Le cas iranien dans les transversales de l’autodestruction

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Les nombreux évènements qui caractérisent aujourd’hui la situation internationale selon ce que nous avons nommé “les transversales de l’autodestruction” ont fait passer au second plan la question spécifique d’une attaque contre l’Iran qui avait été largement remise “au goût du jour” avant la poussée de fièvre (Syrie, Egypte, menaces d’Obama contre la Chine, etc.) de ces deux dernières semaines. Pourtant, cette question spécifique reste évidemment posée, d’autant que des sources européennes confirment à la suite de très récentes rencontres avec des officiels israéliens l’état “sans précédent” de la direction israélienne, avec le tandem Netanyahou-Barak plus déterminé que jamais à lancer cette attaque ; ainsi, et contrairement à des informations données le 6 novembre 2011 par DEBKAFiles, le reste du gouvernement ne s’est nullement rallié à cette option de l’attaque contre l’Iran. Les sources que nous citons rapportent que, selon ces officiels israéliens, on observe que «jamais, dans l’histoire de l’État d’Israël, une situation d’un tel éclatement complet de la haute direction civile n’a existé pour une question de sécurité nationale de cette importance».

Parallèlement, disent encore ces sources, les analyses des directions militaires et de sécurité nationale du bloc BAO, en général concordantes, définissent la situation prospective d’une possible attaque contre l’Iran comme plus catastrophique aujourd’hui qu’elle n’a jamais été depuis qu’elle est considérée (depuis 2005-2006). La haute direction militaire et du renseignement français considère que “la fenêtre d’opportunité” d’une attaque contre l’Iran est désormais complètement fermée. L’analyse est, selon cette approche, purement militaire mais impressionnante. (La politique française, qui doit normalement tenir compte de ces évaluations, vis-à-vis de la question iranienne et vis-à-vis des crises du Moyen-Orient, apparaît d’autant plus énigmatique, mais dans le sens le plus bas du terme : énigmatique parce que chaotique, sans aucune ligne directrice, soumise à des poussées d’extrémisme et à des arguments de basse politique ou d’inspiration extérieure aux réalités stratégiques, – une politique vide, sans continuité, faite de l’accumulation de “coups” sans aucune cohésion entre eux, où entrent en jeu des considérations vertigineusement inadéquates, parcellaires, opportunistes ou complètement idéologisées. La diplomatie française sous la Très Haute inspiration de l’Elysée n’est aujourd’hui ni une trahison, ni une décadence, elle est un vide complet, absolument achevé. On retrouve à cet égard, par rapport aux évaluation des “directions de sécurité nationale” citées plus haut, la rupture déjà observée dans des analyses précédentes [voir le 2 novembre 2011].)

La conviction de ces “directions de sécurité nationale” (qui rencontrent par exemple celles des dirigeants de la sécurité nationale israélienne qui, comme Meier Dagan, s’opposent à une attaque) est que l’Iran dispose désormais d’une puissance militaire considérablement renforcée, notamment par des masses importantes de missiles de portée régionale. Cela implique, selon ces évaluations, qu’une attaque contre l’Iran déclencherait dans les heures qui suivent une riposte qui aboutirait dans tous les cas, et dans un temps presque instantané, à une fermeture du détroit d’Ormouz et à une catastrophique destruction des installations d’exploitation des champs pétrolifères saoudiens. Ces deux seules actions de riposte de l'Iran, qui sont jugées plus assurées dans la conception et dans leur succès que toutes les autres qui seront lancées, entraîneraient dans le climat actuel un contre-choc mondial à tous les niveaux, notamment économique et financier, qui pourrait être le détonateur d’une accélération catastrophique de l’effondrement du Système.

Ces observations placent l’Arabie Saoudite en “première ligne” dans les conséquences d’une telle attaque et constituent une partie de l’explication de l’évolution très récente (là aussi, une question de quelques semaines) de cette puissance régionale. L’autre et principale partie de l’explication tient au désordre caractérisant le pouvoir saoudien, avec l’accession (le 28 octobre 2011) du prince Nayef à la direction de facto du royaume. (Nayef remplace son frère Sultan, décédé le 22 octobre, comme héritier du trône, mais il assure le pouvoir à cause de la situation de santé du roi Abdallah, 87 ans, qui en est à sa troisième intervention chirurgicale et n’est plus capable d’assumer un rôle de direction.) Les évaluations qui sont faites par les mêmes sources citées décrivent la direction de Nayef comme extrêmement incertaine. La poussée saoudienne contre la Syrie s’est sensiblement nuancée et se contente désormais de la courroie de transmission de la Ligue Arabe. Nayef serait beaucoup plus inquiet que la précédente équipe des conséquences d’un renversement d’Assad, avec l’inconnu qu’impliquerait le nouveau pouvoir syrien, ou le désordre syrien… D’autre part, l’idée du soutien maximal à une attaque contre l’Iran, qui faisait encore parler il y a quelques semaines d’un axe Ryad-Tel Aviv à cet égard, est très fortement mise en question. La surprise de la réunion de la conférence sur la création d’une telle zone (instituée par l’IAEA en tant que structure permanente), les 21 et 22 novembre 2011 à Vienne, a été l’intervention de l’Arabie en faveur de la création de cette zone. Les USA et Israël ont été complètement pris par surprise par cette initiative venue de l’Arabie, et ont été décrits officieusement par nos sources comme «absolument furieux».

On comprend bien entendu qu’un tel projet d’une attaque contre l’Iran dans le contexte de désordre et de tension de la région constituerait en soi, outre les conséquences spécifiques qu’on a envisagées plus haut, un colossal événement général de bouleversement qui aggraverait toutes les tensions et tous les affrontements en cours. Au contraire d’établir des lignes d’affrontement nettes, comme cela aurait pu être le cas dans des périodes précédentes, une telle attaque brouillerait complètement les positions des uns et des autres par rapport aux diverses crises en cours et ajouterait une dynamique explosive de désordre supplémentaire au désordre d’ores et déjà existant. (Imagine-t-on ce que deviendrait, en cas d’attaque contre l’Iran, la crise syrienne devenue internationale ? Que deviendrait la position turque, en pointe contre la Syrie et opposée à une attaque contre l’Iran  ? De quel poids nouveau ne pèserait pas l’opposition russe à une attaque contre l’Iran, alors que la Russie a d’ores et déjà un poids militaire effectif dans la crise syrienne  ? Et ainsi de suite…) Ce qui est encore plus caractéristique, c’est la rapidité, non pas seulement des évènements en tant que tels, mais de leurs orientations. Entre la situation de la fin octobre (bruits autour de l’attaque contre l’Iran) et la situation actuelle (“les transversales de l’autodestruction”), il s’agit de changements fondamentaux des centres de tension, aggravant encore plus la dynamiques de ces “transversales de l’autodestruction”. Les laps de temps pour de tels renversements fondamentaux se comptent désormais en semaines, parfois en jours. C’est une illustration de la formidable dynamique de l’accélération de l’Histoire et de la contraction du temps. A cet égard, le contrôle de la situation n’est plus entre des mains humaines, encore moins dans les pauvres cerveaux correspondants.


Mis en ligne le 30 novembre 2011

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