jc
24/08/2023
PhG : "Le monstre est vulnérable, la Bête est blessée, sa surpuissance est devenue l’aliment même de sa bêtise et de son aveuglement (surpuissance = autodestruction) ; son autodestruction l’attend mais il lui reste sa surpuissance.".
Les combats d'arrière-garde sont les plus violents.
jc
23/08/2023
Les théories de l'analogie engendrent des êtres de raison. Ainsi la théorie des proportions d'Eudoxe a engendré les nombres de raison (les actuels nombres rationnels), théorie dont Aristote s'est aussitôt emparé pour l'étendre :
"L'écaille est au poisson ce que la plume est à l'oiseau", "L'âme est au corps ce que la vue est à l'œil".
Cette théorie de l'analogie date de plus de deux mille ans. René Thom en a produit une autre, dont il dit dans ce que j'appelle sa vidéo testament ( "La théorie des catastrophes", 1995(?) avec Émile Noël) que sa théorie des catastrophes (qui est une théorie de l'analogie), vieille pourtant maintenant d'un demi-siècle, sort trop des sentiers battus pour être actuellement comprise. On peut cependant l'aborder d'un point de vue platonicien, celui de "Stabilité Structurelle et Morphogénèse", sous-titré "Essai d'une théorie générale des modèles" ou d'un point de vue aristotélicien, celui de "Esquisse d'une Sémiophysique", sous-titré "Physique aristotélicienne et théorie des catastrophes" : le verbe qui se fait chair* ou la chair qui se fait verbe* ? (* : Un chapitre de SSM est épigraphé "Et le verbe s'est fait chair" et "Esquisse d'une Sémiophysique", épigraphé : "Ayant pris un autre départ…", Aristote, Physique I, se termine (p.253 à 270) par une discussion par l'aristotélicien Bruno Pinchard des idées de Thom sur Aristote :
"Il y est soutenu que, loin de constituer une entrave à la pensée de l'être, la schématisation mathématique des formes permet de redonner un contenu à la grande voie d'accession à l'être, celle qui passe par la substance (et la multiplicité des substances particulières et sensibles). Demander à une science axiomatisable de vérifier qu' "entre toutes les acceptations de l'être, l'être au sens premier est le "ce qu'est la chose", c'est-à-dire ce que signifie la substance" (MET VII), c'est faire jouer à une science, particulière mais exemplaire, le rôle d'une nouvelle isagogè au système métaphysique, introduction non plus logiciste, comme celle de Porphyre, mais objective et physique.".
jc
23/08/2023
PhG : "Partons du premier agacement (Korybko) et de la première surprise (Bhadrakumar). Les deux ne parlent pas pour les mêmes (Korybko parle en général, Bhadrakumar pour l’Inde) mais ils disent la même chose. Leur démarche et leurs arguments sont extrêmement structurées et logiques, au point qu’il paraît impossible de les contredire… En fait, ils ont raison, sauf qu’ils parlent pour un monde qui n’existe pas. Ils parlent en expert compétent et réaliste (Korybko) et en diplomate expérimenté et de jugement sûr (Bhadrakumar) mais il nous est impossible d’embrasser l’espace, le temps, la communication et la stratégie où ils évoluent pour les mettre en place dans la situation réelle du monde.".
Selon Michel Maffesoli le tripode sur lequel repose l'actuel Système est : Individualisme, Rationalisme, Progressisme (c'est, grosso modo, le TINA de Margaret Thatcher). Dans ce qui suit c'est de rationalisme et de progressisme (les évolutions rationnelles de Korybko et Bhadrakumar) dont il est question.
Ce qui suit est extrait de la conclusion métaphysique de l'article "De la topologie de la conciliation à la logique de la contradiction" (2011) des philosophes belges Dominique Lambert et Bertrand Hespel à l'adresse des mathématiciens grothendieckiens (jusqu'à présent, à ma connaissance, classé sans suite par ces derniers) :
"On peut bien rassembler différents objets, on ne formera pas pour autant un être, mais tout au plus un « être de raison ». Rendre compte de quoi que ce soit qui est exige donc de rendre compte de son unité. Or — nous le savons — c’est justement ce à quoi parvient une conciliation.".
