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Article : RapSit-USA2021 : Quête de liberté des États

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Pouvoir sémiologique

jc

  02/02/2021

PhG : "Ce qu’on constate ici (...) C’est là la marque de la profondeur abyssale de la crise des USA, qui est absolument et totalement une crise du modèle actuel des organisations politiques (avec la rupture complète citoyens-dirigeants), qui se déroulent donc à tous les niveaux…".

[Je radote…] Pour tenter de comprendre ce qu'il se passe actuellement il faut des modèles, et même des modèles dynamiques puisque tout bouge (et tout bouge vite). Si on se limite au pragmatisme et au positivisme -et les politiciens contemporains se vantent souvent de s'y cantonner- il n'y a, à mon avis, aucun espoir de dominer la situation; il faut faire des hypothèses métaphysiques, ce que fait Thom avec sa théorie des catastrophes, qui est à la fois un langage permettant de décrire la réalité du monde perçu et une méthode pour penser le monde d'un point de vue nouveau.

Thom s'intéresse à la stabilité des organisations politiques dans l'article de AL "Révolutions, catastrophes sociales?". Extrait :

"Par quel moyen les gouvernants peuvent-ils obtenir l'obéissance des gouvernés? Trois modes de persuasion peuvent être envisagés. D'abord la contrainte physique : violence, force des armes. Ensuite, la contrainte économique : le dominant peut disposer de moyens de production (terre, capitaux, outils, etc.) qu'il met à la disposition du dominé, à charge pour ce dernier de travailler pour lui. Enfin, le pouvoir des signes : le gouvernant peut obtenir l'adhésion du gouverné en excipant une formule (verbale ou écrite) qui a pouvoir de persuasion sur lui.
Ce dernier type de pouvoir -qu'on appellera dorénavant "pouvoir sémiologique"- semble a priori moins évident que les deux autres; et cependant, notre modèle va lui donner une importance prépondérante. Il importe donc d'établir qu'aucune société stable ne peut exister sans une certaine forme de pouvoir sémiologique.".

Dans la Tradition le pouvoir sémiologique est le domaine réservé de l'autorité spirituelle, domaine distinct de celui du pouvoir temporel et le dominant pour assurer la stabilité de ladite société (c'est en tout cas ce que j'ai retenu de "Autorité spirituelle et pouvoir temporel" de René Guénon). On est là dans le domaine de la théorétique qu'Aristote différencie en 1. mathématiques -au sens d'Aristote- (connaissance des substances abstraites de la matière; 2. physique -aristotélicienne- (connaissance des substances immergées dans la matière); 3. théologie  (connaissance des substances séparées de la matière).

Dans beaucoup des sociétés passées -et encore dans certaines sociétés actuelles- l'autorité spirituelle est détenu par les théologiens au sens traditionnel du mot. Mais la connaissance des substances séparées de la matière est typiquement celle que cherchent à acquérir les mathématiciens platoniciens. Thom, qui est à la fois un mathématicien aristotélicien, un mathématicien platonicien et un phusicien (il propose la première théorisation de la biologie depuis la Physique d'Aristote (cf. ES, sous-titré Physique aristotélicienne et théorie des catastrophes), écrit dans un article -que je n'ai pas lu- intitulé "Infini opératoire et réalité physique" : "Selon beaucoup de philosophies, Dieu est géomètre; il serait peut-être plus logique de dire que le géomètre est Dieu."

On disait jadis (et encore maintenant?) que les voies du Seigneur sont impénétrables.

Pour redescendre sur terre je pense que les constitutions des démocraties modernes risquent fort de ne pas résister à l'effondrement qui s'annonce. En particulier la constitution de notre Vème république, critiquée dès 1958 par ses opposants -en particulier François Mitterrand (qui s'y est fort bien adapté ultérieurement) comme permettant l'instauration d'un coup d'état permanent, et dont le quinquennat de E. Macron montre que l'application de cette constitution à la lettre, hors de son esprit gaullien, permet effectivement le coup d'état permanent. Je pense que Thom aurait jugé sévèrement ces constitutions (mais je ne sais pas s'il a émis une opinion -en privé ou en public- à ce sujet).
 

Pouvoir sémiologique.1

jc

  02/02/2021

Le processus d'adhésion des gouvernés à un pouvoir des signes est du domaine de la psychologie (domaine sur lequel PhG insiste tant) donc(?) de l'irrationalité -l'inconscient…-, et a priori opposé à la rationalité des mathématiques (1) supposée par le citoyen basique.

Mais, dans l'introduction de "Psychanalyse qualitative" (préface de René Thom) Michèle Porte écrit :

"peut-on nier que la création en mathématiques pures soit une exploration et une explicitation partielle des processus psychiques ? Sinon, il paraît cohérent et évident, d'une façon intrinsèque, que les psychanalystes qui explorent ces mêmes processus par d'autres moyens en viennent à un dialogue avec les mathématiciens."

Les psychanalystes (certains au moins) théologiens (au sens d'Aristote) laïques, au même titre que les mathématiciens platoniciens (certains au moins)?


(1) Thom : "Dans cette confiance en l'existence d'un univers idéal [platonicien], le mathématicien ne s'inquiétera pas outre mesure des limites des procédés formels, il pourra oublier le problème de la non-contradiction. Car c'est dans l'intuition que réside l'ultima ratio de notre foi en la vérité d'un théorème -un théorème étant avant tout, selon une étymologie aujourd'hui bien oubliée, l'objet d'une vision."

 

Pouvoir sémiologique.1.0

jc

  03/02/2021

Après réflexion il me semble qu'il y a deux attitudes humaines possibles : celle des transcendantaux (dualistes?) qui considèrent qu'il y a des substances séparées de la matière; et celle des immanents (monistes?) qui pensent que, d'une certaine façon, nous renfermons en nous-mêmes notre propre principe. La position de PhG me semble claire alors que celle de Thom me paraît de prime abord plus ambigüe :

"C'est sans doute sur le plan philosophique que nos modèles présentent l'apport immédiat le plus intéressant. Ils offrent le premier modèle rigoureusement moniste de l'être vivant, ils dissolvent l'antinomie de l'âme et du corps en une entité géométrique unique." (SSM, 1972, conclusion)

"... au cœur même du patrimoine génétique de notre espèce, au fond insaisissable du logos héraclitéen de notre âme, des structures simulatrices de toutes les forces extérieures agissent, ou en attente, sont prêtes à se déployer quand ce deviendra nécessaire." (id)

"(...) le problème classique de l'opposition : « réalisme-idéalisme » ne se pose pas pour nous ; car on se place à un niveau (celui de l'image homomorphe du réel dans l'esprit) où cette distinction s'abolit."

La citation suivante (ES, 1988, p.245) règle-t-elle la question ? :
:
"En dépit de mon admiration pour Aristote, je reste platonicien en ce que je crois à l'existence séparée ("autonome") des entités mathématiques, étant entendu qu'il s'agit là d'une région ontologique différente de la "réalité usuelle" (matérielle) du monde perçu. (C'est le rôle du continu -de l'étendue- que d'assurer la transition entre ces deux régions."