La perception du modèle de l’effondrement soudain

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Chris Hedges est un ancien journaliste du New York Times, un ancien Prix Pulitzer, un chroniqueur et un auteur activistes. (Il collabore notamment au site Truthdig.com et avait écrit une intéressante chronique sur les “néo-sécessionnistes”, dont nous nous étions fait l’écho.) Hedges a été arrêté pendant quelques heures avec la plupart des 131 activistes (dont Daniel Ellsberg) qui avaient organisé un rassemblement symbolique devant la Maison-Blanche le 16 décembre, alors qu’Obama présentait le nouveau rapport, évidemment optimiste, sur la situation en Afghanistan.

Hedges avait été interviewé par RAW Story avant le rassemblement, et un texte des extraits de l'entretien a été publié le 17 décembre 2010. Hedges évoque l’idée d’un effondrement brutal et soudain de “l’Empire US” qui, à son avis, peut se produire désormais “à n’importe quel moment”.

«America's military and economic empire could collapse at any time, but predicting the precise day, week or month of its potential demise is unattainable, according to a former New York Times war correspondent who spoke with Raw Story. “The when and how is very dangerous to predict because there's always some factor that blindsides you that you didn't expect,” Pulitzer-winning journalist Chris Hedges said in an exclusive interview. “It doesn't look good. But exactly how it plays out and when it plays out, having covered disintegrating societies, it's impossible to tell.”

»He explained that he learned this lesson as events unfolded around him in the fall of 1989. Then, members of the opposition to the Soviet Empire told him that they predicted travel across the Berlin Wall separating East from West Germany would open within the year. “Within a few hours, the wall didn't exist,” he said. […]

»[Hedges] said the signs of US collapse are plain to see and compared the country's course through Afghanistan to Soviet Russia's. “We're losing [the war in Afghanistan] in the same way the Red Army lost it,” he said. “It's exactly the same configuration where we sort of control the urban centers where 20 percent of the population lives. The rest of the country where 80 percent of the Afghans live is either in the hands of the Taliban or disputed.” […]

»Hedges predicted that President Obama's war report released Thursday would “contradict not only [US] intelligence reports but everything else that is coming out of Afghanistan.” […] His prediction came startlingly true: the CIA's own assessment was said to stand in striking contrast with President Obama's report. […]

»Hedges said that another pressure point is the US dollar, which he pointed out had been dropped by Russia and China in favor of modified ruble/renminbi exchanges. “A few more deals like that, and our currency becomes junk,” he said.

»Hedges continued, “As long as we have relative stability, these lunatic fringe movements can be held at bay, but if we don't undertake serious structural reform, which we're not doing, then it is inevitable that we will come to a tremendous crisis - economic and political as well as environmental.”»

Notre commentaire

@PAYANT L’analyse de Hedges n’est pas isolée dans la “dissidence” US, qui comprend, en plus des “dissidents” classiques hors-système, de plus en plus de personnalités ayant eu ou ayant encore en partie un statut “officiel” proche de l’establishment. (Venu du New York Times, Hedges faisait encore partie de ce journal fanion de l’establishment lorsqu’il obtint le Prix Pulitzer en 2002, avec d’autres journalistes du journal, pour une enquête commune sur le terrorisme.) Au contraire, cette analyse tend à s’élargir et à devenir un thème dominant dans l’analyse générale dite “dissidente”.

S’il faut le classer, Hedges est plutôt dans le “dissidence” de gauche mais ces catégorisations tendent actuellement de plus en plus à s’effacer, comme on l’a vu avec l’affaire Cablegate où “dissidents” de droite et de gauche s’unissent spontanément pour la défense de Julian Assange. La raison de cette évolution est justement dans l’extension dans toutes les tendances de la “dissidence” de l’analyse que fait Hedges du modèle d’un effondrement soudain («America's military and economic empire could collapse at any time»). On peut d’ailleurs commencer à observer que cette idée de “dissidence” elle-même, comme représentation d’une partie bien délimitée du monde politique US, devient très poreuse, avec son extension, au travers de la modification des analyses, vers des personnalités et des milieux de l’establishment lui-même.

Nous parlons ici, comme nous le faisons toujours, d’abord d’un phénomène psychologique, dans cette époque où domine notamment le système de la communication ayant permis le passage à l’ère psychopolitique, et où le véritable générateur et la matrice même des événements est la psychologie et la diffusion des perceptions qu’elle absorbe. L’idée d’un “effondrement brutal et soudain” que nous décrivons comme étant en extension rapide entraîne évidemment une homogénéisation des attitudes et jugements “dissidents” (au sens large où on l’a indiqué), en faisant passer au second plan les appréciations de la critique et des positions idéologiques (droite-gauche), au profit d’une perception commune d’un événement catastrophique imminent. Au niveau inconscient de la psychologie, puis de l’analyse consciente et raisonnée qui vient après, c’est la transcription de la thèse de “l’ennemi principal” notamment développée par les communistes vietnamiens en 1945-46 (quand ils se rapprochèrent de la France par crainte de la Chine). La “perception principale” est de moins en moins dépendante d’un fractionnement, de moins en moins liée à des événements divers où il faut faire un choix du plus important, cela impliquant une critique structurelle, nécessairement teintée d’idéologie ; la “perception principale” est de plus en plus la perception de la possibilité grandissante de cet événement massif et colossal de “l’effondrement brutal et soudain”.

L’extension de la perception, dont on peut avancer qu’elle est d’abord inconsciente puisqu’elle transite par la psychologie, est un événement qui nous signale ici le processus que nous avons identifié comme la formation spontanée d’un “système antiSystème”, – cette fois, un système rassemblant, suscitant, accélérant, la même perception et, au-delà, les mêmes analyses qui écartent les différences idéologiques. On voit bien, dans l’appréciation que nous tentons d’en donner, qu’il n’y a pas une pensée rationnelle directrice, une organisation du jugement et de l’analyse, mais bien, d’abord, une impulsion venue d’une perception inconsciente commune des psychologies et rassemblant des esprits divers et sans liens initiaux sur ce sujet précisément. “Pensées rationnelles” (non directrices, certes) et “organisation du jugement et de l’analyse” viennent ensuite, en s’appuyant sur le matériel psychologique ainsi acquis. C’est alors, à partir de la similitude de ces jugements et de ces analyses, qu’on peut effectivement s’interroger sur la réalité de la formation spontanée du système antiSystème qui s’est réalisée par la perception simultanée qui a été donnée à certaines psychologies des constituants de l’événement que le jugement et l’analyse vont ensuite structurer en une construction intelligible. La remarque qu’on peut alors faire avec le jugement de Hedges porte d’abord sur la simplicité presque primaire mais sur l’énormité et la puissance de l’événement qu’il juge probable, donc la déduction qu’on peut faire de la puissance des signes et des tensions que la psychologie a initialement et inconsciemment perçues à cet égard, donc la puissance de ce système antiSystème en formation.


Mis en ligne le 21 décembre 2010 à 08H12