“Indignation = intégration”, nouvelle formule israélienne

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L’“indignation” israélienne prend ses aises et s’amplifie à un rythme satisfaisant. En une semaine, le mouvement israélien dit d’“indignation” a quantitativement doublé, et, surtout, il a pris une dimension qualitative remarquable.

• L’aspect quantitatif, c’est la journée de samedi au cours de laquelle les manifestations du mouvement ont rassemblé 300.000 personnes, contre 150.000 la semaine précédente. Le mouvement est “vieux” de trois semaines, il a la sympathie grandissante de la population, il a le soutien des médias… Reprenant Reuters le 7 août 2011, RFI fait rapport de la journée du 6 août...

«Plus de 200 000 manifestants à Tel-Aviv, 30 000 à Jérusalem, sans compter d’autres manifestations moins importantes dans d’autres localités. Au total, les autorités israéliennes ont dénombré au moins 300 000 personnes dans les rues, ce qui fait de la mobilisation pour la “justice sociale” de ce samedi 6 août la plus importante de l’histoire de l’Etat hébreux sur des sujets sociaux. “Enfin les classes moyennes prennent conscience de leur force”, se réjouit Edith, une assistante sociale. Pour les organisateurs, qui souhaitaient atteindre la barre symbolique des 200 000 manifestants, c’est un véritable succès. Ils espèrent maintenant que ce déploiement fera fléchir le gouvernement sur leurs revendications.»

• Un article de Haaretz du 6 août 2011, qui est notamment signalé ce même 6 août 2011 par War in Context, rapporte précisément la dimension intégratrice des événements pour Israël et le Moyen-Orient, et la dimension symbolique par conséquent, – et l’aspect qualitatif de la chose, sans aucun doute. L’article se fait l’écho de l’idée, qu’on trouve notamment chez certains chercheurs palestiniens, que ce mouvement intègre Israël dans le “printemps arabe”.

«Palestinian social leaders believe the social protests that have erupted throughout Israel are largely influenced by the Arab Spring, contending Israelis must realize they too are suffering due to the occupation and money spent on settlements in the West Bank. Israelis are imitating the Arab world, and West Bank Palestinians believe this to be a good thing. According to the Ma’an news agency, 14,032 (nearly 75%) of the 18,722 readers who responded to their online survey, believe that what is happening in Israel’s streets is influenced by and imitating the “Arab Spring”.

»“Israel is inadvertantly becoming a part of the Middle East,” said sociologist Honaida Ghanim, who researches Israeli society, adding that“this is the power of bottom-up activity, when the country’s ideologists aren’t consulted.” Ghanim wasn’t surprised when the protests began. As an Israeli citizen, born in Marja and General Director of “MADAR” the Palestinian Forum for Israeli Studies, the sociologist is well acquainted with Israeli polarization. However, she is certain that the recent events in Egypt and Tunisia had a large impact on the Israeli protest movement.»

• Le même site War in Context de Paul Woodward, auquel il faut rendre hommage, – ne serait-ce qu’en le classant dans les “favoris”, – pour son travail de “veille” des événements de résistance et de contestation du Système, signale également, le même 6 août 2011, un témoignage de l’Israélien d’origine palestinienne Abir Kopty, le 6 août 2011 sur le site Mondoweiss.net. Kopty est allé se promener sur le boulevard Rothschild de Tel Aviv, où les “indignés” du cru ont, selon une tactique devenue stratégie et maintenant bien admise, planté leurs tentes. Il a rendu visite à la “Tent 1948”, qui est nouvelle venue, qui n’a d’abord pas été fort bien accueillie dans le mouvement, qui rend compte symboliquement de la proposition faite au mouvement des “indignés” de se tourner également vers la réconciliation des citoyens israéliens et des Palestiniens. Certes, le texte est intéressant, par son mélange de méfiance, de prudence et d’espérance, – un mélange au goût doux-amer, du genre courant aujourd’hui où la contestation de résistance éclate partout sans qu’on puisse en saisir l’exact substance commune, s’il y en a une, alors que la cause puissante et évidente est, elle, la substance négative et invertie incroyablement commune du Système, assez puissante pour soulever toutes ces colères diverses du monde et justifier leurs effets…

«If you are Palestinian, it will be difficult to find anything to identify with in Tel Aviv's tents’ city on Rothschild Boulevard, until you reach Tent 1948. My first tour there was a few days ago, when I decided to join Tent 1948. Tent 1948's main message is that social justice should be for all. It brings together Jewish and Palestinian citizens who believe in shared sovereignty in the state of all its citizens.

»For me, as a Palestinian, I don’t feel part of the July 14 movement, and I’m not there because I feel part. Almost every corner of this encampment reminds me that this place does not want me. My first tour there was pretty depressing, I found lots of Israeli flags, a man giving a lecture to youth about his memories from ’48 war’ from a Zionist perspective, another group marching with signs calling for the release of Gilad Shalit, another singing Zionist songs. This is certainly not a place that the 20% of the population would feel they belong to. The second day I found Ronen Shuval, from Im Tirtzu, the extreme right wing organization, giving a talk full of incitement and hatred to the left and human rights organizations. Settlers already set a tent and were dancing with joy.

»The existence of Tent 1948 in the encampment constitutes a challenge to people taking part in the July 14 movement. In the first few days, the tent was attacked by group of rightwing activists, who beat activists in the tent and broke down the Palestinian flag of the tent. Some of the leaders of the July 14 movement have said clearly that raising core issues related to Palestinian community in Israel or the occupation will make the struggle “lose momentum”. They often said the struggle is social, not political, as if there was a difference. They are afraid of losing supporters if they make Palestinian issues bold.

