Promis, la Longue Guerre avec Moscou durera jusqu’en 2024

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Promis, la Longue Guerre avec Moscou durera jusqu’en 2024

Selon le quotidien italien La Stampa, Obama avertit ses “amis” du bloc BAO, principalement de l’UE, que ses experts les plus fins sur la Russie ont consulté leur boules de cristal et conclu, 1) que Poutine restera au pouvoir jusqu’en 2024 (réélection en 2018), et 2) que la “guerre” (par conséquent, imagine-t-on) avec la Russie durera jusque-là ... “Au moins” jusque-là avec possibilité de poursuivre avec le successeur de Poutine, ou bien cela tient-il simplement à Poutine ? On verra ... C’est le National Security Council (NSC), c’est-à-dire l’espèce de “gouvernement spécial” qui étudie et produit les grandes orientations de la sécurité nationale pour le seul président US, qui a développé ces prévisions sous forme d’une sorte d’abstract avant d’en faire un grand rapport sous la direction de Celeste Wallander, directrice des affaires russes et eurasiennes dans cette organisation.

La Stampa dit avoir eu consultation du document adressé au gouvernement italien, comme sans doute, on peut le supposer, à d’autres pays européens et divers autres “amis” du bloc BAO. C’est RT qui signale cette publication de La Stampa sans donner beaucoup de précisions, le 22 avril 2015.

«The US reportedly expects that the ongoing confrontation with Russia would continue until at least 2024 and involve many directions. Washington wants to rally support of its European allies to continue mounting pressure on Moscow. The expected diplomatic and economic war of attrition is being outlined in a Russia policy review currently prepared by Celeste Wallander, special assistant to President Barack Obama and senior director for Russia and Eurasia on the National Security Council, reports Italian newspaper La Stampa. The publication said it learned details of the upcoming policy change from a preview that Washington sent to the Italian government to coordinate the future effort.

»US diplomats say Russia changed the cooperative stance it assumed after the collapse of the Soviet Union and is now using force to defend its national interests, the paper said. The change is attributed to the personality of Russian President Vladimir Putin, who, Washington expects, will remain in power until at least 2024. The change became apparent with the conflict in Ukraine, but was emerging since at least the 2008 conflict in South Ossetia, when Russia used military force after Georgia sent its army to subdue the rebellious region, killing Russian peacekeepers in the process.

»Washington’s solution to the new Russia is keeping sanctions pressure on it while luring its neighbors away with economic aid and investment, La Stampa said. The current round of sanctions, it reports, was designed not to have too much impact on the Russian economy so that a threat of harsher sanctions could be applied. While the tug of war in Europe continues into the next decade, Washington wants to continue cooperation with Russia in other areas like nuclear non-proliferation and space exploration. However until Putin is out of the picture, the US does not expect for things to go back to where they were, the newspaper said.

»The strategy was hardly unnoticed in Moscow, as evidenced by the annual report of the Russian Foreign Ministry published on Wednesday. The document said the US is pursuing “a systematic obstruction to Russia, rallying its allies with the goal to damage domestic economy” through blocking credits, technology transferee and an overall destabilization of the business environment.»

A ce stade d’approximation (contenu du document, réelle valeur qui lui est accordée, diffusion, etc.), il est très difficile de spéculer sur les très rares détails qui sont donnés ; au reste, il se pourrait bien que cette démarche soit inutile, tant ce type de travail débouche en général sur des spéculations invérifiables, répondant en général à un état d’esprit-Système “du jour” (ou de la semaine) puisqu’il s’agit d’évaluer quelque chose qui durera jusqu’en 2024 à la lumière d’une situation politique présente, et pour complaire à cette situation présente. En effet, sauf cas exceptionnel qui peut tenir soit d’une pulsion suicidaire soit d’un hasard extraordinaire, soit d’une défaillance tout aussi extraordinaire du Système, il n’y a en effet aujourd’hui plus rien, dans les sphères officielles et chez les experts-Système, dans le bloc BAO, qui ne réponde strictement au conformisme général, c’est-à-dire aussi bien à ce qu’attendent les dirigeants politiques selon les normes du système de la communication tel que le manipulent leurs communicants, et d’une façon générale au déterminisme-narrativiste. Le document témoigne de cela, y compris dans l’historique qui reprend tous les thèmes de la narrative du bloc BAO, y compris en attribuant toute la responsabilité de la guerre en Géorgie de 2008 à la seule Russie (c'est logique puisque les enquêtes internationales avaient confirmé à l’époque que c’était le Géorgie de Saakachvili qui avait attaqué avec les encouragements de Washington). On s’en tiendra donc à une analyse spéculative du fait lui-même de cette analyse prospective nous fixant le délai d’une Longue Guerre d’attrition avec la Russie au moins jusqu’en 2024, cela en corrélation avec le maintien au pouvoir de Poutine jusqu’en 2024.

