Trump vaut bien 9/11 : le faux-fou qui les rend fous

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Trump vaut bien 9/11 : le faux-fou qui les rend fous

Un article a un beau et grand succès dans nos réseaux et notre presse alternative, bien qu’il vienne d’un site (Politico.com) qui n’est guère connu pour montrer quelque dissidence ou résistance au Système. Mais comme il s’agit de Trump et que l’article (du 12 octobre 2018) entend explorer un domaine où la nuance le dispute au simulacre, il est difficile de se situer à coup sûr dans le camp du Système ou dans les marges de l’antiSystème... 

En fait, Politico.com s’est intéressé assez loyalement à une question qui n’est pas déloyale, et qui vaut aussi bien du point de vue du Système que du point de vue de l’antiSystème : d’où vient-il que Trump, depuis qu’il est apparu, et malgré qu’il soit très loin d’avoir imposé des mesures révolutionnaires ou provoqué de formidables bouleversements politiques, provoque des effets aussi violents, extrêmement durables, touchant principalement les psychologies et affectant les comportements qui en découlent, et cela aussi bien chez ses adversaires que chez ses partisans ? C’est-à-dire que nous parlons essentiellement de psychologie, et même de pathologie de la psychologie.

D’où le titre de l’article qui nous occupe, que nous adapterons de la sorte : « Trump pourrait bien n’être pas fou, mais nous sommes en train de le devenir rapidement » (“Trump May Not Be Crazy, But the Rest of Us Are Getting There Fast”).

L’article débute sur l’histoire d’un couple de Philadelphie qui se rend chez une psychologue, Cynthia Baum-Baicker, pour dire sa détresse. Les relations intimes des deux conjoints sont fortement perturbées par la situation politique interne des USA (lisez “D.C.-la-folle”) qui est constamment présente dans les grands réseaux.. En effet, comme tout le monde, le couple a une TV dans sa chambre à coucher. D’un côté, l’anxiété qu’ils éprouvent à cause de ces événements politiques ne peut être combattue qu’en écoutant les nouvelles, qui réduisent souvent les paniques nées de cette anxiété aux réalités parfois cocasses du jour ; d’autre part, l’omniprésence de Trump et de ses excès dans la chambre à coucher raniment cette anxiété et entravent d’autant les ébats qu’on espère et qu’on attend :

« Le couple de Philadelphie qui a découvert que Trump avait un effet détumescent sur sa vie amoureuse ne se disputait pas à propos du président, a déclaré leur thérapeute, Cynthia Baum-Baicker. Ils faisaient juste face à la détresse partagée de différentes manières. L'information pour beaucoup de gens réduit l'anxiété et le journal télévisé était donc une sorte de soutien psychique pour l’épouse. “Je me souviens que le mari avait alors déclaré en substance : ‘Si vous voulez un peu d’intimité, vous éteignez la télévision dans la chambre à coucher. Je ne peux pas avoir cet homme présent, l’entendre et en même temps ressentir le moindre excitation’” .»

Cet exemple n’est qu’un parmi d’autres. Politico.com s’est mis à la besogne, a enquêté, etc., et a découvert qu’il semblerait que l’Amérique entière, d’ailleurs progressistes et conservateurs tout autant, souffre de ce  que la psychologue de l’Illinois Jennifer Panning appelle le “Désordre de l’Anxiété de Trump” (TAD) alors que les conservateurs se réfèrent plutôt au TDS original, ou “Syndrome de Dérangement de Trump” en français. Tout cela semblerait anecdotique sauf qu’il s’agit d’un malaise collectif, que s’il est psychologique il répond à une perception politique collective et qu’on n’a rien vu de pareil depuis 9/11 et les deux ou trois mois qui suivirent...

« En temps normal, disent les psychologues et les psychiatres, leurs séances traitent de thèmes familiers : relations, estime de soi, adaptation au quotidien. Les événements politiques courants n’interfèrent généralement pas. Mais de nombreux praticiens observent désormais que Trump et son effet convulsif sur la conversation nationale américaine donnent une place prépondérante à la politique sur le divan du psychanalyste, d'une façon qui n’avait pas été vue depuis les mois qui ont suivi le 11 septembre – un autre moment où les événements ont été effrayants et ont eu des conséquences émotionnelles très puissantes.

» Les données empiriques confortent les rapports anecdotiques des praticiens. Dans une enquête réalisée en mai par l'American Psychiatric Association, 39% des personnes interrogées ont déclaré que leur niveau d'anxiété avait augmenté par rapport à l'année précédente – et 56% étaient soit “extrêmement anxieuses”, soit “quelque peu anxieuses concernant l'impact de la politique sur la vie quotidienne”. Une étude réalisée en 2017 a révélé que les deux tiers des Américains “voient dans l'avenir de la nation une ‘source de stress très ou assez importante’”».

