La pensée paralysée

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La crise financière et par conséquent économique a accéléré encore la semaine dernière avec les annonces de nouveaux effondrements financiers (Carlyle, Bear Stearns). Les analystes financiers parlent désormais de risques de «Depression-era crash» (voir WSWS.org du 15 mars: «Fed rescue of Bear Stearns raises specter of Depression-era crash»). La psychologie est désormais celle qu’on peut définir comme une “psychologie de situation” renvoyant à la Grande Dépression. C’est effectivement le vocabulaire et la psychologie de l’époque de la Grande Dépression aux USA qui sont en train de se répandre, jusques et y compris dans les références des mesures d’urgence prises par la Federal Reserve.

«The Federal Reserve Board on Friday took emergency action to prevent the collapse of Bear Stearns, the fifth largest US investment bank and one of the world’s largest finance and brokerage houses.

»Invoking a little-used provision added to the Federal Reserve Act in 1932, at the height of the Great Depression, the US central bank agreed to allow the Federal Reserve Bank of New York to insure an infusion of credit to Bear Stearns by JP Morgan Chase. Under the terms of the “secured loan facility,” to extend for up to 28 days, the risk of a default by Bear Stearns will be borne by the Federal Reserve Bank of New York, not JP Morgan Chase. The latter will serve essentially as a conduit for the cash provided by the US central bank.

»This mechanism was used because only commercial banks, so-called depository institutions, can borrow directly from the Fed’s discount window. Bear Stearns is not a depository bank, and hence the Fed was obliged to invoke a provision of the 1932 amendment to the Federal Reserve Act that applies when “unusual and exigent circumstances exist and the borrower is unable to secure adequate credit accommodations from other sources.”»

Face aux événements, le président Bush est “entré en campagne”, avec une action de communication qui reflète l’esprit de la direction US face à la crise. Il a fait plusieurs déclarations depuis vendredi. WSWS.org décrit ainsi celle de vendredi, devant le Economic Club de New York: «Moving from platitude to platitude, he declared the US economy “the envy of the world,” referred to the financial crisis as a “rough patch,” and reassured his audience that “in a free market, there’s going to be good times and bad times. That’s how markets work.”» Bush s’oppose bien sûr à toute mesure d’intervention en tant que telle pour aider ceux qui sont touchés par la crise immobilière, tout comme il s’oppose aux demandes de réaménager le régime fiscal favorable mis en place pour les plus riches.

Ces interventions de GW Bush n’ont évidemment guère d’effets sinon défavorables et renforcent les jugements les plus pessimistes, comme celui de Martin Feldstein, un conservateur républicain qui fut le principal conseiller économique de Reagan: «I believe the US economy is now in recession. The situation is bad, it’s getting worse and the risks are that the situation could be very bad.» Ce n’est pas exagérer que solliciter l’analogie de la Grande Dépression pour caractériser ce jugement.

L’état d’esprit de la direction est exactement similaire à celui de l’administration Hoover durant la Grande Dépression. La pensée est complètement paralysée par la théologie du marché, incapable de se dégager du diktat qui caractérise toute théologie, et celle-là plus encore. Les déclarations du président, samedi lors d’une déclaration radiodiffusée, sont parfaitement dans ce schéma d’une pensée qui se refuse à effectuer l’acte de la pensée. L’idée centrale est qu’il faut éviter quelque action que ce soit qui puisse entraver les “corrections” que le marché lui-même va appliquer pour résoudre la crise: `«The market now is in the process of correcting itself, and delaying that correction would only prolong the problem.» Lorsqu’il fait allusion à certaines timides mesures “interventionnistes” proposées par les démocrates, notamment pour aider les gens privés de logements par la crise immobilière, il s’élève avec force contre cette tentation dont on sent qu’il la juge proche d’être obscène: «If we were to pursue some of the sweeping government solutions that we hear about in Washington, we would make a complicated problem even worse...»

Plus que toute autre considération, notamment technique (financière, économique), cette psychologie est la clef de la crise. Elle neutralise la pensée comme moyen d’adaptation aux réalités du monde et interdit les réactions qui pourraient tenter de lutter contre la crise. Le pompier est devant l’incendie qui gronde et recommande avec énergie de laisser les flammes se développer car elles seules sauront éteindre le feu. Cette logique invitant à être développée jusqu’à l’absurde, on constatera alors que ce n’est finalement pas faux puisque l’incendie s’arrêtera effectivement lorsqu’il n’y aura plus rien à brûler. «I told you so», dira alors le président.


Mis en ligne le 17 mars 2008 à 11H35