Retour de Crimée et rumeurs de Sarko

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Retour de Crimée et rumeurs de Sarko

La délégation de parlementaires français en expédition en Crimée a donc passé deux jours dans cette région charmeuse et ensoleillée, qui est au centre de la dimension internationale et déterministe-narrativiste de la crise ukrainienne. Les médias russes, à vocation évidemment antiSystème, ont évidemment donné un maximum de publicité à cette visite, considérée par la Russie comme le premier acte fondamental de communication, par le caractère représentatif et officiel des membres de la délégation, sur la voie d’une reconnaissance de “la Crimée, province russe” par le bloc BAO. Les parlementaires français, eux, n’ont pas mégoté leur participation à cette offensive médiatique russe qui a pour elle le caractère de l’évidence. Rien que sur RT-français, on trouve au moins (nous ne prétendons pas avoir tout repéré) deux interviews directes (questions-réponses) de deux participants à ce voyage (Claude Goasguen et Jacques Myard) et de très nombreuses interviews indirectes, rapports de points de presse et de conférence de presse, rapports sur les impressions de la visite, etc. (Voir notamment le 22 juillet 2015, le 23 juillet 2015, le 23 juillet 2015, le 25 juillet 2015, etc.) On trouve sur Sputnik-français et sur Sputnik.News une aussi grande abondance de rapports, de dépêches et d’interviews. On prendra, à partir de ce site, une des synthèses finales, le 27 juillet 2015, faites à Moscou, auprès de la délégation retour de Crimée. On notera bien entendu le dernier paragraphe, faisant état de ce que l’on doit qualifier pour l’instant de “rumeurs”, savoir la possible venue de Sarkozy en Crimée...

«Le sénateur et membre de l'Assemblée parlementaire de l'OCSE Yves Pozzo di Borgo, a regretté que pendant la session de l'Assemblée parlementaire de l'OCSE à Helsinki début juillet 2015, les Américains et les Canadiens aient “attaqué fortement les Russes en disant qu'en Crimée c'était carrément le Vietnam”. Dans une interview accordée à la radio Sputnik, le sénateur a qualifié cette démarche de caricaturale et a appelé d'autres parlementaires européens à se rendre en Crimée. “Cela ne sert à rien de discuter dans des Assemblées parlementaires de sujets quand personne n'allait voir ce qui se passe…La Crimée est heureuse, d'après moi, de ne pas être en guerre comme dans le Donbass. Mais il y eu une impression que les gens de Crimée se sentaient russes. On espère que d'autres parlementaires d'autres pays ou même le Parlement européen puissent aller en Crimée pour voir [la situation sur place]. Il n'est pas normal que la diplomatie européenne ne soit pas informée véritablement de ce qui se passe en Crimée”, a affirmé Yves Pozzo di Borgo.

»Mme Marie-Christine Dalloz, secrétaire de la commission des finances à l'Assemblée nationale, qui représente la France au Conseil de l'Europe ainsi qu'au sein de son Assemblée parlementaire, a attiré l'attention sur le fait qu'il n'est pas raisonnable dans le contexte actuel de rompre le dialogue avec la Russie au niveau européen: “Très honnêtement, au Conseil de l'Europe, je vais encore plus dire que ce n'est pas normal que la Russie n'ait plus une voix. Ce n'est pas possible de continuer comme ça”. Encouragée par le voyage effectué en Crimée, la députée a déclaré à la radio Sputnik qu'elle y a appris beaucoup sur la situation dans la péninsule. “C'est ma première visite en Russie, c'est ma première visite en Crimée. Je repars plus forte que je ne suis venue. Je me suis fait ma propre idée de ce que j'ai vu, des gens que j'ai rencontrés dans la rue. Sincèrement, je ne m'attendais pas à découvrir un pays ouvert, qui n'est pas arriéré du tout, qui est en avance où il y a une industrie, où il y a des enjeux financiers, économiques”. [...]

»A l'issue du voyage, Nicolas Dhuicq a également fait part de ses impressions. Quant à lui, c'était très agréable d'aller à la rencontre des gens (des habitants, des vacanciers) qui étaient présents en ce moment-là en Crimée. “Ils nous ont accueilli un peu étonnés au départ et puis avec un très grand cœur. La presse occidentale se trompe si elle dit que s'était préparé et organisé parce qu'il faudrait vraiment que les gens soient de très bons acteurs qui soient très nombreux”, a conclu le membre de la délégation française qui a été en visite en Crimée pendant trois jours.