Le trouble ainsi constaté, qui a une durée beaucoup plus longue que 9/11 puisque la cause ne cesse pas (Trump comme un 9/11 qui durerait ce que durera sa présidence), se caractérise par des symptômes tels qu’« une inquiétude accrue, des schémas de pensée obsessionnels, une tension musculaire et une préoccupation obsessionnelle de l'actualité ». On devine le comportement qui s’ensuit, qu’on retrouve par exemple dans les résultats d’une enquête du bureau Galileo montrant que nombre de personnes estiment, depuis la candidature, l’élection puis l’entrée en fonction de Trump, ne « plus pouvoir avoir de conversation ouverte et honnête avec des amis ou des membres de leur famille, et qu’ainsi leurs opinions politiques nuisent à leurs relations personnelles. »

Politico.com rapporte des témoignages selon lesquels ces troubles affectent même des personnes, des bureaucrates, des fonctionnaires, engagés dans la bataille politique active. Ainsi en est-il même de ces redoutables personnages que sont les représentants du DeepState et “comploteurs” anti-Trump... Ils montreraient effectivement, eux aussi, ces mêmes symptômes ; comme par exemple le n°2 du ministère de la Justice, Rod Rosenstein, ennemi juré de Trump dans l’administration Trump qui, dans une réunion où il parlait du 25èmeamendement pour se débarrasser de Trump (destitution du président pour incapacité physique ou mentale), aurait montré pendant son exposé qu’on espère secret un comportement qui aurait fait songer que le 25èmeamendement aurait pu aussi bien lui-être appliqué, – disons, pour ne pas être soupçonnés de FakeNewsisme, s’il avait été président, 

Pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté trop partisane, il y a la précision apportée que le trouble général constaté se retrouve chez les conservateurs pro-Trump : « “Les conservateurs souffrent aussi, estime la psychiatre Elisabeth Joy LaMotte. Je considère cette anxiété comme collective dans un sens très fort. Ils souffrent en partie parce qu'ils sentent qu'ils n'ont pas la permission de partager leurs vrais points de vue, ou qu'ils se sentent en conflit parce qu'ils sont d'accord avec les choses que fait le président, mais qu'ils sont mal à l'aise avec son langage et ses tactiques ... Et ils se sentent isolés et coupés de leurs amis et de leur famille qui diffèrent de leurs points de vue, comme si l’on ne pouvait pas avoir son point de vue à Washington DC”.

» Presque toutes les entrevues avec des psychologues ont repris le thème de “détournement cognitif” (“gaslighting”) – la capacité d’un manipulateur de faire en sorte que les gens de son entourage mettent en cause leur propre emprise mentale sur eux-mêmes. »

L’interprétation générale de l’article est donc bien, à partir du constat d’un énorme trouble psychologique collectif touchant les citoyens américains, jusqu’à toutes opinions confondues donc touchant également les anti-Trump, que s’il y a “détournement cognitif” il n’est pas volontairement machiné, qu’il est en vérité la conséquence de la personnalité et du comportement “naturels” de Trump. C’est là qu’est justifiée l’idée exprimée dans le titre : « Trump pourrait bien n’être pas fou, mais nous sommes en train de le devenir rapidement » ; d’où diverses interprétations de la personnalité et du comportement de Trump essentiellement par rapport aux habitudes et aux attentes des citoyens américains, – et pour expliquer le désarroi des seconds...

« Une interprétation plus plausible, selon certains experts en psychologie, est que Trump cultive, s’adapte et prospère dans son comportement distinctif de provocation, de ruse et de dramatisation narcissique depuis 72 ans. Ce que nous voyons n’est que la définition que donne le président de sa propre norme. Seulement l’assistance trouve la performance déroutante [et ne retrouve pas sa propre perception de “sa propre norme”]. » [...]

« À une époque de saturation des médias, les présidents ont tendance à être des personnalités omniprésentes. Même des personnalités polarisantes telles que Bill Clinton après l'attentat à la bombe d'Oklahoma City ou George W. Bush après le 11 septembre ont servi de consolateurs nationaux – suggérant que les citoyens attribuent inconsciemment un rôle quasi-paternel à la présidence. L’incessante hyper-activisme d’autosatisfaction de Trump, selon cette interprétation, fait de lui moins une image de père qu’une image d’adolescent hyperactif.

