Fidel si, BHO no

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Fidel si, BHO no

Il faut admettre que l’extraordinaire habileté politique (politique intérieure) de BHO n’est pas loin d’être catastrophique pour l’évolution des USA, déjà assez catastrophique en elle-même. On en a eu la démonstration au Sommet des Amériques (chefs d’État des pays des deux Amériques réunis tous les trois ans), à Carthagène, en Colombie, qui sera peut-être le dernier du genre, qui s’est terminé sans communiqué commun. La cause en est le refus des USA que Cuba participe désormais à cette réunion, refus tout entier conditionné par l’attention qu’Obama doit porter, selon les canons de la vertu électoraliste, au puissant lobby anticastriste et à l’électorat d’origine cubaine de Floride.

Jason Ditz, de Antiwar.com, résume l’événement, ce 15 avril 2012, avec l’expression d’“échec dramatique”. Les autres termes du bref commentaire sont significatifs : “doutes sérieux” (sur un prochain sommet), “révolte” contre les USA et “colère” des pays non-US, les USA “sur la défensive”…

«The Summit of the Americas has ended not only without a statement but with serious doubts over how future summits will take place, as Latin American members of the Organization of American States (OAS) revolted at US efforts to continue to exclude Cuba from meetings. In the end the US is on the défensive, with Obama pledging a new relationship with the other OAS members but a serious amount of anger leaving little doubt the summit was a dramatic failure.»

• L’affaire cubaine ne sert finalement qu’à cristalliser un divorce de plus en plus marqué et agressif entre les USA et l’Amérique latine, qui implique même les pays encore proches des USA. Mais les choses étant ce qu’elles sont au niveau de la communication, et les imbrications électoraliste d’Obama à mesure, il reste que l’affaire cubaine qui n’est pas politiquement essentielle s’est imposée comme un symbole de la désunion entre les USA et son ex-“arrière-cour” et a pris des dimensions politiques, et donc symboliques selon les lois de la communication, extrêmement puissantes. Finalement, l’avis de Morales, président de la Bolivie et l’un des plus à gauche des dirigeants du continent, semble être partagé par tous les pays de la zone (selon AP, le 15 avril 2012) : «“All the countries here in Latin American and the Caribbean want Cuba to be present. But the United States won't accept President Evo Morales of Bolivia told reporters late Saturday. “It's like a dictatorship.”»

Plus personne ne veut de cette “dictature”, même sur des questions qui ne sont pas essentielles, et il est acquis que Cuba sera présent au prochain Sommet des Amériques (en 2015), ou bien il n’y aura pas de prochain Sommet des Amériques. Sur les autres questions, on n’a pu que constater la distance grandissante des relations, avec la Chine prenant peu à peu la place des USA comme puissance extérieure commerçant avec le continent, avec le refus des USA de soutenir les revendications argentines concernant les Malouines, soutenues par les Sud-Américains, etc. Désaccord aussi sur la question de la “guerre de la drogue“, et cette fois qui oppose les USA avec leurs rares amis restants dans la zone, comme le Mexique, – qui menacent du coup de ne plus l’être guère, “amis” …

• On ajoutera la cerise folklorique sur le gâteau, avec préservatif espérons-le, de l’affaire des onze ou douze agents du Secret Service, plus cinq militaires de l’U.S. Army, pris la main dans le sac si l’on ose dire de divers excès, saouleries, partouzes avec des prostitués, etc., et renvoyés dare-dare de Carthagène à Washington D.C. Le vertueux mari de Michelle Obama s’est dit particulièrement furieux…

«For some, the summit was overshadowed by an embarrassing scandal involving prostitutes and U.S. Secret Service agents that widened when the U.S. military said five service members staying at the same hotel might have also been involved in misconduct.

»U.S. Rep. Peter King told The Associated Press after being briefed on the investigation that “close to” all 11 of the Secret Service agents who were put on leave Saturday had taken women to their rooms at a hotel a few blocks from where Obama is staying. He said the women were “presumed to be prostitutes” but investigators were interviewing the agents. Three waiters at the hotel told the AP that about a dozen U.S. government workers they presumed were the Secret Service agents had spent a week drinking heavily. One said he witnessed their apparent supervisor line them up and scold them on the hotel's back terrace at about 4 p.m. Thursday.»

La cerise sur le gâteau folklorique ne l’est pas seulement, folklorique, et la fureur d’Obama n’est pas feinte. Le Secret Service est la garde rapprochée du président, unité de renseignement et de police de protection d’élite par excellence ; experte en protection du président, habile en toutes choses et notamment à dissimuler et à camoufler les affaire de cul de divers présidents passés, – et que voilà prise, elle-même, désormais, dans ses propres et sordides affaires de cul. Symboliquement autant que très concrètement, c’est une affaire significative de la décadence de la puissance américaniste, de la qualité supposée de cette puissance, et sa perdition dans la corruption généralisée, autant vénale et de mœurs que psychologique, avec les liens inextricables avec l’argent du corporate power, la privatisation des forces et services de sécurité nationale, les trafics et en tous genres, l’affaiblissement continu du sens du devoir et du service, etc. Le sommet a bien été également marqué par ce signe puissant de la décadence accélérée, vertigineuse, de l’Empire.

Tout le monde, à Carthagène, savait également que l’absurde position des USA sur Cuba, outre les calculs électoraux d’un Obama qui semble réserver sa brillante intelligence à la gestion de son arrière-cuisine électorale, est le reflet d’une complète paralysie du pouvoir à Washington. Il s’agit de la paralysie devant les supposés groupes de pression, devant la dialectique robotisée des factions radicales ; mais aussi, la paralysie bureaucratique, qui fait que, même si Obama décidait la levée de toutes les restrictions à l’encontre de Cuba, il se heurterait à une machine bureaucratique qui rendrait quasiment inapplicable sa décision. Le géant est paralysé, ligoté et sans aucune énergie, et il est, dans cette position sans espoir de changement, en cours de dissolution accélérée… Tout le charme indéniable d’Obama, son intelligence vive, etc., ne peuvent strictement rien contre cela ; au contraire, ces vertus mettent en évidence, par contraste, la terrible pression de ces problèmes.

Adam Isacson, du Washington Office on Latin America, disait à AP : «The label 'Americas' doesn't seem to mean that much anymore unless you're a cartographer…» Effectivement, certains ont senti qu’à Carthagène se tenait sans doute le dernier “Sommet des Amériques”, et certainement le dernier sommet où les USA ont pu encore prétendre être leur primus inter pares, – pour se voir signifié, à la fin de la réunion, lorsqu’on décida qu’il n’y aurait pas de communiqué commun, qu’ils ne l’étaient plus.

…Encore une marche descendu sur la pente de l’effondrement. “L’ai-je bien descend ?”, aurait pu se demander Obama, pris d’un soudain accès d’inquiétude ; mais non, il songeait à sa réélection, lui.


Mis en ligne le 16 avril 2012 à 11H59