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Article : Du Règne de la Quantité

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Merci Monsieur pour ce très bel article !

patrice sanchez

  07/09/2019

Nous vivons une époque ô combien paradoxale, zarathoustrienne dirais-je même ... et pour reprendre ce cher Guénon : " rien de ce qui s'accomplit dans ce monde ne saurait être inutile…" ; la respiritualisation à marche forcée qui nous donne les armes, le courage et la force nécessaires pour affronter cette fin des temps du régne de la matière et qui nous fait clamer : ce qui ne nous zombifie pas nous fortifie !

Ce

jc

  14/09/2019

PhG: "(...) en évoluant dans ce magasin cosmique du Règne de la Quantité on peut y trouver du matériel métaphysique pour porter des coups terribles au Règne de la Quantité. A nous de le trouver…"

Ce "nous" de narration qui renvoie à l'indéfectible tandem PhG/Dedefensa s'adresse ici, selon moi, à nous tous qui fréquentons ce site et est donc une invitation à lire l'oeuvre de René Guénon -en particulier "Le règne de la quantité et les signes des temps"- et à la commenter.

Depuis les quelque trois ou quatre ans que je fréquente ce site j'ai acquis la conviction que l'oeuvre de Guénon joue un rôle très important -sinon fondamental- dans la façon qu'a PhG de voir les choses, et avec le recul de ces quelques années je perçois les dialogues -il y a une dizaine d'années sur ce site- entre Jean-Paul Baquiast et Philippe Grasset comme des dialogues entre un tenant du "Règne de la quantité" et un tenant du "Signe des temps" c'est-à-dire entre un tenant de la science moderne (profane) et un tenant de la science traditionnelle (sacrée): les dialogues 3 et 4 ("Le grain de sable divin" de PhG et "L'individu dans l'histoire" de JPB) sont pour moi typiques à ce sujet.

Je commence par quelques commentaires du chapitre IV "Science sacrée et science profane" de "La crise du monde moderne", où René Guénon formule ainsi "la crise de la science moderne":

"La science moderne, procédant d'une limitation arbitraire de la connaissance à un certain ordre particulier, et qui est le plus inférieur
de tous, celui de la réalité matérielle ou sensible, a perdu, du fait de cette limitation et des conséquences qu'elle entraîne immédiatement, toute valeur intellectuelle, du moins si l'on donne à l'intellectualité la plénitude de son vrai sens, si l'on se refuse à partager l'erreur « rationaliste », c'est-à-dire à assimiler l'intelligence pure à la raison, ou, ce qui revient au même, à nier l'intuition intellectuelle."

Pour avoir une idée de la limitation arbitraire de la connaissance que s'impose -s'inflige?- la science moderne il faut -selon moi absolument- lire l'article "pseudo-science" de Wikipédia¹ (sans oublier de consulter la discussion) pour constater que, selon les canons de la science moderne, la science traditionnelle est une pseudo-science (et réciproquement, comme le montre la lecture du chapitre IV précité).

Je ne sais pas si PhG peut être qualifié de guénonien (en particulier parce qu'il fait une distinction entre Matière majusculée et matière minusculée -il faut attendre la parution du tome III de "La Grâce…" pour des précisions-) alors que, autant que je sache, la matière (la Matière majusculée de PhG) est fondamentalement "satanique" pour Guénon.

Je ne me considère pas comme guénonien: mon insistance à faire du prosélytisme pour l'oeuvre de Thom sur ce site -comme jadis sur le blog de Paul Jorion- me qualifie plutôt quasi-automatiquement ici de thomien. Les quelques citations qui suivent² donnent une idée du regard que Thom porte sur la science en général et celle de son temps en particulier; les curieux qui auront le courage de parcourir ces citations déclinées un peu "brutes de décoffrage" arriveront peut-être -comme moi- à la conclusion que le philosophe Thom ne considère pas la science du même oeil que les modernes, mais plutôt du même oeil que les "tradi": c'est en tout cas le but recherché.

Citations thomiennes à propos de la science.

- "(...) si la science progresse, c'est en quelque sorte par définition. Alors que l'art et la philosophie ne progressent pas nécessairement, une discipline qui ne peut que progresser est dite scientifique. De là on conclura que le progrès scientifique, s'il est inévitable, ne peut être le plus souvent qu'illusoire." (1968, La science malgré tout…)

- "Ainsi la fonction originelle d'une philosophie de la nature sera-t-elle de rappeler constamment le caractère éphémère de tout progrès scientifique qui n'affecte pas de manière essentielle la théorie de l'analogie."

- "(...) une vision plus claire du programme métaphysique de la théorie des catastrophes : fonder une théorie mathématique de l'analogie, qui vise compléter la lacune ouverte par Galilée entre quantitatif et qualitatif."

- "Lorsqu'on a compris – à la suite de T. S. Kuhn – le caractère « automatique » du progrès scientifique, on se rend compte que les seuls progrès qui vaillent sont ceux qui modifient notre vision du monde – et cela par l'élaboration de nouvelles formes d'intelligibilité. Et pour cela il faut revenir à une conception plus philosophique (voire mathématique) des formes premières d'intelligibilité. Nos expérimentateurs, sempiternels laudateurs du « hard fact », se sont-ils jamais demandé ce qu'est un fait ? Faut-il croire – ce qu'insinue l'étymologie – que derrière tout fait, il y a quelqu'un ou quelque chose qui fait ? Et que ce quelqu'un n'est pas réduit à l'expérimentateur lui-même, mais qu'il y a un « sujet » résistant sur lequel
le fait nous apprend quelque chose ? Telles sont les questions que notre philosophe devra constamment reposer, insufflant ainsi quelque inquiétude devant le discours volontiers triomphaliste de la communauté scientifique. Bien sûr la Science n'a nul besoin de ce discours pour continuer. Mais il restera peut-être quelques esprits éclairés pour l'entendre, et en tirer profit."

- "(...) la théorie des catastrophes offre peut-être le seul formalisme — fondé sur le primat du continu et du conflit — qui concilie l'intelligibilité avec
une certaine régression de l'importance attribuée à l'individuation. On peut penser que c'est par une analyse fondamentalement introspective des contraintes sémiotiques de l'organisation perceptive du réel que l'on pourra tout à la fois sauver l'intelligibilité du monde, et accéder à un « réalisme» qui demeure, malgré tout, le but ultime de la science." (1981, Morphologie du sémiotique)

- "Le positivisme a vécu de la peur de l'engagement ontologique. Mais dès qu'on reconnaît aux autres l'existence, qu'on accepte de dialoguer avec eux, on s'engage ontologiquement. Pourquoi ne pas accepter alors les entités que nous suggère le langage ? Quitte à contrôler les hypostases abusives, c'est là la seule manière d'apporter au monde une certaine intelligibilité. Seule une métaphysique réaliste peut redonner du sens au monde. (ES, conclusion)

- "L'ambition ultime de la théorie des catastrophes, en fait, est d'abolir la distinction langage mathématique-langage naturel qui sévit en science depuis la coupure galiléenne." (1976, Le statut épistémologique…)

- "(...) la théorie des catastrophes élémentaires est, très vraisemblablement, le premier essai cohérent (depuis la logique d'Aristote) d'une théorie de l'analogie. Lorsque des scientifiques d'esprit étroit objectent à la théorie des catastrophes de ne pas donner plus que des analogies ou des métaphores, ils ne se doutent pas qu'ils énoncent le dessein véritable de la théorie des catastrophes, lequel est de classer tous les types possibles de situations analogues." (1973)

- "(...) le but ultime de la science n'est pas d'amasser indistinctement les données empiriques, mais d'organiser ces données en structures plus ou
moins formalisées qui les subsument et les expliquent. Dans ce but, il faut avoir des idées « a priori » sur la manière dont se passent les choses, il faut avoir des modèles. Jusqu'à présent, la construction des modèles en Science a été avant tout une question de chance, de « lucky guess ». Mais le moment viendra où la construction des modèles elle-même deviendra, sinon une science, du moins un art ; ma tentative, qui consiste à essayer de décrire les modèles dynamiques compatibles avec une morphologie empiriquement donnée, est un premier pas dans l'édification de cette « Théorie générale des Modèles » qu'il faudra bien construire un jour." (1966)

- "Toute science est métaphorique."

- "En science, le réel doit toujours être plongé dans un virtuel plus grand"

- "Je crois (...) que l'acceptabilité sémantique (en dépit de son caractère apparemment relatif à la langue considérée) a en général une portée
ontologique. « Toute analogie, dans la mesure où elle est sémantiquement acceptable, est vraie. » C'est là, je crois, le principe de toute investigation métaphysique." (ES, p. 250)

- "(...) je suis convaincu qu'il y a, en effet, place en science pour une sorte d'analyse dynamique qui soit parfaitement indépendante de la nature des substrats ; qu'on ait affaire à un objet matériel ou à un objet idéel, on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'ils aient des comportements, dans certaines circonstances, parfaitement isomorphes." (1979)

- "Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés."

- "Finalement, le problème de la démarcation entre scientifique et non scientifique n'est plus guère aujourd'hui qu'une relique du passé ; on ne le
trouve plus guère cité que chez quelques épistémologues attardés – et quelques scientifiques particulièrement naïfs ou obtus." (1988, La science et l’intelligible)

- "L'idéal de la science contemporaine – et du positivisme – est de tout réduire à des saillances, la seule interaction permise étant la collision entre
formes saillantes, et d'éliminer ainsi complètement les prégnances. Elle n'y parvient (c'est le cas de la Mécanique quantique) qu'en renonçant à
l'intelligibilité, la particule saillante et le champ entité prégnantielle étant alors identifiés." (1988)

- "La science, actuellement, est une gigantesque industrie, dont le seul principe directeur est l'expérimentalisme ; la maxime directrice est : « Tout
ce qui peut se faire doit être fait ». Il ne s'agit là – en fait – que de la poursuite du besoin exploratoire déjà présent chez l'animal."

- "Le dédain pour la théorie qui se manifeste dans les milieux d'expérimentateurs a sa source dans l'attitude analytique-réductionniste ; or
pour découvrir la bonne stratégie, il faut s'identifier à l'un des facteurs permanents du système. Il faut en quelque sorte entrer « dans sa peau ». Il
s'agit là presque d'une identification amoureuse. Or comment pourrait-on aimer ce qu'on a, préalablement, cassé de manière irréversible ?
Toute la science moderne est ainsi fondée sur le postulat de l'imbécillité des choses." (Pour Thom l'intelligence est la faculté de s'identifier à autre chose, à autrui.)

- "En refusant le formalisme pur, en exigeant l'intelligible, le futur esprit scientifique va courir, de gaieté de cœur, le risque de l'erreur. Après tout,
mieux vaut un univers transparent à l'esprit, translucide, où le contour des choses est un peu flou, qu'un univers aux certitudes précises, écrasantes et incompréhensibles, comme l'est celui de la physique classique. Depuis la rupture galiléenne, le savant a toujours essayé d'exploiter les automatismes, la « stupidité » de la nature : la physique est tout entière fondée sur ce manque d'imagination des forces naturelles. Mais de la répétition indéfinie du même acte, l'addition de un, naissent les entiers naturels, l'arithmétique, d'où émerge, en grande partie, la grandiose construction des mathématiques. Ceci nous montre comment, d'un fond d'événements indistinguables, peut sortir la variété infinie et joyeuse des formes."

- "Je caractérise volontiers le rôle du philosophe de la nature comme celui d'un gardien de l'intelligible. Jetant un coup d'œil panoramique sur les
pratiques et les théories des sciences de son temps, il s'efforcera d'évaluer le caractère d'« intrinsèque intelligibilité » attaché à chaque théorie."

- "(...) le spectacle de l'univers est un mouvement incessant de naissance, de développement, de destruction de formes. L'objet de toute science est de prévoir cette évolution des formes, et si possible, de l'expliquer." (1968)

- "Le monde de l'analogie est un monde qui porte son ontologie en quelque sorte avec soi." (Immanence -pour Thom- du monde de l'analogie?)

- "Le miracle des lois physiques est un miracle isolé, et l'on a payé fort cher en croyant que comprendre les phénomènes était un luxe dont on pouvait fort bien se dispenser, du moment qu'on avait la formule qui permet la prédiction." (1968, La science malgré tout…)

- "(...) Les Philosophes ont abandonné aux savants la Phusis et se sont repliés dans la forteresse de la subjectivité. Il leur faut réapprendre la leçon des Présocratiques, rouvrir les yeux grands sur le monde, et ne pas se laisser impressionner par l'expertise souvent dérisoire d'insignifiance de l'expérimentateur. Inversement la science doit réapprendre à penser."

- "On peut penser que comprendre l'articulation entre le déterminisme mathématique – de type différentiel et laplacien – et le déterminisme langagier des causes en langue naturelle est l'une des tâches essentielles, sinon de la science, du moins d'une philosophie naturelle bien conçue."

- "Dira-t-on que l'œuf n'a pas de forme, mais qu'il a un to ti en einai dont la nature est ultérieurement de développer la forme adulte (s'il n'y a pas
empêchement) ? Cela montre en quel point le concept de « quiddité » est infiniment plus riche et mystérieux que ceux de la forme et de l'acte. (...)
La Science moderne ne peut accepter les quiddités qu'à condition de les géométriser, dans l'espace substrat ou dans des espaces dérivés (espaces fonctionnels). C'est le sens de mon « attracteur du métabolisme simulant la dynamique adulte »."

- "(...) la science veut construire la vie à partir de la mécanique, et non la mécanique à partir de la vie." (1975, Les archétypes…)

- "Rappelons cette trivialité : du fait même qu'elle vise à la constitution d'un savoir commun, la Science est par essence déterministe. Qu'on le veuille ou non, la Science est une entreprise dogmatique, puisqu'elle vise à susciter chez tout observateur la même réaction mentale en face d'un même donné scientifique, fait ou théorie."(1980, En guise…)

- "Le déterminisme, lorsqu'il est scientifique, c'est-à-dire accessible à tous, et théoriquement intelligible pour tous, est un instrument de libération."

- "Si j'ai ainsi tendance à minimiser le rôle de l'expérience dans le progrès scientifique, c'est à cause d'une conviction : les grandes lois du monde
physique nous sont implicitement connues avant d'avoir été explicitement découvertes et formulées. Il suffit d'avoir un tant soit peu réfléchi aux
mécanismes à l'œuvre dans le développement embryologique pour se convaincre que la formation de notre squelette et de nos muscles suppose
une connaissance implicite des lois de la mécanique ; de même, l'organogenèse de l'œil témoigne d'une connaissance implicite des lois de
l'optique. L'expérimentation scientifique n'a donc fait que révéler à notre conscience des lois d'ores et déjà contenues dans le patrimoine génétique de notre espèce ; en ce sens, la connaissance scientifique est l'analogue, sur le plan de l'espèce, d'une psychanalyse sur le plan individuel : elle permet à l'homme de prendre conscience des grands mécanismes qui assurent la
stabilité de la vie, l'homéostasie et la régulation biologique. Ces connaissances nous sont initialement interdites, comme nous échappent –
normalement – les battements de notre cœur, ou les contractions de notre tube digestif. Il s'agit là d'activités trop proches de notre existence même pour que nous puissions en avoir conscience, c'est-à-dire les traiter comme
des objets extérieurs. L'objectivation scientifique, l'expérimentation nous
permet de lever cette censure, de transgresser ce tabou. Mais il n'est pas impossible que la pure réflexion, fondée sur un Gedankenexperiment, ou
sur un modélisme géométrique ou numérique, ne puisse, en stimulant l'intuition, conduire au même résultat. C'est dans son bain qu'Archimède a
découvert le principe qui porte son nom." (1968, La science malgré tout)

- "(...) la science s'est toujours efforcée de définir - sinon de domestiquer – le monde des forces à partir de l'observation des formes." (1984)

- "(...) qu'une science soit plus qu'une description naïve, tient au fait qu'elle a construit un ensemble de processus “virtuels” (c.-à-d. imaginaires) parmi lesquels elle est capable de sélectionner ceux qui sont réels, observables. Ainsi, le critère de la vraie scientificité ne se trouve pas dans la véracité de l'observation, ni dans sa précision, ni dans l'usage d'instruments aidant à l'accroissement de l'ensemble des faits observables, mais dans la construction d'une virtualité de phénomènes à partir de laquelle les phénomènes réels peuvent être sélectionnés par une procédure logique ou mathématique bien définie."