Citation qui renvoie à celle d'un certain Daniel Vouga, citée par PhG dans "La Grâce de l'Histoire" :
"Progresser, pour eux [Baudelaire et Maistre], ce n’est pas avancer, ni conquérir, mais revenir et retrouver… [...] Le progrès donc, le seul progrès possible, consiste à vouloir retrouver l’Unité perdue…”»
Thom (qui -en l'occurrence- est du côté des philosophes belges, contre celui de Grothendieck): "La rationalité n'est guère qu'une déontologie dans l'usage de l'imaginaire".
Voici le contexte d'où est extraite la citation des deux philosophes belges :
"Enfin, on notera — et ce n’est pas la moindre des constatations que l’on peut faire — que le concept de conciliation a un portée ontologique. Dès lors qu’on place ce concept en regard de celui de faisceau [concept-clé dans la théorie des topos de Grothendieck], s’adjoint en effet à l’hypothèse de cet enrichissement de l’épistémologie celle d’un éclaircissement du projet de la métaphysique. Car poser l’existence d’un faisceau se fait dans l’espoir de former, tandis que poser celle d’une conciliation se fait avec celui de fonder. Nous l’avons en effet suffisamment répété: lorsqu’on suppose l’existence d’un faisceau, on espère se donner le moyen de reconstruire un objet global à partir d’objets locaux consistants, alors que, quand on suppose l’existence d’une conciliation, on espère au contraire se donner le moyen de trouver au moins un objet local sur lequel repose un objet global consistant. Et ce qu’il importe cette fois de remarquer, ce n’est pas tant que, d’un cas à l’autre, le global et le local soient inversés, mais que les sens de ces deux démarches le soient aussi. Dans un cas, on commence en effet par acter que cet objet est, pour postuler ensuite qu’il doit donc pouvoir être tel qu’il est; tandis que, dans l’autre, on commence par postuler que l’objet est, pour acter ensuite qu’il doit donc être tel qu’il puisse être. Ce qui est très différent: d’un côté, l’être de l’objet n’est absolument pas interrogé, tandis qu’il l’est explicitement de l’autre. Aussi étrange que cela puisse paraître, personne peut-être n’a mieux distingué ces deux démarches que Spinoza, qui écrivait au président de la Royal Society:
« Pour ce qui est de savoir absolument en quelle manière les choses se lient les unes aux autres, et s’accordent avec leur tout, je n’ai pas cette science; elle requerrait la connaissance de la Nature toute entière et de toutes ses parties. Je m’applique en conséquence à montrer quelle raison m’oblige à affirmer que cet accord et cette liaison existent ».
Ce que nous pourrions en effet traduire par « le métaphysicien que je suis abandonne aux scientifiques la tâche de trouver le faisceau qui permettrait de reconstituer cet objet global qu’est la Nature pour se donner celle de découvrir la conciliation qui en rendrait compte ». Outre que cette reformulation occulte certains éléments de la citation, on relèvera, bien sûr, que Spinoza tenait pour désespéré d’appliquer la première démarche à cet objet qu’est la Nature. Mais ceci n’est pas essentiel. Ce qui l’est, en revanche, c’est de noter qu’il entendait bien appliquer la seconde à ce même objet, c’est-à-dire, non pas à un objet seulement suspecté d’être, mais à celui dont il n’y certainement pas lieu de douter qu’il est. Car — et c’est là un point crucial — tout ce qui est doit résulter d’une conciliation. Tout ce qui est se trouve, en effet, doué d’unité. Il n’est rien qui ne soit un tout. Pour le dire autrement, l’unité est une condition nécessaire de tout être, même multiple. Ou, comme l’énonçait cet autre métaphysicien qu’était Leibniz,
« Ce qui n’est pas véritablement "un" être n’est pas non plus véritablement un "être" ».
