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Article : Les quatre “mais” du candidat élu

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A propos des 4 "mais"

Jean-Claude De Cat

  07/05/2007

Bonjour,
Je vous lis depuis le 6 mai au soir dans l’espoir de trouver encore une voix à gauche dans la presse francophone, puisque chez nous en les casaques se jettent aux orties depuis quelque temps (voir votre confrère Le Monde, dit “de référence” (motu proprio, il faut bien le dire).
J’ai apprécié les 4 “mais” et plus encore la référence inhabituelle chez nous à de Maistre. Je doute fort cependant que le nouveau président français se voie comme un instrument. Il aurait plutôt tendance à se croire le “deus ex machina” de son pays.
Jean-Claude De Cat

Jean-Pierre Delorme

  08/05/2007

Je vous lis avec un immense intérêt depuis plusieurs mois: vous avez donné un cadre cohérent et stimulant à beaucoup de mes réflections et c’est naturellement inestimable. L’abondance d’informations à bonne source est également très appréciable.

Et puis soudain, vous écrivez sur la France et… je ne comprends plus rien. Quand je dis cela il ne s’agit pas d’euphémiser pour éviter de marquer un désaccord trop franc: je n’ai vraiment rien compris à cet article ni aux précédents sur le premier tour! 

Sans doute devrais-je me renseigner davantage sur Joseph de Maistre, et les notions liées à la transcendance nationale…

Pour ce qui concerne l’élection de Sarkozy, il me semble, au contraire de ce que j’ai cru comprendre en vous lisant, que nous venons d’assiter à un triomphe du virtualisme et de l’américanisme!

Virtualisme politique d’abord. Notre très talentueux nouveau président se caractérise en effet par une capacité inégalée à dichotomiser la réalité du pays et sa représentation. Il n’est que de voir son action au ministère de l’intérieur depuis cinq ans. Le même éloge de l’action et du succès y furent répétés en boucle avec la même conviction, jour après jour pendant cinq ans, indépendamment de toute réalité. On s’en convaincra aisément, par exemple, en visionnant ce petit film:
http://www.dailymotion.com/x1hgw2_sarkozy-le-bilan-version-courte
L’obsession de sarkozy pour les chiffres, c’est-à-dire les statistiques, autrement dit une construction purement virtuelle de la réalité, traduit bien cette foi profonde dans la virtualité.
Disposant à partir d’aujourd’hui de toutes les manettes du pouvoir et en particulier de celles du pouvoir médiatique, il est à craindre que l’image de la France ne décolle définitivement de la réalité (jusqu’à une chûte qui pourrait prendre la forme d’une révolte des banlieues plus structurée que la précédente et trouvant, cette fois, des relais politiques).

Virtualisme économique ensuite. La France est déjà un pays extrèmement ouvert au “big business” et, à quelques vétilles bureaucratiques près, très néolibéral. Les intérêts des multinationales françaises coincidant, dans leur traduction de politique économique, avec leurs soeurs américaines, c’est à un accroissement de leur domination commune que nous allons assister (pharmacie, OGM, pétrole, etc.). Un mouvement facilité par la fusion des marchés boursiers français et américains. La paupérisation massive d’une frange importante de la population (oui, la situation peut encore empirer) sera gérée comme outre-atlantique ou outre-manche (prison, marginalisation, statutarisation de l’exclusion). Les mesures économiques annoncées pour “les gens” sont quant à elles très largement virtuelles (revaloriser le travail, l’autorité, la francitude…) ou condamnées avant d’être lancées (harmonisations et protections européennes).

Pour ce qui est de l’américanisme, je crois que comme l’Australie ou la Grande-bretagne, nous allons purement et simplement abdiquer toute indépendance. Je pense que le gros des troupes militantes du sarkozysme est constitué de ces populations qui, admirant sans retenue le “modernisme” et la force américains, se vivent volontiers comme les représentants de l’empire chargés d’administrer une peuplade certes capricieuse mais dont on peut obtenir quelques résultats… Il suffit que ces missi dominici soient suffisamment rétribués (en espèces ou en symboles). C’est la droite “enfin” tout à fait débarrassée du gaullisme qui a triomphé.

Pour en venir, enfin, au discours d’hier soir, je ne crois pas vraiment au caractère revendicatif de ces “mais”. La prise de position sur le climat me semble être l’expression de la volonté sarkozyenne de promouvoir le nucléaire français et, dans ce but, de se positionner comme co-fournisseur du monde, avec les Etats-Unis. L’arrivée annoncée de la patronne d’Areva au gouvernement renforce cette hypothèse. Pour ce qui est de la Méditerranée, difficile de prétendre lancer une alternative fonctionnelle au processus de Barcelone en se brouillant avec la Turquie (mais la France sera seule et impuissante sur ce dossier), en accroissant le rôle d’Israel et avec une Algérie, entre autres, déjà sur ses ergots. Quant au thème de la protection européenne, il nécessiterait, pour donner lieu à des réalisations ne serait-ce que symboliques,  une révolution copernicienne des 26 autres chefs de gouvernements européens ou, plus surement, un clash majeur… Mais Sarkozy ne cherchera pas le clash: une virtualité publicitaire bien agencée pourrait sans doute se substituer efficacement à ces échecs annoncés. 

Ma conclusion serait que les instincts français nous ont fait résister - dans le plus grand désordre - vingt ans à l’avatar néo-libéral de l’américanisme. Mais ce désordre étant arrivé à son comble sans qu’une réaction théorique quelconque vienne contredire l’adversaire, la capitulation risque d’être totale. Une fois encore c’est dans l’épreuve la pire que les ressources nécessaires à la résistance et à la reconquète vont devoir éclore et prospérer. Si du moins il reste à la France un quelconque génie.

Stéphane

  08/05/2007

Je suis de l’avis de Mr Delorme, et vois plutôt cette ambigüité de Sarkozy comme de la basse manœuvre politicienne, destinée à obtenir les pleins pouvoirs en attirant le gogo aux législatives. Et accessoirement liquider l’UDF, il m’a semblé entendre plusieurs propositions de F. Bayrou dans ce discours, parmi les plus intéressantes : rétablir des barrières douanières, changer « l’Europe cheval de Troie » etc.
Qui vivra verra, et c’est tout le drame de cette époque. Une foule d’électeur se précipite pour prendre parti (avec passion) pour des candidats qui selon votre expression restent des « mystères », dont le seul élément intelligible de leur programme serait une meilleure rémunération des heures supplémentaires, ou quelques mesurettes fiscal à droite à gauche.
Ha, les grands visionnaires !