»The truth is that this is the truth.

»The truth is, this is exactly what might help Netanyahu, if he presses the button of fear, recreates the ‘enemy’ and reproduce the ‘security threat’, he might be able to silence this movement. The problem is not with Netanyahu, he is not the first Israeli leader to rely on this. The main problem is that Israelis are not ready yet to see beyond the walls surrounding them.

»Yet, one has to admit, something is happening, Israelis are awakening…»

Il ne faut pas se dissimuler, comme le montrent les citations de Abir Kopty, que le mouvement des “indignés” d’Israël montre encore des faiblesses, ou des situations éventuellement discutables dans certains de ses aspects. “La vérité est qu’on ne liquide pas la vérité” de décennies historiques en trois semaines de manifestations et d’indignation à moins d’une fois de plus céder aux illusions absolument trompeuses. La vérité est que, à moins de céder au sentimentalisme qui est la mère de tant de déconvenues et qui n’honore en rien l’esprit des hommes, la vérité principale ne se trouve certainement pas dans cette réserve qui est faite des limites et des insuffisances concrètes et directes du mouvement.

L’“indignation” israélienne est, certes, véritablement une intégration psychologique d’Israël dans l’“indignation arabe” (dito, le chaotique “printemps arabe”), donc une véritable intégration de tous les composants régionaux de la région dans une sorte d’“indignation” générale du Moyen-Orient, qui est elle-même une intégration propre du Moyen-Orient ; laquelle “indignation” générale d'un Moyen-Orient intégré est elle-même, comme elle se dessina dès l’origine malgré les balbutiements virtualistes des moralistes et dirigeants politiques du bloc BAO pour en faire une adhésion au Système (“démocratisation” et tout le toutim), une part désormais intégrée de l’“indignation du monde”. La cause de cette “indignation”, justement malgré les interprétations virtualistes faussaires des serviteurs du Système, est de plus en plus indubitablement, exprimée par une dynamique d’une remarquable puissance, la dénonciation de la nature et de l’activité du Système, déstructurantes, nihilistes, absolument destructrices du monde, telle qu’elles (la nature et l’activité du Système) se découvrent d’une façon à la fois indécente et obscène, – mais sans rien laisser dans l’ombre, grâce en soit rendu à cette indécence et à cette obscénité. La perception de la chose, psychologie pure, est fondamentale.

Rien, en importance, ne peut surpasser cela, ce basculement psychologique qui menace de faire éclater tous les artifices de l’idéologie hystérique, de la pathologie de la psychologie qui dictent la conduite dans ce pays, – pour en revenir à Israël. Cela durera peut-être ce qu’il faut, cela ne durera peut-être pas assez pour ce qu’on en attend ; c’est dans tous les cas une étape dans une dynamique si puissante… Cette démonstration de l’intégration d’Israël dans sa région où il n’était jusqu’alors qu’une transplantation grossière et forcée d’un artefact stratégique du Système, comme un revolver installé sur la tempe de la région pour qu’elle marche droit et conformément aux prescriptions du Système, cette démonstration, temporaire ou pas, est un événement qui a parfaitement sa place dans le chaîne crisique devenue générale et globale, intégrée elle-même dans une structure crisique globale qui devient effervescente, furieuse, qui secoue le Système comme l’est une coquille de noix dans la tempête.

La psychologie est, une fois de plus, en première ligne. Le système de la communication, plus Janus que jamais, s’est chargé de transférer les stimuli nécessaires. La section locale de la direction du Système, – Netanyahou & compagnie, – est, elle, aveuglée par sa fièvre pathologique qu’elle espérait inconsciemment être la représentation psychologiques des populations en général et qui s’avère être la source de son incompréhension qu’on dirait totalitaire des profondeurs de la révolte psychologique en cours. En toute logique, la clique au pouvoir devrait n’y rien entendre, pire sourd en cela, assurément, et ses manœuvres tactiques pour tenter de saboter le mouvement risquent également de provoquer des écarts et des erreurs qui finiront par aggraver sa propre situation. Car cette direction, comme toutes celles du bloc BAO, est absolument impuissante à saisir l’essence du mouvement en cours, et notamment sa substance psychologique qui se nourrit aux événements et à ce que ces événements, aujourd’hui d’une façon irrésistible, montrent du caractère absolument subversif de la structure du monde qu’est la dynamique du Système.

La psychologie est la clef, le tendon d’Achille du Système, ce par quoi la surpuissance du Système devient sa faiblesse et alimente brusquement son irrépressible tendance autodestructrice. La psychologie est un Janus, comme le système de la communication qui est son interlocuteur-Système ; elle accueille et relaie la subversion, certes, mais elle accueille et relaie également la contestation furieuse de cette subversion. L’affaire de l’“indignation” israélienne, en touchant le dernier sanctuaire du Système, en l’infectant, en installant sous une forme ou une autre au moins un instant de vérité, cette vérité qui est nécessairement la source du système antiSystème par définition, cette affaire contribue à donner la mesure de la vertigineuse profondeur de la crise du Système, de la fulgurante rapidité de sa dissolution. Quoi qu’il en soit de l’avenir et du sens des campements du boulevard Rothschild de Tel Aviv, le processus silencieux et colossal de la dissolution subreptice du Système a intégré, lui, un facteur puissamment accélérateur de plus.


Mis en ligne le 7 août 2011 à 10H43