- "Ce sont [les sciences humaines] des sciences où l'on ne se croit pas obligé d'être bête." (1968, La science malgré tout…)

- "Il était de bon ton – il l'est encore sans doute – dans les milieux scientifiques, de dauber sur la philosophie. Et cependant, qui pourrait nier
que les seuls problèmes réellement importants pour l'homme sont des problèmes philosophiques ? Mais voilà, les problèmes philosophiques, étant
les plus importants, sont aussi les plus difficiles ; dans ce domaine faire preuve d'originalité est très difficile, a fortiori découvrir une nouvelle vérité. C'est pourquoi la société, fort sagement, a renoncé à subventionner les recherches sur des sujets philosophiques, où le rendement est trop aléatoire, pour consacrer son effort à la recherche scientifique, où, Dieu merci, il n'est pas besoin d'être un génie pour faire « œuvre utile »." (1968, La science malgré tout…)

- "On voit donc, finalement, la position paradoxale – et inconfortable – de la théorie des catastrophes : rejetée par les scientifiques d'obédience positiviste pour son incapacité à admettre un strict contrôle expérimental, elle est également rejetée par les mathématiciens (purs ou appliqués, ces derniers surtout) qui n'y voient qu'un discours assez mal formalisé, manquant fréquemment de rigueur, et de toute manière extra-mathématique, puisque portant sur le monde extérieur." (1976, Le statut épistémologique…)

- "Il est certain que la théorie des catastrophes invite à une réhabilitation de la connaissance commune, qu'une glorification permanente de la
connaissance scientifique, médiate et instrumentale, aurait tendance à faire oublier." (1985, Préface…)


¹: https://fr.wikipedia.org/wiki/Pseudoscience

²: Extraits de https://www.maths.ed.ac.uk/~v1ranick/papers/thom/data/citations.pdf




 

Ce

jc

  15/09/2019

Je voudrais ici commenter en thomien -ou supposé tel- le septième chapitre "Uniformité et unité" de "Le règne de la quantité ...".

Je m'intéresse spécialement à ce chapitre parce que le point de vue purement atomiste et quantitatif (qui conduit les modernes à considérer que l'uniformisation est une unification) se retrouve -selon moi- d'une part en thermodynamique statistique (équiprobabilité de tous les micro-états accessibles) et d'autre part en démocratie moderne (un homme, une voix), justifiant pleinement le terme de thermocratie utilisé par le mathématicien-philosophe Gilles Châtelet dans son "Vivre et penser comme des porcs"¹.

Bien entendu Guénon ne considère pas que l'uniformisation est une unification. Faut-il y voir un espoir d'une démocratie qui ne soit pas une thermocratie, par exemple d'une démocratie "Vox populi, vox dei" qui serait à l'harmonie ce que la thermocratie est à l'égalité? Ce ne semble pas être l'avis de Guénon si on en juge par ce qu'il écrit de la démocratie dans le chapitre "Le chaos social" de "La crise du monde moderne".

Ceux qui auront eu le courage de parcourir les citations thomiennes de mon précédent commentaire auront remarqué d'une part le rôle essentiel que Thom attribue à une théorie de l'analogie dans l'élaboration de la rationalité², et d'autre part le fait qu'il propose -ceci explique très certainement  cela- une nouvelle théorie de l'analogie à substituer à la théorie aristo-eudoxienne. Selon sa théorie il suit que: "Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés.", ce qui licite des analogies biologie/sociologie du type soma/peuple et germen/élite. Par cette analogie Guénon se trouve du côté du néo-darwinisme (barrière de Weismann) alors que Thom défend le point de vue lamarckien: "Ce mécanisme [de la reconstitution de la dynamique germinale] est a priori si complexe, qu'on ne pourra que s'étonner -dans un futur pas tellement lointain- de l'étonnant dogmatisme avec lequel on a repoussé toute possibilité d'action du soma sur le germen -tout mécanisme "lamarckien"-." (ES, p.127). La gamétogénèse au secours de la politique pour aider à régler le problème du remplacement de l'élite?


¹:  La magie d'internet permet de remonter à la surface un commentaire que j'avais complètement oublié: https://www.dedefensa.org/forum/trump-et-le-desordre-bouffesans-fin

²: Thom: "La rationalité, au fond, n'est qu'une déontologie dans l'usage de l'imaginaire."
 

Métaphysique expérimentale

jc

  23/09/2019

Guénon se réfère constamment aux principes pour justifier son argumentation, sa rhétorique. Comme il ne rappelle pas systématiquement ces principes le lecteur débutant est obligé de les découvrir au fil de ses lectures. (Et ce lecteur -moi en l'occurrence- ne sait guère si ces principes sont ceux de la Tradition ou seulement ceux de l'auteur.) Guénon se dit métaphysicien (et selon moi il l'est très certainement). Mais il y a des principes qui varient selon le sens qu'on donne au préfixe "méta". C''est en général "au delà" qui est retenu. Mais il m'apparaît nettement que Guénon a choisi "au-dessus" (comme PhG, métaphysicien à ses heures, avec son "intuition haute"). Si bien que son ésotérisme (je parle de Guénon) se double d'un élitisme certain, rappelé très fréquemment. Ce "au-dessus" est réservé par Guénon à l'intuition intellectuelle; l'auteur le précise sans équivoque dans la note du bas de la dernière page de "Le symbolisme de la croix":

"Il va de soi que le mot « sensation » n’est pas pris ici dans son sens propre, mais qu’il doit être entendu, par transposition analogique, d’une faculté intuitive, qui saisit immédiatement son objet, comme la sensation le fait dans son ordre ; mais il y a là toute la différence qui sépare l’intuition intellectuelle de l’intuition sensible, le supra-rationnel de l’infra-rationnel." (Je ne l'ai pas vu employer le terme de "supra-sensible".)

D'autre part -et en cohérence avec sa position face à l'intuition sensible- Guénon refuse toute forme d'anthropomorphisme. Sans que cela remette nécessairement en cause ses intuitions, cela rejaillit sur son argumentation, sur sa rhétorique. Ainsi il lui arrive d'argumenter avec la logique booléenne (par ex. une double négation équivaut à une affirmation). Qu'est-ce qui licite cet usage? La Tradition? J'ai lu de plusieurs sources que la notion de vérité était complètement étrangère à la pensée chinoise. Quelles sont les raisons qui justifient l'utilisation de la logique booléenne, entièrement on-off donc entièrement quantitative au sens que Guénon donne à ce mot, dans une argumentation métaphysique?

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Confucius disait il y a longtemps déjà qu'une image vaut mille mots. Thom le répète plusieurs siècles plus tard et le précise dans l'envoi de son "Apologie du logos" (p.33) "il [le modèle de l'agressivité du chien] a l'avantage inestimable de montrer ce qui fait la supériorité d'un modèle géométrique sur une construction conceptuelle." Or ce modèle n'est autre que celui de la fronce qu'on trouve sur ce site dans l'article de François Roddier "Vers un effondrement de civilisation"¹ dans une situation métaphysique, et dans bien d'autres situations cette fois physiques sur son blog dans d'autres situations cette fois essentiellement physiques (on pourra commencer par le billet 120  http://francois-roddier.fr/Mines-2018/assets/player/KeynoteDHTMLPlayer.html#0 ).

Je propose donc de mettre à l'essai le principe général suivant:
Lorsque deux actants sont en conflit, ce conflit se résout par une alternance de domination entre ces deux actants. En général l'une des transitions est douce et l'autre abrupte. Ces deux transitions sont catastrophiques au sens de la théorie des catastrophes et l'une d'entre elle (non pas les deux) peut être catastrophique au sens usuel. Lorsque l'on prend par exemple pour actants l'union et la séparation, c'est la séparation qui est perçue comme abrupte et parfois déchirante (c'est le cas de le dire).

On pourra consulter mon récent commentaire "Dans cette lutte prodigieuse…" pour ma première expérimentation de ce nouveau(?) principe métaphysique.

Les tests à effectuer ne manquent pas.

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Pour terminer un mot sur la transcendance et l'immanence.

Wikipédia: "L'immanence est un terme philosophique qui, en parlant d'une chose ou d'un être, désigne le caractère de ce qui a son principe en soi-même, par opposition à la transcendance qui indique une cause extérieure et supérieure."

Il me semble que Guénon se place au niveau des Idées (platoniciennes ou néo-platoniciennes), niveau qui, selon cette option métaphysique, transcende (domine) le niveau sensible. Le niveau auquel il se place contient-il en lui-même son propre principe? Son point de vue à lui est-il immanent ou non? Si la réponse est non alors, selon moi, cela signifie qu'il ne s'est pas placé au point de vue adéquat.

Pour moi seuls deux "êtres" ont un caractère immanent: le Tout et le Rien². Et de ces deux "êtres" on ne peut rien dire d'autre, ce sont des "êtres" seulement en puissance: ainsi le Tout est souvent nommé Dieu tout puissant (et le rien Satan impuissant?). Selon moi, se placer en position immanente c'est se placer du point de vue de Dieu ou du point de vue de Satan.

Pour moi le bon point de vue est le point de vue divin au sens ci-dessus: il faut hisser son niveau d'intelligence pour tenter de se mettre le plus possible "dans la peau de Dieu". il faut se placer à un point de vue qui intègre à la fois l'intelligible et le sensible, le supra et l'infra de Guénon,  il faut essayer d'être un Dieu à deux têtes, un Dieu Janus. L'inclassable Jean-Pierre Petit l'a proposé pour la Physique moderne (voir ses superbes vidéos Janus, disponibles sur la toile), c'est à dire pour la métaphysique moderne puisqu'il s'agit d'une théorisation de la "réalité" physique (où le terme est pris en son sens moderne) en rajoutant une équation à celle de la relativité générale d'Einstein (résultat qui reste à valider; car ça se saurait si ça avait déjà été le cas!). Reste à faire la même chose avec la métaphysique "classique", traditionnelle, celle qui théorise la physique aristotélicienne, physique étant pris au sens de science de la nature en général, en particulier du vivant. Selon moi seul Thom est à présent sur les rangs (mais il est décédé en 2002).


¹: https://www.dedefensa.org/article/vers-un-effondrement-de-civilisation
 

Métaphysique expérimentale.1

jc

  23/09/2019

Le conflit Nature/Culture.

La nature est une bonne fille. Elle est tolérante. Jusqu'au moment où ... Une fois la catastrophe abrupte passée, catastrophe qui a pour mérite (pour fonction?) de forcer la culture à s'interroger sur les fondamentaux, la culture reprend doucement sa propre voie exploratoire (sa progression…), voie qui a d'autant plus de chances de s'écarter de la voie naturelle d'autant plus que la société oublie de regarder du côté du passé, de la Tradition. Puis la roue cosmique tourne jusqu'à ce que, à nouveau, la nature impose une abrupte correction à la culture.

Thom a écrit un article sur l'innovation, sur cet apparemment irrépressible besoin exploratoire des êtres vivants. Voici pour la nième fois le dernier paragraphe:

"Décourager l'innovation

Les sociologues et les politologues modernes ont beaucoup insisté sur l'importance de l'innovation dans nos sociétés. On y voit l'indispensable moteur du progrès et -actuellement [années 1980]- le remède quasi-magique à la crise économique présente; les "élites novatrices" seraient le coeur même des nations, leur plus sûr garant d'efficacité dans le monde compétitif où nous vivons. Nous nous permettrons de soulever ici une question. Il est maintenant pratiquement admis que la croissance (de la population et de la production) ne peut être continuée car les ressources du globe terrestre approchent de la saturation. Une humanité consciente d'elle-même s'efforcerait d'atteindre au plus vite le régime stationnaire (croissance zéro) où la population maintenue constante en nombre trouverait, dans la production des biens issus des énergies renouvelable, exactement de quoi satisfaire ses besoins: l'humanité reviendrait ainsi, à l'échelle globale, au principe de maintes sociétés primitives qui ont pu -grâce, par exemple, à un système matrimonial contraignant- vivre en équilibre avec les ressources écologiques de leur territoire (les sociétés froides de Lévi-Strauss). Or toute innovation, dans la mesure où elle a un impact social, est par essence déstabilisatrice. En pareil cas, progrès équivaut à déséquilibre. Dans une société en croissance, un tel déséquilibre peut facilement être compensé par une innovation meilleure qui supplante l'ancienne. On voit donc que notre société, si elle avait la lucidité qu'exige sa propre situation, devrait décourager l'innovation. Au lieu d'offrir aux innovateurs une "rente" que justifierait le progrès apporté par la découverte, notre économie devrait tendre à décourager l'innovation ou, en tout cas, ne la tolérer que si elle peut à long terme être sans impact sur la société (disons, par exemple, comme une création artistique qui n'apporterait qu'une satisfaction esthétique éphémère -à l'inverse des innovations technologiques, qui, elles, accroissent durablement l'emprise de l'homme sur l'environnement). Peut-être une nouvelle forme de sensibilité apparaîtra-t-elle qui favorisera cette nouvelle direction. Sinon, si nous continuons à priser par-dessus tout l'efficacité technologique, les inévitables corrections à l'équilibre entre l'homme et la Terre ne pourront être -au sens strict et usuel du terme- que catastrophique.

Le cycle considéré ici est à deux temps: l'un où la culture domine la nature et l'autre où la nature reprend ses droits. Les cycles de la Tradition et ceux des physiciens modernes semblent plutôt être à quatre temps. Certains voient des cycles à six temps: voir Pierre Gallais et son "L'hexagone logique et le roman médiéval" (le beau rôle y est bien évidemment à la culture…).

Le conflit IA/IN (intelligence artificielle/Intelligence naturelle peut bien entendu être traité de la même façon. Selon moi le basculement s'amorcera lorsque l'on réalisera que ce n'est pas le cerveau qui est un ordinateur, mais c'est l'ordinateur qui est une pâle imitation du cerveau, lamarckisme oblige.

Les mathématiques ont-elles véritablement un rôle là dedans? Thom: "C'est [la mathématique] le jeu signifiant par excellence, par lequel l'homme se délivre des servitudes biologiques qui pèsent sur son langage et sa pensée et s'assure les meilleures chances de survie pour l'humanité." (fin de SSM)

 

Métaphysique expérimentale.2

jc

  24/09/2019

Au point où je suis de mes lectures, je classe Guénon parmi les Idéologues, le "i" majuscule renvoyant à celles des Idées de PIaton qui concernent la Géométrie (Dieu, toujours, fait de la Géométrie), négligeant les Idées qui concernent le Beau, c'est-à-dire qui font appel à la sensibilité. Entre esprit de géométrie et esprit de finesse, Guénon a choisi l'esprit de géométrie; selon moi sa métaphysique s'en trouve complètement déséquilibrée, quasi hémiplégique, pour cette raison.

Je crois au contraire que l'un des conflits fondamentaux est là, entre rationalité et sensibilité, conflit symbolisé par un Dieu-Janus androgyne bifrons masculin/féminin, et que l'un des problèmes fondamentaux qui nous est posé est de réguler harmonieusement ce conflit -selon la recommandation d'Héraclite-.

