La situation économique russe : l’analyse de Sapir

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L’économiste et historien français Jacques Sapir donne son appréciation de l’état et des perspectives de l’économie russe dans le contexte de la crise financière. Jusqu’à la phase actuelle, le circuit financier russe avait été peu touché par les soubresauts en cours depuis août 2007 ; la situation a changé depuis deux mois.

D’une façon générale, Sapir estime que «la Russie est certainement l'économie la mieux placée pour résister à la tempête financière actuelle» L’analyse est publiée par l’agence Novosti, le 29 septembre.

«La croissance de la Russie ne dépend pas des marchés financiers internationaux. Le système bancaire russe n'a pas été impliqué dans la spéculation sur les titres dérivés issus du marché hypothécaire américain. Même si certaines banques russes ont pu essuyer des pertes quand leurs correspondants ont fait faillite, il n'y a rien qui puisse se comparer aux pertes subies par la banque suisse UBS, les grandes banques américaines ou certaines banques européennes. Enfin, les réserves financières du pays sont conséquentes, qu'il s'agisse de celles du Ministère des Finances ou de celles de la Banque Centrale.

»La situation de l'économie russe est plus saine qu'en août 1998, mais aussi plus saine que celle de nombreux pays européens. L'endettement des ménages est faible alors qu'il dépasse 100% du PIB en Grande-Bretagne et en Espagne et 93% aux Etats-Unis. Les finances publiques dégagent un excédent impressionnant qui ne sera pas mis en cause même si le prix du baril de pétrole devait retomber pour un temps à 80 Dollars. Quant à la croissance, même si elle devait baisser de 8% à 7% cette année, elle continuerait de faire rêver la totalité des dirigeants européens.

Sapir détecte bien entendu des faiblesses et suggère diverses améliorations et mesures pour faire évoluer la situation générale mais il ne les lie pas à la crise actuelle : «[D]es efforts importants restent à accomplir, mais ceci était vrai avant que la tempête de la crise ne se déchaîne et ne lui est nullement lié.» Posant un diagnostic général sur la situation mondiale dans le sens du déclin US («L'hégémonie financière des Etats-Unis est touchée en profondeur et le temps où Wall Street était La Mecque de la finance internationale et le Dollar la référence incontestée et incontestable est derrière nous»), Sapir estime que la Russie doit également mesurer l’importance des remous en cours, le besoin de restructuration de l’économie mondiale, et y participer à partir de sa position relativement privilégiée. C’est un appel à la coopération qui répond aux ouvertures dans ce sens envisagées dans d’autres domaines.

«Mais la Russie doit aussi prendre conscience de ses responsabilités internationales dans le domaine financier. La crise de l'hégémonie financière américaine sera une menace pour la stabilité économique globale tant qu'une solution collective ne sera pas trouvée. La Russie ne peut à elle seule répondre à cette question, mais elle ne doit pas pour autant s'en désintéresser.

»Pays au carrefour de l'Europe et de l'Asie, économie qui va contribuer par son dynamisme à la croissance européenne, la Russie est bien placée pour inviter les autres grands acteurs de la scène financière internationale – la Chine et les pays européens en particulier – à coopérer.»

Cette analyse est évidemment intéressante dans la mesure où elle tranche sur le courant des analyses anglo-saxonnes, très médiatisées et souvent à connotation idéologique, d’ailleurs lancées avant le soubresaut du 15 septembre et envisagées comme un moyen collatéral de faire plier la Russie notamment dans l’affaire géorgienne. L’analyse économique est, particulièrement dans ce cas, chargée d’une dimension politique évidente. Si la Russie résiste bien à la crise et si elle s’impose comme un pôle de stabilité et de coopération, c’est un argument de plus en faveur d’un regroupement géopolitique nouveau où l’Europe a une place essentielle. La suggestion de Sapir (coopération avec la Chine et, surtout, avec l’Europe) renforce l’idée d’une évolution d’un axe transatlantique vers un axe continental européen dans la dimension Est-Ouest la plus large, voire un axe Europe-Asie.


Mis en ligne le 2 octobre 2008 à 09H14

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