et les chaînes de télévision, selon laquelle les Russes auraient tué 200 membres du personnel de l'OTAN lors d'une frappe de missile en mars. »

Donc, les réactions des lecteurs furent nombreuses dans le sens d’un scepticisme un peu choqué (du style : « I respect your skills and experience Larry, but I really struggle with the idea that the numbers being that low... »), nombre d’entre eux suggérant des chiffres biaisés, manipulés, mensongers, y compris ceux qui sont destinés à d’autres citoyens/soldats US... Johnson ne revint pas sur ce qu’il avait écrit, sauf tout de même à écrire, en introduction du texte suivant, du même 12 avril, et comme s’il se parlait à lui-même après tout pour se faire une leçon d’avoir trop vite tiré du définitif à partir de chiffres classés ‘Top Secret’ :

« Ce n'est pas parce que certaines informations sont présentées dans un briefing classifié qu'elles sont nécessairement vraies ou exactes. Les hommes et les femmes qui ont préparé ces briefings ou rédigé les rapports de renseignement sont des êtres humains et peuvent commettre des erreurs. Gardez cela à l'esprit en lisant le reste de cet article. »

Entretemps, Texeira avait été identifié et arrêté, conduisant comme on l’a lu à un changement d’opinion de Johnson, et peut-être de jugement fondamental sur la véracité des documents. Il est assez difficile de déterminer ce qu’il reste de sérieux, de significatif et de véritablement enrichissant pour notre connaissance d’une quelconque vérité-de-situation dans cet amoncellement, dans cette suite de virages et de tête-à-queue, dans ces déclarations contradictoires et embarrassées, dans ces descriptions abstraites et abscons.

Nous prêterons donc notre attention à quelques commentateurs les moins sérieux et les plus incontrôlables possibles, tout en conservant toute notre estime à Larry Johnson (il nous donne encore quelques informations dans son dernier texte)... Par exemple, pour le “moins sérieux et le plus incontrôlable possible”, ceci de Howard J. Kunstler :

« Combien de temps devrons-nous attendre avant que Volodymyr Zelensky n'ouvre une discothèque à Boca Raton ? C'est l'une des questions soulevées par les documents secrets de la CIA divulgués la semaine dernière, prétendument par un aviateur de la Garde nationale du Massachusetts âgé de 21 ans, Jack Teixeira. Comme il s'agit du grade le plus bas de toute l'armée américaine, on peut se demander comment Jack a pu mettre la main sur toutes ces informations embarrassantes, et ce qu'elles révèlent de la structure de commandement du Pentagone et de ses relations avec la "communauté" des services de renseignements. »

“Kull de l’Atlantide” en Ukraine

Mais certainement l’appréciation la plus exotique est cette transposition du drame que nous vivons au sein des bureaucraties du système de l’américanisme, dans un environnement d’une saga de “Kull de l’Atlantide”, personnage du style de la ‘fantasy’ héroïque, tentant d’imiter les légendes des temps passés et héroïques, des personnages alternant le demi-dieu, le héros légendaire et, aujourd’hui, la vedette de ‘blockbuster’ hollywoodien du type “Conan-le-Magnifique”.

Nous saluons donc Constantin von Hoffmeister, de ‘Eurosiberia’, avec son texte court et plein d’évocations de circonstances, – « Le regard de Kull : Décoder les fuites entre les États-Unis et l'Ukraine ». Le style est bien ce qui convient, en habillant les pauvres expéditions de cette GrandeCrise du souffle épique qu’elles mériteraient d’avoir, et qu’elles n’ont pas à cause de la médiocrité des acteurs

« Par la volonté de fer de Crom, il faut aborder les publications telles que celles des prétendus documents secrets américano-ukrainiens avec le plus grand scepticisme, car, au royaume des rois et des monstres, la tromperie est aussi courante que les sables du désert. Dans ces guerres modernes, la bataille se déroule non seulement sur les champs de bataille ensanglantés, mais aussi sur le front nébuleux de l'information, un champ de bataille où les sorciers et les guerriers doivent faire preuve de ruse. Il devient de plus en plus crucial de discerner les nouvelles qui sont aussi solides que l'épée de Kull et celles qui ne sont que des illusions, déjà révélées en leur noyau.