Quelles pistes le matheux peut-il suivre pour réguler ce conflit. J'en vois deux:

1: La piste que je qualifie de piste Lacan-Petit: pour tenter de se mettre dans la peau des choses, on qualifie l'esprit de géométrie de masculin et on le place sur la face extérieure d'une sphère et l'esprit de finesse de féminin que l'on place sur la face d'intérieur. Jean-Pierre Petit est le premier découvreur d'une méthode qui permet de retourner la sphère (par invagination): cf. https://www.jp-petit.org/nouv_f/lacan_jpp.pdf

2: la piste MQ (Mécanique Quantique): la géométrie c'est le déplacement du corpuscule dans l'espace et la sensibilité c'est la vibration de l'onde dans le temps; on passe de l'un à l'autre par transformée de Fourier. On notera que, de ce point de vue, le Dieu-Déesse bifrons est une idéalisation irréaliste à cause du principe d'incertitude d'Heisenberg (qui est en fait un théorème de maths). Le conflit finesse/géométrie se transmuant en conflit son/image -mathématiquement arithmétique/géométrie- et sa régulation en une harmonisation, en un ballet? Dans ce cas le problème de Kac (peut-on entendre la forme d'un tambour et peut-on en voir le son?) entre en scène. Lire ou relire "Le temps changé en espace" de "Le règne…" avec cette idée en tête?

Le problème fondamental n'est peut-être pas tant de retrouver l'Unité que de retrouver l'Harmonie.
 

Métaphysique expérimentale.3

jc

  24/09/2019

Le conflit Unité/Diversité. (j'ai jadis proposé -et je propose toujours- comme devise pour la RF à venir: Unité-Harmonie-Diversité.)

Dans ce conflit les catastrophes sont la séparation et l'union, alias l'analyse et la synthèse. Je crois que, en général (sinon toujours?), la catastrophe abrupte est la séparation. Pour Thom l'acte fondateur sépare¹ (pour Aristote c'est l'entéléchie et Thom écrit que c'est par cette "petite phrase" qu'il a compris l'aristotélisme -"dans la mesure où je crois l'avoir compris", ajoute-t-il), alors que, pour lui, les morphologies de jonction renvoient souvent à des actes finalisés.

J'aime requalifier une analyse en différenciation (avec un c) et une synthèse en (ré)intégration pour me rappeler qu'il s'agit de perdre le moins possible dans le cycle analyse/synthèse, en souvenir de l'analogie, pour moi génialissime, de Thom entre différenciation cellulaire et différentiation des fonctions (SSM, 2ème ed., p.34). Car une l'analyse indéfinie sans se préoccuper de la synthèse revient à prendre une attitude
réductionniste:
"Le dédain pour la théorie qui se manifeste dans les milieux d'expérimentateurs a sa source dans l'attitude analytique-réductionniste ; or pour découvrir la bonne stratégie, il faut s'identifier à l'un des facteurs permanents du système. Il faut en quelque sorte entrer « dans sa peau ». Il s'agit là presque d'une identification amoureuse. Or comment pourrait-on aimer ce qu'on a, préalablement, cassé de manière irréversible ?
Toute la science moderne est ainsi fondée sur le postulat de l'imbécillité des choses." (Thom)

Qu'en est-il du problème du conflit unité/diversité dans le cas des sociétés animales? Dans des sociétés animales suffisamment organisées les individus sont constamment tiraillées entre leur "moi" individuel et leur "moi" collectif, leur "nous". Je verrais bien le degré de sauvagerie/civilité d'une société calculé comme le rapport entre ceux qui, devant un évènement imprévu, se comportent en "nous" et ceux qui se comportent en "je". Je crois que le "There is no society" de Margaret Thatcher ainsi que l'ultra-libérale constitution-traité de Lisbonne de l'UE expliquent presqu'à eux seuls le délitement de la société actuelle: Unité-Harmonie-diversité se décline en une devise moins vendeuse mais néanmoins équivalente Communisme-Harmonie-Individualisme: s'il n'y a pas de communisme il n'y a pas de société. Le fait que certains aient une tendance naturelle à se dévouer pour la collectivité ne peut être qu'un mystère pour des gens comme Margaret Thatcher -en fait dans le système de pensée du Système-: Guénon le dit très bien dans le chapitre "Unité et uniformité" de "Le règne…" (entre autres). Selon moi on devrait réfléchir à deux fois (au moins) avant de porter un libéral au pouvoir.

Remarque technique: Thom a fait le choix du morphologique fondant le logique. Les logiciens formalistes modernes ont fait le choix inverse en voulant fonder le morphologique dans la logique booléenne par les "fameux" diagrammes de Venn avec comme conséquence une confusion  entre leur "et" et leur "ou" et le "et" et le "ou" du langage naturel: cf. la fin de l'article "Les mathématiques modernes…" de AL. Il est clair pour moi que le bon choix est celui fait par Thom (qui dit dans le "chapeau" que son article est arrivé jusque sur le bureau du président libéral Pompidou, sans y avoir évidemment aucune chance de succès).
 

Métaphysique expérimentale.4

jc

  25/09/2019

Sexuation. Une fois validé "expérimentalement" le principe de résolution cyclique et catastrophique des conflits, il est tenant d'aller plus loin en les sexuant, c'est-à-dire en attribuant un genre aux deux actants antagonistes. Premières tentatives.

1. Vision/audition

J'ai opposé les deux en .2 (piste MQ). En consultant Wikipédia ("acuité auditive") on constate que la propagation du son est exprimée en Hertz alors que celle des images est exprimée en longueur d'onde. Ce qui laisse à penser (je n'y connais rien) que la propagation des ondes lumineuses est longitudinale, masculine, et que celle des ondes sonores est transversale, féminine. En se mettant soi-même, être sexué, dans la peau des choses, on arrive tout naturellement à faire l'analogie onde lumineuse/gamète mâle et onde sonore/gamète femelle, Les ondes sonores étant de nettement plus basse fréquence, donc de plus basse énergie que les ondes lumineuses, il est naturel d'opposer un gamète mâle à une pelote de gamètes femelles formant un tout, l'ovule: unité des gamètes femelles contre diversité des gamètes mâles. Ce qui fait une transition avec la deuxième tentative.

2. Unité/Diversité

Ce qui précède suggère fortement de qualifier l'unité de féminine et la diversité de masculine. Politiquement cela se traduit par des femmes plus communistes et plus conservatrices et les hommes plus individualistes et évolutionnistes. Mathématiquement j'associe aux hommes les espaces hyperboliques (par un point extérieur à une "droite" donnée passe une infinité de "droites" qui ne la rencontrent pas) et aux femmes les espaces elliptiques (toute "droite" passant par un point extérieur à une "droite" donnée rencontre cette "droite"). Symboliquement je vois un drapeaunational bleu-violet/blanc/rose-rouge, le bleu-violet le long de la hampe, symbolisant la plus grande stabilité des femmes, le rose-rouge flottant au vent, symbolisant la plus grande versalité des hommes, le blanc symbolisant l'enfant à venir. Pratiquement ce qui précède suggère une présidence féminine, une "grand-maman" garante de l'unité de la nation.

Des considérations que je ne développerai pas ici -proches de celles de Guénon- suggèrent d'associer l'espace aux femmes et le temps aux hommes; d'où les femmes maîtresses des campagnes et les hommes des villes: communisme dominant dans les petites communes, individualisme dominant dans les grandes villes; femmes au Sénat, hommes à l'AN (revanche de Abel(le) sur Caïn -cf. "Le règne…",début du chap. "Le temps changé en espace"¹-).

3. Structure/fonction

Il suffit d'observer les jeunes enfants en train de jouer pour constater que les filles sont plutôt dans la fonction (elles jouent à la poupée, à la dinette,aux jeux de rôles, elles les font fonctionner) et les garçons dans la structure (jeux de construction)². La sacro-sainte loi de l'offre actuelle bascule alors en une loi de la demande, précisément de la demande des femmes aux hommes: nous, femmes,  aimerions que vous, hommes, organisiez/réalisiez nos désirs sociétaux, nos désirs de femmes "socialement enceintes".


¹: Dès le titre de ce chapitre on découvre que Guénon pense un temps à la fois cyclique et multidimensionnel, aux antipodes du temps linéaire des modernes. En matheux je pense que si l'espace est linéairement de dimension trois, alors le temps est circulairement de dimension 3, transformation de Fourier oblige. Mais j'ai des raisons de croire que le temps est circulairement de dimension infinie (compactifié de H.Bohr), et par suite, que l'espace est linéairement de dimension infinie: nous voyons sur le fond 3D de notre caverne 4D se projeter un film dont la réalité se déroule dans un espace de dimension infinie. D'où les femmes au Sénat et les hommes à l'AN.

²: Propos bien entendu PI (politiquement Incorrect): il est bien connu qu'on ne naît pas fillette, on le devient, Simone l'a dit.

Métaphysique expérimentale.5

jc

  27/09/2019

PhG: "La sagesse, aujourd'hui, c'est l'audace de la pensée¹"

Thom: "La voie de crête entre les deux gouffres de l'imbécillité d'une part et le délire d'autre part n'est certes ni facile ni sans danger, mais c'est par elle que passe tout progrès futur de l'humanité".

Thom: "Je pense – de manière tout à fait essentielle – que l'extension des pouvoirs de l'homme sur la nature est liée à l'extension de son imaginaire."

                                                                      ———————————————————————————————-

1.

Dans le .4 (conflit vision/audition) j'ai qualifié l'onde lumineuse de masculine et l'onde sonore de féminine. L'analogie permet alors de penser en partie l'harmonie homme/femme comme l'harmonie des couleurs et des sons. La littérature à ce sujet est abondante et, en la parcourant (très rapidement) j'ai noté que la partie basse de la plage de fréquences sonores coïncidait approximativement avec la plage de fréquences fondamentales du corps humain, suggérant que les femmes pourraient y être plus sensibles que les hommes.

Le fait d'introduire la transformation de Fourier (TF) suggère de remplacer le temps par une fréquence. Sans avoir aucune idée de ce qu'est la vitesse de propagation d'une onde monochromatique donnée (je ne suis pas physicien), je considère le produit de sa longueur d'onde par sa fréquence non pas comme une vitesse mais comme une "célérité" que je note c. Ce qu'on appelle classiquement la vitesse de la lumière n'est alors que la moyenne des célérités des ondes monochromatiques (la célérité de la lumière blanche), notée non plus c mais c-barre (barre horizontale supérieur). Le principe d'incertitude de Heisenberg devient alors: (Delta lamda)x(Delta nu) >= h-barre (barre horizontale supérieure)/(2pi), h-barre étant la constante de Planck. Thom: "D'ailleurs moi personnellement, je n'ai pas d'objection à ce qu'il y ait des influences qui aillent plus vite que la lumière, ça ne me choquerait pas."


2.

Au chapitre "Le temps changé en espace" de "Le règne…" Guénon écrit:

"Dès lors que la succession est arrêtée, ou que, en termes symboliques, « la roue a cessé de tourner », tout ce qui existe ne peut être qu’en parfaite simultanéité ; la succession se trouve donc en quelque sorte transmuée en simultanéité, ce qu’on peut encore exprimer en disant que « le temps s’est changé en espace ». Ainsi un  « retournement » s’opère en dernier lieu contre le temps et au profit de l’espace : au moment même où le temps semblait achever de dévorer l’espace, c’est au contraire l’espace qui absorbe le temps ; et c’est là, pourrait-on dire en se référant au sens cosmologique du symbolisme biblique, la revanche finale d’Abel sur Caïn.".

En considérant qu'Abel est en fait Abelle, une femme, le meurtre d'Abelle symbolise la prise de pouvoir de l'homme sur la femme, et la date de ce meurtre marque le début du Kali-Yuga, l'âge de fer (d'en fer serait peut-être plus suggestif). Guénon nous dit que nous vivons la fin d'un monde, qui est ce monde-là -"notre" monde actuel-, un monde dans lequel le paradis est céleste, pour rentrer dans un nouvel âge d'or, dans lequel le paradis est terrestre, un Krita Yuga pendant lequel c'est la femme qui a le pouvoir. Après l'ère des gorilles supérieurs, celui des bonobos (bien entendu également supérieurs)?

Remarque: Sera—t-il vraiment, comme l'écrit Guénon,  question de revanche finale? Autrement dit la roue cosmique finira-t-elle par s'arrêter de tourner? Éternel retour ou non? Thom et Guénon ont l'air d'accord.

Thom: -"Peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée?";  "(...) il m'est difficile de voir pourquoi un être pleinement différencié ne pourrait être immortel."


3.

En combat individuel, en face à face, la femme a selon moi peu de chances devant l'homme, car ce dernier est, par nature, plus individualiste qu'elle. Ce défaut se retourne en qualité en cas de combat collectif. Là c'est l'ovule qui fait bloc face à une armée de spermatozoîdes. Métaphoriquement et en toute irrévérence c'est le combat de la baleine contre le plancton.

Mesdames qui êtes plus de trois milliards sur cette terre je vous suggère de vous lever en bloc, droites dans vos bottines  en remuant en cadence vos gracieux popotins.


¹:  https://www.dedefensa.org/article/glossairedde-crisis-la-crise-de-la-raison-humaine-1


 

Métaphysique expérimentale.6

jc

  27/09/2019


Commentaires sur le chapitre III de "Le règne…".

1.

Guénon: "L’association qui semble avoir été le plus souvent remarquée est celle qui rattache materia à mater, et cela convient bien en effet à la substance, en tant que celle-ci est un principe passif, ou symboliquement « féminin » : on peut dire que Prakriti joue le rôle « maternel » par rapport à la manifestation, de même que Purusha joue le rôle « paternel » ; et il en est également ainsi à tous les degrés où l’on peut envisager analogiquement une corrélation d’essence et de substance."

J'ai relevé à plusieurs reprises cette notion de principe actif attribué au "masculin" et de principe passif attribué au "féminin", non seulement chez Guénon mais aussi chez Grothendieck. Je ne suis pas du même avis. Pour moi en effet les deux principes sont actifs mais ils agissent "orthogonalement". Métaphoriquement (peut-être pas tant que ça si l'on se réfère à Héraclite)), en Physique classique les lignes de champ, pour moi masculines, rencontrent orthogonalement les surfaces équipotentielles, pour moi féminines; et en Physique ondulatoire, les lignes de champ ondulent longitudinalement et les surfaces équipotentielles ondulent transversalement. Si j'y connaissais quelque chose en sismologie je dirais que les tremblements de ciel sont masculins alors que les tremblements de terre sont féminins, ces derniers étant beaucoup plus puissants (et, en un sens, plus dangereux pour les humains) que les premiers. Pour moi cette remarque vaut aussi, par extension, pour les oppositions puissance/acte et matière/forme: ainsi, dans la phrase de Daniel Rops "Dans cette lutte prodigieuse entre la matière rétive et la volonté créatrice" souvent citée par PhG, la rétivité de la matière n'est pas pour moi synonyme de passivité.


2.

Guénon: « Dieu géométrise toujours ». Je compléterais par "Déesse arithmétise toujours", car la géométrie est associée à la vision et donc aux ondes ultra-courtes, pour moi longitudinales -"perforantes"-, alors que l'arithmétique est associée aux nombres entiers, eux-mêmes intimement liés à la musique, donc à l'audition (2/1, 3/2, 4/3 sont associés à l'octave, la quinte et la quarte). La géométrie arithmétique, domaine où, je crois, Grothendieck régnait en maître, est au coeur des mathématiques. Le Grand Architecte (cf. la note finale du chapitre) -et peut-être aussi dans une certaine mesure les bâtisseurs de cathédrales du Moyen-âge- connaît les proportions qui mettent en harmonie les formes visuelles (masculines) et les formes sonores (féminines). Le monosyllabe Om dont parle Guénon dans ce chapitre est pour moi clairement féminin¹.

 (Je ne sais pas où a été enregistré le chant qui suit mais je trouve les harmonies hommes/femmes d'une part et hommes-femmes/édifice d'autre part particulièrement réussies: https://www.youtube.com/watch?v=Gn8zBAmppYE )

En inversant les fractions ci-dessus (1/2, 2/3, 3/4 -qui, ai-je lu, était l'ordre des anciens Grecs- écrits 1-1/2, 1-1/3, 1-1/4), on voit apparaître les premiers termes de ce que les matheux appellent la série harmonique (1), 1/2, 1/3, 1/4, etc., et donc la fameuse fonction zèta de Riemann qui est au coeur de la théorie des nombres (théorie des nombres sacrés -au sens de Guénon- par opposition aux nombres profanes des banquiers comme celui, insignifiant, de la dette US exprimée en dollars). Lorsque Pythagore disait que tout était nombre, c'est évidemment, selon moi, à ces nombres sacrés qu'il pensait, à ces nombres qui contiennent (peut-être) les secrets de l'harmonie de l'univers.