On peut bien rassembler différents objets, on ne formera pas pour autant un être, mais tout au plus un « être de raison ». Rendre compte de quoi que ce soit qui est exige donc de rendre compte de son unité. Or — nous le savons — c’est justement ce à quoi parvient une conciliation. Songeons une dernière fois aux exemples dont nous sommes partis: une nation qui pouvait cesser d’exister, une image dont on se demandait comment elle pouvait être, le Moi fichtéen menacé de scission. Et l’on se souviendra que chacun de ces objets ne devait effectivement d’être qu’au fait d’être un parce qu’il résultait d’une conciliation. Processus dont la description mathématique que nous avons proposée permet de comprendre comment cela se peut, puisqu’elle montre qu’un tel processus consiste très précisément à fonder le global; et à le fonder, de surcroît, sur le local, c’est-à-dire sur ce qui n’a plus à l’être.
Même s’il convient bien évidemment de toujours se montrer prudent, il ne nous paraît donc pas complètement déplacé de prétendre que l’on pourrait ne serait-ce que faiblement éclairer la région de l’être en considérant sérieusement le concept de conciliation et la notion mathématique que nous avons cru devoir lui associer. Et, d’autant moins, à la vérité, que cela expliquerait les autres utilités que nous leur avons trouvées ou entrevues, puisque toutes concernent forcément l’une ou l’autre chose qui est — qu’il s’agisse de la logique, de la nature, de la connaissance ou de la communauté des humains.".
Denis Monod-Broca
22/08/2023
L'alternative est celle-ci : soit la tribu des nations sacrifie son hégémon sacré actuel et le remplace par un nouvel hégémon sacré, soit elle est capable, bannissant le sacrifice et la violence, de se donner des institutions lui permettant de se gouverner, à la manière d'une nation dotée d'institutions.
Enjeu considérable !
Les hommes se sont regroupés en tribus qui, avant d'être capables de se donner des institutions dûment réfléchies, tenaient ensemble grâce à des interdits, mythes et rituels sacrificiels évoluant au gré de la sélection naturelle. Le roi sacré, victime en instance de sacrifice, et ancêtre du monarque de droit divin, est ainsi apparu et il a donné une grande stabilité à ces tribus de naguère. Il finissait le plus souvent à la casserole.
Ces tribus devenues nations forment à leur tour, ensemble, une tribu d'un nouveau genre, une métatribu. Métatribu qui s'est donnée, de la même manière, un roi sacré, ou hégémon sacré, les USA. Il se pourrait bien qu'il passe bientôt à la casserole, c'est son inéluctable destinée.
La tentation est grande de nous donner un nouvel hégémon sacré. Un candidat est en lisse, la Chine bien sûr, la Russie aussi peut-être… Serons-nous capables de suivre une autre voie, une voie rationnelle, consciente ? Difficile à envisager.
Quels soubresauts sont devant nous !!...
Denis Monod-Broca
20/08/2023
Nous, ses nations-vassales, considérons que l’hégémon, suzerain du monde libre, peut librement s’installer dans quelque nation souveraine que ce soit, y contrôler et y corrompre le gouvernement à sa guise, la bombarder ou l’envahir si elle résiste, etc., et nous considérons bien sûr que seul l’hégémon jouit d’un tel privilège, lié à sa fonction. Toute nation cherchant à l’imiter est donc coupable du pire des crimes, celui de lèse-hégémon. La Russie s’en est rendue coupable. Ce qu’elle fait en Ukraine est par conséquent, et sans discussion possible, à nos yeux, absolument impardonnable.
L'hegemon, comme tout roi sacré, est une victime en attente de son sacrifice.
L'heure a-t-elle sonné ?
Les nations du monde sont-elles capables de vivre sans hégémon ?
Pascal B.