» Il faut voir comment les médias occidentaux, tels des bêtes voraces, se dévoilent comme un instrument potentiel de désinformation, tel un poignard perfide dissimulé dans les recoins noircis. Jeudi, le New York Times, une chronique qui rivalise même avec les parchemins trompeurs du sombre pays de Thuria, a proclamé que la publication des documents constituait “la première grande percée des services secrets russes depuis le début de la guerre”. Pourtant, le lendemain, la même gazette, aussi inconstante que les vents qui balaient les plaines, contredisait ses propres paroles: les documents avaient apparemment été capturés par un initié qui, tel un fantôme dans la nuit, avait eu accès à ces documents des plus clandestins.

» Kull de l'Atlantide, dans l'un de ses nombreux contes, a déclaré : “La vérité est aussi insaisissable que les ombres projetées par la lumière du soleil couchant”. S'il s'était agi d'un agent russe au sommet du Pentagone, il aurait été aussi insensé que de défier Kull lui-même de risquer d'exposer une source aussi précieuse pour un effet politique aussi insignifiant.

» Alors que le soleil se couche et que l'obscurité se profile, il existe un autre argument pour expliquer pourquoi la désinformation réelle pourrait être l'insinuation d'une “piste russe” derrière les publications. Si l'on suit le contenu des documents divulgués, il n'y a rien qui n'ait déjà été ouvertement affirmé au pays de la Rus : les États-Unis et l'OTAN sont aussi profondément mêlés à la guerre en Ukraine qu'un serpent enroulé autour de l'arbre de vie. Ce n'est qu'une vieille nouvelle pour le public et les services de renseignement, aussi périmée que les os d'une bête morte depuis longtemps. Certains chiffres sont aussi politiquement arbitraires que les caprices d'un dieu capricieux, et l'élaboration de cartes pour prédire quand et où les conditions de dégel, – défavorables aux opérations offensives, –pourraient commencer est la tâche quotidienne des officiers d'état-major, aussi routinière que l'affûtage de la lame d'un guerrier. Il n'y a pas de grandes preuves, seulement des spectres et des chuchotements.

» Le véritable embarras de ces fuites pour l'hydre américaine est qu'elles suggèrent qu'il y a des personnes au sein de l'appareil qui savent où le chemin des rois et des monstres peut mener, et qui, comme Kull de l'Atlantide, cherchent à empêcher la marée du chaos dans la mesure de leurs capacités... »

PhG face à ‘La marée du soir

On acceptera donc notre affirmation de constance face à ce désordre sans fin et au désintérêt que nous affichons résolument devant ce que Montherlant nommait ‘La marée du soir’, – ce déferlement fulminant et grouillant d’affirmations, de descriptions, de dénégations vertueuses, de narrative si pressantes, – cela qui caractérise notre justification sans fin pour nos entreprises honteuses et maléfiques, sinon sataniques. Notre réponse fut et reste le mépris pour toutes ces affirmations, ces “sources”, ces montages, ces ratages des services de sécurité du Système... ‘La marée du soir’, c’est celle de la modernité à son terme.

Voici un autre texte récupéré d’une hésitation puis d’une mise au placard, envisagé il y a 3-4 jours par PhG pour dire sa perception de cette étrange avalanche de fausses-vraies révélations concernant cet événement-simulacre... Quelques paragraphes, avec citations, disant ce qu’il nous est coutume de penser des agitations de ce qu’on nomme l’“Ouest-collectif”, notamment au cœur de la passionnante aventure de cette sorte de chasse au trésor de tous les secrets de l’exaltante Amérique partie en guerre “mandatée” :

« Encore un plus haut niveau de désordre

« Comme nous sommes dans une époque folle, follement vont les choses. En trois jours, mon “attention” à peine distraite a dû changer d’objet focal... Ah oui, je parle des fuites & “fuites” du Pentagone et d’ailleurs. Je rappelle ici mon absence complète de considération pour ces événements tels qu’ils prétendent être (comment a-t-on pu voir dans mes propos une “naïveté inouïe”, comme écrit un lecteur ? Cynisme, incompétence, indifférence, sarcasme, je veux bien et ça se discute, – mais “naïveté” ? Je m’interroge...).

