L’effet Brexit, d’abord pour les USA ?

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L’effet Brexit, d'abord pour les USA ?

25 juin 2016 – Le 25 août 2015, nous publiions une analyse que nous jugions intéressante, tant par la documentation et l’expérience de son auteur que par son intuition, de Newt Gingrich, sur la situation aux USA : « Il est en train de se passer quelque chose ». On peut relire ce texte où Gingrich annonçait le phénomène Trump et l’insurrection antiSystème qui secoue les USA dans cette année électorale.

(Gingrich a bonifié en vieillissant...Il joua dans les années 1990, à partir de novembre 1994 comme Speaker de la Chambre, un rôle épouvantable d’apprenti-dictateur contre la présidence [Clinton) plongée dans un désarroi extraordinaire dont l’histoire-Système soigneusement encadrée n’a jamais rien dit. [Voir le 2 septembre 2005 : « Fin 1994, le bon peuple vote et envoie une majorité républicaine au Congrès, faisant suivre son inexplicable colère anti-républicaine (défaite de Bush-père) d'une inexplicable colère anti-démocrate. Les résultats de l'élection plongent le président dans une dépression extraordinaire de plusieurs semaines, jusque trois à quatre mois. Il ne fut plus que l'ombre de lui-même. Il se découvrait, avec un Congrès nourri d'une haine sans mesure, réduit à un rôle de figurant et sa présidence réduite à néant. Durant cette période extraordinaire où des hauts fonctionnaires américains confiaient à leurs collègues étrangers qu'ils ne savaient plus à qui ils devaient désormais obéir, il arrivait qu'on croisât dans les couloirs de la Maison-Blanche un Clinton hagard, mal rasé, incapable de retrouver son équilibre et son apparence de président, et qu'on détournât les yeux, gêné par cette déchéance si insolite et si indigne... »])

Gingrich a donc bonifié en vieillissant, disions-nous : il est devenu un commentateur des affaires politiques washingtoniennes, singulièrement libre d’esprit et faisant preuve d’une grande intuition. Dans l’article référencé plus haut, à partir d’un texte de John Mauldin, nous signalions l’appréciation la fois expérimentée et intuitive de Gingrich à partir d’un article du Washington Times. Mauldin, dans une interprétation du texte de Gingrich, observait : « J’ai eu une conversation avec mon ami Newt Gingrich la semaine dernière. Je sais que nombre de mes lecteurs ne sont pas des fans de Newt, mais je pense qu’une personne raisonnable serait d’accord avec le jugement qu’il s’agit d’un des observateurs les plus avisés de la scène politique. Son opinion est qu’une “bulle” d’opinion favorable à des changements (r)évolutionnaires s’est formée dans une portion très significative de l’électorat. »

Nous-mêmes, présentant le texte de Mauldin référencé du 25 août 2015, nous écrivions en commentaire : « (John) Mauldin, célèbre conseiller indépendant et analyste financier (voir son site MauldinEconomics.com), nettement à droite et proche des républicains, se fait l’écho du malaise extraordinaire qui affecte aujourd’hui encore plus les élites-Système de Washington D.C. que la population elle-même. Aucune revendication précise n’est mise en avance, sinon la revendication ultime de la révolution totale, copernicienne, d’une sorte de “tout doit changer” en éradiquant décisivement et jusqu’à la Fin des Temps le cancer de la corruption du monde politicien et du sens même de la politique. Newt Gingrich, dans son article cité par Mauldin, rappelle les conditions de ce qui conduisit à la Révolution de 1776, en examinant le concept de “corruption” tel qu’il était perçu à l’époque. (On dira que Gingrich, en son temps, dans les années 1990, et même plus tard, dans l’une ou l’autre tentative de retour en politique, se montra un orfèvre en la matière de la chose.) Il termine en conseillant aux acteurs du monde politique washingtonien, particulièrement aux républicains dont il est, de tenir compte du message révolutionnaire des électeurs américains du système de l’américanistes, – “...S’ils l’ignorent, c’est à leurs risques et périls...” »

Pour ces diverses raisons, nous accordons une grande confiance au jugement de Gingrich, exactement de la même façon que nous l’avions critiqué en d’autres temps d’une façon virulente (dans les années 1990) pour son extrémisme américaniste. Aujourd’hui, Gingrich a pris une positon plus indépendante, mais il est manifeste qu’il est à la fois critique de la corruption qui mine le Système et partisan d’une insurrection populiste. (Manifestement, c’est un partisan de Trump, bien entendu.) Ainsi son avis, lancé au travers de plusieurs tweets, sur les effets du Brexit sur la situation aux USA est particulièrement intéressant, d’abord parce qu’il nous signale, c’est la thèse de notre réflexion, que le Brexit est au moins aussi important, et chronologiquement peut-être plus important pour les USA que pour l’UE. (C’est bien entendu la poursuite très élargie du thème esquissé dans notre texte du 24 juin.)

