Les médias BAO en Syrie : une plume commune et hallucinée

Bloc-Notes

   Forum

Il y a 2 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 1283

L’excellent journaliste et auteur britannique Matt Carr entretient avec persévérance et alacrité un blog de qualité, qui emprunte son titre à l’un de ses livres : Infernal Machine. Ce 16 mars 2012, il consacre un petit billet au sujet des médias de notre civilisation, le bloc BAO, en Syrie, – plus que jamais, journalistes “en bloc”, écrivant comme s’il s’agissait d’une seule plume.

Carr s’exclame à propos du comportement professionnel de ces journalistes-Système. Il cite d’abord l’analyste et “bloggeuse” Sharmine Narwanbu et sa “lettre aux journalistes occidentaux”, le 15 mars 2012, plus précisément intitulée : “Chers journalistes occidentaux… Restez chez vous”, sous-entendant qu’après tout ils feraient un aussi bon “travail” à partir de leurs chambres à coucher transformées en bureau, Rive Gauche ou Fleet Street.

…Puis Matt Carr s’emporte, devant l’extraordinaire comportement de ces journalistes : «I am not an apologist for the Assad regime and I am not trying to argue that these atrocities were all invented (though some of them certainly have been), but given that many of them come via opposition sources such as the Syrian Observatory for Human Rights, there should be room for a degree of scepticism and fact-checking at the very least.

»Obviously, it is not possible to verify all sources in the midst of an armed conflict, but Narwani has done some fact-checking of her own, and shown what can be done when the will is present. But for the most part this willingness has not been present. Most journalists simply take it for granted that the regime is always lying and the opposition is always telling the truth. Nor is there any reference to the fact that the opposition in Syria – or at least some sections of it – is an armed opposition, which has also carried out killings, kidnappings, and bombings of its own.

»At times the refusal to admit this is quite incredible. In all the coverage of the siege of Homs, for example, I cannot recall a single reference to the fact that there were armed fighters in the city. Even reporters who were actually there presented a scenario in which the Syrian armed forces appeared to be killing civilians for the sake of it.

Paul Conroy, the wounded photographer who was evacuated from the city, described the siege as a ‘systematic slaughter‘ and insisted that ‘ this is not a war, it’s a massacre’. This begs the question of why the Syrian army would need to besiege and bombard a city for three weeks if there were not armed fighters inside the city who were actively resisting them.

»Once again, I am not trying to justify the brutality of the regime’s response. But the fact that Conroy and his colleagues (at least the ones that I saw and heard), chose not to mention the armed opposition in the city or the weapons and tactics it was using is really astounding. But then again, it isn’t. Because, as Narwani eloquently points out, western reporters, like their governments, appear to have taken sides in Syria without even knowing what side they are on.

»They have, for the most part, accepted a fairytale version of the Syrian conflict in which a) an utterly evil dictator is slaughtering a peaceful and unarmed opposition that represents the ‘Syrian people’ in its entirety, b) crimes and atrocities are only committed by one side and c) the interests of the ‘international community’ in Syria are entirely driven by a humanitarian desire to ‘stop the violence.’

»To say that this narrative does not fully encapsulate the complexities of the conflict would be an understatement. It isn’t surprising that governments whose essential goal in Syria is regime change should be peddling this version of the conflict. But the fact that so many journalists and media outlets are uncritically and unquestioningly peddling the same mythologies, is a depressing reminder that press freedom and the absence of censorship is not always synonymous with independent thought or even basic journalist standards.»

Un peu plus haut avant cette analyse, Matt Carr remarque que tous ces gens, qui font métier d’informer, n’ont cessé, au moins depuis 9/11 (et même avant, avec la guerre du Kosovo, la “première guerre virtualiste”), d’aller d’évidence en évidence de la tromperie des informations qu’ils avaient diffusées, en général suivant fidèlement la narrative officielle. («Despite the abundant evidence of media manipulation, spinning, distortion and deception during the ’9/11 wars’ of the last decade, western journalists appear to have collectively abandoned their analytical or critical faculties when it comes to Syria, to a degree that is really quite staggering.») Carr note également, avec toutes les raisons du monde de le faire, qu’il n’existe aucun état de censure, de contrainte, etc. («…press freedom and the absence of censorship is not always synonymous with independent thought or even basic journalist standards.»)

C’est absolument notre sentiment. Il ne s’agit pas d’une presse contrainte, soumise à la surveillance des autorités, obligée de suivre une ligne officielle. L’état de liberté est tout à fait acceptable, et ainsi nous trouvons-nous sur un territoire qui n’a aucun rapport avec les normes auxquelles nous sommes habitués pour juger d’une “presse libre”. Nous dirions pour compléter la pensée de Carr en y ajoutant notre sentiment que tous ces gens (les “journalistes”) agissent et écrivent de bonne foi par rapport à leur propre conscience, – et cette “foi” et cette conscience sont si considérables qu’il n’y a plus de place disponible pour une incursion de la réalité, moins encore de la vérité (la vérité étant, dans ce cas, ce que les réalités de la situation nous disent du sens fondamental de la situation qu’elles décrivent).

Il s’agit effectivement d’esprits qui ont choisi leur camp avant même d’en connaître quoi que ce soit, d’une certaine façon avant même qu’il y ait formation des “camps” qui vont s’opposer. Dans leurs cas, l’expérience ne joue aucun rôle, sinon celui, en situation de complète inversion, de mettre dans l’esprit l’idée que l’échec précédent n’est pas dû aux erreurs de leurs camps, à leurs propres erreurs et aux déformations qu’ils ont imposées à la réalité, au mépris absolu qu’ils ont montré pour la vérité, mais qu’il est dû au contraire aux “erreurs” de la réalité par rapport à la narrative qui lui était dictée d’une façon impérative. D’une certaine façon, il est assuré qu’ils continueront à déformer de plus en plus la réalité, à contraindre de plus en plus la vérité, jusqu’à ce qu’enfin, selon leur attente dans tous les cas, réalité et vérité capitulent et se conforment à la narrative.

L’affaire, ici, n’est pas de savoir s’ils réussiront, puisque c’est une proposition complètement absurde. L’affaire est plutôt de voir que cette conformation de l’esprit dépend d’une psychologie complètement subvertie et invertie par des forces extérieures qui n’ont rien à voir avec une machination ou un complot de nos directions politiques, ou de services divers et spécialisés, les unes et les autres étant eux-mêmes soumis au Système général dont ils dépendent tous. On en revient par conséquent à la “source de tous les maux”, et c’est bien elle qu’il faut solliciter pour espérer esquisser une explication acceptable. Cette influence qui pénètre constamment leurs psychologies en les déformant ne leur laisse aucun répit, et elle les conduira à déformer de plus en plus la réalité, à mesure de la puissance de cette réalité et de la description de plus en plus radicalement invertie qu’ils en font et en feront. Il s’agit de décisions faussaires à partir d’une situation faussée dans sa description, autant que dans ses causes et dans ses effets supposés, et rien ne changera cette orientation. Ainsi poursuivront-ils sur la voie de la dissolution accélérée de ce qu’il leur reste de comportements civilisés, puisque leur compte-rendu complètement faussaire de la réalité est aussi celui qui est offert également, en général, aux directions politiques, et à partir desquelles ces directions prennent leurs décisions. Tout cela marche sur la musique du Système poursuivant sa quête de la barbarie finale en transformant sa dynamique de surpuissance en dynamique d’autodestruction (de dissolution).


Mis en ligne le 16 mars 2012 à 12H07