18/08/2023
Kiev lance ses drones sur Moscou
Berlin lance ses V2 sur Londres
jc
11/08/2023
M.K. Bhadrakumar : "Fondamentalement, malgré leur différend frontalier non résolu, l’Inde et la Chine partagent la même vision selon laquelle les BRICS jouent un rôle essentiel sur la scène multilatérale mondiale. Les deux pays considèrent également les BRICS comme une plateforme leur permettant d’améliorer leur statut et leur influence au niveau international. C’est cette communauté d’intérêts qui inquiète l’Occident."
Michel Maffesoli au MEDEF 2023 (14'50) ( https://www.youtube.com/watch?v=LefpCAhEaXM ) :
"Diagnostic : ce qu'on est en train de quitter mais qui reste dominant, qui reste le propre des élites au pouvoir. Je le dis d'une manière imagée : les astrophysiciens nous ont montré qu'on voit pendant longtemps la lumière d'une étoile morte.".
Thom (Paraboles et catastrophes, p.116) :
"Souvent, dans une situation prérévolutionnaire, au début, les idées ont un caractère un peu utopique, presque millénariste : elles soulèvent les esprits, même si elles n'ont pas une portée effective. Cependant il suffit que ces idées cristallisent pour devenir rapidement une grande force d'attraction autour de laquelle s'organise l'opposition qui amènera ensuite à la révolte. En outre, une révolution se réalise lorsque les dirigeants eux-mêmes cessent d'être convaincus de la validité de l'ancien paradigme.(...) Alors ils sont perdus.".
Didier Favre
10/08/2023
Ces gens vivent dans une réalité socialement construite. Ils vivent dans un monde où tout le monde adhère à un récit, la réalité qu’ils ont construit. Ce récit a une valeur de référence morale en plus de critère de vérité. Ce récit définit le bien et le mal pour ses croyants. Ce récit définit ce qui est honnête et permis de ce qui ne l’est pas. Ce récit dit quand une pensée désagréable doit être dite ou pas ou la franchise. Ce récit prend totalement la tête de ses adeptes.
Tout écart de ce récit est de la désinformation, du racisme, de la truc-phobie et j’en oublie. Tout écart de langage en devient une menace existentielle provoquant la mort des minorités opprimées.
Tout tenant des paroles s’écartant de ce récit est un suprémaciste blanc, un raciste et je passe sur les meilleures insultes.
La soumission absolue à ce narratif considérée naturelle et permettant une harmonie entre les humains de toutes sortes est encouragée, défendue comme un état naturel de conscience humaine supérieure et devant nous assurer à tous un avenir radieux.
Alexandre Zinoviev a écrit un livre éponyme sur l’avenir radieux. Il est là mais de notre côté du rideau de fer.
jc
09/08/2023
Conférence de Michel Maffesoli devant le MEDEF en 2023 : https://www.youtube.com/watch?v=LefpCAhEaXM
Je pourrais citer plusieurs passages de cette conférence -pour moi remarquable-, mais, en rapport avec la position exprimée par Zhang Weiwei, je retiens ici ce qu'il dit à 38'25 :
"Ce n'est plus la verticalité qui va prévaloir mais la topique, le lieu à partir duquel va se penser la société ; c'est une horizontalité. Non plus la loi du Père mais la loi des frères, le partage de diverses manières.qui va prévaloir.".
jc
08/08/2023
PhG : "Gros problème pour les USA, mais sans doute les USA seront-ils, d’ici là, occuper à achever le festin d’eux-mêmes où ils engloutissent les vestiges infâmes de leur puissance “sans précédent dans l’histoire”..".
Thom :"L'assertion de nature translogique "Le prédateur affamé est sa propre proie" est à la base de l'embryologie animale".
Et pourquoi pas à la base de l'embryologie sociale, en ce qui concerne les USA (et le monde occidental avec lui ?
Car je rappelle encore une fois l'une de mes citations thomiennes favorites :
"Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés.".