Washington Examiner reprend l’analyse de Gingrich en synthétisant les tweets, le 24 juin, sous le titre : « Gingrich: Clinton must be ‘darn worried’ about populist ‘tidal wave’ after Brexit », et l’on voit bien combien Gingrich n’envisage l’événement britannique que du seul point de vue des USA...

« Former House Speaker Newt Gingrich said Great Britain's decision to leave the European Union was a warning for former Secretary of State Hillary Clinton's general election hopes. During a Facebook Live Q&A, Gingrich said that Clinton should be “pretty darn worried” about her chances in November as a “tidal wave” of populism could sweep her up and deliver the election to Donald Trump, equating it to the vote in the United Kingdom. “I suspect after the Brexit result that Hillary Clinton has to be pretty darn worried that there just might be a tidal wave building of populist, anti-establishment feeling, and she clearly is the establishment,” Gingrich said. “There is no possible way that Secretary Clinton will be able to hide from being the establishment candidate.”

» The former speaker argued that the issues of terrorism and “uncontrolle” immigration were the two major factors, adding that the vote to leave likely would never have happened without both issues taking hold with the electorate. He also touched upon the potential turnout for November's election, telling those watching that a Trump/Clinton matchup could rake in the highest turnout in modern history.  “I think it will be very high. Maybe the highest in modern times,” Gingrich said. “Certainly the highest, I'd say, since 1940 when Franklin Delano Roosevelt and Wendell Willkie each set records for the total vote as a percent of population at the time.”

» Gingrich also laid responsibility at the feet of Clinton and President Obama for the Brexit, saying they could have made the “marginal difference” in the decision amongst Britons. Obama had been an outspoken advocate of the U.K. remaining in the EU, making that clear during a visit to London in April. “I suspect that when President Obama went over to Great Britain that he actually increased the sense of anti-elitist feeling,” Gingrich said, citing that feeling as a top reason for the Brexit. “And then of course Secretary Clinton followed him and issued a statement opposing leaving Great Britain. You now had two leading Americans dictating to the British what they should do — they may frankly have been the marginal difference.” »

Là-dessus, nous ajouterons une autre référence, qui approfondit radicalement le problème des USA, toujours dans l’idée de l’importance aussi grande, et alors même plus grande du Brexit pour les USA que pour l’Europe. Il s’agit d’un texte de Ryan McMaken, de The Mises Institute, le 24 juin (repris notamment par ZeroHedge.com), institut directement connecté aux conceptions ultra-libérales de Ludwig von Mises et des libertariens US, ce qui nous libère de tout soupçon de populisme selon les automatismes des zombies-Système. McMaken étudie d’abord le cas de l’Ecosse à la lumière du Brexit, dont on sait que cet événement a instantanément remis sur la table la question de son indépendance (« That didn't take long. Only hours after the final results came in for a British exit from the EU, political leaders in Scotland are talking about renewing their drive to secede from the United Kingdom. »)

Après avoir examiné le cas de l’Ecosse que le Brexit a fait instantanément renaître (avec celui de l’Irlande du Nord, d’ailleurs), McMaken passe immédiatement au cas du ... Texas. Ainsi montre-t-il, encore un peu plus si besoin est désormais après ce que nous avons déjà écrit, que le Brexit est un événement au moins aussi important, si pas plus, pour les USA que pour l’UE. Dans l’esprit de McMaken, il est question ici du “modèle écossais” (indépendance avec sortie du Royaume-Uni) que l’auteur jugerait immédiatement transposable au Texas, ainsi donc pris comme exemple (et “modèle US”) avant même qu’il soit mis en état opérationnel ; cela nous ramenant à la sempiternelle et fondamentale question de l’unité des USA, de la sécession, etc., c’est-à-dire le cauchemar des USA dès l’origine.

« When Americans indulge in thought experiments about the possible secession of American states, it is often assumed that most US states are too small "to go it alone." Indeed, most Americans greatly underestimate the size of many American states in relation to numerous independent and prosperous existing nation-states. 

» Were Scotland a US state, for example, it would be only a medium-sized state, with a GDP smaller than the gross state products of both Missouri and Connecticut, making it about the 25th largest state in terms of GDP. Population-wise, Scotland is about equal to Minnesota and Colorado... [...]

