• Parmi les signatures régulières que nous affectionnons et auxquelles nous prêtons grande attention sur le net, il y a celle du russe Dimitri Orlov. • Il est le créateur d’une forme de pensée que l’on pourrait désigner comme une “science de circonstance”, une “science” suscitée par les circonstances même que nous traversons et que nous décrivons et désignons nous-mêmes comme la Grande Crise de l’Effondrement du Système (GCES) : la “collapsologie”, ou “science de l’effondrement”. • Nous pensons que suivre régulièrement ses écrits est d’un intérêt qui rencontre complètement l’orientation de dedefensa.org : cela peut être fait grâce à nos excellents rapports avec Le Sakerfrancophone, qui reprend systématiquement les textes d’Orlov (en général deux par semaine) et les traduit en français. • Avec l’accord du Sakerfrancophone, que nous remercions bien chaleureusement, nous allons donc reprendre les textes d’Orlov dans cette rubrique propre intitulée “Le monde d’Orlov”. • Son fonctionnement est régi par les mêmes règles que celui d’Ouverture Libre mais cette rubrique a désormais une place structurelle dans dedefensa.org. • Le premier texte, une interview d’Orlov par Le Sakerfrancophone du 15 juin 2016, à l’occasion de la sortie en français du livre d’Orlov (Les cinq stades de l’effondrement aux éditions Le retour aux Sources) sert parfaitement de présentation de cet auteur.

L’“hautement improbable“ complot    01/08/2019

Il y a un an et demi, le Premier ministre britannique Theresa May a stupéfié le monde en introduisant dans les relations internationales une nouvelle norme de preuve, plutôt décontractée – le “hautement probable” – en ce qui concerne le cas très étrange de l’empoisonnement de Sergei Skripal. Cela fait partie d’une technique qui s’applique comme suit. Produire une accusation non fondée contre une partie qui est “hautement probable” d’avoir commis un certain crime. Exiger que l’accusé avoue le crime, divulgue toutes les informations pertinentes et accepte de payer une réparation. Si cette demande n’est pas satisfaite, imposer une sanction. Il est “hautement probable”, selon le gouvernement britannique, qu’un couple de touristes russes secrètement employés par une agence gouvernementale russe inexistante appelée “GRU” ait vaporisé un gaz toxique sur la poignée de la porte de la maison occupée par Sergei Skripal, un ancien officier russe qui avait été pris en train d’espionner, qui a fait de la prison en Russie et a été libéré lors d’un échange de prisonniers. Cet acte odieux consistant à étaler un gaz toxique sur la poignée de la porte s’est produit après que Skripal eut quitté sa maison, pour ne jamais y revenir. La poignée de porte était tellement contaminée par le produit toxique qu’il a fallu remplacer tout le toit de l’édifice. Le nom du gaz toxique en question, appelé “Novichok”, a été emprunté à une série télévisée britannique. “Novichok” (le mot russe pour “apprenti”) a été soi-disant conçu par les Russes – les Soviétiques, en fait – qui l’avaient fabriqué à l’époque dans une usine à l’extérieur de la Russie, qui a ensuite été détruite par les États-Unis. La Russie – contrairement à l’URSS – n’a jamais eu de programme d’armes chimiques, du moins selon les inspecteurs internationaux, mais les Britanniques en ont toujours un, et ils ont conservé des échantillons de “Novichok” dans une installation située juste à côté du lieu de ces événements. Ils ont utilisé leurs échantillons pour identifier le gaz qui était vaporisé sur la poignée de porte, déclarant qu’il était très pur. (Suite)

Profiteurs de guerre et disparition du CMI    24/07/2019

Au sein de la vaste étendue bureaucratique du Pentagone, il existe un groupe chargé de surveiller l’état général du complexe militaro-industriel (CMI) et sa capacité continue à répondre aux exigences de la stratégie de défense nationale. Le Bureau de l’acquisition et de la maintenance et le Bureau de la politique industrielle dépensent quelque $100 000 par année pour produire un rapport annuel au Congrès. Il est  accessible au grand public. Il est même accessible au grand public en Russie, et les experts russes se sont vraiment bien amusés à l’examiner en détails. En fait, cela les a remplis d’optimisme. Voyez-vous, la Russie veut la paix, mais les États-Unis semblent vouloir la guerre et continuent à faire des gestes menaçants contre une longue liste de pays qui refusent de faire ce que les USA demandent ou qui ne partagent tout simplement pas leurs “valeurs universelles”. Mais il s’avère maintenant que les menaces (et les sanctions économiques de plus en plus impuissantes) sont à peu près tout ce que les États-Unis sont encore capables de faire, et ce malgré des niveaux de dépenses de défense absolument astronomiques. Voyons à quoi ressemble le complexe militaro-industriel américain à travers une lentille russe. (Suite)