On remarquera que se manger soi-même n'est pas l'apanage des USA : le terme de samoyède vient du russe самоед (samoyed), traduit par l'étymologie populaire comme signifiant « qui se mange soi-même » ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Langues_samoy%C3%A8des )
jc
08/08/2023
Oppositions yang/yin, logos/topos, forme/matière.
Dans le a crise du monde moderne", chapitre intitulé "Science sacrée, science profane", Guénon oppose la science moderne occidentale à la science traditionnelle orientale. Je date cette bifurcation de la coupure galiléenne, où la physique science de la nature (φυσική,) est devenue la physique science de la matière. où la matière animée est devenue matière inanimée.
Pour Guénon la matière inanimée, la Matière c'est le MaL PhG est plus nuancé dans la conclusion du tome II de "La Grâce de l'Histoire" :
"De là que la matière c'est dans tous les cas et entre autres choses essentielles le Mal puisqu'elle est tout ce que nous rencontrons dans le monde u cours de notre périple, -premier principe qui semble poser un absolu, mais qui ne fait que "sembler" ; et que ce que nous nommons Matière avec une majuscule pour désigner le Mal dans l'évènement du déchaînement de la Matière, c'est quelque chose qui doit être défini dans notre époque terrible, qui est à la fois bien plus que la matière et qui n'est certainement pas toute la matière (sans majuscule) elle-même puisque la matière elle-même n'est pas ou n'est plus tout le Mal lorsque le Mal s'est opérationnalisé sous le terme de "Matière", et qu'elle n'est certainement pas que le Mal, -comme Rodin justement nous le démontre, et les cathédrales avec lui,- deuxième principe qui relativise aussitôt ce que le premier peut avoir d'absolu et justifier l'emploi du verbe "sembler" ("qui semble poser un absolu").".
Pour Thom, mon gourou, le logos prend ses racines dans le topos, le verbe prend ses racines dans la chair. la forme prend ses racines dans la matière, c'est du moins ainsi que j'interprète :
"(...) aucune théorie un peu profonde de l'activité linguistique ne peut se passer du continu géométrique (relativisant ainsi toutes les tentatives logicistes qui fleurissent chez les Modernes).".
jc
08/08/2023
Fin de mon .1 : "C'est pour moi une question importante dont la réponse pourrait renverser un paradigme bien établi par notre civilisation judéo-chrétienne dans laquelle c'est le verbe qui se fait chair.".
Ci-après un extrait -commenté par moi- de la fin de la conclusion de "De la topologie de la conciliation à la logique de la contradiction" des philosophes des sciences Dominique Lambert et Bertrand Hespel.
Cet extrait montre la supériorité de l'approche "fermée" des conciliations de Lambert et Hespel par rapport à l'approche "ouverte" des faisceaux de Grothendieck (donc de la théorie des co-topos -néologisme maison- par rapport à la théorie des topos) :
"Enfin, on notera — et ce n’est pas la moindre des constatations que l’on peut faire — que le concept de conciliation a un portée ontologique. Dès lors qu’on place ce concept en regard de celui de faisceau, s’adjoint en effet à l’hypothèse de cet enrichissement de l’épistémologie celle d’un éclaircissement du projet de la métaphysique. Car poser l’existence d’un faisceau se fait dans l’espoir de former, tandis que poser celle d’une conciliation se fait avec celui de fonder. Nous l’avons en effet suffisamment répété: lorsqu’on suppose l’existence d’un faisceau, on espère se donner le moyen de reconstruire un objet global à partir d’objets locaux consistants, alors que, quand on suppose l’existence d’une conciliation, on espère au contraire se donner le moyen de trouver au moins un objet local sur lequel repose un objet global consistant. Et ce qu’il importe cette fois de remarquer, ce n’est pas tant que, d’un cas à l’autre, le global et le local soient inversés, mais que les sens de ces deux démarches le soient aussi. Dans un cas, on commence en effet par acter que cet objet est, pour postuler ensuite qu’il doit donc pouvoir être tel qu’il est; tandis que, dans l’autre, on commence par postuler que l’objet est, pour acter ensuite qu’il doit donc être tel qu’il puisse être. Ce qui est très différent: d’un côté, l’être de l’objet n’est absolument pas interrogé, tandis qu’il l’est explicitement de l’autre.".
