Vous avez dit “Bizarro”? Bizarre ...

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Vous avez dit “Bizarro”? Bizarre ...

22 novembre 2003 — “Bizarro” est un monde différent, dans le langage d’une bande dessinée américaine bien connue, où évolue notamment SuperMan.

Le premier, le chroniqueur Justin Raimundo a évoqué Bizarro dans sa chronique du 13 février 2003, où il caractérisait de la sorte l’univers de l’administration GW Bush.

«  We're living in a comic book world, where American superheroes confront an ''Axis of Evil,'' and the Evil One (Lex Luthor?) is defeated but lives to fight another day. I hear that comics have fallen on hard times, and that today's sophisticated kids just can't be bothered (too much like reading), but, really, if it wasn't for my early infatuation with the world of DC Comics – Superman especially – the post-9/11 world would seem completely inexplicable. I remember one story-line that had Superman trapped in ''Bizarro World'' – another dimension, existing alongside our own, in which everything was weirdly skewed, perversely inverted: a parody of our own. As preparation for the world of 2002, I couldn't have had a better education, for what else are we to make of this story of the airline passenger facing 20 years for using the lavatory without permission….? »

Raimundo revient sur son interprétation dans sa chronique du 19 novembre 2003, où il constate que les signes abondent selon lesquels nous nous trouvons effectivement dans un « Bizarro World ». Dans cette même chronique, il cite la très fameuse et très talentueuse chroniqueuse du New York Times, Maureen Dowd, d’origine irlandaise et qui n’a pas sa plume dans sa poche pour tirer à boulets rouges sur l’administration GW. Raimundo cite une chronique de Dowd du 18 novembre, où, effectivement, elle explore la voie d’un président évoluant dans un monde complètement fabriqué, complètement restructuré en un monde différent. C’est également un thème favori de Maureen Dowd.

On comprend aussitôt que Bizarro et le reste sont fort proches de notre thèse générale sur le virtualisme, — ce qui explique notre intérêt pour cette approche de Raimundo notamment. Encore récemment, avant-hier en fait, nous avons consacré un “F&C” à cette idée du virtualisme triomphant, car il nous apparaît tel durant cette ahurissante visite londonienne de GW.

Mais quelle n’a pas été notre surprise en découvrant, ce matin, sur le site du Weekly Standard, un texte de parodie empruntant à la mise en page et au style du New York Times, avec ce titre  : « The Bizarro War strategy... »

C’est une parodie, mais, comme dans toute parodie, le texte contient des éléments très concrets de critique par dérision de la situation décrite. Nous reproduisons ci-dessous ce texte, relativement court, pour donner l’idée de la parodie et du sujet qu’elle prend pour cible. Le texte est présenté dans un fac simile d’une première page du New York Times, à la date du 20 novembre 2003, avec comme auteur (inventé) Madeleine Woodward.

« Bush administration rolls out 'bizarro war' srategy for Iraq — Japanese Troops, Bombing Empty Buildings Included in Plan

» Washington, D.C., November 20 — The Bush administration this week unveiled its new strategic initiative in Iraq, dubbed ''Operation Bizarro War''. The name comes from a Superman ''Bizarro World'' comic collection featuring a cube-shaped planet inhabited by imperfect replicas of characters from DC Comics.

» “In order to fight a nontraditional enemy who has non visible organization and no uniforms, we have adopted some unusual tactics of our own,” sait an unnamed senior administration official. “Essentially, we're doing things which would seem to be directly opposed to our national interest and our goals in Iraq.”

» According to the official, Operation Bizarro War includes three major elements all designed to convince the enemy that “we are crazy as loons.”

» Recruiting troops who don't kill: The U.S. has persuaded Japan to send military forces, despite the fact that not one Japanese soldier has killed anyone in combat in 58 years. The Coalition will attempt to station Japanese troops out of harm's way.

» Bombing empty buildins: The U.S. strikes terrorist hideouts in Iraq, but makes sure the buildings are empty of terrorist first. The objective is to keep the enemy shopping for real estate, and therefore too busy to attack Coalition troops.

» Seeking another U.N. resolution: Nothing could seem more illogical to the enemy than returning to the Security Council which has thumbed its nose at the United States repeatedly in the past.

» “Until now, the terrorists have had the advantage, by doing things we didn't expect,” the official added. “But now we'll show them what made the United States the world leader in illogical behavior. Remember, a confused enemy is a vulnerable enemy.” »

Il est évidemment manifeste que ce texte s’adresse à la nouvelle “stratégie” américaine de “démonstration de puissance”, à l’oeuvre depuis une quinzaine de jours. On a vu les premières manifestations de cette stratégie, tout comme une certaine conceptualisation qui en est donnée. Dans ce cas, le Weekly Standard, l’organe des néo-conservateurs, partisan à outrance de l’attaque en Irak, se montre très critique dans la mesure où il estime, comme les néo-conservateurs aujourd’hui, que l’administration GW Bush est aujourd’hui en pleine retraite. La “stratégie Bizarro” fait partie de cette nouvelle attitude, qui est, selon les néo-conservateurs, de refuser tout engagement sérieux au profit d’une représentation de la guerre. (Le paradoxe étant également que les néo-conservateurs furent eux-mêmes des adeptes extrêmement affirmés du virtualisme, lorsqu’ils ont construit le cas de la guerre contre l’Irak, lorsqu’ils ont “préparé” l’après-guerre, etc.).

L’ensemble de ce phénomène nous permet de revenir aux hypothèses nées du virtualisme. Effectivement, la “stratégie Bizarro” consistant à tirer sur des maisons vides et à faire des démonstration de puissance comme dans un exercice, semble bien illustrer une approche complètement virtualiste de la guerre. Cette accumulation d’éléments sur le virtualisme de l’administration GW Bush fait penser qu’on se trouve de plus en plus devant un phénomène psycho-politique d’une réalité indéniable, et d’une importance considérable, — en même temps qu’une bizarrerie indéniable. Les thèses de Raimundo sont loin d’être déplacées.