La Route de la Soie et les poux    12/07/2019

La Route de la Soie originelle était une route commerciale qui reliait l’Empire romain à la Chine, d’où venait la soie. On l’appelait ainsi parce que la soie était au cœur du commerce. La soie arrivait en Europe, l’or et les produits de luxe en partait. La soie était importante parce que les vêtements de soie portés contre la peau empêchaient les poux sur le corps, et les riches citoyens romains étaient prêts à payer avec de l’or pour cette soie, parce que l’alternative était de regarder leurs femmes et concubines se gratter. En plus de porter de la soie, les Romains construisaient des bains, ainsi que des aqueducs pour les approvisionner. La procédure romaine d’épouillage consistait à se faire épiler tous les poils de son corps (ouch !), à se huiler, à transpirer en faisant semblant de se reposer, puis à se gratter la peau avec un outil en forme de faucille appelé  strigile. Ensuite, ils trempaient dans un bain chaud, enfilaient des sous-vêtements de soie et restaient exempts de démangeaisons jusqu’au lendemain du bain. Les Romains dépensaient tellement d’or pour la soie chinoise qu’il ne leur resta plus assez d’or pour payer leurs légionnaires, ce qui provoqua de nombreuses révoltes et révolutions, et finalement ils durent diluer leur monnaie, qui, à la fin de l’Empire, contenait surtout du cuivre. L’or a fini en Chine, où il a causé une corruption sans fin, parce que les fonctionnaires impériaux, qui recevait l’or en échange de la soie, qu’ils obtenaient de la paysannerie qui élevaient eux le ver à soie, l’utilisaient pour s’enrichir plutôt que pour augmenter le trésor impérial. Après avoir développé l’exécution de fonctionnaires corrompus, on a découvert qu’ils enterraient toujours leur trésor par anticipation, afin que leurs familles puissent le récupérer après leur exécution. Le plan B a donc été d’exécuter tous les membres des familles de ces fonctionnaires. Cette situation a entraîné à son tour une grave pénurie de fonctionnaires impériaux. Ainsi, le commerce de la soie provoqua l’effondrement de deux empires – le Romain et le Chinois – le premier par manque d’or, le second par excès, et tout cela à cause d’un certain parasite de la peau. (Suite)

La mort de l’idée libérale    10/07/2019

Le sommet du G20 qui s’est tenu la semaine dernière à Osaka a été un événement marquant : il a montré à quel point le monde avait changé. Les pièces maîtresses de la nouvelle configuration sont la Chine, la Russie et l’Inde, l’UE et le Japon étant des partenaires enthousiastes et l’intégration eurasienne étant la priorité absolue. L’ordre du jour était clairement établi par Xi Jinping et Poutine. May, Macron et Merkel – les dirigeants européens ne méritant pas vraiment ce titre – étaient clairement relégués en périphérie ; deux d’entre eux sont en train de s’en aller tandis que celui qui garde sa place (pour l’instant) ressemble de plus en plus à un  toyboy. Les Européens ont perdu leur temps à marchander sur la question de savoir qui devrait diriger la Commission européenne, pour ensuite faire face à une rébellion ouverte sur leur choix dès leur retour au pays. Et puis il y a eu Trump, qui se lâche maintenant que la farce de Robert Mueller est arrivée à son inévitable conclusion. Il courait dans tous les sens pour savoir lequel des “partenaires” de l’Amérique peut encore être jeté sous le bus avant que le toit ne s’écroule sur la Pax Americana. C’est un vœux pieux parce qu’il n’a plus de munitions. Il a déjà menacé deux fois, une fois la Corée du Nord, une fois l’Iran, mais, étant donné les catastrophes en Afghanistan, en Irak, en Syrie et en Libye, sa raison l’a poussé à garder son jouet militaire bien à l’abri. (Suite)