»Le voyage des parlementaires français n'est pas passé inaperçu en Europe. A part des réactions plutôt hostiles des autorités françaises, la visite des Français en Russie a suscité un grand intérêt chez certains hommes politiques et députés français comme européens. L'ex-président et le chef des Républicains N. Sarkozy pourrait également se rendre en Crimée dans un avenir proche, selon certaines informations...»

Les jugements de la presse-Système française sont absolument convenus, sans le moindre intérêt puisqu’au niveau de la raillerie de salon (“ridicule”, “une plaisanterie”, “tourisme d’une Crimée comparée à notre-Côte d’Azur”) et de la pompe-poire de tribune radsoc (“honteux”, Fabius- “choqué”), l’une et l’autre directement suscitées par le Système lui-même à partir de sa seule narrative sur la Crimée, l’Ukraine et la Russie ; par conséquent, on donnera encore une appréciation générale non-française, évidemment constructive et dans tous les cas hors des rets du déterminisme-narrativiste puisque venue de RT (le 25 juillet 2015), à partir de l’interview d’un journaliste britannique. John Wight, qui a collaboré avec des médias aussi variés que The Independent, Huffington Post, CounterPunch, BBC et RT, nous donne une vision extérieure à la France sur cette visite. Il la considère, 1) comme un signe d’une fracture importante du monde politique français sur la question russe, et 2) comme l’annonce d’un déplacement tectonique, également rupturiel, à l’intérieur de l’UE vis-à-vis de la Russie ...

RT : «What does this visit of high-profile officials mean?»

John Wight : «It shows that all is not well within the French political class over the sanctions and the policy being followed by the Hollande government towards Russia. As is no surprise given that France is the second largest investor in Russia after Germany: 1,200 French companies were doing business in Russia and with Russia before the sanctions began in 2014. We’re looking at the cost of enumerable French jobs to the sanctions. This obviously had the deleterious impact on the French economy. And not to mention I think more important is the grievous impact its having on global security given the rise of terrorism across the world and the fact that Russia is a major economy, a major country, advanced country, and the idea they can be treated as an outcast going forward is really unsustainable and unrealistic.»

RT : «The French Foreign Minister said he was shocked by the visit. Why did he react so strongly?»

John Wight : «He is following a hawkish ideological line that comes from Washington that Russia has to be treated to a threat to European domination backed up by Washington. But as I said I think that a schism is starting to appear in France and all over the EU and in the US with regard to this policy – it is unsustainable. Those who follow this policy are leading the world to disaster because terrorism is growing, it is not going away. And the idea that we’re discussing a rapid reaction force, for example, in Eastern Ukraine and Latvia to contain Russia, when there is no such rapid reaction force being spoken about with regard to ISIS - it just shows you the cognitive dissonance that is driving this policy.»

RT : «Will we see other European delegations visit the disputed region?»

John Wight : «Yes, this is going to encourage other such delegations, people want to get to the bottom of this...»

On note sans aucun doute, sur les diverses vidéos RT et autres, l’humeur enjouée des visiteurs de Crimée, qui n’ont pas l’air de faire cela comme des voleurs ou des relaps risquant un terrible chasse aux sorcières à leur retour, suivie d’un bûcher que le terrible Premier-Inquisiteur Manu-Valls allumerait en chantant une Internationale type-Hymne à la Joie à la gloire de l’Europe et du Corporate Power. Certains confient volontiers que nombre de députés et de sénateurs pensent comme eux, en France, mais se taisent, justement par crainte du bûcher. Bien entendu, on retient avec intérêt l’allusion qui est faite dans le texte de Sputnik-français concernant Sarko himself L'ex-président et le chef des Républicains N. Sarkozy pourrait également se rendre en Crimée dans un avenir proche, selon certaines informations...»).

