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36669 octobre 2015 – J’avoue que, dès le premier jour où je lui prêtai attention en tant qu’“événement politique” d’importance (si l’on peut dire pour un sapiens), Obama m’apparut comme une énigme à la fois fascinante, irritante, et pour tout dire d’une façon redondante si l’on veut, – une “énigme énigmatique”, de la sorte qu’on sent bien qu’elle serait faite comme telle par le Ciel, destinée à n’être jamais déchiffrée. Depuis, cette impression ne m’a plus quitté, et la “formidable ‘cooltitude’” d’Obama, comme disait le présentateur-clown (Antoine de Caunes) du Grand Journal-qui-n’est-plus, ce calme étonnant de maîtrise de soi, m’a très vite semblé, à mesure de ma déception pour sa politique, une formidable défense pour ne pas trop se découvrir plutôt qu’un exceptionnel outil offensif. Sans aucun autre argument que l’intuition, fausse ou vraie, je n’ai jamais douté de la grande intelligence, de la finesse incontestable de jugement d’Obama, malheureusement desservies par une certaine arrogance nonchalante, et presque comme de l’indifférence quant à la véritable signification de sa fonction ; comme s’il était un formidable acteur de la fonction mais qu’il se désintéressait de la véritable signification de cette fonction, – “Président en passant”, si vous voulez.
C’est pour ces raisons, je veux dire l’intérêt que j’ai porté au personnage, que j’ai été très intéressé par le très récent article de Robert Parry à son propos (voir hier sur le site), et c’est bien sûr la raison que cet article fut traité notamment de ce point de vue du caractère d’Obama. L’interprétation qu’on en fait ici, sur ce site, est que, dans le comportement d’Obama par rapport au monde politique qui l’entoure et aux décisions qu’il a à prendre, il souffre de deux faiblesses qui se correspondent : une faiblesse psychologique qui alimente une carence du caractère. Par “carence du caractère”, il faut comprendre une incomplétude du caractère qui rend vulnérable ce caractère et, du coup, met l’homme en état général de faiblesse, avec toutes ses qualités mobilisées d’abord pour tenter de compenser ces faiblesses et pour chercher à les dissimuler ... Le caractère, je me rappelle l’avoir dit en citant ce personnage pour lequel j’éprouve tant d’estime et de fascination comme s’il était proche de moi, comme un frère ainé dans la façon d’être par le canal de l’Histoire, par la forme de l’esprit, ou plutôt, justement, proche par la forme et la conformation du caractère. Bien sûr, c’est de Talleyrand dont je parle, dont je parlai dans les Chroniques du 19 courant... d’août 2014, où il était écrit ceci,– et on me pardonnera de me citer en partie, puisque c’est la bonne cause qui est celle de citer Talleyrand.
« On reviendra là-dessus, donc, sur cette “question de caractère”, lequel, seul, permet de porter tout ensemble l’horreur et la fascination. Le mot (le “caractère”), la puissance de la chose telle qu’elle m’est apparue dans toute son évidence, m’ont été résumés par une citation du Diable boiteux, ce diable de Talleyrand qui disait ceci en 1813... (Décembre 1813 précisément, scène rapportée par Charlotte de Laborie, fille d’Antoine-Athanase Roux de Laborie, ami de Talleyrand.) :
» “…Il dit alors une de ces choses qui ne sortent jamais de la mémoire quand on les a entendues ; ‘Je suis bien aise de vous communiquer une pensée qui est venue dans beaucoup de têtes mais que je n’ai vu bien nettement développée nulle part. Il y a trois choses nécessaires pour former un grand homme, d’abord la position sociale, une haute position ; ensuite la capacité et les qualités ; mais surtout et avant tout le caractère. C’est le caractère qui fait l’homme.‘ Et il citait, poursuit-elle, à l’appui de son dire, tous les demi-dieux de l’histoire : Alexandre, César, Frédéric, et ajoutait : ‘Si un des pieds de ce trépied qui doit se maintenir par l’équilibre doit être plus faible que les deux autres, que ce ne soit pas le caractère… que ce ne soit pas le caractère !’”»
... Ainsi Obama serait-il, par une faiblesse de sa psychologie, doté d’une carence de caractère qui le conduit à l’intimidation de lui-même, c’est-à-dire sa propre attitude de céder à la pression de la représentation extérieure, contre la force de son caractère qu’il devrait opposer à cette représentation comme une cuirasse lui permettant de mieux partir à la bataille qu’il devait livrer. Le résultat est que la maîtrise exceptionnelle de soi d’Obama, cette façon de se contrôler, n’aboutit nullement à protéger son caractère pour l’aider à résorber la carence de cette fonction vitale, pour pouvoir se tenir libre de cette représentation que lui imposent son entourage et le monde washingtonien avec ses narrative, pour pouvoir lancer la contre-offensive une fois l’outil du caractère assuré de sa belle qualité ; elle lui sert plutôt, fonction purement défensive, à dissimuler cette carence pour pouvoir mieux figurer, je veux dire à son avantage, dans la représentation qui l’emprisonne et dans le rôle qui lui est attribué.