Vous êtes en train d’être trollés    07/07/2019

Le monde est de nouveau au bord de la guerre, encore une fois. Et, oui, encore une fois. Et puis il n’est plus au bord de la guerre…. mais attendez, il y a plus ! Bien sûr qu’il y a plus, il y a toujours “plus”. Les groupes aéronavals américains se dirigent vers la Corée du Nord … ou bien non, pas vers la Corée du Nord. Ils se promènent sans but, loin de la Corée du Nord, mais d’une manière très menaçante. Puis Trump et Kim Jong Un se rencontrent, s’entendent bien, signent un bout de papier qui ne veut rien dire et se séparent en amis. Aujourd’hui, les porte-avions sont beaucoup moins menaçants. Puis Trump et Kim se rencontrent à nouveau, pour signer un autre bout de papier insignifiant, mais John Bolton la ramène et le marché est rompu. Mais Trump et Kim continuent d’échanger des lettres d’amour, donc leur  bromance  n’est pas morte. Quoi qu’il en soit, la guerre entre les États-Unis et la Corée du Nord n’est pas seulement impossible à gagner, mais aussi à imaginer. La capitale de la Corée du Sud est à portée de tir de l’artillerie nord-coréenne et toutes les bases militaires américaines de la région sont à portée des roquettes nord-coréennes. La guerre avec la Corée du Nord est définitivement impensable. Donc en résumé : rien ne se passe. Alors, c’était quoi tout ça ? Maintenant, parlons du Venezuela. Son chef démocratiquement élu est déclaré usurpateur et un remplaçant approprié est trouvé sous le nom de “Guido-hasard”. Les États vassaux américains du monde entier sont contraints de lui accorder une reconnaissance diplomatique en tant que président du Venezuela, même si ce n’est qu’un type pris au hasard dans un appartement à Caracas. Des camions sont incendiés sur un pont entre la Colombie et le Venezuela. Ils transportaient des marchandises humanitaires telles que des bobines de fil de fer. On parle d’intervention militaire, mais ce ne sont que des paroles. La Banque d’Angleterre confisque l’or vénézuélien, les États-Unis gèlent les comptes bancaires de la compagnie pétrolière vénézuélienne aux États-Unis et les remettent à une bande de Vénézuéliens louches qui le volent. Cette partie a du sens ; le reste ? Euh... Quoi qu’il en soit, une incursion militaire américaine au Venezuela n’est pas envisageable : Le Venezuela possède des systèmes de défense aérienne russes qui en font une zone d’exclusion aérienne pour l’armée de l’air américaine ; en outre, la lutte contre une guérilla dans la  Selva  vénézuélienne n’est pas quelque chose dont l’armée américaine est capable. Résumé : il ne se passe rien, encore une fois. (Suite)

Du multiculturalisme au culte du diable    04/07/2019

La semaine dernière, un articleque j’ai écrit il y a un an, « Les barbares envahissent le cimetière européen », a connu un regain d’intérêt. J’y décrivais comment la dégradation constante des pays occidentaux est accélérée par l’arrivée de migrants issus de groupes ethniques incompatibles. Ce qui a provoqué ce regain d’intérêt, c’est un articlede Paul Craig Roberts dans lequel il a décrit mon essai comme « la nécrologie de l’Europe et de l’Amérique ». Je maintiens tout ce que j’ai écrit – peu importe le nombre de personnes qui ont du mal à l’avaler – mais au cours de l’année écoulée, j’ai fait des recherches qui m’ont aidé à comprendre pourquoi exactement le projet occidental a déraillé, et il s’avère que j’ai beaucoup plus à dire sur ce sujet. Il y a une tendance médiatique à dénigrer ce qu’on appelle le “déterminisme biologique”. Des facteurs tels que notre sexe biologique (et non notre genre, me direz-vous), notre reproduction (le résultat des pressions environnementales auxquelles notre ascendance a été soumise) et nos réactions et pulsions organiques instinctives (dont notre esprit conscient essaie de rendre compte en créant des histoires fictives et en concoctant des justifications après coup) sont dénigrés. La nature humaine est traitée comme infiniment malléable et façonnable sous n’importe quelle forme imaginable grâce à l’endoctrinement et à l’éducation. L’instinct maternel de prendre soin des jeunes en toutes circonstances (ou pour toute espèce) et l’instinct paternel de s’opposer aux menaces extérieures et de repousser les agressions extérieures, même au prix de sa propre vie, sont considérés comme résultant du conditionnement social et de rôles sexués fixes et restrictifs, qui sont considérés obsolètes et nuisibles, et non de l’instinct. Lorsque cela se manifeste chez d’autres espèces de mammifères, c’est bien sûr de l’instinct, mais nous ne sommes pas des animaux (c’est du moins ce que nous nous disons). Selon certaines personnes, les seuls comportements instinctifs qui nous sont accordés sont la respiration, la tétée et, bien sûr, la masturbation. Selon eux, c’est le seul comportement où notre nature instinctive doit régner librement. Et c’est, bien sûr, grotesque. (Suite)