» Moreover, few Americans appreciate how enormous some American states are, especially the largest four states: California, Texas, New York, and Florida. In terms of both population and GDP, California is about equal to Canada — and with much better weather. Texas is equal in economy and population size to Australia. Pennsylvania's economy is similar in size to Switzerland. 

» While secession of American states is often dismissed as absurd, there are few reasons to believe that a state like Texas — to name just one example —could not immediately transition from state to nation-state. With a large economy, port cities, oil, and easy access to European, Latin American, and even Asian economies by sea, economics arguments against such a separation fall flat. And of course, the success of smaller states like Norway, Denmark, and Switzerland illustrate that bigness is truly unnecessary. Naturally, many other states even beyond the biggest states — such as Pennsylvania, New Jersey, North Carolina and others — could do the same. These states would all be among the largest economies on earth were they to leave the US. 

» “But what about national defense!” some may argue. “Wouldn't Texas be constantly at war with the United States?” Experience suggests that Texas would be at war with the United States about as frequently as Canada has been at war with the United States: zero times since 1815. International wars rarely erupt between countries with common languages, common histories, and common economic interests. Should Scotland secede, the UK won't be sending in the tanks, and Scotland could easily join the realm of independent nation states, just as many American states could do the same. »

Les surprises du Brexit

Avant d’en venir à la véritable problématique qui nous importe, nous précisons que nous laissons de côté les évènements boursiers qui sont absolument artificiels, qui n’ont aucune signification causale en eux-mêmes et ne font qu’accompagner les spasmes psychologiques des super-riches incapables de supporter le poids de leurs fortunes, complètement ignares face aux évènements sinon à leurs effets médiatiques-Système, et qui ne sont plus que des accidents en général accélérateurs de ces évènements qui les précèdent, qui dépassent leurs compréhensions aussi bien que les capacités humaines. On a la preuve de cette obscénité évènementielle que sont l’argent et ses mouvements boursiers dans le fait que la bourse est depuis plusieurs années à des hauteurs stupéfiantes tandis que le monde s’abîme dans la déstructuration, le chaos et la pauvreté catastrophique, que la Grande Crise d’effondrement du Système ne cesse d’augmenter son rythme. Pour les mécanismes, nous ne sommes plus du tout dans le schéma “Mardi Noir”-Grande Dépression, tandis que pour les vérités-de situation nous sommes dans une situation bien pire puisque la chute du Système ne cesse d’accélérer sans possibilité d’action sur le processus au contraire de l’époque de la Grande Dépression. Si demain, les bourses s’effondrent comme elles ont commencé à faire, ce ne sera pas une cause, mais la nième conséquence, bien entendu catastrophique, d’un événement colossal qui domine tout cela.

Pour l’essentiel de notre propos, nous dirons d’abord qu’il existe plusieurs arguments, ou plutôt plusieurs réflexes qui prennent la forme de mythe, qui empêchent en général, en première analyse, de mesurer les effets réels du Brexit. Is sont pourtant d’autant plus réalisés, ces effets, que l’événement une fois accompli prend une ampleur et une puissance que l’annonce de sa possibilité ne laissait aucunement prévoir. (Différence habituelle entre la spéculation sur un événement et la puissance de la vérité de cet événement lorsqu’il se produit.)

Le premier de ces mythes est la puissance irrésistible et la durabilité de l’anglosaxonisme (la proximité intrinsèque et manipulatrice de l’entente des pays anglo-saxons, USA-UK en particulier). Si la chose a toujours été édifiée en théorie, si elle a fonctionné à l’une ou l’autre occasion, elle n’a jamais été une structure stable. Les exemples d’affrontements USA-UK sont aussi nombreux, sinon plus, que les exemples de leur entente... Que ce soit la possibilité très réelle d’une guerre entre USA et UK en 1926-1928 à la liquidation de l’empire britannique et à la mise à l’encan du Royaume-Uni par les USA en 1945 (voir les réactions de Keynes lors des négociations USA-UK au printemps 1945), que ce soit la dissidence anti-US du Premier ministre Eden entraîné par les Français pour l’affaire de Suez de 1956 (avec la trahison de MacMillan soudoyé par les USA), que ce soit l’administration Reagan à deux doigts de soutenir par solidarité continentale l’Argentine contre UK lors de la guerre des Malouines de 1982, on mesure la relativité de cette entente.