La phrase suivante de la longue citation précédente résume pour moi la situation : "Car poser l’existence d’un faisceau se fait dans l’espoir de former, tandis que poser celle d’une conciliation se fait avec celui de fonder."
Cet extrait me fait penser à la citation suivante, trouvée en épigraphe d'un chapitre de "Stabilité Structurelle et Morphogénèse" :
« Le mécanisme de n’importe quelle machine, une montre par exemple, est toujours construit de manière centripète, c’est à dire que toutes les parties de la montre, aiguilles, ressorts, roues, doivent d’abord être achevées pour être ensuite montées sur un support commun. Tout au contraire la croissance d’un animal, tel le triton, est toujours organisée de manière centrifuge à partir de son germe; d’abord gastrula il s’enrichit ensuite de nouveaux bourgeons qui évoluent en organes différenciés. Dans les deux cas, il existe un plan de construction; dans la montre, il régit un processus centripète, chez le triton, un processus centrifuge. Selon le plan les parties s’assemblent en vertu de principes opposés. » (J.V. Uexküll, Théorie de la signification)
Il ne fait guère de doute pour moi que la logique intuitionniste est masculine alors que la logique co-intuitionniste est féminine (c'est l'opposé de la position d'Alain Connes, pour qui la logique intuitionniste est féminie). Lambert et Hespel l'écrivent en filigrane quelques lignes plus loin :
" On peut bien rassembler différents objets, on ne formera pas pour autant un être, mais tout au plus un « être de raison ».", logique masculine ;
" Rendre compte de quoi que ce soit qui est exige donc de rendre compte de son unité. ", logique féminine.
jc
06/08/2023
PhG : "La seule issue, pour ce qui concerne l’espèce, se trouve dans une tentative de libération de la pensée, qui ne passe ni par la sacristie, ni par quelque dévotion quelconque, mais par la prise en compte loyale, ouverte, éventuellement humble, de facteurs nouveaux essentiels dans la manufacture de cette pensée.". ( "La crise de la raison-subvertie", 2014 : https://www.dedefensa.org/article/glossairedde-crisis-la-crise-de-la-raison-subvertie )
Pour moi la libération de la pensée se précise, et elle le sera par le biais des mathématiques, j'en suis de plus en plus convaincu (Thom : "(...) la mathématique est la fille de la liberté humaine. Elle en est peut-être le plus splendide rejeton."), avec deux courants antagonistes : l'un top-down, celui de Thom, qui va de l'unité vers la diversité par différenciations biologiques et différentiations mathématiques successives, l'autre bottom-up, celui de Grothendieck (repris par Olivia Caramello), qui va de la diversité vers l'unité par une marée montante de théories unificatrices.
Il m'apparaît de plus en plus nettement que Thom s'intéresse plus aux strates, stabilité structurelle oblige, qu'aux fibres, approche yin. Et je découvre (je commence…) que c'est peut-être l'inverse pour Grothendieck, qui a -il me semble- une approche plus yang. L'antagonisme apparaît nettement dans le citation thomienne suivante : "La physique s'est fascinée sur le problème de l'unification des causes, c'est-à-dire la théorie du champ unitaire. C'est le problème inverse de la scission qu'il importerait au contraire d'élucider.".
Il est pour moi clair que Thom s'est d'abord intéressé au problème des scissions à travers l'analogie entre différenciation biologique et différentiation mathématique (analogie pour moi génialissime) : "Expliquons de manière assez élémentaire le mécanisme formel qui, à mes yeux, commande toute morphogénèse par l'analogie suivante entre le développement d'un embryon d'une part et une série de Taylor à coefficients indéterminés d'autre part…" (Stabilité Structurelle et Morphogénèse", 2ème ed., p.32), avant de s'intéresser à l'autre sens : "De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal α (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogénèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur." (Esquisse d'une sémiophysique, p.216).