¹: Dans le premier site sur lequel je suis tombé en fouillant sur la toile ( https://chin-mudra.yoga/blog/mantra-la-force-du-om ) "on découvre le sens du Om dans la tradition des religions de l'Inde. Le Om est un son nasalisé, mais c'est aussi et surtout un souffle, le Verbe, Le Commencement." Dans la bible le Verbe, le Commencement, le Souffle est attribué à Dieu. Ce qui précède m'incite à l'attribuer plutôt à Déesse.

 

Métaphysique expérimentale.7

jc

  30/09/2019

Commentaire des chapitres IV, V et XXIII de "Le règne…" concernant l'espace et le temps.

Dès le chapitre II ("Materia signata quantitae") Guénon annonce que l'espace et le temps relèvent pour lui de la quantité continue et non de la quantité discrète, du nombre (cf. le chapitre II "Materia signata quantitae"):

"La quantité se présente à nous sous des modes divers, et, notamment, il y a la quantité discontinue, qui est proprement le nombre, et la quantité continue, qui est représentée principalement par les grandeurs d’ordre spatial et temporel."

Pour lui comme pour Thom:

- "Le matériau fondamental de la géométrie, de la topologie, c'est le continu géométrique ;étendue pure, instructurée, c'est une notion « mystique » par excellence.(...) Les topologues sont les enfants de la nuit."

- "(...) le vrai continu, celui que nous procure l'intuition immédiate du temps (...)."

C'est d'abord pour cette raison que je me suis intéressé à Guénon, en commençant, matheux oblige, par "Les principes du calcul infinitésimal" où Guénon s'oppose (selon moi avec succès) à Leibniz. Dans le chapitre IV de "Le règne…", Guénon s'oppose à Descartes¹ en critiquant l'homogénéïté de sa res extensa qui en fait seulement une quantité continue. En fait en plaquant une croix symbolique sur cet espace homogène Guénon qualifie l'espace exactement comme l'a fait auparavant Descartes lorsqu'il a muni l'espace d'un repère cartésien. Par ce plaquage, l'espace se trouve déshomogénéisé par la présence de deux lignes singulières (les axes) qui se croisent à l'origine du repère et font de cette origine un point doublement singulier.

Les mathématiques contemporaines peuvent-elles expliquer ce symbolisme de la croix qui apparaît, dixit Guénon, dans toutes les traditions? Je crois que la théorie élémentaire des singularités fournit une telle explication. Une singularité d'une fonction étant une valeur qui annule sa dérivée, la singularité la plus simple à l'origine d'une fonction réelle d'une variable réelle est la fonction x->x², et, en 2D, ce sont les fonctions (x,y)->x²-y² et (x,y)->x²+y². On voit donc apparaître les axes (tournés à 45°) comme solutions de l'équation x²-y²=0 et l'origine comme solution de x²+y²=0. Si on rajoute une variable "verticale" z initialement cachée³, ces singularités apparaissent comme les sections des surfaces respectives z=x²-y² (paraboloïde hyperbolique) et z=x²+y² (paraboloïde elliptique) par le plan "horizontal" z=0, la première hyperbolique (point "col"), la seconde elliptique (point "fond de cuvette"), comme on le voit en faisant tendre z vers 0.

Pourquoi ces considérations? Parce que le centre de la croix symbolise l'observateur de la res extensa, et les deux axes les axes privilégiés par rapport auxquels il se réfère. Pour moi il y a deux repères: un repère "masculin" qui correspond aux deux axes rectangulaires, et un repère "féminin" qui correspond à l'origine considérée comme cercle de rayon infiniment petit. En zoomant pour ramener ce cercle au cercle de rayon 1, on arrive au symbolisme de la croix augmentée d'un cercle (symbolisme qui est un prérequis de tout cours de trigonométrie) .

(Remarque: Dans le chapitre IV de "Le symbolise de la croix", Guénon considère que le centre de la croix 3D a même poids que les six directions de cet espace, et parle de septénaire.  Ce qui précède suggère que, en 2D, le centre a le même poids que les quatre directions du plan. Pour moi la vision de l'espace 3D "en spaghettis" comme une explosion en étoile de demi-droites issues de l'origine est une vision masculine, "visuelle" (on perçoit l'espace avec ses yeux, les photons sont des ondes longitudinales qui frétillent de la queue), alors que la vision de l'espace "en pelures d'oignons" comme une superposition de sphères concentriques est une vision féminine, "auditive" (on perçoit l'espace avec ses oreilles, les ondes auditives sont des ondes transversales, qui ondulent de la croupe). Deux façons complémentaires, transverses, de percevoir l'espace, deux façons qu'il s'agit d'harmoniser: chaîne "pelure d'oignon" et trame "spaghetti" (cf. le chapitre sur le tissage de "Le symbolisme…").

La conversion du temps en espace comme une conversion de la vision masculine en la vision féminine? En mathématiques élémentaires de ma jeunesse on étudiait une transformation géométrique appelée inversion, qui transformait en 2D les cercles (en 3D les sphères) passant par l'origine en droites ne passant pas par l'origine et réciproquement, en préservant les droites passant par l'origine et en transformant les cercles passant par l'origine en d'autres cercles passant par l'origine); autrement dit DDJ, Dieu-Déesse-Janus observant le monde depuis l'origine, reste invariant par l'inversion, alors que les droites "masculines" ne passant pas par ce point d'observation sont transformées en cercles "féminins" et réciproquement. Dans un précédent commentaire  j'ai proposé de convertir le temps en espace en utilisant la transformation de Fourier.

Il est bien connu que la géométrie analytique de Descartes permet de transformer un problème de géométrie en un problème d'algèbre³, un "voir une figure" en un "dire son équation". Une sorte de "Et la chair s'est faite verbe". Thom met en garde contre l'attitude inverse qui consiste à transformer sans précaution le verbe en chair: "C'est parce que la mathématique débouche sur l'espace qu'elle échappe au décollage sémantique créé par l'automatisme des opérations algébriques." Après Platon et son "Dieu, toujours fait de la géométrie", on retient en général de Galilée son célèbre "Le livre de la nature est écrit en langage mathématique",  et on oublie la suite de la citation: "et les caractères en sont des triangles, des cercles et d'autres figures géométriques, sans lesquelles il est impossible d'y comprendre un mot." La mathématique dont parle Galilée est la géométrie, pas l'algèbre. Pour Thom la mathématique c'est la conquête du continu par le discret, la conquête de la géométrie par l'algèbre, pas l'inverse.

Remarque finale: Guénon consacre tout un passage du chapitre IV à la théorie des figures semblables "il y a toute une partie de la géométrie élémentaire à laquelle les considérations quantitatives sont étrangères, et c’est la théorie des figures semblables;", en s'appuyant sur une citation de Leibniz ("Æqualia sunt ejusdem quantitatis ; similia sunt ejusdem qualitatis »). Cela m'inspire ce qui suit. Ce qu'on appelle triangle devrait s'appeler également trilatère (on parle d'ailleurs de quadrilatère et non de quadrangle), il serait plus correct de parler de trilatère équilatère (ou équilatéral) et de triangle équiangle, dénominations plus précises que celle -équivalente- de triangle équilatéral qui mélange les deux concept de longueur et d'angle. On remarque alors qu'un quadrangle équiangle est un carré alors qu'un quadrilatère équilatère n'en est pas nécessairement un (ce peut être seulement un losange). Supériorité de la vision angulaire, féminine, sur la vision linéaire, masculine? (Pour moi on ne passe pas ici de la quantité à la qualité, on reste dans la quantité en passant de la mesure des longueurs à la mesure des angles -quoique de très nombreuses propriétés des triangles, par exemple, puissent être prouvées dans faire appel au nombre, à la mesure-.).

 


 
¹: (prudemment) - "Il y aurait là quelque chose de contradictoire, et, à vrai dire, nous n’oserions pas affirmer que cette contradiction, comme bien d’autres d’ailleurs, ne se trouve pas implicitement chez Descartes."
   - (plus nettement et dans le fil de la vision thomienne*)"(...) il n’y a pas lieu de s’arrêter à la conception bizarre de Descartes, suivant laquelle le temps serait constitué par une série d’instants discontinus, ce qui nécessite la supposition d’une « création » constamment renouvelée, sans laquelle le monde s’évanouirait à chaque instant dans les intervalles de ce discontinu." (début du chapitre V)

(*: Thom: "où se trouve le monde réel, l'univers concret où nous vivons ? La réponse est simple : le monde concret se trouve immergé dans cet abîme, qui sépare le vrai continu, celui que nous procure l'intuition immédiate du temps, du faux continu pseudo-numérique que nous fabriquent les Logiciens et autres théoriciens des fondations de la Mathématique.")

²: L"'une des méthodes favorites de Thom: "« Si un processus physique nous apparaît comme non-déterministe, c’est parce qu’on le représente dans un espace inadéquat: il faut alors ajouter des dimensions supplémentaires. Il faut ajouter des dimensions cachées jusqu’au moment où l’apparence de non-déterminisme disparaît ».

³: Et c'est certainement l'une des raisons pour lesquelles on a considérablement réduit l'enseignement de la géométrie au lycée.

Métaphysique expérimentale.7.1

jc

  01/10/2019

À propos de la fin  du .7: un quadrangle équiangle n'est pas nécessairement un carré, ce peut être un rectangle! Selon moi (je spécule) un carré (à la fois équiangle et équilatère) que l'on déforme légèrement sera perçu masculinement plutôt comme un rectangle car il perçoit mieux les variations de longueurs que celles d'angles, et fémininement plutôt comme un losange.

                                                                             ——————————————————————-

Je prolonge le .7 pour continuer de tenter de rapprocher les singularités au sens des matheux des figures et des nombres symboliques sacrés de la Tradition.

Mes considérations élémentaires du .7 ont tenté de relier (en 2D) le symbolisme de la croix et les singularités basiques -quadratiques pour les matheux- des fonctions. S'élever au dessus de ce niveau basique nécessite un saut considérable dans la difficulté mathématique (à un niveau qui dépasse très largement le mien). Mais des matheux (de premier rang) ont réussi à classifier algébriquement les singularités autres que basiques en déterminant leurs équations, parfois cartésiennes, leur logos. Et lorsqu'il est possible de dessiner ces singularités (en 2D ou 3D en statique, en photo, en 2D, 3D ou 4D en dynamique, au cinéma), on voit apparaître des figures que l'on observe fréquemment dans la nature, rejoignant ainsi à la fin du XXème siècle ce que la Tradition avait compris depuis toujours:

Héraclite: "Le Maître, dont l'oracle est à Delphes, ne dit ni ne cache, il signifie" (ce que Thom traduit: "La Nature nous envoie des signes qu'il nous appartient d'interpréter")

Baudelaire: "La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles.
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers"

Je crois qu'il faut voir la classification algébrique des singularités comme une conquête de la géométrie par l'algèbre (la classification basique -quadratique- 2D est une conquête de la croix et du cercle par les singularités algébriques x²-y² et x²+y² respectivement.).

On trouvera un aperçu de telles classifications dans le chapitre 5 des leçons de mathématiques contemporaines par le mathématicien Yves André à l'attention des musiciens de l'IRCAM¹, la première à apparaître étant la lèvre, que l'on retrouve effectivement partout dans le monde animé comme inanimé (noter qu'on retrouve les solides de Platon à la fin du chapitre).

Le point de départ de la Biologie théorique développée par Thom dans SSM est dans la classification des singularités de fonctions d'une ou deux variables réelles et dans la foi en une analogie entre développement de l'embryon et le développement de Taylor d'une fonction (SSM, 2ème ed. p.32).

Dans le chapitre IV de "Le règne…" Guénon insiste -selon moi avec raison- sur la qualification de l'espace initialement uniforme en faisant apparaître une croix symbolique qui permet de se repérer mais qui romp l'homogénéité. Et tout le passage qu'il consacre aux figures semblables traduit l'homogénéité des directions issues de l'origine, leur isotropie (l'endroit où l'observateur fictif place son oeil fictif). Mathématiquement cela se traduit par le fait que les singularités quadratiques sont invariantes par homothétie car homogènes de degré 2 (kx)²-(ky)²=0 <-> k²(x²-y²)=0 <-> x²-y²=0.

Lorsqu'on monte en degré dans la classification des singularités on tombe rapidement sur des polynômes non homogènes. Ainsi est la dernière singularité de Du Val², d'équation cartésienne x²+y³+z⁵=0 qui n'est invariante que par certaines transformations -que les matheux appellent affinités- qui se réduisent à des homothéties de rapport distincts selon chacun des axes (la singularité ici considérée est invariante par homothétie de rapport k¹⁵ selon l'axe des x, de rapport k¹⁰ selon l'axe des y et de rapport k⁶ selon l'axe des z; il y a anisotropisation des directions issues de l'origine).

Valéry: "J'ai vu bondir dans l'air amer les figures les plus profondes…" (placé par Thom en épigraphe du sous-chapitre 5.5 de SSM "Morphologie du déferlement").

Quelle forme va jaillir de la visualisation géométrique de cette singularité algébrique de Du Val, qui pourrait attirer l'attention des "tradi" par son expression d'une simplicité quasi-sacrée puisque ne mettant en jeu que les trois nombres sacrés 2, 3 et 5.

C'est en remuant l'idée mathématique de singularité structurellement stable que Thom est tombé sur des figures évoquant pénis ou clitoris:

"On pourra objecter à toutes ces analogies une bonne part d'arbitraire; un mathématicien pourrait même prétendre, avec raison, qu'on pourrait construire des courbes tout aussi significatives à bien moindre frais; à cela, je ne puis guère répondre que j'ai été conduit à ces équations par la théorie des singularités structurellement stables, avec le postulat supplémentaire d'une symétrie bilatérale en x et l'hypothèse de la stabilisation de l'ombilic en position parabolique." (SSM, 2ème ed.p.192) (cf. les pages précédentes pour les allusions au pénis et au clitoris et pour les figures.


¹: http://www.entretemps.asso.fr/maths/Livre.pdf

²: À propos de la fin  du .7: un quadrangle équiangle n'est pas nécessairement un carré, ce peut être un rectangle. Selon moi (je spécule) un carré (à la fois équiangle et équilatère) que l'on déforme légèrement sera perçu par l'homme plutôt comme un rectangle car il perçoit mieux les variations de longueur que celles d'angle, et par la femme plutôt comme un losange.

                                                                             ——————————————————————-

Je prolonge le .7 pour continuer de tenter de rapprocher les singularités au sens des matheux des figures et des nombres symboliques sacrés de la Tradition.

Les considérations élémentaires du .7 ont tenté de relier (en 2D) le symbolisme de la croix et les singularités basiques -quadratiques pour les matheux- des fonctions. S'élever au dessus de ce niveau basique nécessite un saut considérable dans la difficulté mathématique (à un niveau qui dépasse très largement le mien). Mais des matheux (de premier rang) ont réussi à classifier algébriquement les singularités autres que basiques en déterminant leurs équations, parfois cartésiennes, leur logos. Et lorsqu'il est possible de dessiner ces singularités (en 2D ou 3D en statique, en photo, en 2D, 3D ou 4D en dynamique, au cinéma), on voit apparaître des figures que l'on observe fréquemment dans la nature, rejoignant ainsi à la fin du XXème siècle ce que la Tradition avait compris depuis toujours:

Héraclite: "Le Maître, dont l'oracle est à Delphes, ne dit ni ne cache, il signifie" (ce que Thom traduit: "La Nature nous envoie des signes qu'il nous appartient d'interpréter")

Baudelaire: "La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles.
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers"

Je crois qu'il faut voir la classification algébrique des singularités comme une conquête de la géométrie par l'algèbre (la classification basique -quadratique- 2D est une conquête de la croix et du cercle par les singularités algébriques x²-y² et x²+y² respectivement.).