Dans ce cas, il s’agit d’un renversement complet des perspectives et des prospectives US à cet égard, de ces derniers mois. La tendance-Système, selon les consignes écoutées au garde-à-vous, était de pronostiquer une réussite exceptionnelle de l’offensive lancée contre les Russie avec les sanctions et l’attaque financière de la fin 2014, avec comme programme pour suivre très, très rapidement un mécontentement accéléré de la population vis-à-vis du pouvoir (Poutine), la mise en cause de ce pouvoir, voire un regime change, voire même et surtout l’éclatement de la Russie à partir de 2015, – et, bien entendu, l’insupportable et autocratique Poutine balancé dans quelque poubelle de l’histoire passant par là. C’est une “pointure” dans l’expertise de l’URSS/Russie comme Strobe Talbott qui annonçait précisément cela en décembre dernier (voir Reuters, le 16 décembre 2014), comme nous le commentions le 22 janvier 2015. Il s’agissait d’un texte consacré à George Friedman, lui-même archétype de l’expert-Système postmoderne.

... Cela permet de rappeler que Friedman lui-même, dans son interview à Kommersant de décembre 2014 (voir le 22 janvier 2015) annonçait exactement la même chose que Talbott, jugeant que la Russie «fait face désormais à tous les facteurs qui ont conduit à l’effondrement de l’Union Soviétique...». C’est une précision remarquable d'originalité alors que le président de la Russie réunit 85% de soutien puisque c’est sous-entendre par conséquent que la popularité extrême du régime est “une des conditions qui ont conduit à l’effondrement de l’Union Soviétique”, – voilà donc Friedman, ou l’art de la diversion par l’inversion... Depuis, Friedman est par conséquent devenu l’expert n°1 de la pensée américaniste, qu’on écoute avec dévotion. Il devra donc simplement changer de calendrier narrativiste, et annoncer l’effondrement ou l’éclatement de la Russie pour 2025 finalement et toutes réflexions faites, – allez, disons le 4 juillet 2025, pour faire court et enrichir la fête nationale des USA qui auront à ce moment étendu leur hégémonie actuelle sur la Terre, à Mars et à Vénus (pour faire plaisir à Robert Kagan et à sa femme Victoria Nuland). Bref, – ou plutôt long, – le 22 janvier 2015, nous écrivions donc, Friedman et Talbott en bandouillère :

«... A cette lumière, voici que l’interview [de Friedman] nous apporte surtout, d’une remarque ici à une analyse là, une appréciation inédite et d’un très grand intérêt des intentions des USA maintenant que la crise ukrainienne est engagée dans son volume maximal. Cela nous instruit de la perspective qu’il faut attendre ... Les deux extraits que nous jugeons révélateurs sont les suivants:

»• “Je ne pense pas que le but principal des USA soit le changement de régime en Russie. Le but principal, c’était de limiter le plus possible les capacités de manœuvre des autorités russes, ce qui est effectivement en train de survenir. Mais il y a bien sûr d’autres facteurs qui jouent un rôle, comme par exemple le ralentissement de l’économie russe et la chute du prix du pétrole...”

»• “Mais la question principale est bien de savoir si la Russie peut évoluer dans tout cela en n’éclatant pas. Elle fait face désormais à tous les facteurs qui ont conduit à l’effondrement de l’Union Soviétique...”

