Le torrent furieux du populisme

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Le torrent furieux du populisme

Il paraît qu’il faut remonter à la Deuxième Guerre mondiale (et à l’époque qui y a conduit, aux années 1930, surtout sur leur fin) pour trouver un tel appui populaire à ce qu’on nomme “populisme“, – terme qui a sans aucun doute plusieurs significations et encore plus d’humeurs. Selon le politologue Jim Reid, de la Deutsch Bank (DB), avec les résultats remarquables de l’Italie où plus de 50% des votants ont voté pour des partis désignés comme populistes, le pourcentage actuel de votes qu’on peut extrapoler à partir des divers résultats (y compris ceux de l’élection Trump) concernant “les pays-clef”, essentiellement du bloc BAO, atteint 32% (comme on le verra plus loin : si l’on prend en compte les votes travaillistes pour Corbyn au Royaume-Uni, on atteint 35%). En 2000, toujours selon les mêmes analyses, le pourcentage précis des votes populistes dans l’Europe de l’UE atteignait 8,5%, en 2017 il atteignait 24,1%. Il est évidemment en augmentation avec le vote italien du week-end dernier. Il y a bien un “torrent populiste”, encore une fois en prenant le terme d’une façon générale sinon générique, et dans tous les cas d’une façon qui place ce mouvement en opposition au globalisme.

Voici quelques extraits du texte de ZeroHedge.com sur cette question : « Si l'on se concentre uniquement sur l'Europe, on constate que le continent, avec un taux élevé de chômage des jeunes à deux chiffres, est devenu un foyer pour le sentiment anti-establishment, qui a tout à voir avec l'économie et le manque d'opportunités, à la grande peine de  Samantha Power [qui, elle, a distingué dans les élections en Italie la main de Poutine].

» La conclusion troublante de Reid est qu’“il est difficile d’écarter le fait que le populisme bénéficie actuellement d’une explosion de soutien”. Reid note également que l’index [donnant 32% de soutien populistes] exclue le vote pour le parti travailliste de Jeremy Corbyn. “On pourrait certainement argumenter que certaines de ses opinions et de ses politiques les plus radicales sont de nature populiste”. Si DB devait inclure le soutien de Corbyn à l'élection générale de 2017 au Royaume-Uni, “alors notre indice dépasserait les 35%, éclipsant les sommets des années 1930-1940, et le populisme serait au plus haut depuis le début du 20ème siècle.”

» Quelles sont les implications ?

» “À l'heure actuelle, la montée du populisme n'a pas encore déstabilisé les marchés, mais nous ne pouvons pas écarter le constat que le niveau d'incertitude reste très élevé alors que ce courant reste extrêmement actif dans les consultations électorales. L’imprévisibilité des politiques de Trump est un exemple de cet activisme, avec les récentes menaces tarifaires qui ont renforcé les inquiétudes du marché au sujet d'une guerre commerciale. À l'heure où les banques centrales mondiales se dirigent vers une période sans précédent de resserrement et de gestion d’années d’achats massifs d’actifs, les risques d’un affirmation populiste croissante peuvent sérieusement perturber l'équilibre prévalant des dernières années et par la suite les marchés.”

» Bien que Reid note qu'il s'agit davantage d'un problème au rythme assez lent pour les prochaines années, il constate que le populisme demeure la plus grande menace “pour l’ordre mondial de la mondialisation / libéralisme après 1980”.

» Le plus grand risque, bien sûr, renvoie à la période précédente (années 1930/1940) où populisme et colère populaire furent aussi élevés, tout cela se terminant par une guerre mondiale tuant des dizaines de millions de personnes. On se demande ce qui se passera cette fois lorsque la plus grande distraction jamais créée pour la consommation de masse, – l’idée de richesse de papier et de profits non-répertoriés, – s'évaporera après le prochain krach boursier, et combien de dizaines de millions de personnes mourront en conséquence. Une chose est certaine : les tambours de la guerre mondiale n’ont jamais résonné si fortement dans le monde en près d'un siècle. »

Ce commentaire est certes justifié entièrement par le déferlement italien d’il y a une petite semaine. Il permet de faire un état des esprits par rapport au “populisme”, ce mot passe-partout qui ne trouve sa véritable vertu que par référence au Système, – pour prétendre s’y opposer, évidemment, en bonne étiquette d’antiSystème. Au-delà de ces constats de base, nous n’irons plus loin que très prudemment, comme par exemple lorsque l’analogie des années 1930 jusqu’à 1939-1940 suggère à l’auteur que “jamais les tambours de la guerre mondiale n’ont « résonné si fortement dans le monde en près d'un siècle »”. Le désordre-Système est aujourd’hui beaucoup trop puissant, il touche beaucoup trop de domaines, – en fait, tous les domaines de la vie politique, sociale, sociétale et surtout psychologique, – pour permettre la mise en place de forces organisées pouvant être conduites par une politique forte, même une politique revancharde ou de réaction, qui nous conduiraient fatalement et inexorablement à un conflit mondial. La dynamique est de façon bien différente celle de la déstructuration et de la dissolution internes de toutes les architectures, y compris et désormais principalement comme nous y arrivons, des architectures développées par le Système pour conduire à terme ses ambitions de déstructuration-dissolution-entropisation.