Pour Grothendieck comme pour Thom l'opposition centrale des mathématiques n'est pas entre "cadres" (théorie des ensembles vs théorie des catégories) -comme de nombreux philosophes des sciences le croient- mais entre algèbre et géométrie et plus généralement entre discret et continu. Il est très clair pour moi que Thom est un géomètre, un penseur du continu, un topocrate pour qui la mathématique est une conquête du continu par le discret (d'où sa préférence pour la théorie ds scissions) alors que je découvre un peu plus tous les jours que Grothendieck est un algébriste, un penseur du discret, un logocrate pour qui c'est la recherche du continu unificateur qui est le Graal à atteindre. (Pour moi l'approche grothendieckienne est vouée à l'échec : quoiqu'on dise et quoiqu'on fasse la contiguïté -aussi dense soit-elle- ne sera jamais qu'une continuité fantasmée, la topologie algébrique ne sera jamais la topologie différentielle.)
Je n'ai pas l'impression que les idées thomiennes sur le langage -le logos- aient convaincu les linguistes ("(...) aucune théorie un peu profonde de l'activité linguistique ne peut se passer du continu géométrique (relativisant ainsi toutes les tentatives logicistes qui fleurissent chez les Modernes).". Peut-être en sera-t-il autrement avec les idées grothendieckiennes et les psychanalystes (Jacques Lacan: "L'inconscient est structuré comme un langage"; Alain Connes (grothendieckien) : "L'inconscient est structuré comme un topos") ? Mais, pour moi, si la réponse s'avère positive, alors c'est qu'il s'agira d'un topos nécessairement fantasmé.
C'est pour moi une question importante dont la réponse pourrait renverser un paradigme bien établi par notre civilisation judéo-chrétienne dans laquelle c'est le verbe qui se fait chair.
.
Quoi qu'il en soit, encore Thom pour finir :
- "En permettant la construction de structures mentales qui simulent de plus en plus exactement les structures et les forces du monde extérieur ainsi que la structure même de l'esprit-, l'activité mathématique se place dans le droit fil de l'évolution. C'est le jeu signifiant par excellence par lequel l'homme se délivre des servitudes biologiques qui pèsent sur son langage et sa pensée et s'assure les meilleurs chances de survie pour l'humanité.".
Sebastien Antoine
06/08/2023
"C’est l’entrée de l’Afrique dans le ‘Grand Jeu’ comme l’on disait avant en bon mackindérien-géopoliticien , c’est-à-dire son entrée dans la GrandeCrise."
C'est sans doute juste d'associer Guénon à la Géopolitique, mais pourquoi citer MacKinder, qui n'a rien avoir avec cette ancienne discipline universitaire ? Ives Lacoste explique bien que c'est du bavardage de journaliste (le best seller de Robert Kaplan) :
https://www.cairn.info/revue-herodote-2012-3-page-139.htm?contenu=article
jc
04/08/2023
Zhan Weiwei oppose l'ordre vertical unipolaire impérial imposé au monde par les USA selon le principe "Diviser pour régner", ordre yang, et l'ordre horizontal multipolaire proposé au monde par la Chine selon le principe opposé "Unir pour prospérer", ordre yin.
Il est pour moi très clair que le principe "Unir pour prospérer" s'oppose frontalement à l'édification d'un monde multipolaire.
Car il est pour moi très clair que ce principe ne peut aboutir qu'à un nouveau monde unipolaire de type impérialiste, la Chine étant évidemment le meilleur candidat pour hériter de la position impériale détenue pendant un demi-siècle au moins par les USA.
Il est pour moi très clair que le principe "Unir pour prospérer" est infiniment supérieur au principe "Diviser pour régner", et que la Chine -communiste ou communautariste- aura toutes les chances de garder sa position impériale plus longtemps que les USA n'ont réussi à le faire.