On trouvera un aperçu de telles classifications dans le chapitre 5 des leçons de mathématiques contemporaines par le mathématicien Yves André à l'attention des musiciens de l'IRCAM¹, la première à apparaître étant la lèvre, que l'on retrouve effectivement partout dans le monde animé comme inanimé (noter qu'on retrouve les solides de Platon (cf. la fin du chapitre).

Le point de départ de la Biologie théorique développée par Thom dans SSM est dans la classification des singularités de fonctions d'une ou deux variables réelles et dans la foi en une analogie entre développement de l'embryon et le développement de Taylor d'une fonction (SSM, 2ème ed. p.32).

Dans le chapitre IV de "Le règne…" Guénon insiste -selon moi avec raison- sur la qualification de l'espace initialement uniforme en faisant apparaître une croix symbolique qui permet de se repérer mais qui romp l'homogénéité. Et tout le passage qu'il consacre aux figures semblables traduit l'homogénéité des directions issues de l'origine, leur isotropie (l'endroit où l'observateur fictif place son oeil fictif). Mathématiquement cela se traduit par le fait que les singularités quadratiques sont invariantes par homothétie car homogènes de degré 2 (kx)²-(ky)²=0 <-> k²(x²-y²)=0 <-> x²-y²=0.

Lorsqu'on monte en degré dans la classification des singularités on tombe rapidement sur des polynômes non homogènes. Ainsi est la dernière singularité de Du Val, d'équation cartésienne x²+y³+z⁵=0 qui n'est invariante que par certaines transformations -que les matheux appellent affinités- qui se réduisent à des homothéties de rapport distincts selon chacun des axes (la singularité ici considérée est invariante par homothétie de rapport k¹⁵ selon l'axe des x, de rapport k¹⁰ selon l'axe des y et de rapport k⁶ selon l'axe des z; il y a anisotropisation des directions issues de l'origine).

Valéry: "J'ai vu bondir dans l'air amer les figures les plus profondes…" (placé par Thom en épigraphe du sous-chapitre 5.5 de SSM "Morphologie du déferlement").

Quelle forme va jaillir de la visualisation géométrique de cette singularité algébrique de Du Val, qui pourrait attirer l'attention des "tradi" par son expression d'une simplicité quasi-sacrée puisque ne mettant en jeu que les trois nombres sacrés 2, 3 et 5.

C'est en remuant l'idée mathématique de singularité structurellement stable que Thom est tombé sur des figures évoquant pénis ou clitoris:

"On pourra objecter à toutes ces analogies une bonne part d'arbitraire; un mathématicien pourrait même prétendre, avec raison, qu'on pourrait construire des courbes tout aussi significatives à bien moindre frais; à cela, je ne puis guère répondre que j'ai été conduit à ces équations par la théorie des singularités structurellement stables, avec le postulat supplémentaire d'une symétrie bilatérale en x et l'hypothèse de la stabilisation de l'ombilic en position parabolique." (SSM, 2ème ed.p.192) (cf. les pages précédentes pour les allusions au pénis et au clitoris et pour les figures.


¹: http://www.entretemps.asso.fr/maths/Livre.pdfÀ propos de la fin  du .7: un quadrangle équiangle n'est pas nécessairement un carré, ce peut être un rectangle. Selon moi (je spécule) un carré (à la fois équiangle et équilatère) que l'on déforme légèrement sera perçu par l'homme plutôt comme un rectangle car il perçoit mieux les variations de longueur que celles d'angle, et par la femme plutôt comme un losange.

                                                                             ——————————————————————-

Je prolonge le .7 pour continuer de tenter de rapprocher les singularités au sens des matheux des figures et des nombres symboliques sacrés de la Tradition.

Les considérations élémentaires du .7 ont tenté de relier (en 2D) le symbolisme de la croix et les singularités basiques -quadratiques pour les matheux- des fonctions. S'élever au dessus de ce niveau basique nécessite un saut considérable dans la difficulté mathématique (à un niveau qui dépasse très largement le mien). Mais des matheux (de premier rang) ont réussi à classifier algébriquement les singularités autres que basiques en déterminant leurs équations, parfois cartésiennes, leur logos. Et lorsqu'il est possible de dessiner ces singularités (en 2D ou 3D en statique, en photo, en 2D, 3D ou 4D en dynamique, au cinéma), on voit apparaître des figures que l'on observe fréquemment dans la nature, rejoignant ainsi à la fin du XXème siècle ce que la Tradition avait compris depuis toujours:

Héraclite: "Le Maître, dont l'oracle est à Delphes, ne dit ni ne cache, il signifie" (ce que Thom traduit: "La Nature nous envoie des signes qu'il nous appartient d'interpréter")

Baudelaire: "La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles.
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers"

Je crois qu'il faut voir la classification algébrique des singularités comme une conquête de la géométrie par l'algèbre (la classification basique -quadratique- 2D est une conquête de la croix et du cercle par les singularités algébriques x²-y² et x²+y² respectivement.).

On trouvera un aperçu de telles classifications dans le chapitre 5 des leçons de mathématiques contemporaines par le mathématicien Yves André à l'attention des musiciens de l'IRCAM¹, la première à apparaître étant la lèvre, que l'on retrouve effectivement partout dans le monde animé comme inanimé (noter qu'on retrouve les solides de Platon (cf. la fin du chapitre).

Le point de départ de la Biologie théorique développée par Thom dans SSM est dans la classification des singularités de fonctions d'une ou deux variables réelles et dans la foi en une analogie entre développement de l'embryon et le développement de Taylor d'une fonction (SSM, 2ème ed. p.32).

Dans le chapitre IV de "Le règne…" Guénon insiste -selon moi avec raison- sur la qualification de l'espace initialement uniforme en faisant apparaître une croix symbolique qui permet de se repérer mais qui romp l'homogénéité. Et tout le passage qu'il consacre aux figures semblables traduit l'homogénéité des directions issues de l'origine, leur isotropie (l'endroit où l'observateur fictif place son oeil fictif). Mathématiquement cela se traduit par le fait que les singularités quadratiques sont invariantes par homothétie car homogènes de degré 2 (kx)²-(ky)²=0 <-> k²(x²-y²)=0 <-> x²-y²=0.

Lorsqu'on monte en degré dans la classification des singularités on tombe rapidement sur des polynômes non homogènes. Ainsi est la dernière singularité de Du Val, d'équation cartésienne x²+y³+z⁵=0 qui n'est invariante que par certaines transformations -que les matheux appellent affinités- qui se réduisent à des homothéties de rapport distincts selon chacun des axes (la singularité ici considérée est invariante par homothétie de rapport k¹⁵ selon l'axe des x, de rapport k¹⁰ selon l'axe des y et de rapport k⁶ selon l'axe des z; il y a anisotropisation des directions issues de l'origine).

Valéry: "J'ai vu bondir dans l'air amer les figures les plus profondes…" (placé par Thom en épigraphe du sous-chapitre 5.5 de SSM "Morphologie du déferlement").

Quelle forme va jaillir de la visualisation géométrique de cette singularité algébrique de Du Val, singularité qui devrait attirer l'attention des "tradi" par son expression d'une simplicité sacrée puisque ne mettant en jeu que les trois nombres sacrés 2, 3 et 5.

C'est en remuant l'idée mathématique de singularité structurellement stable que Thom est tombé sur des figures évoquant pénis ou clitoris:

"On pourra objecter à toutes ces analogies une bonne part d'arbitraire; un mathématicien pourrait même prétendre, avec raison, qu'on pourrait construire des courbes tout aussi significatives à bien moindre frais; à cela, je ne puis guère répondre que j'ai été conduit à ces équations par la théorie des singularités structurellement stables, avec le postulat supplémentaire d'une symétrie bilatérale en x et l'hypothèse de la stabilisation de l'ombilic en position parabolique." (SSM, 2ème ed.p.192) (Cf. les pages précédentes pour les allusions au pénis et au clitoris et pour les figures.)


¹: http://www.entretemps.asso.fr/maths/Livre.pdf

²: https://en.wikipedia.org/wiki/Du_Val_singularity



 

Métaphysique expérimentale.7.2

jc

  01/10/2019

À propos de la singularité de Val du .7.1

Si on fait z=0 dans l'équation on obtient la "courbe" (entre guillemets parce que les variables x et y sont complexes) x²+y³=0 dont l'intersection avec le "cercle" complexe x²+y²=1 fait apparaître une courbe réelle en forme de noeud de trèfle¹ -qui est le noeud le plus simple après le noeud trivial-. Les "tradi" feront le rapprochement avec la "Triquetra²".

Je ne sais pas si des "tradi" et des matheux spécialistes de la théorie des singularités ont formé des groupes de travail. Si ce n'est pas encore le cas, je suis convaincu que ces rencontres ne pourraient qu'être fructueuses pour les deux parties.


¹: https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C5%93ud_de_tr%C3%A8fle

²: https://fr.wikipedia.org/wiki/Triquetra


 

Métaphysique expérimentale.8

jc

  02/10/2019

La simplicité, la beauté et la richesse géométrique contenues dans l'équation de la dernière singularité de Du Val¹ x²+y³+z⁵=0 (que j'ai tendance à qualifier spontanément de "sacrée"), dont la section par le plan complexe z=0 fait apparaître le noeud de trèfle à trois feuilles (la triquetra des Celtes), et dont la section par y=0 fait vraisemblablement apparaître un noeud de trèfle à cinq feuilles, m'incitent à lire puis commenter le chapitre XI "Unité et simplicité" de "Le règne…", et ce d'autant plus que cette singularité (  https://en.wikipedia.org/wiki/Du_Val_singularity ) est associée au système de racines exceptionnel E8 ( https://en.wikipedia.org/wiki/E8_%28mathematics%29 ), système de racines autour duquel le physicien théoricien Garrett Lisi a édifié sa théorie qualifiée par lui pour cette raison d'exceptionnalité de "Théorie du Tout exceptionnellement simple" ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_du_tout ) mais qu'un guénonien pourrait être tenté de qualifier de théorie du Un.

Ma lecture est orientée par les deux citations suivantes:

- du (méta)physicien Langevin (de mémoire): "Abstraire c'est substituer de l'imaginaire simple à du réel compliqué" ;

- du (méta)mathématicien Thom: "Si un processus physique nous apparaît comme non-déterministe, c’est parce qu’on le représente dans un espace inadéquat : il faut alors ajouter des dimensions supplémentaires. Il faut ajouter des dimensions cachées jusqu’au moment où l’apparence de non-déterminisme disparaît." (citation à propos de la querelle du déterminisme à la fin des années 1970 -Thom seul face à  Danchin, Morin, Prigogine, Stengers, etc.-).

Ces citations sont illustrées par la simplicité de l'équation abstraite x²+y³=0, équation d'une courbe complexe du plan complexe, donc d'une surface réelle de l'espace réel de dimension 4. (On obtient le réel compliqué, ici le noeud de trèfle, en intersectant cette surface par le cercle unité du plan complexe, d'équation x*x+y*y=1 qui n'est autre que l'hypersphère unité de l'espace réel de dimension 4 où * désigne le carré scalaire complexe, c'est-à-dire le produit d'un nombre complexe par son conjugé.)

Après lecture du chapitre XI, je retiens les quelques citations qui suivent, que je mets en regard d'une citation thomienne:

Guénon 1: "Si l’unité véritable peut aussi être dite « simple », c’est en un sens tout différent de celui-là, et seulement en ce qu’elle est essentiellement indivisible, ce qui exclut nécessairement toute « composition » et implique qu’elle ne saurait aucunement être conçue comme formée de parties quelconques ; il y a d’ailleurs aussi comme une parodie de cette indivisibilité dans celle que certains philosophes et physiciens attribuent à leurs « atomes », sans s’apercevoir qu’elle est incompatible avec la nature corporelle, (...)"

Guénon 2: "D’autre part, si l’unité principielle est absolument indivisible, elle n’en est pas moins, pourrait-on dire, d’une extrême complexité, puisqu’elle contient « éminemment » tout ce qui, en descendant pour ainsi dire aux degrés inférieurs, constitue l’essence ou le côté qualitatif des êtres manifestés ; il suffit de se reporter à ce que nous avons expliqué plus haut sur le véritable sens où doit être entendue
l’« extinction du moi » pour comprendre que c’est là que toute qualité « transformée » se trouve dans sa plénitude, et que la distinction, affranchie de toute limitation « séparative », y est véritablement portée à son suprême degré."

Guénon 3: "Quoiqu’il en soit, et pour nous en tenir à l’idée même de la « simplicité primitive », on ne comprend pas du tout pourquoi les choses devraient toujours commencer par être simples et aller ensuite en se compliquant ; au contraire, si l’on réfléchit que le germe d’un être quelconque doit nécessairement contenir la virtualité de tout ce que cet être sera par la suite, c’est-à-dire que toutes les possibilités qui se développeront au cours de son existence y sont déjà incluses, on est amené à penser que l’origine de toutes choses doit en réalité être extrêmement complexe, et c’est là, précisément, la complexité qualitative de l’essence ; le germe n’est petit que sous le rapport de la quantité ou de la substance, et, en transposant symboliquement l’idée de « grandeur », on peut dire que, en raison de l’analogie inverse, ce qui est le plus petit en quantité doit être le plus grand en qualité."

(Guénon poursuit: "Semblablement, toute tradition contient dès son origine la doctrine tout entière, comprenant en principe la totalité des
développements et des adaptations qui pourront en procéder légitimement dans la suite des temps, ainsi que celle des applications auxquelles elle peut donner lieu dans tous les domaines ; aussi les interventions purement humaines ne peuvent-elles que la restreindre et l’amoindrir, sinon la dénaturer tout à fait, et c’est bien là, en effet, ce en quoi consiste réellement l’œuvre de tous les « réformateurs ».)

Thom (SSM, 2ème ed., chapitre 3, "Formes et stabilité structurelle", 3.2 "Algèbre et morphogenèse", p.32):

"On va revenir avec un peu plus de détail, sur le mécanisme formel qui, à mes yeux, commande toute morphogenèse. Expliquons-le de manière assez élémentaire, par l'analogie suivante entre le développement d'un embryon d'une part et une série de Taylor à coefficients indéterminés d'autre part. Le développement d'un embryon peut se décrire grosso modo de la manière suivante: à partir d'un oeuf "totipotent" se séparent au cours du temps des masses cellulaires qui acquièrent des spécialisations histologiques irréversibles (en principe); mais il subsiste toujours à l'intérieur de l'animal une lignée de cellules totipotentes, la lignée germinale, qui aboutira à la formation de cellules reproductrices (gamètes) dans l'individu adulte. Or, considérons d'autre part une fonction différentiable de deux variables x, y, nulle à l'origine x=0, y=0, dont on va former les développements limités jusqu'au troisième ordre (par exemple) (...)"

L'analogie thomienne entre développement embryonnaire et développement de Taylor est pour moi génialissime. On remarque, à la lecture de Guénon.3, la profonde similitude de vue entre Guénon et Thom, quoique formulées dans des contextes différents (théologique et biologique).

Là où les deux pensées différent profondément c'est que:

- pour Guénon, on passe de l'unité à la multiplicité par division, ce qui conduit ultimement à une atomisation, une "extinction du moi", "jusqu’au domaine de la quantité pure, où elle est finalement portée à son maximum par la suppression complète de toute détermination qualitative", par avènement du règne de la quantité;

- pour Thom on passe de l'unité totipotente à la diversité par une différentiation (avec un "t") qui n'est qu'une division apparente parce que le matheux sait faire l'opération inverse de synthèse, de (ré)intégration.

Aux yeux de Thom (ou au moins ce que je crois en comprendre) les différentiations successives mettent en lumière des singularités structurellement stables de plus en plus complexes qui dominent et organisent les singularités moins complexes précédemment mises en lumière. Pour Thom la différentiation permet une ascension qualifiante allant du plus "en puissance" au plus "en acte", alors que pour Guénon la division est une descente déqualifiante de l'Unité primordiale jusqu'au règne de la quantité pure, très mal considérée par lui.