» “La figure de l’autorité représente la figure paternelle ou parentale, et c’est par conséquent le président Trump qui occupe cette situation d’autorité pour tous les Américains”, [explique la psychologue] Baum-Baicker. “Alors voilà que, maintenant, ma ‘figure paternelle’ est une brute, un gamin autoritaire qui ne croit pas aux études et aux devoirs...[Plutôt que de rassurer], il crée une effrayante incertitude.” »

... Effrayante incertitude puisqu’effectivement, comme l’explique le psychiatre new-yorkais Michael Dulchin qui étudie le problème de l’“Anxiété-Trump” et qui est consulté pour l’occasion, « les êtres humains détestent deux choses : l’une est d’observer le futur et de penser qu'ils n’ont pas assez d’énergie pour réussir et répondre aux ambitions qu’on y met ; l’autre est de ne pas être capable de prévoir ce que sera votre environnement »... Effectivement, avec un comportement d’ado-hyperactif qui ne respecte ni les normes ni les codes auxquels le Système a habitué tous les citoyens de la Grande République, Trump « crée une effrayante incertitude » qui nourrit les détestations repérées par le psychiatre Dulchin et enferme le citoyen dans son angoisse paralysante, et le fait exploser dans son hystérie paroxystique selon les occasions, pompes & circonstances...

Quoi qu’il en soit de tout ce charabia psycho-communicationnel, d’ailleurs engendré par une situation d'une crise psychologique bien réelle, on pourra faire l’hypothèse que Trump est une sorte d’enfant naturel de Freud, de ce Freud qui déclarait en 1910 lorsqu’il visita pour la première fois l’Amérique, qu’il apportait “la peste“ aux Américains. Trump opérationnalise cette “peste” en attaquant, involontairement sans doute, notamment quant aux effets qu’il produit, le conformisme qui règle la société américaniste depuis l’origine. L’idée intéressante dans ce texte, c’est bien que la politique éclatée et insaisissable de Trump est beaucoup moins en cause que son comportement, que son langage, que ses gestes et ses exclamations tweetées, – et même que sa façon de mentir qui est si inhabituelle (vous-savez, une sorte de “mentir-vrai” si l’on veut : “Je mens et je ne m’en cache pas”).

Par son comportement qu’on pourrait juger ridicule dans ses outrances, sa vulgarité, ses comportements, etc., Trump en arrive à ridiculiser le Système qui reste sans voix et n’arrive pas à le maîtriser ; et l’on se dit alors avec l'espoir au coeur que, malgré l’évolution des mœurs, le ridicule pourrait bien toujours tuer. 

Lorsqu’on dit dans l’article cité « Ce que nous voyons n’est que la définition que donne le président de sa propre norme », on veut signifier que Trump a sa propre réalité, que ce n’est pas la “vraie-réalité”... Certes, mais qu’est-ce que c’est que la “vraie-réalité” depuis que la réalité a été désintégrée par le Système lui-même ? Les citoyens, et même les fonctionnaires servant le Système, sont complètement déroutés par la “réalité-de-Trump”, qui n’est qu’un simulacre grossier, mais qu’ont-ils à proposer en échange ? Ils n’ont aucune référence sérieuse, puisqu’ils s’appuient sur les simulacres du Système, simulacres convenus selon le conformisme général et l’extraordinaire travail de communication-simulacre du Système, – extraordinaire, surtout depuis l’Ukraine et avec le Russiagate. Les « Bill Clinton après l'attentat à la bombe d'Oklahoma City ou George W. Bush après le 11 septembre ont servi de consolateurs nationaux – suggérant que les citoyens attribuent inconsciemment un rôle quasi-paternel à la présidence » : mais valent-ils mieux objectivement que Trump ? Ces deux canailles vieillissantes, bien propres sur elles et corrompues jusqu'à la moelle, sont-elles plus proches de la réalité, sinon de la Vérité, elles qui ont suivi si parfaitement les consignes du Système pour la destruction constante de la réalité ?

Ainsi Trump est-il un éléphant dans le magasin des simulacres en porcelaine, un 9/11 permanent tout au long de son mandat... « Et dire que nous pourrions en avoir encore pour six ans à subir ce perpétuel paroxysme », commente ironiquement ZeroHedge.com en dernière ligne, comme commentaire de sa reprise de l’article de Politico.com. C’est-à-dire qu’il faut d’abord savoir où nous serons et où nous en serons dans six ans, puisqu’avec lui, avec ce Trump, prospère cette « angoissante incertitude »... Ils n’imaginaient pas, les électeurs de Trump, que leur président serait un « cocktail-Molotov humain » de cette bouteille-là, à capacité quasi-nucléaire.

 

Mis en ligne le 14 octobre 2018 à 13H30

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