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Article : La “théorie orwellienne des trois blocs”

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analyse: fin de la 'théorie orwellienne des trois blocs'∫

F. Bordonaro

  10/12/2005

Bonjour,

Votre dernière analyse est un texte de réflexion fort intéressant. Tout d’abord, car il réussit à mettre en relation des événéments “géostratégiques” et économiques avec les “représentations” (à savoir, comme l’explique le géopolitologue français Yves Lacoste, “l’ensemble des idées et perceptions collectives d’ordre politique, religieux ou autre qui anime les groupes sociaux et qui structure leur vision du monde”.

En fait, comme le politologue états-unien Michael A. Weinstein l’a expliqué [ http://tinyurl.com/dkaqk ], le “protectionnisme” est de retour (sous forme “masquée” ou explicite). D’ailleurs, je suis convaincu que les 4-5 prochaines années seront marquées par une étrange co-existence entre une tendance “globalisatrice” et une contre-tendance “néo-nationaliste” (appelez-la “patriotique économique” ou encore “étatiste”, etc.).

Ceci peut apparaitre contradictoire. Il l’est, en effets. Pourtant, il est concrètement possible. Au niveau épistémologique, il serait intéressant de prendre en compte la “logique du tiers-inclus” (voir Stéphane Lupasco, Gilbert Durand), dont le géographe et géopolitologue français Gérard Dussouy (2001) tente l’introduction dans l’analyse géopolitique.

Posant son regard sur l’opposition entre “intégration et antagonisme”, Dussouy (p.47) explique que “il faut dépasser la dialectique intégration/antagonisme [...] Un mode de saisie de cette complexité apparait particulièrement heuristique: la logique trialectique définie par l’anthropologue Gilbert Durand. [...] Cette épistémologie, sans etre syncrétique, retient toutes les faces de la réalité du monde”.

En outre, le “chaos” et le manque actuel de “lisibilité” du systéme international dans son ensemble correspond, à mon sens, à la tentative meme, de la part des Etats-Unis, de “ré-écrire” la carte géopolitique du Moyen-Orient (ou bien, mieux, de la “diagonale de crise” allant du Soudan au Kazakhstan).

Cette tentative s’écrase contre l’irréductible vitalité des nations—ou pour mieux dire, de certains acteurs nationaux (voir les guérrillas iraquiennes, l’Iran, les manoeuvres de contre-influence inspirées par Moscou et Pékin en Asie centrale).

Le “meilleur des mondes géopolitiques possibles” pour Washington ne serait-il pas, en effets, une ensamble de “macro-régions” à la fois émiettées et ré-intégrées dans des institutions supranationales? Evidemment, dans des institutions l’orientations desquelles les Américains seraient en mesure de influencer de façon décisive…

Si cela est vrai, alors Votre commentaire ci-dessous est parfaitement compréhensible:
“Les Français, Chirac et les autres, ont compris: c’est la nation d’abord et, dans ce cas, contre la Commission; et tant pis pour la Commission. Les intérêts nationaux sont revenus au premier plan. Tout le reste, y compris l’utopie européenne, leur est sacrifié. Le résultat sera des États renforcés qui, regroupés selon leurs intérêts, s’affirmeront européens avec force et puissance, - au contraire de l’Europe à 25. Paradoxe dans l’esprit du temps: le “moins d’Europe”, c’est plus de puissance.”

Bien cordialement,

FB

* Gérard Dussouy, (2001), Quelle géopolitique au XXIème siecle?, Bruxelles, Complexe.