Le JSF et les languissantes indécisions des amis

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Deux nouvelles informations, une directe et l’autre indirecte, ont été données concernant la commande du JSF par Israël, qui aurait dû être passée et qui ne l’est pas encore.

• Un texte de World Tribune du 11 août 2010, qui détaille surtout les désaccords des experts sur la commande du JSF, avec une majorité contre la commande. Le texte annonce que le Pentagone veut une décision pour septembre. Il y a moins d’un mois (le 21 juillet 2010), il exigeait une décision pour le 31 juillet.

• Un article de David A. Fulghum, d’Aviation Week, le 12 août 2010, d’une exemplaire confusion. Fulghum s’est rendu à Pentuxent River pour parler avec la Navy et Lockheed Martin des conditions de transfert des systèmes ECM (contre-mesures électroniques) aux alliés qui achèteront (achèteraient ?) le JSF. Conclusion : le problème est complexe, les contre-mesures électroniques encore plus, et les conditions de transfert, surtout vers Israël, restent extraordinairement nébuleuses. On ne sait pas grand’chose de plus.

A ces diverses nouvelles qui n’en sont guère, on ajoutera le rappel de la position hollandaise.

Notre commentaire

@PAYANT Le psychodrame israélo-américaniste sur le JSF est une affaire dont la constance, la durée et les péripéties ne cessent d’étonner. C’est depuis l’été 2007 qu’Israël est pressé de commander le JSF, après y être entré comme coopérant en 2003. Les intentions de commande sont passées de 100 à 25, à 75, à nouveau à 100, à nouveau à 25, puis, désormais, semble stagner au chiffre étonnant de 19 avions à $160 millions, – en attendant mieux ou en n’attendant rien d’autre... Diverses “nouvelles” ont été annoncées ces dernières semaines et la décision de commande devait être prise fin juillet lors d’une visite du ministre de la défense israélien Barak au Pentagone. Elle semble donc renvoyée en septembre, tandis que le débat fait rage en Israël, avec une opposition à la commande du JSF qui ne désarme pas, dans les milieux des experts les plus respectés. Barak, personnalité falote et de peu de poids, peine beaucoup à imposer une décision d’achat, si d’ailleurs il en est vraiment partisan, ce qui reste à voir.

On a vu, par ailleurs, que la position hollandaise n’est pas plus encourageante (la Hollande et les USA négocient pour l’instant la possibilité pour la Hollande de ne pas acheter le deuxième prototype, alors qu’on sait que la décision de commande est sans doute renvoyée à 2015). Avec Israël, il s’agit de deux pays essentiels du programme, pour diverses raisons dont leur notoriété dans la communauté pro-américaniste et leur capacité professionnelle ; deux pays sur lesquels le Pentagone et Lockheed Martin comptent comme deux locomotives des commandes internationales, qui peinent diablement à s’engager.

Les deux engagements de commande déjà annoncés (l’Australie et le Canada) sont fragiles, – surtout celle du Canada qui a été faite sans mise en concurrence et dont l’opposition a affirmé qu’elle reviendrait dessus si elle revenait au pouvoir. Dans tous les cas, ces deux engagements sont des intentions et ne sont nullement formalisés par quelque document d’engagement que ce soit. Les autres pays du programme JSF, y compris le Royaume-Uni, sont devenus extrêmement prudents sur leurs intentions de commande, que ce soit du point de vue des chiffres ou du point de vue de la chronologie, et ils n'ont annoncé aucune intention ni décision. Tous sont confrontés à une double pression qui est d’une part l’incertitude du programme et d’autre part leurs propres incertitudes, tant du point de vue de leurs propres situations budgétaires que du point de vue de la valeur opérationnelle de l’avion, que de son opportunité opérationnelle dans les conditions d’évolution générale de la situation militaire.

Si l’on fait ce décompte rapide, c’est parce que le programme JSF est nettement passé dans une nouvelle phase de communication dans son développement, dans une époque où la communication joue un rôle prépondérant. D’une façon générale, la vigueur de la contestation du programme sur Internet, en 2008-2009, s’est aujourd’hui très fortement tarie. Il y a deux raisons principales à cela. D’une part, des actions ont été prises contre cette contestation, dont l’“affaire” Bill Sweetman, dont le “retour” n’a nullement signifié une résurrection de son attitude très critique qui avait marqué son action. Certains sites très actifs ont considérablement réduit cette activité (voir jsfnieuws.nl), pour telle ou telle raison qui reste ouverte à la spéculation. D’autre part, le passage à un stade public (Pentagone, Congrès) de la critique du programme JSF a, d’une certaine façon, pris le relais de la critique d’Internet contre l’avion, ce qui conduit à la conclusion qu’Internet a joué son rôle dans la transformation d’un programme protégé et verrouillé par une communication favorable absolument virtualiste, à une situation de polémique publique qui restitue une certaine vérité générale du programme.

La nouvelle phase va s’étendre sur les quatre ou cinq prochaines années et concernera désormais, d’une façon directe, les positions fondamentales des acteurs officiels, que ce soit aux USA ou dans les pays coopérants. La position d’Israël est importante, parce qu’elle a d’ores et déjà contribué à renforcer un doute fondamental sur l’avion, – quelle que soit la décision prise, – annoncée pour septembre d’après ce qu’on a vu, mais dont les prévisions à cet égard ne cessent de varier dans un sens ou l’autre, reflétant beaucoup plus l’incertitude fondamentale de ce pays que des manœuvres quelconques. Qui plus est, ce débat porte autour d’une commande assez étrange de 19 exemplaires, qui est manifestement le résultat des pressions et de mésententes entre USA et Israël, et cela contribue en soi à alimenter la polémique. Que ce pays qui devrait être fondamentalement un “marché captif” pour le JSF, un engagement assuré, montre un tel comportement est une mesure exemplaire des énormes difficultés qui caractérisent le programme, cette fois-ci directement au sein des acteurs centraux.

Finalement, l’époque nouvelle qui s’ouvre pour le programme JSF verra l’essentiel de la bataille se dérouler à Washington, au Congrès, entre le Congrès et le Pentagone, dans le cadre des événements qui caractériseront l’actuelle bataille plus large engagée pour des réductions importantes du budget du Pentagone. C’est essentiellement dans ce cadre, parce qu’il représente un budget énorme et que son utilité est contestée avec le désavantage supplémentaire d’un développement chaotique, que le sort du JSF sera réglé. Le Pentagone sait bien ce qui l’attend, et Gates propose déjà de lui-même certaines “réductions” du budget du Pentagone en général pour éviter des actions unilatérales du Congrès. Voici ce qu’en pense Winslow Wheeler, qui est impliqué dans un des projets de réduction du Congrès (dans DoDBuzz du 11 août 2010 ): «While he explicitly did not, repeat not, say so, I suspect Gates knows he will lose his fight against [Congress] cuts and that he seeks with these actions to help DOD survive the cuts that are coming.»


Mis en ligne le 14 août 2010 à 06H14