Là-dessus sa situation de premier président Africain-Américain l’a écrasé, parce qu’il l’a vécue également comme une spécificité qui l’enfermait dans un rôle dont le script était nécessairement artificiel, puisqu’imposé par le Système. Il l’a bien joué, ce rôle, qui était d’être Africain-Américain tout en paraissant ne pas l’être du tout, et il a obtenu le résultat inévitable : approfondir la frustration des Noirs, qui croyait venu le temps de la fin du racisme structurel du système de l’américanisme, créer une rancœur nouvelle chez les Blancs (les WASP & consorts) qui ont découvert ce qu’ils estiment être un “racisme anti-blanc”. Je me rappelle, lors de son inauguration de janvier 2009, les derniers feux de l’ivresse qui avait soulevé les esprits et surtout les cœurs lors de l’élection de novembre 2008. (Même un Tom Engelhardt, pourtant si mesuré, avouait y avoir succombé.) Je me rappelle la gentille et jolie Rama Yade, alors encore sous-ministre de circonstances machinées par le si-habile Sarko, conviée comme commentatrice type-multiculturel par TF1, qui s’exclamait, joyeuse, quelque chose comme ceci : “Vous verrez, dans 3 ou 4 générations, on ne s’apercevra même plus qu’un président est blanc, noir ou jaune ...” Brave petiote, touchante dans ses contes de fée postmoderniste sur le bonheur métissé du monde ; ah, si les choses étaient si simples et s belles. En fait, le premier président Africain-Américain a été une catastrophe sans précédent pour le multiculturalisme, l’antiracisme, la cause sociétale de l’égalité des races, c’est-à-dire de la disparition du facteur racial ... Là aussi, sa “carence de caractère” tint un grand rôle, à vouloir trop ostensiblement être un modèle : il avait tellement peur, le si-cool Obama, qu’on l’accusât d’être le “angry Black man” dont parle Parry qu’il en oublia d’être président.
Parry : « It is, after all, how he rose through the ranks as first an extremely bright academic and later a talented orator and politician. Without family connections or personal wealth, he needed the approval of various influential individuals. If he offended them in some way, he risked being pigeonholed as “an angry black man.” »
J’ai longuement plaidé la nécessité pour lui d’être ce que ce site nomma avant même son élection un “American Gorbatchev”, écartant toutes les questions qu’il devait réduire à une fonction annexe (président Africain-Américain, vulnérabilité du caractère aux courants dominants de la politique US, etc.), pour devenir l’homme de la rupture. Obama devait être l’“homme révolté” contre le Système devenu Président et nullement le “premier président Africain-Américain”. Il a complètement raté ce destin qui demandait un caractère de fer et un esprit ferme, avec un cœur plein de feu, même et surtout derrière l’apparence du contrôle de soi. Il ne fut en rien, décidai-je, un “American Gorbatchev”, sinon sa caricature piteuse au talent oratoire exceptionnel mais vide de la substance de la sincérité... Encore un rôle et il le sait si bien après tout qu’il a l’esprit d’accepter et de favoriser la caricature de lui-même, comme lors du récent dîner de gala pour les correspondants de presse auprès de la Maison-Blanche, où l’on se demande si la colère qu’il exprime à la fin du “sketch” irrésistible de drôlerie profonde est réelle ou fait partie du scénario.
« Indeed, the comedy duo Key & Peele developed a series of funny skits with Jordan Peele playing the always proper and controlled Obama and Keegan-Michael Key as “anger translator Luther.” Obama even invited “Luther” to translate Obama’s speech to the 2015 White House Correspondents Dinner, except that by the end of that talk Obama was expressing his own anger and Luther peeled away. »
Dès lors, sa présidence est perdue, elle n’a aucune utilité politique et devient au contraire, dans cette époque terrible que nous vivons où la comédie de la communication représente la force politique même, un poison mortel qui pénètre la fonction, la déstructure, la dissout, parce que l’homme devient une étiquette, un hochet, un symbole fabriqué en plastoc pour une consommation en série selon les règles du Système. Littéralement, il n’existe plus ; avec lui, avec son brio, sa “cooltitude”, la fonction présidentielle s’entropise dans le marais washingtonien et la comédie télévisée et parisianiste de la globalisation, et disparaît peu à peu comme dans des sables mouvants. Obama a porté, avec toutes ses qualités retournées contre lui-en-tant-que-Président, un coup mortel à la fonction présidentielle telle qu’elle existait au moins depuis Franklin Delano Roosevelt. Après lui, rien ne sera plus pareil, et c’est pour cette raison qu’un clown surgit au-dessus de tous, The Donald, pour être le grand favori à la succession ; et tout le monde de s’exclamer en-dedans soi en prenant garde de n’être pas entendu par les vigiles du Système, les adeptes démocratiques et libéraux des “listes noires” où il ne fait pas bon émettre quelque doute sur la vertu américaniste et la grandeur multiculturaliste : “Mais un clown, ce n’est pas si bête” ... Bien vu, c’est même, dans les circonstance actuelles, une façon de représenter la sagesse retrouvée par l’excès qui détruit la représentation pompeuse du Système où excelle le formidable Obama, cette espèce de boue collante, de colle boueuse où l“homme le plus puissant du monde” s’enfonce irrémédiablement.
J’ignore si un The Donald sera président, mais je sais qu’Obama a liquidé la présidence des USA quasiment d’une main de maître ... Et alors m’apparaît l’évidence ! Car je finirais par croire qu’aveuglé par la pression de la raison antiSystème, celle qui m’avait fait regretter qu’Obama n’ait pas été l’“American Gorbatchev” que je croyais qu’il serait, je ne serais pas, moi, en train de rater qu’en détruisant la fonction sacralisée du POTUS (President Of The United States), Obama nous a discrètement signalé qu’en fait, il a bien été cet “American Gorbatchev” qu’on attendait de lui. Finalement, ce Machiavel désigné par le destin des forces du Ciel devenu antiSystème aurait-il joué sa faiblesse psychologique et sa carence de caractère pour justifier cette destruction qu’il a accomplie en douceur, “softly, as I leave you” ?
Et ainsi seraient ses dernières paroles de Président, en passant les clefs de la Maison-Blanche à un Trump qui s’affublera aussitôt d’un nez rouge en chantant la fameuse chanson des Manfred Mann de nos jeunes années soixante :
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