Mais il est aussi pour moi très clair que ce "Unir pour prospérer" ne diffère pas fondamentalement du principe fondateur de "notre" Union Européenne.
Il n'y a pour moi pas d'ordre horizontal possible car tout ordre est vertical, tout ordre est différenciant, tout ordre est yang. Ce qui est horizontal c'est l'équivalence, toute équivalence est unifiante, toute équivalence est yin.
Toute construction sociale stable nécessite de tisser harmonieusement strates horizontales et fibres verticales. Ce qu'a nié catégoriquement Margaret Thatcher : "There's no such thing as society. There are individual men and women and there are families.", avec le résultat dont on découvre la catastrophique ampleur.
Je ne connais pas du tout les structures profondes de la société plurimillénaire chinoise. Mais je ne serais pas étonné d'apprendre qu'elles se désagrègent depuis les révolutions de 1911 et 1949. En tout cas je suis convaincu que la mise en place du contrôle des masses (traçabilité, crédit social, etc.) ne fera qu'accélérer exponentiellement cette désagrégation.
Dans "La crise de la raison-subvertie" (2014) ( https://www.dedefensa.org/article/glossairedde-crisis-la-crise-de-la-raison-subvertie ), PhG écrit dans la section "TINA, ou “le silence pour toute réponse” :
" Nous avons cité l’intervention de l’officiel chinois avec une intention à l’esprit, ne doutant pas un instant de la sincérité de son propos, et de la véracité de sa propre conviction, dans l’exposé qu’il fit des intentions de la Chine, de l’Asie, et de l’antique sagesse de cette partie du monde. Nous reconnaissons d’autant plus tout cela que nous pouvons dire notre conviction que l’intervenant se trompait, qu’il se trompe en croyant qu’un modèle de civilisation asiatique rénové s’imposera rapidement, à côté du modèle occidentaliste, éventuellement pour le concurrencer et le remplacer.
Ce n’est nullement que ses arguments de fond ne soient pas justifiés et excellents; ils le sont, ceci et cela, et plus qu’à leur tour. Mais l’intervenant ignore deux choses: combien le modèle occidentaliste est, à la fois, plus puissant qu’il ne croit et plus proche de l’effondrement catastrophique qu’il ne croit. ".
En 2023. Plus proche de l'effondrement qu'il ne croit : certes. Plus puissant qu'il ne croit ? Je pense qu'il est actuellement permis à 80% de l'humanité d'en douter.
Pour moi l'inéluctable prise de pouvoir impérialiste de la Chine ne résoudra en rien la crise moderne de la raison humaine qui continuera ses ravages -crise dont je date le début à la coupure galiléenne (*)-, qu'on soit du côté de 20% ou du côté des 80%, elle ne fera que l'accélérer. On en arrive alors inéluctablement -toujours selon moi- à la dernière section de l'article : "La question du sacré", dont voici la fin :
"Nous nous trouvons devant un vide vertigineux pour alimenter une pensée qui plonge dans la panique et le désarroi devant des événements et des circonstances qui la dépassent. La seule issue, pour ce qui concerne l’espèce, se trouve dans une tentative de libération de la pensée, qui ne passe ni par la sacristie, ni par quelque dévotion quelconque, mais par la prise en compte loyale, ouverte, éventuellement humble, de facteurs nouveaux essentiels dans la manufacture de cette pensée. La puissance de la crise hurle elle-même cette obligation où nous nous trouvons. Nous pouvons certes continuer à rester sourd à ces hurlements, ce qui ne changera pas grand’chose à notre destin qui est de voir cette crise emporter notre “contre-civilisation”. Seule nous importe ici une hypothèse pour une pensée libérée, disponible pour une réflexion parvenue à une maturité qui retrouve l’antique sagesse, pour après la crise.".
* : Thom : "La science moderne, au point où elle en est, est un torrent d'insignifiance proprement dit" (Paraboles et catastrophes, p.127).
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