On observera que cette avalanche populiste, ou ce torrent furieux si l’on préfère une image plus liquide et par conséquent plus insaisissable, est mesuré à sa juste ampleur depuis déjà quelques années. Non seulement on l’a senti venir mais on a commencé à le ressentir comme s’il semblait commencer à nous emporter, comme s’il était destiné à nous emporter. D’une façon évidemment parallèle puisque la logique rationnelle y invite, depuis quelques années également vont bon train les hypothèses concernant de nouvelles directions, de nouveaux gouvernements (populistes), en même temps que la mesure anticipative des effets que ces nouvelles situations politiques auraient sur les institutions et les événements, toutes et tous fermement orientés dans un sens globaliste ou approchant. Si le premier point semble aisément se confirmer, le second est largement démenti ; il est vrai qu’il dépend, ce second point, d’une logique et d’une raison-subvertie, qui ne sont plus capable depuis longtemps, à elles seules, de mesurer et d’engendrer une vérité-de-situation. Au contraire, rien de décisif ni même d’important, comme si le torrent, malgré sa fureur, glissait sur le Système sans rien lui imposer ni rien changer dans son apparence institutionnelle. En un sens, c’est assez juste, mais en un sens seulement.

Ce qu’on devrait retenir de ce furieux torrent “populiste”, c’est au premier chef le sens du mot “populisme”. Venu évidemment du latin populus pour désigner “le peuple”, le seul sens politique sur lequel tous s’accordent est celui de “peuple” par opposition aux “élites” (pluriel essentiel et impératif dans ce cas), – essentiellement sinon impérativement dans la mesure où leurs intérêts s’opposent, où le peuple juge que “les élites” lui sont opposées, lui font du mal et sont bien plus leurs adversaires traîtres à leur mission que leurs représentants. Nous en resterons là pour la définition, aussi vague que cela, et laisserons le reste à l’inconnaissance pour notre cas, aux emportements idéologiques et aux habituelles crises de nerf des flics-notaires du réflexe-Système pour les cas multiples où l’affaire est débattue avec passion. Ainsi, pour nous, le populisme n’apporte rien, ne construit rien, ne prétend à aucune architecture politique, et c’est très bien ainsi ; il combat et dénonce, il est authentiquement négatif et déconstructeur (application des conceptions des déconstructeurs, pour un résultat complètement et vertueusement inverti, comme subversion de la subversion triomphante et installée en maîtresse imposteuse du monde). La seule chose qui doit lui importer est la destruction des élites en question par subversion et déconstruction.

Il n’est pas difficile de faire correspondre cela à notre binôme Système versus antiSystème, là aussi dans les termes les plus vagues possibles et sans la moindre intention de proposer quelque chose de constructif, comme on le lit dans les définitions de notre Glossaire.dde. Notre seul but doit être effectivement de détruire, – Delenda Est Systema, et rien d’autre, – c’est-à-dire, soyons précis dans la mesure, rien d’autre mais surtout rien de moins...

Il n’y a donc rien de décisif au niveau institutionnel, des structures politiques et de la politique fondamentale à attendre de ce déchaînement qui se poursuit à un rythme que rien ne semble pouvoir arrêter. Au contraire de cette absence d’effet politique constructif, ce rythme justement ne cesse d’être exacerbé par les réactions de la citadelle que battent les flots furieux du torrent : au plus le torrent gonfle et mugit de fureur, au plus le Système renforce toutes les mesures, les conceptions, la dialectique, l’argumentation qui sont les causes directes de ce torrent, – logiquement, puisque le Système intrinsèquement stupide parce qu’idéologisé, ne peut faire autrement que nourrir ce qui le mine inexorablement. Les quelques directions populistes ici et là (actuellement, surtout dans les pays est-européens) n’ont aucun effet politique structurant direct, d’autant qu’elles sont divisées sur certains aspects fondamentaux de leur politique même si, et c’est l’essentiel, elles se retrouvent contre le Système (dans ce cas, Bruxelles et l’UE en sont l’expression et la courroie de transission). (Par exemple, la Pologne populiste a une politique proaméricaniste et antirusse qui contredit le courant populiste lorsqu’on lui donne une signification politique fondamentale.)

Le torrent furieux du populisme accomplit sa mission qui est d’entretenir, d’accentuer l’instabilité, d’inquiéter et d’angoisser le Système, de l’affoler en le poussant à une surenchère mortifère qui a pour effet d’aider à sa propre déstructuration-dissolution. La mission du populisme progresse lorsqu’il pousse, comme en Allemagne, à une reconduction de la branche pourrie Merkel-SPD malgré les haines qui en séparent les rameaux comme “nouveau” gouvernement allemand dont la simple idée suggère le sarcasme et le mépris, mais que l’esprit métahistorique réaliste et antiSystème doit saluer d’un “Continuez comme ça !”.

On en revient par conséquent à notre idée simple, – fondamentale comme toutes les idées simples, – que le Système ne peut se détruire que par lui-même en accentuant sa dynamique folle, – idée simple de la surpuissance-autodestruction. Le torrent furieux du populisme ne cesse de grossir et de gronder et ainsi poursuit-il sa mission avec brio : pousser le Système de la surpuissance à l’autodestruction.

 

Mise ligne le 10 mars 2018 à 04H35

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