Le deuxième de ces mythes découlant du premier est donc la pérennité et l’intangibilité des soi-disant special-relationships. Il y a bien sûr des liens techniques et de sécurité USA-UK, surtout au niveau militaire et du renseignement, par exemple, mais il n’est pas assuré qu’ils aient la solidité qu’on croit. (Cela se conçoit dans le chaos ambiant, lorsqu’on voit qu’aux USA même, les liens entre les différences agences de renseignement ou équivalents sont tels que, depuis plusieurs mois que la chose a été mise à jour, la CIA et le Pentagone continuent à soutenir financièrement, logistiquement et même avec des conseillers, deux groupes de rebelles syriens [la FSA et le YPG] qui ne cessent de s’affronter avec autant de vigueur que l’armée régulière syrienne affronte Daesh.) Un exemple connu des spécialistes et autres sources, du côté français à l’époque, est celui de la guerre du Kosovo du printemps 1999 où une rencontre fameuse dans le milieu entre les chefs du renseignement militaire français, anglais et allemand mit en évidence que les Français en savaient plus sur les actions et les intentions US, par leurs seules capacités, que les Britanniques qui n’étaient informés de rien par les USA au nom des special relationships. (Cette guerre se termina d’ailleurs, dans l’immédiat après-guerre, le 9 juin 1999, par un affrontement direct à propos de l’aéroport de Pristina investi par les Russes, entre le SACEUR US, Général Clark de l’US Army, et le chef des forces de l’OTAN au Kosovo, Général Michael Jackson de la British Army, avec refus catégorique d’obéissance du second par rapport au premier qui était pourtant son supérieur hiérarchique, – Jackson étant soutenu par son Premier ministre Tony Blair.)

Le troisième de ces mythes est l’unanimité de l’establishment anglo-saxon (USA-UK), en accord avec l’establishment UE-Bruxelles, – ce que nous nommons le bloc-BAO, – à notre époque où la géopolitique est remplacée par la psychopolitique et où le Système domine les nationalités au profit d’une globalisation niveleuse. Dans les deux pays (USA et UK), il existe des ailes conservatrices ou/et sociales (droite et gauche) qui s’expriment par le “populisme“, – terme beaucoup mieux vu dans ces pays que dans les pays européens submergés de la bienpensance idéologique, – qui a évolué dans les marges pendant la Guerre froide puis jusqu’à 9/11 (2001) et 9/15 (2008), mais qui reprend aujourd’hui une considérable vigueur. Il s’agit des milieux nationalistes et isolationnistes UK et US, paléo-conservateurs, libertariens au sens US, etc. ;  par exemple, il ne faut pas s’étonner de voir un nationaliste-interventionniste, mais d’abord nationaliste, comme Rumsfeld annoncer qu’il soutiendra Trump, parce que le slogan America First (haï par les globalistes depuis Roosevelt) rejoint sa conception nationaliste qui le mit souvent mal à l’aise au milieu du déchaînement des neocons. Il ne faut pas s’étonner non plus, en sens contraire, si Clinton nous révèle que, malgré les special relationships, « le Royaume-Unis et les USA sont deux pays différents », – à l’entendre, presque sans lien ni parenté...

Par contre bien sûr, il existe bien une connexion USA-UK au niveau des establishment globalistes, comme avec tous les autres establishment du même type dans le bloc-BAO (les Français, les Allemands des élites-Système, etc.). Le modèle est évident et, logiquement, la même connexion s’établit entre “populistes” anglo-saxons qui sont, en l’occurrence et conformément des antiSystème, et cette connexion s’étendant selon la même logique aux Français type-Le Pen, aux Hollandais type-Geert Wilders, aux Italiens Type G5S, etc. Comme l’on voit l’anglosaxonisme s’est scindé entre globalisation et anti-globalisation, ou plus nettement dit, entre Système et antiSystème. Mais certes, dans ce cas de l’opposition au Système qui est aujourd’hui dans un courant dynamique exceptionnel de puissance, la proximité anglo-saxonne apparaît et s’exprime avec vigueur dans le sens de l’opposition à l’establishment transnational du bloc-BAO. Ainsi le Brexit étant britannique, son effet principal pourrait bien se faire sentir, au nom de ces liens qui sont dans ce cas complètement vertueux, entre “cousins“ anglo-saxons encore plus, et plus vite, qu’entre Britanniques et Européens eurosceptiques.

