Soudain, l’Amérique washingtonienne découvre Ron Paul

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Depuis le 13 mai, après quelques semaines de consultation concernant sa décision théorique (voir au 27 avril 2011), Ron Paul a confirmé sa décision de se présenter à la désignation républicaine pour les présidentielles de 2012. Soudain, ce silence médiatique du Système qu’on décrivait auparavant est rompu par une avalanche d’articles, d’annonces et d’interviews…

• Le Washington Times reprend un très long article d’Associated press, ce 13 mai 2011. Ron Paul y est présenté comme “le parrain”, mais nous dirions plutôt “l’inspirateur de Tea Party”. Le journal washingtonien ne commente guère cette décision de candidature, gardant toute sa prudence parce qu’il est un soutien du parti républicain et qu’il sait que les caciques de ce parti n’aime pas du tout Ron Paul. Néanmoins, le choix du texte, très long et assez favorable à Ron Paul, trahit aussi un réel intérêt pour cette candidature.

«Texas Rep. Ron Paul announced Friday that he will run for the GOP nomination for president in 2012, the third attempt for the man known on Capitol Hill as “Dr. No” for his enthusiasm for bashing runaway spending and government overreach. “Time has come around to the point where the people are agreeing with much of what I've been saying for 30 years. So, I think the time is right,” said the 75-year-old Paul, who first ran for president as a Libertarian in 1988…»

• Tous les grands journaux et réseaux annoncent la candidature de Ron Paul, qui a, cette fois et au contraire de 2007, une incontestable dimension nationale. Voyez, par exemple, les textes de CNN.News du 13 mai 2011, comme celui de Politico.com ce même 13 mai 2011. La nouvelle de sa candidature, Ron Paul l’a donnée lors de la fameuse émission à grande audience, This Week, de George Stephanopoulos, sur ABC.News, le 13 mai 2011, toujours. Stephanopoulos lui pose une question intéressante, sur le fait de ne pas lancer une candidature indépendante («Why not run as an independent, given your differences with the Republicans on so many issues?»). Réponse claire et nette, et édifiante, de Ron Paul…

«Because we don’t have true democracy in this country. We lose lives going overseas, spreading our goodness and great democracy and we orchestrate elections. We don’t like them, we void them. We ignore them — I’m saying — if we don’t get the people we support and the people the CIA supports. But running as an independent here is just about impossible, unless you’re a billionaire like Ross Perot. You don’t get on the base. If I was an independent, George, you would not have me on this program this morning…»

• Un intéressant sondage a été publié le 5 mai 2011 par CNN.News. Il analyse les positions des principaux candidats à la désignation du parti républicain. Pour cette fois, Ron Paul est présent, faisant partie des options présentées aux personnes interrogées. (L’enquête, conduite le 30 avril-1er mai auprès d’un peu plus de mille personnes, concerne tous les Américains et pas seulement des membres ou des sympathisants du parti républicain.) On observe deux résultats principalement : ceux qui ont le plus de chances d’être désignés candidats républicains sont Huckabee avec 16% de voix (mais il a annoncé depuis qu’il ne serait pas candidat en 2012), Donald Trump avec 14%, Romney avec 13%, Palin avec 11%, Gignrich et Ron Paul avec 10%. Lorsque la question est : quel candidat républicain a le plus de chance contre Obama, Ron Paul vient en tête avec 45% contre 52% à Obama (7% à l’avantage d’Obama), dans l’évaluation et les choix des personnes interrogées. Huckabee est distancé par Obama de 8%, Romney de 11%, Gingrich de 17%, Palin de 19%, Trump de 22%.

Il ne faut pas s’en cacher : la décision de Ron Paul d’être candidat a eu un écho national inattendu aux USA. Par exemple, il s’agit de circonstances bien différentes de celles de 2007-2008, où la candidature Ron Paul était restée jusqu’au bout dans un semi-anonymat dans le cadre général des commentateurs-Système et de la presse-Pravda, malgré des performances diverses remarquables (notamment du point de vue de la levée de fonds de soutien dans le public). Soudain, on découvre aujourd’hui cette candidature, on l’annonce comme un événement important, chez les commentateurs-Système et dans la presse-Pravda. Le climat est différent.

Nous doutons bien entendu complètement qu’on puisse trouver dans ce soudain intérêt la moindre trace d’un enthousiasme quelconque, ou simplement d’une quelconque satisfaction. Du point de vue du Système, Ron Paul continue à être ce qu’il est, à être vu pour ce qu’il est, – un démolisseur du Système, un homme éminemment dangereux, un extrémiste, etc. Il est très probable qu’une campagne va se mettre en place contre lui, à cause de la réputation qui lui est faite d’être un “raciste”, à cause de son âge, etc. Il est acquis que rien n’est acquis, dans quelque sens que ce soit, pour ce qui concerne la candidature Ron Paul, notamment et d’abord dans son propre parti. Ron Paul a dit plus d’une fois que la campagne pour sa désignation comme candidat du parti républicain serait pour lui plus difficile que la vraie campagne présidentielle, dans sa phase finale, s’il y parvenait. On en a au fond une illustration dans le sondage cité, qui restitue une perception du public, qui n’est pas loin de constituer une caisse de résonnance des positions de tentative de verrouillage du Système contre lui : Ron Paul n’est que 5ème ex-æquo pour les chances qui lui sont données d’être désigné par le parti républicain, alors qu’il est désigné comme le premier pour les chances d’un candidat républicain contre Obama.

Quoi qu’il en soit, et tous ces éléments étant confrontés, il reste qu’on se trouve devant un fait politique majeur, qui engendrera pour Ron Paul une situation paradoxale. D’une part une réaction qu’on dirait convulsive, ou automatique, du système de communication, qui tend à faire de lui un concurrent “sérieux”, comme on le voit pour l’intérêt suscitée par sa candidature ; d’autre part, la tendance, qui subsiste et subsistera, à ne pas le considérer comme un concurrent “sérieux”, parce que cela semble être le seul moyen d’empêcher l’“accident” d’une position de Ron Paul soudainement irrésistible dans les primaires républicaines, jusqu’à une nomination imposée. Rien n’est écrit de ce point de vue, parce que la situation politique est effectivement totalement imprévisible (avec, en plus, l’entêtante et grandissante médiocrité des candidats-Système dans le parti républicain, qui interdit d’écarter toute possibilité pour la candidature Ron Paul ). Il est acquis désormais que le système de la communication, qui a cette attitude de Janus qui le fait céder dans telle ou telle circonstance à des circonstances contraires aux intérêts du Système, peut effectivement réagir en reconnaissant l’existence de Ron Paul et en renforçant sa notoriété ; là aussi, là surtout, l’incertitude règne.

Ron Paul a vu juste dans ses déclarations annonçant sa candidature. Jamais les temps n’ont été aussi favorables à une candidature aussi étrangère au Système qu’est la sienne, pour toutes les raisons du monde, et essentiellement pour cette raison que la Grande Crise est en mode de développement-turbo. Il y a là un facteur important dont le contrôle échappe à la vigilance intraitable qu’a toujours montré le Système vis-à-vis des élections présidentielles aux USA. Dans le chaos des circonstances qui forment aujourd’hui la situation politique, et handicapent d’autant le Système qui n’a de pire ennemi que le chaos qu’il n’a pas suscité lui-même, il n’est plus impossible que la candidature Ron Paul puisse passer au travers des mailles du filet de protection du Système.


Mis en ligne le 16 mai 2011 à 08H56