 Ce qui précède m'éclaire une citation qui termine une échappée thomienne en métaphysique extrême:

"Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote [à suivre] suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"." ;

citation qui, rapprochée de celle qui suit:

"(...) il m'est difficile de voir pourquoi un être pleinement différencié ne pourrait être immortel."  

me conduit à penser que Thom n'est peut-être pas, au fond, un partisan de l'éternel retour.
 

Pouvoir spirituel et pouvoir temporel

jc

  02/10/2019

Notre contre-civilisation est en train de s'effondrer; la lecture quotidienne de Dedefensa m'en convainc un peu plus tout les jours. Et mes tout récents commentaires .7 et .8 m'ont fait véritablement réaliser ce que les "tradi" savent depuis toujours au fond d'eux-mêmes (c'est pour ça qu'ils sont "tradi"), à savoir que cet effondrement est dû à un effondrement du pouvoir spirituel, et donc que l'avènement d'une nouvelle civilisation sur notre terre commencera par la reconstitution d'un pouvoir spirituel, qui, faute de retomber dans les mêmes ornières, ne peut être que la constitution d'un nouveau pouvoir spirituel.

Dans l'article "Révolutions, catastrophes sociales?" (AL), l'objectif de Thom est "d'établir qu'aucune société stable ne peut exister sans une certaine forme de pouvoir sémiologique", autrement dit qu'à tout pouvoir temporel doit nécessairement s'opposer un pouvoir spirituel pour assurer la stabilité de la société. Et, par définition même, ce pouvoir spirituel ne peut être que constitué de métaphysiciens, c'est-à-dire de gens qui voient au delà de l'horizon du monde concret dans lequel nous vivons, en particulier au delà des détenteurs du pouvoir temporel (en France, exécutif, législatif et judiciaire).

À la suite de Thom on peut classer grossièrement ces métaphysiciens en deux catégories¹: les artistes (qui ont foi en eux-mêmes) (les théologiens, les "tradi", les poètes, les musiciens, etc.) et les joueurs (qui, comme Pascal, parient) (les mathématiciens, les théoriciens de disciplines "régionales" -physique, biologie, etc.-). L'orientation à prendre pour la civilisation à venir émergeant du conflit entre l'esprit de finesse et l'esprit de géométrie? Je ne vois rien d'autre.

Je me convaincs chaque jour un peu plus que cette nouvelle orientation fera émerger une nouvelle conception de la politique, et donc une nouvelle race de politiciens, le problème fondamental étant bien entendu de savoir comment le peuple va sécréter et plébisciter cette nouvelle élite spirituelle.

(Je viens d'audio-visionner un entretien récent sur RT entre Chantal Mouffe et Alain de Benoist (disponible sur la toile). Il m'a sauté aux yeux que Chantal Mouffe était une politicienne du temps présent (c'est-à-dire du passé²); Je n'ai pas eu cette impression avec Alain de Benoist (qui m'apparaît là - a-t-il évolué? - comme "démocrate à donf").)


¹: cf. le paragraphe "L'art, le désir et le jeu" à la fin de SSM.

²: Voir le passage où elle refuse dogmatiquement d'envisager une option sous l'unique raison que cette option impose une posture essentialiste.
 

Métaphysique expérimentale.9

jc

  03/10/2019

Commentaire du chap. XVII "Solidification du monde" de "le règne…", en partant de l'idée, avant même de lire le chapitre, que la solidification est vue comme une tension qui s'oppose à un relâchement, le conflit étant régulé par le principe métaphysique "à chacun son tour" séparé par deux catastrophes, l'une douce et l'autre abrupte¹.

Dans ce conflit tension/relâchement la catastrophe abrupte se produit souvent à la transition tension -> relâchement, l'exemple "moderne" qui vient immédiatement à l'esprit étant celui du moteur à explosion où il y a une phase de tension (admission-compression) suivie d'une phase de relâchement (détente-échappement). Ce conflit se trouve régulé un peu partout dans la nature animée: inspiration/expiration des poumons, systole/diastole du coeur, prédation-ingestion/digestion-déjection²,

Dès le chap. I de "La crise…" Guénon nous montre qu'il est évidemment pleinement conscient de ce principe d'alternance³ absolument fondamental:

"En effet, il y a lieu d'envisager en toutes choses, comme nous l'indiquions déjà précédemment, deux tendances opposées, l'une descendante
et l'autre ascendante, ou, si l'on veut se servir d'un autre mode de représentation, l'une centrifuge et l'autre centripète et de la prédominance de l'une ou de l'autre procèdent deux phases complémentaires de la manifestation, l'une d'éloignement du principe, l'autre de retour vers le principe, qui sont souvent comparées symboliquement aux mouvements du cœur ou aux deux phases de la respiration." .

Dans "Solidification du monde" Guénon identifie pratiquement "matérialisme" et "solidification" ("Au lieu de parler de « matérialisation » comme nous venons de le faire, on pourrait aussi, en un sens qui est au fond le même, et d’une façon peut-être plus précise et même plus « réelle », parler de « solidification » ;"), le matérialisme (au sens moderne) renvoyant à une fermeture, un enfermement⁴, contribuant à une dissolution finale⁵, omettant, à ma surprise, de développer l'aspect de rigidification, de mise en tension, conduisant plutôt à une catastrophe abrupte, ce que je tente brièvement dans ce qui suit.

Car notre contre-civilisation "culturelle" s'est progressivement rigidifiée en s'éloignant du principe "naturel" (pour reprendre le langage guénonien). Les exemples modernes ne manquent pas: spécialisation des tâches dues au technologisme (fordisme, toyotisme), normalisations en tous genres, avec une accélération et une diversification vertigineuses (déluge législatif) depuis l'avènement et la montée en puissance de la quincaillerie électronique⁶.

À l'échelle d'un Manvantara cette rigidification est visible beaucoup plus tôt: complexification du langage, passage de l'oral à l'écrit, sédentarisation, etc. Thom note à ce propos en note finale de l'article "Topologie et signification" (MMM) comment la pensée intuitive et la vision directe se sont progressivement rigidifiées en pensée instrumentale et technique de la preuve:

"Pourquoi, au début de la pensée philosophique, les Présocratiques, d'Héraclite à Platon, nous ont-ils laissé des vues d'une si grandiose profondeur? Il est tentant de penser qu'à cette époque l'esprit était encore en contact quasi direct avec la réalité, les structures verbales et grammaticales ne s'étaient pas interposées comme un écran déformant entre la pensée et le monde. Avec l'arrivée des Sophistes, de la Géométrie euclidienne, de la logique aristotélicienne, la pensée intuitive a fait place à la pensée instrumentale, la vision directe à la technique de la preuve.(...)"




¹: Cf. mon commentaire "Métaphysique expérimentale (.0)"

²: ce dernier exemple montrant que la catastrophe abrupte peut dépendre du point de vue auquel on se place.

³: Alors que les "pères" de l'Europe libérale./ (libérale-Tina) ne l'ont manifestement pas été en élaborant "nos" traités constituants.

⁴: "(...) la vérité est que la conception matérialiste, une fois qu’elle a été formée et répandue d’une façon quelconque, ne peut que concourir à renforcer encore cette « solidification » du monde qui l’a tout d’abord rendue possible, et toutes les conséquences qui dérivent directement ou indirectement de cette conception, y compris la notion courante de la « vie ordinaire », ne font que tendre à cette même fin, car les réactions générales du milieu cosmique lui-même changent effectivement suivant l’attitude adoptée par l’homme à son égard. On peut dire véritablement que certains aspects de la réalité se cachent à quiconque l’envisage en profane et en matérialiste, et se rendent inaccessibles à son observation ; (...)  C’est pourquoi il est des choses qui ne pourront jamais être constatées par des « savants » matérialistes ou positivistes, ce qui, naturellement, les confirme encore dans leur croyance à la validité de leurs conceptions, en paraissant leur en donner comme une sorte de preuve négative, alors que ce n’est pourtant rien de plus ni d’autre qu’un simple effet de ces conceptions elles-mêmes ; ce n’est pas, bien entendu, que ces choses aient aucunement cessé d’exister pour cela depuis la naissance du matérialisme et du positivisme, mais elles se « retranchent » véritablement hors du domaine qui est à la portée de l’expérience des savants profanes, s’abstenant d’y pénétrer en aucune façon
qui puisse laisser soupçonner leur action ou leur existence même, tout comme, dans un autre ordre qui n’est d’ailleurs pas sans rapport avec celui-là, le dépôt des connaissances traditionnelles se dérobe et se ferme de plus en plus strictement devant l’envahissement de l’esprit moderne."

⁵: "(...) un pas de plus vers la dissolution finale."

⁶: Terminologie qui revient souvent sous le clavier thomien.
 

Ce nous qui s'adresse à nous?.3

jc

  03/10/2019

Il est temps de boucler cette série de commentaires de type "divan psychanalytique", série entamée pour répondre à ce "nous" qui s'adresse peut-être à nous (PhG:  "(...) en évoluant dans ce magasin cosmique du Règne de la Quantité on peut y trouver du matériel métaphysique pour porter des coups terribles au Règne de la Quantité. A nous de le trouver…";

En reparcourant "Le règne…" de plus près, j'ai conforté mon intuition première que, pour Guénon, la matière est le Mal et que c'est la matière des matérialistes modernes (l'immense majorité des scientifiques contemporains, biologistes et écologistes compris¹). Il me semble que Guénon en aurait facilité la lecture s'il avait typographiquement distingué la matière "inerte" des modernes et la matière au sens aristotélicien, distinction typographique que fait PhG dans le tome II de "La Grâce.." (dont le lecteur attend des éclaircissements dans le tome III).

Pour moi le mal profond qui ronge notre civilisation jusqu'à en devenir contre-civilisation est, pour reprendre une expression de Jacques Ellul, d'avoir désacralisé la nature (qu'ont toutes sacralisé, sous une forme ou sous une autre, les civilisations qui l'ont précédée), pour sacraliser ce qui la désacralise, à savoir la technique et le règne de la quantité: écart abyssal entre matière aristotélicienne, matière qualifiée, et matière des modernes, matière quantifiée.

Je crois que la régulation cyclique du conflit tension/relâchement que l'on peut observer "naturellement" (prédation-ingestion/digestion-déjection) et expérimenter "culturellement" (moteurs à explosion, admission-compression/détente-échappement) peut s'ériger en principe métaphysique général, valable pour tout couple d'actants en conflit; ce que fait Guénon, qui applique constamment ce principe cyclique. La jonction entre les "tradi" et les scientifiques essentialistes (il y en a eu au moins un: Thom) se fait alors avec la théorie thomienne des catastrophes, et avec la catastrophe "fronce" comme archétype (les matérialistes modernes pourront se contenter du cycle de Carnot pour valider expérimentalement ce principe métaphysique).

Àprès avoir fait accepter ce principe métaphysique, ce qui n'est pas utopique car tout être de bon sens -sans être nécessairement ni métaphysicien ni scientifique- peut le valider expérimentalement (comme une mère qui résout le conflit entre deux de ses enfants se disputant le même jouet par un "à chacun son tour") on a alors un outil puissant pour traquer tous les dogmatismes qui occultent, sciemment ou non, l'un des deux actants dans un conflit binaire. Personnellement j'en vois deux qui me brûlent les yeux:

- l'un, très contemporain, est le conflit individualisme/communisme, où le communisme est totalement occulté et où l'individualisme triomphe donc, avec ses avatars que sont le capitalisme individuel et le néo-libéralisme;
- l'autre à une toute autre échelle de temps, puisqu'à l'échelle d'un Manvantara, est le conflit homme/femme où, symboliquement depuis le meurtre d'Abel(le) par Caïn, la place de la femme dans la société est très souvent dévaluée, voire complètement occultée là où elle devrait absolument, selon moi, ne pas l'être (cas des actuels pouvoirs spirituels -ou ce qu'il en reste).

Voilà ce que j'ai trouvé chez Guénon et ce que ça m'a inspiré.


¹: Toujours cette barrière actuellement infranchie entre le biochimique et le biologique?
 

Pouvoir spirituel et pouvoir temporel.2

jc

  04/10/2019

Mon formatage -et je crois ne pas être le seul à avoir été formaté ainsi- me conduit pavloviennement à considérer que le pouvoir spirituel est au-dessus du pouvoir temporel (typiquement, selon moi, le cas de Guénon). Or en rêvassant à qui plébisciter comme pouvoir politique spirituel, je me suis aperçu que je n'y voyais pas beaucoup de femmes, ce qui, à la réflexion, ne m'a pas étonné plus que ça, au fond, puisque je considère que les femmes sont beaucoup plus dans le réel, le concret, les pieds sur terre, que les hommes qui, eux, ont plus facilement les yeux tournés vers le ciel (et souvent la tête dans les nuages, voie dans la brume).

Qu'est-ce que ça donne lorsqu'on traite le problème "à la Guénon-Thom" comme un conflit entre pouvoir¹ temporel et pouvoir¹ spirituel? Pour moi le pouvoir spirituel est céleste, masculin alors que le pouvoir temporel est terrestre, féminin. À la lecture des chapitres XXI ("Caïn et Abel") et XXIII ("Le temps changé en espace") de "Le règne…", j'interprète "(...) la revanche finale d’Abel sur Caïn" comme une revanche de la femme sur l'homme puisque pour moi Abel est en fait Abelle. De ce point de vue le pouvoir céleste se requalifie en temporel et le pouvoir terrestre se requalifie en spatial.

En France -et peut-être même en Europe et en Occident- la guillotine symbolisant la fin du pouvoir céleste, spirituel, masculin, Guénon-temporel et annonçant l'avènement d'un pouvoir terrestre, temporel, féminin, Guénon-spatial?

Peut-être faudrait-il analyser en ce sens le "La réalité est supérieure à l'idée" de l'encyclique "Laudato si"? Guénon ne cesse-t-il pas de nous répéter que la roue cosmique ne cesse, inexorablement, de tourner?


¹/ Le terme "autorité" me semble mieux adapté parce "auto" renvoie à l'idée d'immanence, de roc immuable qui tire de lui-même son propre principe.
 

Métaphysique expérimentale.11

jc

  04/10/2019

Retour sur le conflit permanence/changement, c'est-à-dire sur le conflit conservatisme/progressisme, symbolisé par le conflit cyclicité/linéarité-arborescence. Éternel retour ou non? (Je rappelle que pour moi la cyclicité est féminine -XX- (tous en rond avec moi -ou autour de moi) alors que la linéarité est masculine -XY¹- (tous en rang -ou en rangs en cas d'arborescence- derrière moi).)

En examinant ce conflit dans le cadre général d'un conflit à deux actants la question qui se pose est de savoir comment on passe de la permanence au changement (et réciproquement) , du conservatisme au progressisme, de la cyclicité à la linéarité. De ce point de vue il est clair que la catastrophe abrupte est la transition permanence -> changement, conservatisme -> progressisme, cercle -> droite (transition qui nécessite  une coupure, une séparation).

Métaphoriquement et géométriquement on peut visualiser le problème ainsi: on a un cratère de volcan (éteint ou non), la permanence cyclique maximale étant représentée par le parcours cyclique indéfiniment itéré sur la ligne de crête du cratère -ou n'importe quelle ligne de niveau- (les scientifiques parlent de dynamique hamiltonienne) et le changement linéaire maximal étant représenté par le parcours linéaire -tout schuss ou péniblement selon le sens- le long d'une ligne de plus grande pente (les scientifiques parlent de dynamique de gradient). La transition se fait continûment par des spirales (que les skieurs font naturellement). On a ainsi une image de la vie en associant le temps d'un tour de cratère à un battement de coeur: cent ans à un battement par seconde donne le nombre total de tours au cours d'une vie.

Comment penser dans ce cas la catastrophe permanence -> changement qui nous précipite dans le trou²? Thom propose un schéma mathématique général dans lequel la bifurcation de Hopf semble jouer un rôle central³, où il part de la dynamique de gradient pour aboutir à une dynamique récurrente (hamiltonienne), où il rejoue donc la catastrophe de précipitation à l'envers, c'est à dire la catastrophe, plus bénéfique selon notre point de vue, de naissance, de sortie du trou.