La question que soulève cette sorte de rumeur va de soi ... Elle est de savoir si Sarko n’envisagerait pas, comme cheval de bataille, non pas de changer de cheval mais plutôt de bataille. Engagé dans une bataille où il s’est beaucoup épuisé puisqu’obligé par ses obligations-Système (il n’en imagine pas d’autre, il ne faut pas trop lui demander) de suivre la voie tracée par le subtil président-poire de liquider la Grèce, il serait logique qu’il envisageât de faire basculer sa stratégie en changeant de bataille justement, en l’orientant vers la question russe. Pour Sarko, ce n’est pas une question de conviction mais une question de communication ; de conviction, il n’a guère, ce qui fait de lui une matière autrement malléable que le mol président-poire dont la surprise qu’il nous a réservée est qu’il y a une chose dure qui trône dans sa mollesse, son absolu emprisonnement à l’Europe pseudo-allemande et sûrement de-plus-en-plus fédéralisée, – bref, à cette Orque dont nous ne voulons pas savoir qui la dirige subrepticement (la “Secte” n’est qu’une exécutante) puisque l’essentiel est que, égrégore comme elle est, elle ne peut que se diriger hors de toute maîtrise humaine, selon la logique autodestructrice du Système plutôt que d’après les théories de monsieur Jean Monnet qui vont pourtant dans le sens qu’il faut. Sarko n’a aucune conviction, donc il prend ce qui passe à bonne portée et lui permet de figurer en termes de communication, et dans cette occurrence il peut se faire qu’il se saisisse de quelque chose d’intéressant. Nous sommes même assuré que, s’il jugeait la chose intéressante et prometteuse, il serait capable de s’enfuir à Londres et de prendre un micro pour lancer un appel “les Français Libres parlent aux Français”...

Mais ce personnage sans foi ni loi et qui fut président, n’est après tout que “humain, trop humain”, c’est-à-dire ni absolument inhumain, ni absolument mauvais. (Plotin nous enseigne, certes, ceci qui vaut pour le pire de l’humanité dont grande manifestation est faite aujourd’hui, que «les autres [les sapiens notamment], ceux qui participeraient de lui [du mal] et s’y assimileraient, deviennent mauvais, n’étant pas mauvais en soi»). Il a notamment des amitiés tenaces, dont celle de Poutine n’est pas la moindre. Ainsi peut-on dire que Sarko serait, accidentellement, assez prorusse comme il l’a montré encore récemment (voir le 13 février 2015). S’il sent qu’il y a quelque chose de vrai, c’est-à-dire de “tendance”, dans ce que nous dit Wight, savoir que se dessine une véritable fracture, et dans le monde politique français, et même en Europe, avec un parti prorusse qui pourrait trouver argument dans la visite de Crimée pour s’affirmer à visage découvert et secouer la tyrannie de l’Orque, pourquoi ne se verrait-il pas, lui, s’affirmant comme leader, y compris leader européen de ce parti-là ? A ce moment, oui, la visite en Crimée ne serait plus “un coup” comme on en fait en communication lorsqu’on s’en tient au seul effet immédiat sans en attendre de lendemain, mais un “coup d’envoi” lançant une grande campagne de communication.

Tout cela ressemble fort à une hypothèse sur une tambouille politicienne et électoraliste, – What else? avec Sarko, –mais il se trouve que cela croise, comme par hasard ou par l’intervention des dieux qui voudraient redonner à la France un rôle plus conforme à ses origines, une voie vertueuse où l’essence principielle et notamment la souveraineté, absolument épuisées et martyrisées par les récentes aventures ukrainiennes et grecques, pourraient trouver de quoi étancher leur soif de vertu civique et de hauteur d’âme. Nous envisagions déjà cette voie, justement, dans le texte référencé sur l’hyperdésordre-à-la-française, et c’est bien de cette façon que nous présentions l’escapade en Crimée, le 24 juillet 2015. Il est donc temps de citer le Général soi-même, celui des Mémoires de guerre, selon sa fameuse formule qui est un de nos fétiches, – mais qu’il importe en général d’inverser pour respecter la chronologie et le sens de la cause à l’effet conformes à l’esprit du temps : «Tout peut, un jour arriver, même ceci qu’un acte conforme à l’honneur et à l’honnêteté apparaisse, en fin de compte, comme un bon placement politique.» (Ce qui donne : “Tout peut, un jour arriver, même ceci qu’un bon placement politique apparaisse, en fin de compte, comme un acte conforme à l’honneur et à l’honnêteté”.) Tout de même, quelle époque formidable ! Arriver à faire tenir, dans une même phrase et une même idée, Sarko d’une part, honneur et honnêteté d’autre part, comme si c’était du même parti, du même esprit, du même pays...


Mis en ligne le 27 juillet 2015 à 14H29