Les gros yeux de l’été    26/09/2019

Il n’y a pas grand-chose à signaler que je n’ai pas déjà signalé. Ce qui se passe est plus ou moins une redite, mais les attitudes semblent avoir changé. Il y a un nouveau développement qu’on désignera “faire les Vrais Gros Yeux” et, à ce rythme, cela pourrait bientôt devenir un sport olympique. Les États-Unis sont en pilote automatique, en mode de croisière vers l’effondrement, submergés par la dette et politiquement dysfonctionnels, mais toujours en train d’essayer d’intimider le monde. En réponse, le monde s’est mis à faire les gros yeux de manière coordonnée à l’échelle mondiale : les Américains (et/ou leurs mandataires) endommagent certains pétroliers dans le golfe Persique et accusent l’Iran d’avoir fait le coup. Comme cela n’a pas eu l’effet escompté, les Américains (et/ou leurs mandataires) … ont décidé qu’il fallait endommager d’autres pétroliers dans le golfe Persique et blâmer l’Iran – c’est le moment de refaire les gros yeux. Pendant ce temps, il y a beaucoup de navires de la marine américaine qui naviguent dans le golfe Persique, et c’est un signe certain que les hostilités ouvertes avec l’Iran seront évitées parce que ces navires sont très chers, qu’il n’y a pas d’argent pour les remplacer. Étant donné les capacités très avancées en missiles et torpilles diverses de l’Iran, ils sont des cibles faciles. (Suite)

Les plus gros problèmes résolus dans le monde    17/06/2019

Il y a cinq ans, lorsque Angela Merkel – à l’époque leader respecté de la plus grande économie de l’Union européenne – a été interviewée au sujet des plus grands problèmes auxquels le monde était confronté, elle a estimé qu’il s’agissait des trois suivants : • Annexion de la Crimée par la Russie • Épidémie d’Ebola • ISIS en Syrie Je suis heureux de vous annoncer qu’au cours de la période qui s’est écoulée, les trois problèmes les plus importants auxquels Mme Merkel était confrontée dans le monde ont été résolus et qu’elle peut maintenant prendre sa retraite en paix. Ironiquement, aucun d’entre eux n’a été résolu par elle, son gouvernement, sa nation, l’UE ou l’Occident dans son ensemble. (Suite)

Sémantique des partis    11/06/2019

Après avoir passé un bon moment à m’émerveiller des résultats des récentes élections du Parlement européen, je suis parvenu à une conclusion quant à l’orientation de tout cela. Dans le passé, le mot anglais “party”avait deux significations distinctes : • Un rassemblement social d’invités, généralement autour d’un repas, d’une boisson et d’un divertissement ; • Un groupe politique officiellement constitué, opérant généralement sur une base nationale, qui se présente aux élections et tente de former un gouvernement ou d’y prendre part. Par le passé, les partis politiques étaient fondés sur une idéologie qui leur permettait de formuler des programmes et des plans d’action. Toutes ces choses étaient discutées au cours de débats au sein des partis et de polémiques entre partis dans la presse. Il s’agissait d’institutions durables, souvent à la limite de l’austère, qui ont persisté pendant des décennies. Les fêtes sociales, d’autre part, étaient des occasions joyeuses où les gens se réunissaient pour essayer de s’impressionner mutuellement par leur esprit, leur style, leur sens de la mode et leurs connaissances, où les discussions politiques animées étaient fortement découragées, et qui ne duraient que très rarement plus de deux semaines et se terminaient souvent le soir même lorsque les invités se séparaient en deux ou trois groupes avant de prendre congé. (Suite)