...D’où la tonitruance des réactions de Donald Trump qui, avec un instinct heureux, avait choisi le 24 juin pour faire une visite en Ecosse pour inaugurer un golf. Lorsqu’il avait été annoncé, ce choix avait provoqué un éclat de rire de plus dans la presse-Système aux dépens du “bouffon” qui se mêle de tout et ne cesse d’accumuler les bourdes. Trump prenait éventuellement un risque, il a joué et il a gagné, et d’une façon très avantageuse pour lui : sa présence en Ecosse, ses prises de position tonitruantes en faveur de la souveraineté, de la protection de la nation, etc., ont directement connecté la communication de sa campagne à un évènement d’affirmation nationale et souveraine. Sa présence a puissamment aidé à mettre en évidence pour les commentateurs US combien sa candidature était liée à une bataille antiSystème et à une affirmation identitaire. On parle ici des effets objectifs de cette conjonction d’évènements sans savoir ce qu’en pense directement l’intéressé, et d’ailleurs en jugeant ce point négligeable car en l’occurrence Trump a plutôt tendance à se laisser porter par les évènements et en les utilisant dans son argumentaire de campagne. Ce faisant par logique indirecte, on relie l’intervention d’Obama et les déclarations de Clinton contre le Brexit au résultat de l’événement, pour mettre en évidence combien l’ingérence à cet égard, et sans la moindre précaution, déclenche des réactions nationalistes (même si le lieu de cause à effet n’est pas établi). Ainsi, la députée française Valérie Boyer, Les Républicains, peut-elle observer qu’elle voit dans le Brexit « aussi l’échec de l’influence d’Obama sur l’Angleterre, parce qu’il était venu pour plaider de façon très claire et visiblement il n’a pas été entendu ».

En un sens, et avant même d’observer des effets du Brexit en Europe même, il apparaît évident qu’il y en a de très importants aux USA même, – jusqu’à susciter des réflexions qui mettent en cause l’unité même des USA et remettent dans l’actualité la cause jamais éteinte de la sécession. Les évènements font effectivement que ce sera d’abord aux USA qu’on pourra mesurer en partie les effets du Brexit puisqu’il ne fait guère de doute que ce thème sera utilisé par Trump, et devra être réfuté par Clinton. Pour le première fois depuis son entrée dans cette séquence politique, Trump se voit conforté par un évènement international de grande dimension et peut placer sa campagne dans le flux d’un grand courant qui touche de très nombreuses nations, essentiellement dans la bloc-BAO. Il ne pourra plus être accusé de défendre une politique refermée sur elle-même, refermée sur les USA, puisqu’il s’agit d’un courant international puissant qui a produit un des évènements politiques les plus importants de ce XXIème siècle. Plus encore, en évoluant de la sorte, Trump, s’il est élu, mettra en œuvre une politique qui aura nécessairement une parenté avec la situation européenne, avec tous les effets et les conséquences qu’on imagine, notamment dans le sens du soutien aux mouvements eurosceptiques anti-UE.

Bien entendu, si nous mettons l’accent sur cet aspect des choses c’est simplement à cause de la puissance des USA et de sa place dans le Système. L’influence de cette puissance sur la politique mondiale, et nécessairement sur la politique européenne et sur les politiques nationales en Europe est considérable. Si Trump est élu, après cet événement du Brexit et la considération qu’il lui a apporté, l’UE a un ennemi en place à la Maison-Blanche, et tous les mouvements anti-UE un allié de poids à la Maison-Blanche.

D'une façon assez inattendue, les destins de l’Europe et des USA, – car dans ce cas, il s’agit de rappeler que le Royaume-Unis fait tout de même partie de l’Europe, – se trouvent ainsi organiquement liés par d’autres liens que ceux que le Système a établis entre eux. Les deux grands axes du bloc-BAO se trouvent ainsi brusquement plus proches l’un de l’autre, mais nullement dans le sens qu’on a coutume de constater. Ils le sont dans le cadre de la bataille Système contre antiSystème, et dans le sens de l’antiSystème. Cela élargit la crise de l’insurrection contre le Système dans le sens de la globalisation. Un mouvement accusé de vouloir isoler ceux qui en font partie du reste du monde trouve son expression la plus forte, quasiment sa maturité, en montrant qu’il est le contraire de l’isolement et qu’il est conduit au contraire, et avec le plus grand naturel du monde, à  rechercher un rassemblement transnational, une sorte de globalisation de l’antiSystème ; lorsque des gens qu’on dit chercher l’isolement se trouvent liés entre eux, par définition ils ne sont pas isolés. Contre cette logique, nul ne peut rien, et tous les artifices du Système dans le sens de la distorsion de la communication n’y pourront rien.