»Il s’agit d’une précision capitale, qui s’accorde avec l’évolution de la situation intérieure à Washington, de l’utilisation à visage découvert par Washington de mesures d’agression et de guerre économiques contre la Russie, et jusqu’aux remarques redondantes d’Obama sur la débâcle économique de la Russie. (Comme toujours, on ne s’attache pas ici à l’intérêt de ces jugements, mais bien au fait qu’ils soient exposés en pleine lumière, rejoignant la démarche analytique-Système de Friedman.) Ainsi est-on conduit à admettre que Friedman ne dissimule rien lorsqu’il précise que Washington ne cherche pas à provoquer une situation de “regime change” à Moscou, qu’il cherche selon une logique différente à limiter, voire à neutraliser les capacités de manœuvre et de riposte du gouvernement russe. La raison en est donnée par la deuxième citation: le but, aujourd’hui à Washington, n’est plus de modifier le régime, de remplacer Poutine par une sorte d’Eltsine revu à la sauce Porochenko, mais bien d’accompagner et d’accélérer ce qui apparaît inéluctable aux yeux des experts-Système: l’effondrement de la Russie et son éclatement, – un remake décisif et enfin définitif de 1989-1991.

»Cette conception est recoupée par d’autres sources et déclarations, comme celle de Strobe Talbott, grand spécialiste[ ...] de la Russie dans l’establishment washingtonien, qui se fait spécialiste des questions ethniques pour annoncer, de son côté, l’effondrement de la Russie en 2015 à cause des poussées ethniques, notamment de la part des communautés musulmanes de la Fédération de Russie. (Voir le 16 décembre 2014, sur Reuters: “The year ahead [2015] could see the outbreak of the third Chechen war, which, in turn, could be the death knell of the Russian Federation in its current borders. If, as is imaginable, Russia dismembers itself later this century — the way the Soviet Union did in 1991 — it will largely be a consequence of President Vladimir Putin’s policies.”) Cela rejoint aussi l’idée du “breaking point” [de la Russie] pour lequel Obama affirme montrer une “strategic patience” qui sera récompensée effectivement par l’éclatement de la Russie (voir le 2 janvier 2015).»

... Et voilà que tout change ! Il va falloir modifier les manuels hyper-classifiés, puisqu’on nous annonce que l’indestructible Poutine, nouvel “homme d’acier” (“sens littéral du pseudonyme ‘Staline’”, nous dit Wikipédia), sera encore là en 2024, et donc, on l’imagine, la Russie complète et en bon état avec lui. Quant aux sanctions, décrites jusqu’à fin 2014 comme terribles et absolument dévastatrices (elles devaient emporter, avec l’ouragan financier en plus, la Russie en quelques semaines), elles deviennent d’une douceur presque angéliques, et si subtilement tactiques. («The current round of sanctions, it reports, was designed not to have too much impact on the Russian economy so that a threat of harsher sanctions could be applied.»)

Tout cela permet d’annoncer aux Européens, 1) qu’ils ont plus que jamais intérêt à rester groupés et regroupés autour du pôle de vertu, de puissance et d’intelligence que sont les USA, au moins jusqu’en 2024 ; 2) qu’ils resteront ennemis jurés de la Russie absolument poutiniennes, sans rapprochement possible, jusque-là ; 3) qu’il y aura de nouvelles sanctions puisque celles qui ont été appliquées étaient volontairement soft et qu’elles seront beaucoup plus dures que celles qui ont été imposées ; 4) que l’économie européenne, déjà sérieusement amochée par le blowback des sanctions actuelles, devra faire avec ; 5) que etc. Voilà où nous en sommes, puisque nous avons pris ce document au sérieux, et que rien ne peut plus nous étonner et que tout est possible ... Y compris que ce soit un canard concocté par WikiLeaks ou Anonymous, par la CIA dans l’un de ses multiples coups fourrés labyrinthiques ou par Poutine lui-même, pour se donner l’illusion de la durée...


Mis en ligne le 23 avril 2015 à 05H55

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