Quant à la position de Thom vis-à-vis du problème initial je remets ci-dessous quelques citations qui suggèrent qu'il n'est pas nécessairement adepte inconditionnel de l'éternel retour:

- "(...) il m'est difficile de voir pourquoi un être pleinement différencié ne pourrait être immortel."
- "(...) il y a une certaine incompatibilité entre l'immortalité de l'individu et les possibilités évolutives ultérieures de l'espèce. La mort serait alors le prix à payer pour préserver toutes les possibilités de perfectionnement futur de l'espèce."
- "Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote [à suivre] suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"."


¹: Cf. la toile à propos du symbolisme des lettres. Le symbolisme y=f(x) des matheux est fait pour suggèrer et rappeler une variable x parfaitement uniforme , déformée en y (symbolisant la bifurcation) par la fonction f.

²: Thom: "La mort d'un être vivant se manifeste par le fait que la dynamique de son métabolisme local passe d'une configuration récurrente à une configuration de gradient : c'est, typiquement, une catastrophe généralisée".

³: Cf. ES pp. 63 à 65.

Métaphysique expérimentale.11.1

jc

  04/10/2019

La connaissance traditionnelle peut-elle progresser?

L'analogie entre le principe de régulation cyclique traditionnel d'un conflit à deux actants et le lacet de prédation thomien lié à la catastrophe "fronce" (que Thom considère comme étant à la base de l'embryologie animale) donnant naissance à ce que j'appelle le principe de Guénon-Thom¹ suggère la possibilité d'une évolution dans le sens d'une progression dans la connaissance des principes traditionnels utilisés par Guénon et les "tradi".

Quelques citations thomiennes à ce sujet, à éventuellement méditer, tirées du début recueil de 90 pages extraites de l'oeuvre de Thom collectées par Michèle Porte²:

- "(...) si la science progresse, c'est en quelque sorte par définition. Alors que l'art et la philosophie ne progressent pas nécessairement, une discipline qui ne peut que progresser est dite scientifique. De là on conclura que le progrès scientifique, s'il est inévitable, ne peut être le plus souvent qu'illusoire. (1968, La science malgré tout…) "

- "J'appelle « progrès essentiel » en Science toute modification de la nomologie qui permet une résorption considérable de l'accident qui lui est
expérimentalement attaché."

- "Il faut en effet se convaincre d'un point : à la suite des progrès récents de la Topologie et de l'Analyse différentielles, l'accès à une pensée qualitative rigoureuse est désormais possible ; nous savons (en principe) définir une forme, et nous pouvons déterminer si deux fonctions ont, ou non, le même type topologique, la même forme. " (1968)

- "Ainsi la fonction originelle d'une philosophie de la nature sera-t-elle de rappeler constamment le caractère éphémère de tout progrès scientifique
qui n'affecte pas de manière essentielle la théorie de l'analogie."

- "(...) une vision plus claire du programme métaphysique de la théorie des catastrophes : fonder une théorie mathématique de l'analogie, qui vise à compléter la lacune ouverte par Galilée entre quantitatif et qualitatif. " (1990, AL)

- "L'ambition ultime de la théorie des catastrophes, en fait, est d'abolir la distinction langage mathématique-langage naturel qui sévit en science
depuis la coupure galiléenne. " (1976, Le statut épistémologique de la théorie des catastrophes)

- "Finalement, le problème de la démarcation entre scientifique et non scientifique n'est plus guère aujourd'hui qu'une relique du passé ; on ne le
trouve plus guère cité que chez quelques épistémologues attardés – et quelques scientifiques particulièrement naïfs ou obtus. (1988, La science et l’intelligible)


¹: Guénon se serait très certainement opposé à cette appellation (avec raison selon moi, car l'appropriation d'une idée par un individu prépare, dans une société individualiste qui prône le capitalisme individuel, le brevetage de l'idée et le paiement de royalties lors de son utilisation). Car il écrit ce qui suit dans le chapitre "Individualisme" de "La crise…":

"Dans une civilisation traditionnelle, il est presque inconcevable qu'un homme prétende revendiquer la propriété d'une idée, et, en tout cas, s'il le fait, il s'enlève par là même tout crédit et toute autorité, car il la réduit ainsi à n'être qu'une sorte de fantaisie sans aucune portée réelle : si une idée est vraie, elle appartient également à tous ceux qui sont capables de la comprendre ; si elle est fausse, il n'y a pas à se faire gloire de l'avoir inventée. Une idée vraie ne peut être « nouvelle », car la vérité n'est pas un produit de l'esprit humain, elle existe indépendamment de nous, et nous avons seulement à la connaître ; en dehors de cette connaissance, il ne peut y avoir que l'erreur ; mais, au fond, les modernes se soucient-ils de la vérité, et savent-ils même encore ce qu'elle est ? "

²: https://www.maths.ed.ac.uk/~v1ranick/papers/thom/data/citations.pdf
 

Métaphysique expérimentale.12

jc

  04/10/2019

Le conflit sacré/profane.

Dans le schéma général de régulation du conflit sacré/profane il me semble à peu près clair que c'est la transition sacré/profane qui est douce et la transition profane/sacré qui est abrupte. Car je vois ce conflit comme analogue au conflit fonction/structure: au début le sacré a une fonction qui exige une structure pour fonctionner (par ex. des temples pour y recevoir les fonctionnaires, les grands prêtres; c'est la fonction qui crée l'organe), et, la roue cosmique tournant inexorablement, le sacré se profane (se "profanise", écrit Guénon) doucement, imperceptiblement, comme la fonction s'efface doucement, imperceptiblement devant la structure qui, également insensiblement, est progressivement utilisée à d'autres fins. Jusqu'à l'inéluctable catastrophe abrupte -roue cosmique oblige- qui est ici une dissolution dans le néant -une néantisation, une entropisation, -dirait sans doute PhG-.

C'est dans cet esprit que j'ai lu le chapitre XVI ("La dégénérescence de la monnaie") de "Le règne…", chapitre qui se termine par

"(...) le terme réel de la tendance qui entraîne les hommes et les choses vers la quantité pure ne peut être que la dissolution finale du monde actuel."

Mais c'est également comme ça que je vois la désacralisation, la profanation du nombre (entier, le seul considéré comme véritable par les Anciens Grecs, les autre nombres étant seulement "de raison", c'est-à-dire rationnels). Car il y a un abîme entre les nombres sacrés, qualifiés, des "tradi", en particulier des pythagoriciens, mais aussi très vraisemblablement d'un Évariste Galois et d'un Alexandre Grothendieck et les nombres profanes, sans qualité, manipulés par les banquiers modernes. "Dieu créa les nombres entiers et le reste est l'oeuvre de l'homme", a dit un jour le mathématicien algébriste "moderne" Kronecker, à ses heures banquier enrichi par la spéculation.
 

Métaphysique expérimentale.13

jc

  05/10/2019

La différence Thom/Guénon.

Selon moi Guénon voit tout éloignement du principe comme une division irréversible, une sorte d'atomisation déstructurante qui conduit inéluctablement à la mort par dissolution -par entropisation, dirait sans doute un PhG qui semble sur cette même longueur d'onde si on en juge par la chute de nombre de ses articles quotidiens-. Et, de ce que j'ai cru en comprendre, c'est ainsi qu'il (Guénon) voit la matérialisation, pour lui satanique. Thom voit, il me semble, les choses du même oeil pour le monde eukaryote, mais non pour le monde prokaryote qui, lui, resterait indéfiniment sur l'arête du cratère), lorsqu'il écrit¹:

"Il est typique de voir que la cellule immortelle, la cellule prokaryote, comme disent les biologistes, la cellule qui vit par elle-même, en principe
ne fabrique pas d'artefacts. En tous cas je ne vois pas ce qui pourrait jouer le rôle d'un artefact dans la physiologie d'une cellule. Et de même tous ses instruments, ses outils, ses organes sont tous réversibles. On peut se demander de ce point de vue si l'apparition de l'artefact n'est pas quelque chose qui est fondamentalement lié au caractère multicellulaire, au caractère composé des organismes, et si donc cette prolifération des
artefacts n'est pas le premier symptôme de la mort." (1979)

Fin du monde par néantisation ou seulement fin d'un monde, et donc, en quelque sorte, éternel retour?

À cet instant  je vois métaphoriquement le principe guénonien installé au sommet d'un pic montagneux, tout éloignement du principe étant une chute irréversible (et la chute de certains chapitres de "Le règne…" -entre autres- confirme cette impression). Alors que, toujours à cet instant du discours, je vois métaphoriquement le principe thomien installé sur la ligne de crête d'un cratère, tout écart au principe étant une chute irréversible qui se termine par la mort.

Mais en y regardant de plus près, Guénon, cycliste dans sa vie métaphysique courante, m'apparaît logiquement comme devant être un partisan de l'éternel retour (le dernier chapitre de "Le règne…" est intitulé "La fin d'un monde" et non "La fin du monde"). Cela signifie-t-il que, pour lui, le nouveau monde va surgir des ruines de l'ancien, mort par entropisation. Comme remarqué plus haut c'est ce que laisse penser la chute de plusieurs des chapitres de "Le règne…"? Non, parce qu'il entrevoit avec une grande audace intellectuelle -de mon point de vue- une conversion sans dissolution-entropisation de l'ancien monde en le nouveau dans le chapitre "Le temps changé en espace". (Peut-être PhG entrevoit-il quelque chose de cet ordre, lui qui nous annonce dans le tome III de "La Grâce…" une partie intitulée "Le réenchantement de Dieu".)

Toujours en y regardant de plus près, Thom, quant à lui, n'est pas, à mes yeux, un partisan inconditionnel de l'éternel retour, un cycliste². J'espère ne pas déformer sa pensée jusqu'au contre-sens en présentant les choses comme suit, après avoir rappelé son analogie -pour moi génialissime- entre différenciation biologique et différentiation mathématique³ où la citation "mais il subsiste toujours à l'intérieur de l'animal une lignée de cellules totipotentes" m'apparaît comme fondamentale.

La métaphore suivante illustre, je crois, assez bien la situation: ce sont les fonctions analytiques (au sens des matheux) qui jouent le rôle des cellules totipotentes (la lignée germinale sur l'arête du cratère), en ce que leur analyse (au sens courant du terme) est réversible, c'est-à-dire que la synthèse exacte -sans altération- est possible (par (ré)intégration). (Plus précisément, en utilisant le vocabulaire guénonien, les fonctions analytiques, non manifestées car définies globalement, "en puissance", se manifestent localement, "en acte", dans le voisinage d'un point par leur développement en série entière au voisinage de ce point⁵.) Bien entendu il ne s'agit que d'une métaphore, la réalité mathématique étant considérablement plus difficile (et dépasse largement mon niveau).


¹: Cette citation mériterait, très certainement selon moi, d'être méditée par nos modernes progressistes, qu'ils soient artificiers (ère du technologisme) ou artéfacteurs (ère de la communication, du virtualisme et de l'IA).

²: Cf. les citations du .11

³: Cf. le .10

⁴: La plus simple des fonctions analytiques étant la fonction exponentielle qui reste manifestement elle-même lorsqu'on la différencie puisqu'elle est égale à sa dérivée.

⁵: L'exemple classique d'une fonction non analytique -c'est-à-dire dont la synthèse ne redonne pas la fonction de départ- est la fonction exp(-1/x²), qui est infiniment plate à l'origine (c'est-à-dire que la fonction et toutes ses dérivées s'annulent) si bien que sa synthèse donne la fonction identiquement nulle -nulle en tout point- qui n'est pas la fonction de départ. Pour reprendre une expression chère à PhG on peut dire que le développement en série de Taylor à l'origine de cette fonction l'a faite mourir par entropisation: elle s'est dissoute en la fonction nulle.
 

Métaphysique expérimentale.13.1

jc

  05/10/2019

J'en profite pour redire, à propos du .13,  mon intuition de la chose, en tant que matheux.

Pour moi la matière et la forme d'une part, et la puissance et l'acte d'autre part, c'est la même chose, une fois que l'on s'est placé au "bon" point de vue, le point de vue Janus. Géométriquement et métaphoriquement je vois dans les deux cas les entités en conflit comme les deux faces d'une surface qui n'en a qu'une (surface unilatère). Aussi je vois ce "bon" point de vue comme le point "divin" où placer son oeil, point singulier symbolisé par un DDJ, un Dieu/Déesse/Janus.

Je suis convaincu qu'en relisant attentivement "Le règne…" -entre autres- on y trouverait des argumentations mathématiques qui gagneraient à être rerédigées -sinon repensées- dans le cadre de la géométrie projective¹. Lacan, dans sa période géométrique, la dernière, fait un usage constant du plan projectif et de ses représentations (cross-cap, surface de Boy, etc.) dans l'espace bilatère usuel², et je placerais volontiers l'oeil divin au point triple de la surface de Boy.

Je n'ai vu Thom considérer des espaces projectifs que dans l'article "Structures cycliques en sémiotique" (AL), ce qui tend à me faire douter de mon intuition à ce sujet, car Thom, géomètre  professionnel (à la différence, abyssale, de Guénon et Lacan), était évidemment au top niveau des connaissances contemporaines en la matière.

Imaginer le plan projectif n'est pas aisé pour moi³. Mais c'est mieux que rien pour appréhender et manipuler les concepts principiels que sont la matière, la forme, la puissance et l'acte tels que je les intuite. Pour finir je rappelle à ce propos les deux citations thomiennes suivantes:

- "Malgré son caractère non quantitatif, qui a suscité la dérision des scientifiques professionnels, il [le modèle géométrique par Christopher Zeeman de l'agressivité du chien] a l'avantage inestimable de montrer ce qui fait la supériorité d'un modèle géométrique sur une construction conceptuelle." (AL, p.33)

- "[La mathématique] est le jeu signifiant par excellence, par lequel l'homme se délivre des servitudes biologiques qui pèsent sur son langage et sa pensée et s'assure les meilleures chances de survie pour l'humanité." (SSM, 2ème ed., p.321)


¹: Les espaces projectifs des matheux sont unilatères.

²: Cf . https://www.jp-petit.org/nouv_f/lacan_jpp.pdf

³: Mais ça l'est pour Jean-Pierre Petit.

Métaphysique expérimentale.14

jc

  06/10/2019

Comment améliorer le principe (expérimental) Guénon-Thom, principe de régulation "à deux temps" dans le cas d'un conflit à deux actants?

Je pense qu'un "tradi" objectera que le cycle "à quatre temps" est plus principiel que le cycle précité "à deux temps" qui n'en est qu'un avatar, comme le suggèrent les quatre temps archétypiques d'un Manvantara, ou bien le point de vue moderne (les quatre temps archétypiques régulateurs du conflit source chaude/source froide -Principe de Carnot).

Le modèle thomien initial (autour de 1970) de son lacet -alias cycle- de prédation (selon lui à la base de l'embryologie animale), lié à la catastrophe élémentaire "fronce", est à deux temps, la première catastrophe étant la catastrophe de perception, la seconde étant celle de capture. Conscient de l'insuffisance de ce modèle, Thom l'a revisité ultérieurement, en doublant la mise, c'est-à-dire en faisant apparaître une deuxième fronce "copli" dans son nouveau modèle, et donc deux nouvelles catastrophes, initialement cachées¹, catastrophes "psychiques" (ésotériques) qui contrebalancent les deux catastrophes "physiques" (exotériques) initiales².

Ce nouveau modèle biologique, archétypique pour Thom, est-il transposable aux sociétés et aux civilisations? Cela ne fait aucun doute pour Thom³ selon son principe fondamental qui revient souvent au fil de mes commentaires:
 
"Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés, ainsi l'usage de vocables anthropomorphes en Physique est foncièrement justifié" .