Limites du pouvoir destructeur américain    06/06/2019

La politique étrangère américaine a toujours eu pour but de détruire tout ce qui n’était pas jugé suffisamment américain et de le remplacer par quelque chose de plus acceptable, surtout si cela permettait aux richesses d’affluer aux États-Unis depuis sa périphérie. Des compromis étaient réservés à l’URSS, mais même là, les Américains essayaient constamment de tricher. Pour tous les autres, il n’y avait que la soumission, habituellement déguisée avec tact, sous des abords positifs, une place à la grande table qui offrait de meilleures chances pour la paix, la prospérité et le développement économique et social. Bien sûr, il était assez simple de percer ce voile de politesse hypocrite et de souligner que les États-Unis, vivant bien au-dessus de leurs moyens, n’ont réussi à survivre qu’en pillant le reste du monde, mais quiconque osait le faire, était ostracisé, sanctionné, changé de régime, envahi et détruit – quoiqu’il en coûte. L’establishment américain s’est fâché contre quiconque a osé s’y opposer idéologiquement, mais il a réservé ses formes les plus extrêmes de malice à ceux qui ont osé commettre le péché capital de tenter de vendre du pétrole contre autre chose que des dollars américains. L’Irak a été détruit pour cette même raison, puis la Libye. Avec la Syrie, le géant s’est enlisé et embourbé ; avec l’Iran, il est peu probable qu’il puisse même jamais commencer. (Suite)

Ethnogenèse : géographie et données    04/06/2019

Avant d’aborder les implications contemporaines très importantes de la théorie de l’ethnogenèse  de  Gumilëv, j’aimerais présenter, sous forme condensée et sommaire, les données sur lesquelles repose cette théorie. Selon cette théorie, le phénomène biogénétique qui sous-tend toute l’histoire humaine est déclenché deux ou trois fois par millénaire, apparemment de façon aléatoire, et toujours le long d’une bande de quelques centaines de kilomètres de large qui ne couvre qu’un côté de la planète et suit le grand cercle (qui est le plus court chemin entre deux points sur une sphère). Ces bandes sont orientées différemment et se trouvent à l’extérieur du plan du système solaire, ce qui suggère que les rafales de rayonnement mutagène proviennent de l’extérieur du système solaire. Après le bombardement par ce rayonnement d’une population humaine qui se trouve dans la bande étroite, il s’ensuit une période d’incubation de plus d’un siècle au cours de laquelle le gène mutant se répand dans la population ; c’est alors seulement que le spectacle commence. Tout cela rend le sujet très difficile. Un vulcanologue pourrait être satisfait de la fréquence de deux ou trois événements majeurs par millénaire, mais ne serait pas aussi satisfait de l’absence totale de preuves géologiques ; tout ce qui reste, c’est de l’histoire et de l’archéologie. Un biologiste de l’évolution dirait que quelques milliers d’années, c’est trop peu de temps pour travailler (toute  l’histoire de l’humanité  tient à peine sur 40 siècles). Et comment un généticien chercherait-il des marqueurs dans le chromosome Y d’hommes morts depuis de nombreux siècles qui sont en corrélation avec le trait de « volonté de mourir pour une cause abstraite » ? Mais ce n’est pas parce qu’une théorie ne peut être attestée sur la base de preuves physiques qu’elle est automatiquement invalidée. Il y a une autre méthode, celle de la prépondérance des  preuves circonstancielles, et c’est là que Gumilëv brille vraiment. Il a rassemblé 40 siècles de données historiques et archéologiques en une seule carte qui montre qui a été bombardé par les rayons spatiaux, où et quand, et a discuté des résultats de chacun de ces événements en détail. (Suite)