» D’abord, ce futl’immense et cosmique bordel de l’Empire” qui est une vision générale frappante de l’actuelle situation...

« On ignore s’il faut s’effrayer, s’effarer ou s’esclaffer devant ces “fuites” et ces fuites, mais il faut certainement les placer en bonne exposition dans la galerie de l’immense et cosmique bordel de l’Empire en course accélérée de désintégration, se débattant entre impuissance et paralysie. On ignore “où est la vérité et où est le mensonge” mais on n’en a cure, car il est évident que là n’est pas l’important. »

» Ensuite, il y eut l’épisode de la dérision, me poussant vers la question de savoir “qui a diffusé ces machins ?” et “pourquoi l’a-t-il fait ?”. On trouve dans ce texte des semblants de réponse mais on garde la porte ouverte pour la suite...

« Bref, tout cela, ces “renseignements”, ces informations secrètes et détaillées que tout le monde connaît, ce ‘Top Secret’ en sources ouvertes et en simulacre fermé, quelle ridiculerie, théâtre de l’absurde réduit au flou du rien de l’incompétence satisfaite, mascarade, cirque de basse-cour... ‘Clown World’, dit Christoforou, – et, comme dit l’autre anonyme, “Nous ne pouvons plus déterminer où est la vérité et où est le mensonge”... »

La résistance, une sorte d’“inaction-critique”

En vérité, faut-il tenter véritablement de savoir ce qui se cache derrière tous ces montages ? Nous pensons qu’il suffit d’observer avec une formidable réserve de persiflage critique, – le “persiflage” devenant alors une vertu, retournant contre l’adversaire son arme principale, – le spectacle de l’immense usine à gaz qu’est la civilisation euroatlantiste, et particulièrement au niveau de son anglosphère, – l’observer se mordre la queue, glapir des menaces, tracer des plans incroyables d’hégémonie du monde, brandir ses vertus comme autant de piques de sans-culottes déshabillés chez Dior. Il n’est nul besoin d’une quelconque intervention, la mécanique se suffit à elle-même pour susciter des prolongements catastrophiques.

Il est vrai qu’il est difficile d’admettre que la recette véritable de la résistance est ce qu’on pourrait nommer une sorte d’“inaction-critique”, – le persiflage n’étant pas une action mais une réaction irresponsable, – et ceci justifiant cela puisque le résistant ne veut aucune responsabilité dans l’ordre du Système. Il s’agit de donner au Système l’impression que la résistance est active pour le faire riposter à de bien improbables menaces, et ce faisant, susciter des réactions contre-productives mettant en lumière ses aspects les plus inquiétants. Il ne faut pas, surtout pas, négliger l’ironie, la moquerie, la mise en évidence du ridicule, toutes ces choses dont l’exposition fait horreur au Système.

Cette affaire de pseudo-fuites du Pentagone n’est pas intéressante du fait de ce qui a fuité, mais essentiellement par tout ce qu’elles confirment encore une fois des méthodes du Pentagone, comme du système de l’américanisme, comme du reste du Système et de la modernité. Encore une fois et une fois toujours, il s’agit d’alimenter cet enchaînement surpuissance-autodestruction, – susciter des réactions de surpuissance devant ce qui est perçu comme une résistance, cette surpuissance nourrissant goulûment ce qu’il y a d’autodestructeur dans le Système.

 

Mis en ligne le 15 avril 2023 à 19H10

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