La crise climatique en avant toute

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La crise climatique en avant toute


26 juin 2007 — Un rapport développé par la bureaucratie de la Commission européenne présente un plan d’action contre les conséquences appréciées comme catastrophiques du réchauffement climatique. Le texte présente notamment un catalogue de mesures de protection et de restructuration des diverses infrastructures économiques, sociales, urbaines, etc., à prendre pour faire face à ce qui est appréhendé comme étant de nouvelles conditions climatiques extrêmes, chaotiques et imprévisibles.

Dans l’International Herald Tribune, Robert Castle présente ce jour les conditions et les effets produits sur la bureaucratie et la direction de la Commission européenne par ce rapport.

«The draft analysis by the European Commission paints a disturbing picture of the impact of rising temperatures that will scorch the southern Mediterranean, melt Alpine and Scandinavian snows and flood low-lying coastal zones around the Continent.

»Such is the scale of the potential problem that the report raises the possibility of “relocating ports, industry and entire cities and villages from low-lying coastal areas and flood plains.”

(…)

»The president of the European Commission, José Manuel Barroso, highlighted the need for a new global pact to stem global warming after visiting a Greenland glacier that has become a symbol of climate change.

»“We must do something. The situation is very dramatic,” Barroso told Danish news agency Ritzau after a boat trip late Sunday along the west coast of the giant Arctic island.»

(…)

»The draft of the European Commission's Green Paper “Adapting to Climate Change in Europe — Options for EU Action,” underlines the scale of the challenge.

»The document warns that, unless there is advance planning, European countries will be left to respond “to increasingly frequent crises and disasters which will prove much more costly and also threaten Europe's social and economic systems and its security.”

»It adds: “For impacts where we have enough confidence in the forecasts, adaptation must therefore start now.”»

La présentation du rapport est accompagnée dans l’article par des commentaires divers qui contribuent fortement à renforcer son caractère dramatique d’alarme invitant à prendre des mesures pratiques d’urgence. Même si la situation considérée peut être appréciée comme caractérisant les décennies à venir, l’impression donnée est qu’elle concerne une évolution à très court terme et que les mesures à prendre sont urgentes. La définition qu’on peut donner de ce document est bien celle d’un “appel à la mobilisation” (“wake-up call”).

«“What we are seeing now are the early signs of climate change as a result of the emissions produced in the 1960s and 1970s,” said Tom Burke, visiting professor at Imperial and University Colleges, London.

»“There is a 40 year lag between carbon entering the atmosphere and its effects starting to show.”

»He added that the report “is a wake-up call, and what is tricky about this is that we are going to have to spend billions preparing and adapting, and that is going to compete for money to stop climate change getting worse.”»

Barroso dans les glaces fondantes du Groenland

On peut envisager l’hypothèse que ce rapport est une étape importante dans la crise climatique, peut-être pas à l’égal du rapport Stern mais pas loin. Il est assez largement admis que la démarche en a été volontairement dramatisée, sans qu’on puisse parler de déformation par rapport aux projections et prévisions disponibles pour ceux qui l’ont rédigé. Il y a un accent volontaire mis sur la description physique des conséquences du réchauffement climatique et l’impression recueillie, — notamment à la lecture de l’article qui adopte lui-même ce ton, — est bien à la fois de l’urgence et de l’alarme (“wake-up call”).

Pour passer, selon une différenciation que nous avons déjà faite, de la méthodologie de la lutte contre le réchauffement climatique au jugement politique de la crise climatique, nous dirions que le rapport est un facteur politique de grand poids. La dramatisation, qui est jugée utile voire nécessaire pour une bureaucratie puissante comme celle de la Commission qui s’y est totalement investie, devient dans ce cas un facteur politique. Cela vaut quoi qu’on en pense du point de vue scientifique, car il est manifeste que l’aspect de contestation scientifique est aujourd’hui de plus en plus relégué au second plan. On parle, bien sûr, de ceux qui contestent l’aspect dramatique des effets du réchauffement climatique ou le poids de la responsabilité humaine. Ceux-là se battent pour ce qu’ils jugent être la vérité, ou pour d’autres raisons de type “moins avouable” mais tout à fait connues ; mais il est question de réalité et d’une réalité urgente, et leur bataille est à la fois anachronique et livrée sur un champ de bataille désormais désaffecté.

La puissante machine de la communication et de la bureaucratie est en route. Nous renforçons encore le constat que nous avons fait déjà : au plus elle est en crise, et elle ne cesse d’être de plus en plus en crise à mesure que les Etats se réaffirment au sein de l’Union, au plus la Commission s’affirme dans ce qui devient de plus en plus comme sa “cause célèbre”. Une source remarquait, en marge du voyage de Barroso au Groenland, au lendemain du sommet de Bruxelles : «Au plus il apparaît que ses conceptions économiques sont mises en cause, comme durant le sommet, au plus Barroso est tenté de se replier sur le thème de la crise climatique où il sent qu’il peut jouer un rôle “politique” important, cette fois soutenu par les Etats-membres… Alors il s’en va faire un tour au large du Groenland, on lui montre des icebergs et c’est la panique.»

Dans la suite du G8 et pour confirmer l’accès au premier niveau des préoccupations politiques de la crise climatique, le rapport confirme que 2007 est bien la première grande année de la crise climatique, et qu’il s’agit désormais d’un domaine politique autant que scientifico-général comme elle fut jusqu’à maintenant.

Désormais, le champ des conséquences politiques est vastement ouvert. Il peut être constitué au départ de faits climatiques parcellaires et de faits-divers catastrophiques, mais tous sont désormais reliés par la perception d’une cause commune ; il débouche alors sur ce qui nous paraît essentiel, qui est l’effet de la crise climatique sur la psychologie collective avec des conséquences systémiques fondamentales.

• D’abord, le rapport de la Commission, par l’esprit de la chose encore plus que par les recommandations qu’il énumère, accentue dramatiquement la division actuelle entre USA et Europe, en la poussant vers une division (une opposition) de conceptions.

• Ensuite, il renforce dans la psychologie collective, l’impression à la fois d’une évolution catastrophique et de la mise en cause systémique du progrès qui va avec.

Ces deux conséquences nous paraissent psychologiquement inéluctables. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que l’action de la bureaucratie européenne, lancée dans une “cause célèbre” qui la galvanise et affirme son caractère indispensable, travaille à terme contre les deux fondements de ses convictions : la proximité avec les USA et la croyance dans le progrès qui conditionne sa vision économiste du monde.


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