Échec et mat pour l’hégémon    30/05/2019

Selon les analyses de beaucoup de commentateurs intelligents et bien informés, une guerre entre les États-Unis et l’Iran pourrait éclater à tout moment. Leur preuve en faveur de ce point de vue consiste en quelques porte-avions américains qui sont censés être en route vers le golfe Persique, que l’Iran a menacé de bloquer en cas d’attaque. Pour ce faire, l’Iran n’aurait pas à faire quoi que ce soit de militaire ; il suffirait que ce pays menace d’attaquer certains pétroliers pour que leur couverture d’assurance soit annulée, les empêchant de charger leur cargaison ou de prendre la mer. Cela bloquerait les livraisons de près des deux tiers de tout le pétrole brut transporté par mer et causerait des dommages économiques vraiment stupéfiants, – si stupéfiants que les économies pétrolières des pays importateurs de pétrole (et même de certains des pays exportateurs de pétrole) pourraient ne jamais s’en remettre. Examinons d’abord ces quelques éléments de preuve. À mon avis, le fait de voir des porte-avions américains près d’un adversaire potentiel bien armé comme l’Iran, la Chine ou la Russie est une indication très claire qu’il n’y aura aucune escalade militaire. Le calcul ici est simple. Pour être efficace, un porte-avions américain doit se trouver à moins de 500 km des cibles que ses avions vont bombarder. C’est la portée aller-retour typique d’un avion sans ravitaillement en vol. Mais si ledit porte-avions s’approche à moins de 1000 km dudit adversaire potentiel, il peut être coulé à l’aide de toute une série d’armes modernes contre lesquelles il n’a aucune défense. Évidemment, dans de telles circonstances, le commandement du porte-avion évitera de faire quoi que ce soit de provocateur tout en faisant tout son possible pour afficher son absence totale d’intention hostile. (Suite)

Comment les mutants font l’histoire    25/05/2019

Nous avons tous tendance à nous laisser berner par une perspective : se rapprocher d’eux fait paraître les objets qui nous sont plus proches relativement plus grands que ceux qui sont plus éloignés. C’est également vrai de l’histoire : notre vision tend à être obstruée par les événements récents, ce qui nous fait accepter comme l’ordre immuable des modèles de création qui peuvent n’être qu’une aberration temporaire et transitoire.  Il n’est pas utile que l’Histoire ne soit généralement qu’un ensemble d’histoires, concernant surtout des personnes remarquables et des événements importants, et pas du tout le genre de données très travaillées et abstraites qui nous permettraient de voir des modèles immuables. Pourtant, ces modèles existent, ils peuvent être perçus en regardant plusieurs milliers d’années d’archives archéologiques et d’histoire collectée, et ils nous en disent long sur ce qui se passe aujourd’hui et sur ce que l’avenir nous réserve probablement. Et la caractéristique la plus frappante de tout cela est que l’histoire est faite d’humains mutants alors que les humains normaux subsistent juste généralement selon ce que la nature et leur environnement local permet, sans laisser beaucoup de traces. (Suite)

Amérique, tu es virée !    14/05/2019

Certaines ironies sont trop précieuses pour passer inaperçues. Les élections présidentielles américaines de 2016 ont accouché de Donald Trump, une star de la télé-réalité dont le célèbre slogan de son émission The Apprentice était« Vous êtes viré ! » Concentrez-vous sur ce slogan ; c’est tout ce qui est important dans cette histoire. Certaines personnes subissant des troubles du comportement lié à Trump pourraient ne pas être d’accord. C’est parce qu’elles traînent certains malentendus : que les États-Unis sont une démocratie ; ou qu’il importe de savoir qui est président. Ce n’en est pas une et ce n’est pas le cas. À ce stade, le choix du président importe autant que le choix du chef d’orchestre de la fanfare qui joue à bord d’un navire alors qu’il disparaît sous les vagues. Je n’ai cessé d’insister sur ces points avant que Trump n’entre en fonction. Que vous pensiez ou non que Trump a été élu, il a été élu, d’une manière ou d’une autre, et il y a des raisons de croire que cela avait quelque chose à voir avec son titre racoleur « Vous êtes viré ! », qui est merveilleusement rafraîchissant. Ce qui a motivé les gens à voter pour lui, c’est leur ardent désir que quelqu’un vienne et vire tous les mécréants qui infestent Washington, DC et les régions environnantes. Hélas, cela il ne pouvait pas le faire. Les leaders n’ont jamais le pouvoir de démanteler les établissements politiques qui les installent. Mais cela ne veut pas dire que cela ne peut en aucun cas être fait. (Suite)

Réduction électorale ukrainienne    03/05/2019

Une élection présidentielle s’est récemment tenue dans ce pays troublé connu sous le nom d’Ukraine. Certains espèrent que, grâce à l’arrivée d’un nouveau président, l’Ukraine pourra enfin se remettre sur pied, prendre au sérieux la lutte contre la corruption et inverser sa tendance à la misère et au crime. D’autres y voient en quelque sorte une optimisation de l’ordre oligarchique existant : au lieu d’avoir un oligarque (Porochenko) comme président, il est moins cher d’avoir un animal de compagnie personnel (Zelenski) comme président, sinon pourquoi un oligarque qui se respecte (Kolomoiski) devrait s’occuper des élections ? L’Ukraine est intéressante pour moi parce qu’elle constitue un cas d’effondrement merveilleux : elle s’effondre depuis qu’elle a obtenu son indépendance de l’URSS. C’est un cas curieux, parce que son désordre congénital particulier l’a rendu morbide, et sans un système de survie externe tel que l’URSS (qui a, heureusement, disparu) ou l’Union européenne (bonne chance avec ça !) tout ce que les Ukrainiens sont susceptibles de faire, c’est de cannibaliser leur pays jusqu’à ce qu’il n’en reste rien. Plutôt que de s’effondrer d’un coup (après quoi une reprise est théoriquement possible), ce que nous avons en Ukraine, c’est un effondrement progressif – un épuisement et une paupérisation inexorable et systématique. (Suite)

Le martyre de Saint-Julian    02/05/2019

La nouvelle de l’arrestation et de l’emprisonnement de Julian Assange vous est probablement parvenue, mais, au cas où, voici un résumé. Julian Assange est un journaliste australien ; en tant que tel, il est un géant imposant parmi un petit groupe de nains. Googlez  “grands journalistes australiens”et vous obtenez son nom à lui et ceux d’un tas de gens dont personne n’a jamais entendu parler, beaucoup d’entre eux étant déjà morts. C’est aussi un personnage qui compte à l’extérieur de l’Australie. Alors que d’autres journalistes occidentaux tentent de faire plaisir à leurs propriétaires, en vendant de l’espace publicitaire ou pour éviter d’être bannis par l’œil attentif des corporations derrière les médias sociaux, Assange est à la fois courageux et mu  par des principes. Par l’intermédiaire de son média Wikileaks, il a dévoilé les sales secrets du Département d’État américain et les crimes de guerre du Pentagone, les méfaits des entreprises et la corruption politique, permettant à tous de voir le linge sale de nombreuses personnes influentes et puissantes. Cela a fait de lui une cause célèbre : Le magazine Time l’a proclamé Homme de l’année et il a reçu des prix sur le thème des droits de l’homme, nageant dans le même panthéon que Nelson Mandela et le Dalaï Lama. Mais les vicissitudes de la fortune sont telles qu’il est maintenant martyrisé, victime de la vérité, injustement accusé et persécuté par une race de menteurs invétérés. (Suite)

Le Saker-US interviewe Orlov    30/04/2019

Le Saker-US : Comment évalueriez-vous la situation actuelle en Ukraine en termes d’effondrement social, économique et politique ? Dimitri Orlov : L’Ukraine n’a jamais été viable en tant qu’État indépendant et souverain ; on peut donc s’attendre à sa désintégration. La pertinence du concept d’effondrement repose sur l’existence d’une entité autonome, intacte et capable de s’effondrer, ce qui n’est absolument pas le cas avec l’Ukraine. Jamais au cours de son histoire, elle n’a été en mesure de rester une entité souveraine stable et  autonome. Dès qu’elle a acquis son indépendance, elle est tombée. Tout comme les pays baltes – Estonie, Lettonie, Lituanie – elle avait atteint son apogée en matière de développement économique et social au moment même où l’URSS était sur le point de s’effondrer. Depuis, elle dégénère et perd sa population. Ainsi, le bon modèle pour en discuter n’est pas celui de l’effondrement soudain, mais celui de la dégénérescence et du déclin continus. (Suite)

Respecter l’autre    17/04/2019

Le père d’une de mes vielles amies était à un moment donné un peu comme un guerrier de la Guerre froide : il a fait une chose ou l’autre pour l’establishment de défense américain – lié à un sous-marin nucléaire, si je me souviens bien. Cette activité professionnelle l’a apparemment conduit à développer une forme particulièrement virulente de russophobie ; pas tant une phobie qu’une aversion prononcée pour tout ce qui est russe. Selon mon amie, son père parlait compulsivement de la Russie en des termes trop négatifs. Il éternuait aussi beaucoup (allergies, peut-être), et elle disait qu’il lui était souvent difficile de distinguer ses éternuements de son utilisation du mot “Russie” comme explétif. Mais peut-être qu’elle essayait de faire une distinction d’une équivalence : son père était allergique à la Russie, son allergie l’a beaucoup fait éternuer et lui a aussi fait développer une touche de  syndrome de Tourette, ainsi ses éternuements sont sortis en sonnant comme “Russie !” Qu’est-ce qui l’a poussé à développer une telle vision maladive de la Russie ? La raison est facile à deviner : son activité professionnelle au nom du gouvernement l’a forcé à se concentrer sur ce que ses supérieurs qualifiait de “menace russe”. Un peu développé, il s’avérerait sans doute que ce que la Russie menaçait, c’était la fiction d’une supériorité militaire écrasante que les Américains avaient créée eux-mêmes. Contrairement aux États-Unis, qui avaient élaboré un certain nombre de plans pour détruire l’Union soviétique (dont rien n’est jamais sorti à cause de ce manque de supériorité militaire écrasante), l’Union soviétique n’avait jamais élaboré de tels plans. Et c’était tout à fait exaspérant pour certaines personnes aux États-Unis. Était-ce vraiment nécessaire ou s’agissait-il d’un accident ? (Suite)

La nef des idiots US fait eau de toutes parts    11/04/2019

C’est certainement ce que ce pays semble faire, et le rythme s’accélère. Le fait d’avoir passé les trois dernières semaines dans un endroit discret, loin d’Internet, m’a permis d’observer l’augmentation de la montée des eaux dans les cales. Il y avait du Wifi à l’aéroport et j’ai téléchargé trois semaines d’articles que j’ai lus pendant le long vol vers la civilisation. Ce que j’ai lu a été un peu choquant, surtout après trois semaines de surf, d’oiseaux de mer, de crabes en ballade et de gens heureux et amicaux qui ne perdaient pas leur temps à se soucier des États-Unis. Depuis quelque temps, les gens me disent que je devrais regarder le film Idiocratieparce qu’il montre ce que les États-Unis sont en train de devenir. Eh bien, je ne suis pas sûr qu’un film sur l’idiotie puisse éviter de devenir idiot, alors je vais passer mon tour, mais il y a une augmentation certaine du niveau de stupidité affiché par ceux qui font partie de l’establishment américain. Cela ne devrait pas être une surprise ; après tout, pourquoi quelqu’un qui possède de la sagesse et de l’intégrité voudrait-il avoir quelque chose à voir avec ce truc en ce moment ? Des sommets de stupidité – si stupides qu’on se fait du tort rien qu’en les regardant – sont tout autour de nous en ce moment. Permettez-moi d’en souligner quelques-uns parmi les plus importants. (Suite)

Pourquoi les capitalistes détestent-ils le socialisme ?    11/03/2019

Les capitalistes détestent-ils le socialisme ? Si vous lisez certaines publications capitalistes – qui sont presque toutes des publications privées, plus toutes les publications financées par le gouvernement – à moins que le gouvernement ne soit un gouvernement socialiste vous en sortez inévitablement en pensant que le socialisme est quelque chose de mauvais. Les raisons invoquées pour expliquer cette situation varient : le socialisme donne de mauvais résultats économiques ; le socialisme produit de graves effets moraux ; le socialisme finit par échouer. Rien de tout cela n’est convaincant. Le capitalisme est tout à fait capable de produire des résultats économiques inférieurs aussi et, en regardant autour de la planète, il le fait avec une certaine régularité. Le capitalisme produit un effet moral catastrophique, – faire passer l’argent et la propriété avant les gens – plus grave et plus socialement destructif que tous ceux créés par le socialisme. Et même si les régimes socialistes finissent par s’effondrer, il en va de même pour tous les régimes capitalistes, car rien ne dure éternellement. Ce ne sont évidemment pas les vraies raisons. Quelle est la vraie raison ? Eh bien, ça pourrait être aussi simple que ça : les capitalistes détestent le socialisme parce qu’il n’est pas capitaliste. Par conséquent, il ne donne pas la priorité aux souhaits des capitalistes – pour accumuler une richesse et un contrôle illimités, pour créer des élites financièrement corrompues et prêtes à perpétuer des systèmes de gouvernance oligarchiques, pour ignorer les besoins sociaux et pour traiter la population comme une ressource naturelle à exploiter à des fins privées... – en oubliant les souhaits ou les besoins de la population. (Suite)