C'est dans cet esprit que j'ai parcouru les chapitres XXVI ("Chamanisme et sorcellerie") et XXVII ("Résidus psychiques") de "Le règne…", Le passage suivant du début du chapitre XXVI et les quelques citations thomiennes qui suivent montrent la grande concordance⁵ entre les points de vue des deux auteurs:

"Si nous nous en tenons à la considération des éléments subtils, qui doivent être ainsi présents en toutes choses, mais qui y sont seulement plus ou moins cachés suivant les cas, nous pouvons dire qu’ils y correspondent à ce qui constitue proprement l’ordre « psychique » dans l’être humain ; on peut donc, par une extension toute naturelle et qui n’implique aucun « anthropomorphisme », mais seulement une analogie parfaitement légitime, les appeler aussi « psychiques » dans tous les cas (et c’est pourquoi nous avons déjà parlé précédemment de « psychisme cosmique »), ou encore « animiques », car ces deux mots, si l’on se reporte à leur sens premier, suivant leur dérivation respectivement grecque et latine, sont exactement synonymes au fond. Il résulte de là qu’il ne saurait exister réellement d’objets « inanimés », et c’est d’ailleurs pourquoi la « vie » est une des conditions auxquelles est soumise toute existence corporelle sans exception ; c’est aussi pourquoi personne n’a jamais pu arriver à définir d’une façon satisfaisante la distinction du « vivant » et du « non-vivant », cette question, comme tant d’autres dans la philosophie et la science modernes, n’étant insoluble que parce qu’elle n’a aucune raison de se poser vraiment, puisque le « non-vivant » n’a pas de place dans le domaine envisagé, et qu’en somme tout se réduit à cet égard à de simples différences de degrés."

Thom a beaucoup écrit sur la distinction vivant/non vivant et a même proposé un modèle de l'origine de la vie⁶. Quelques citations:

- "La synthèse ici entrevue ["Topologie et signification", MMM] des pensées vitaliste et mécaniste n'ira pas sans un profond remaniement de nos conceptions du monde inanimé."

- "(...) la science veut construire la vie à partir de la mécanique, et non la mécanique à partir de la vie."

- "(...) l'animé sait exploiter les régularités naturelles pour stabiliser des connexions qui dans le monde inanimé seraient accidentelles, non génériques. Il y a donc là (en principe) une possibilité formelle de caractériser l'état de vie, problème qui jusqu'à présent a défié la pensée biologique." (ES, p. 222).

Remarque finale: Je termine par un extrait de "Cher amour" (p.40) de l'acteur contemporain Bernard Giraudeau, extrait qui illustre bien l'abîme qui sépare la pensée traditionnelle de la pensée moderne, c'est-à-dire l'abîme qui sépare la pensée vivante, chamaniste, animiste, des "tradi", de la pensée mécaniste, des modernes:

"Il y a peu une équipe de recherche plus hardie a voulu en savoir plus sur la pharmacopée amazonienne. Ils ont demandé aux shamans comment ils pouvaient reconnaître la bonne plante sans l'expérimenter sur les hommes et faire quelques dégâts. Les shamans ont répondu: on n'a pas besoin de tuer des animaux ou des gens pour savoir si une herbe ou racine est efficace. Alors comment faites-vous? Nous nous asseyons devant la plante choisie, en silence, le temps nécessaire, et elle nous parle. Les chercheurs sont repartis marris."


¹: Cf. ES (1988), pp.81 à 86 (Dynamique de la prédation, ou lacet de prédation "revisited").

²: Thom: "(...) pour réellement théoriser la biologie, il faut faire du rêve une fonction biologique, ce qui introduit l'imaginaire au cœur même de la dynamique biologique. Cet imaginaire serait alors consubstantiel au concret biologique, à la réalité biochimique. Nous verrons que tel pourrait bien être le cas."

³ Cf. "Le psychisme d'une société" (SSM,.2ème ed. p.323).

⁴: Les chapitres XXVI et XXVII d'une part et XXXIII, XXXIV, XXXV d'autre part.

⁵: Hormis ce qui concerne l'anthropomorphisme, la possibilité formelle de caractériser l'état de vie, et, bien entendu, le "mathématisme universel" cher à Thom.

⁶: SSM, 2ème ed. pp.282 à 286.

Métaphysique expérimentale.15

jc

  06/10/2019

Du règne de la quantité à celui de la qualité, du règne de l'idéal de puissance à celui de la perfection, du règne de la démocratie quantitative (la thermocratie du mathématicien/philosophe Gilles Châtelet) à celui de la démocratie qualitative, etc. .

Une notion qui me semble fondamentale est celle d'archétype. Quel est, socialement, l'humain archétype?

D'un point de vue moderne, quantitatif, l'humain archétype, l'humain auquel il faut tenter de s'identifier et auquel il faut essayer de ressembler, c'est l'humain moyen (de taille moyenne, de poids moyen, d'intelligence moyenne, etc.) décrit par Châtelet dans "Vivre et penser comme des porcs". On ne s'étonnera alors pas que, dans la démocratie quantitative actuelle -un citoyen, une voix-, on élise au suffrage universel un président ordinaire¹.

Le point de vue qualitatif est évidemment tout autre. Mais la notion de démocratie qualitative est nécessairement liée à celle d'individu archétype, individu auquel chaque membre essaye de ressembler, idéal de perfection oblige, assurant ainsi la cohérence et l'unité de ladite société. Il s'agit évidemment d'un problème métaphysique, précisément ontologique sinon hénologique: qu'est-ce que l'être archétype au sein d'une société donnée? Il me semble que ce problème selon moi incontournable est abordé par Guénon dans son "Les états multiples de l'être" (j'ai tenté de commencer à lire ce qu'il contient, mais à ce jour ça ne me parle pas encore²).

Thom (dont les sept catastrophes élémentaires sont autant d'archétypes):

- "Peut-être conviendrait-il, en Biologie notamment, de relativiser le principe d'individuation ; il n'est pas impossible que l'individu, le « self », présente une structure hiérarchique complexe, avec des ‘moi’ emboîtés l'un dans l'autre, soit spatialement, soit dans les espaces internes du métabolisme. Les modèles catastrophistes de la prédation (qui identifient partiellement prédateur et proie) vont dans le même sens."

- "En ce qui me concerne, je préfère croire à un réel – non globalement accessible parce que de structure stratifiée – dont l'herméneutique de la TC [Théorie des Catastrophes] permettrait de dévoiler progressivement les « fibres » et les « strates ». Mais tout progrès dans la détermination d'une telle ontologie stratifiée en « couches » d'être exigera :
i) L'emploi de mathématiques pures spécifiques – parfois bien difficiles – dans les théories jusqu'ici purement conceptuelles des sciences de la signification ;
ii) La reprise d'une réflexion philosophique sur la nature de l'être que les divers positivismes et pragmatismes ont depuis bien longtemps occultée."


¹: "Carrément vulgaire, très ordinaire", chante Souchon.

²: Pour reprendre une expression des shamans de Giraudeau (cf. le .14)

Métaphysique expérimentale.14.1

jc

  07/10/2019

Le cycle de prédation animale (modèle rudimentaire "à la Thom"). Analogie avec le cycle d'un Manvantara.

Le cycle commence par la catastrophe abrupte de réveil dû à la faim, catastrophe libératrice d'énergie qui met l'animal sous tension, et qui décentre le "moi" de l'animal sur sa proie virtuelle, l'animal désirant plus sa proie que lui-même. Cette catastrophe initiale déclenche une succession de catastrophes en principe inéluctables (sauf empêchement, précisait déjà Aristote à ce propos) qui conduisent à l'endormissement, le réveil achevant le cycle. La deuxième catastrophe est la perception de sa proie, catastrophe au cours de laquelle le prédateur redevient lui-même -c'est-à-dire récupère son "moi". catastrophe qui redouble la tension, la libération d'énergie, ce qui permet à l'animal d'engager la poursuite. La troisième catastrophe est la catastrophe de capture et d'ingestion -catastrophique pour la proie, au sens usuel du terme- à partir de laquelle le prédateur, qui digère, somnole et s'endort, partage son "moi" avec celui de sa proie¹. La quatrième et dernière catastrophe est l'instant à partir duquel le prédateur rêve -ou plutôt cauchemarde- qu'il est la proie de sa proie. Jusqu'à ce qu'il se réveille affamé, ce qui boucle le cycle.

En termes de tension/relâchement on a donc quatre phases:

- une première phase de tension-relâchement;
- une deuxième phase de tension-tension (la phase où le prédateur donne tout ce qu'il a pour capturer sa proie);
- une troisième phase de relâchement total (phase pendant laquelle il est le plus vulnérable), phase relâchement-relâchement;
- une dernière phase de relâchement-tension (phase pendant laquelle il dort mais cauchemarde).

(En termes yin-yang on a la séquence yang-yin, yang-yang, yin-yin, yin-yang.)

On voit que la catastrophe abrupte a lieu au passage de la phase yang-yang à la phase yin-yin. Par analogie avec la succession des civilisations, on a la séquence âge de bronze, âge de fer, âge d'or, âge d'argent. Si l'analogie fonctionne "notre" contre-civilisation se trouve à la fin de l'âge de fer: la catastrophe au sens usuel est imminente -pour qui?.

On remarque que la succession des saisons sous nos latitudes est à quatre temps. Mais je ne vois pas entre quelles saisons il y aurait une transition catastrophique (au sens usuel). En termes yin-yang, je vois cette succession: yang-yin (printemps), yang-yang (été), yin-yang (automne), yin-yin (hiver).

Harmonie.

Je vois les quatre saisons à l'unisson, chacune de même durée. Par contre, en ce qui concerne le cycle de prédation et les civilisations ,je vois (j'entends serait plus adéquat) le deuxième actant du conflit répondant au premier "à l'octave", autrement dit les rapports de durée des phases yin et yang sont dans le rapport 2/1² (la durée d'une phase yin, de relâchement est le double de celle d'une phase yang, de tension). Un calcul élémentaire donne alors 4 pour la phase yin-yin, 2 pour les phases yin-yang et yang-yin, 1 pour la phase yang-yang, soit 4+2+2+1 (=9) pour un cycle total, ce qui diffère légèrement du traditionnel 4+3+2+1 (=10) pour un Manvantara.


¹: Thom: "(...) le sommeil est une sorte de revanche de la proie sur le prédateur. C'est une sorte de période d'indistinction entre le sujet et l'objet. (1978,...métaphysique extrême)

²: Pour les battements du coeur humain au repos la réponse de l'actant "relâchement" est à l'octave de la sollicitation de l'actant "tension". Précisément la durée du relâchement (diastole) est sensiblement le double de celle de la tension (systole)*, et je verrais bien ce rythme des "trois huit" (par 24h) pour les animaux -dont l'humain (8h de tension, 2x8h de relâchement).

*: C'est sensiblement la même chose pour la respiration chez l'humain au repos (temps d'expiration double du temps d'inspiration).

 

Métaphysique expérimentale.16

jc

  09/10/2019

Commentaire du chapitre XX "De la sphère au cube" de "Le règne".

Notre civilisation, devenue contre-civilisation, tend de plus en plus vers une globalisation, une uniformisation dans laquelle tout le monde porte le même jean's et possède le même smartphone; la symbolisation de cet état par une sphère s'impose alors d'elle-même. Considéré dans le cycle d'un Manvantara, on est à la fin de l'âge de fer, la fin du Kali Yuga, puisque le cycle complet est une solidification progressive en partant de l'âge d'or, le Krita Yuga, pour finir au Kali Yuga (la forme sphérique est la plus solide). Il nous faut donc recommencer un nouveau cycle, c'est-à-dire requalifier la sphère pour progressivement la resolidifier jusqu'au terme du Kali Yuga suivant (où elle redeviendra symboliquement sphère uniforme, pure quantité maximalement solide?).

Cette requalification est primordiale puisqu'elle détermine toute la durée du Manvantara à venir. Dans le chapitre IV "Les directions de l'espace" de "Le symbolisme de la croix", Guénon nous indique comment qualifier l'espace initialement quantité pure, indifférenciée et continue: en faisant en un point le signe de croix, c'est-à-dire, en termes modernes, en plaquant sur l'espace 3D un repère cartésien orthonormé indiquant trois directions (six demi-directions) principales qui percent la sphère unité en six points (Nord et Sud -axe des "x"-, Est et Ouest -axe des "y"-, Haut et Bas -"axe des "z"-) qu'il est naturel de considérer comme les six sommets d'un octaèdre régulier (solide de Platon) et auquel il est non moins naturel d'associer le solide dual -toujours de Platon- qui est le cube; ce que fait directement Guénon (sans passer par la case octaèdre).

Guénon note que le cube est plus stable que la sphère. Mais il est également plus stable que l'octaèdre. C'est sans doute avec des considérations de ce type que les Anciens ont été amenés à associer le cube à la terre et l'octaèdre à l'air (le tétraèdre au feu, l'icosaèdre à l'eau, le dodécaèdre à l'éther -la quinte essence-). En anthropomorphisant tout ça -ce que Thom nous incite à faire¹ et ce que Guénon refuse absolument-, il me semble naturel de féminiser le cube (ce que font les chinois, qui féminisent la terre-yin) et de masculiniser l'octaèdre (ce que font les chinois, qui masculinisent le ciel-yang).

(Si l'on inscrit cube et octaèdre dans une même sphère, le contact se fait par 14 points (les 8 sommets du cube et les 6 sommets de l'octaèdre), soit 2x7 points. Pour moi "7" a beaucoup plus un caractère sacré pour cette raison (l'accouplement -l'enlacement- du cube-yin et de l'octaèdre-yang fait monter chaque membre du couple au "septième ciel") que pour celle invoquée par Guénon dans "Le symbolisme ..." (où "7" est sacralisé comme étant 6+1 -le nombre de branches de la croix 3D plus "un" pour son centre-, alors que le centre a pour moi un poids supérieur² à chacune des six directions qui en sont des émanations).)

Ce qui précède suggère une opposition politique homme-femme, la stabilité "terrienne" et le conservatisme aux femmes, le libéralisme "aérien" (libre comme l'air ...) et l'évolutionnisme aux hommes³.

Remarque finale:

Je ne sais pas si la Tradition étudie de cette façon le tétraèdre, c'est-à-dire s'il y a des études du symbolisme de la croix tétraédrique (quatre rayons partant du centre du tétraèdre vers chacun des sommets). En 2D on tombe sur le triangle équilatéral et sa croix "Mercédès" à trois branches, triangle qui est auto-dual (c-à-d qui est semblable à lui-même quand on échange sommets et côtés⁴), et l'enlacement d'un triangle équilatéral avec son auto-dual est une étoile de David, omni-présente dans la Tradition.


¹: Thom: "L'intelligence, c'est l'aptitude à s'identifier à autre chose, à autrui."

²: À mes yeux le centre est la position divine, d'où l'on connaît le monde dans sa plénitude, en dimension infinie, centre d'où part donc une infinité de rayons, six d'entre eux seulement étant accessibles éxotériquement aux humains.

³: J'ai entendu tout récemment de la bouche d'Alain de Benoist que la séparation des conservateurs et des libéraux en France était pratiquement actée.

⁴: Le tétraèdre est auto-dual en 3D.

Métaphysique expérimentale.16.1

jc

  09/10/2019

Dans "Le règne…" il y a plusieurs chapitres consacrés à la solidification (la plupart entre les chapitres XVII et XXV). Je voudrais ici tenter (retenter en fait, en essayant de clarifier mes idées) un rapprochement entre les vues de Guénon et celles de Thom à ce propos.

Pour Guénon -éventuellement revisité à ma sauce- il y a, grosso modo, un principe actif solidifiant qui fait passer de la puissance à l'acte, de la matière informe à la matière formée -plus précisément animée par la forme-, un principe actif qui fait symboliquement passer du cercle au carré, de la sphère au cube, phase génératrice "solidifiante" (les âges d'or et d'argent d'un Manvantara), suivie d'une phase corruptrice "liquéfiante" où carré et cube retournent à leur état initial, respectivement cercle et sphère (les âges de bronze et de fer).

Pour Thom, qui s'intéresse essentiellement à théoriser la Biologie, il y a une phase de déploiement d'une singularité à partir de son germe, phase de génération, suivie d'une phase de corruption, de retour au centre organisateur de cette singularité. Là aussi passage de la puissance à l'acte (génération) suivi d'un retour au centre organisateur (corruption) avec l'espoir d'un gain, d'un bilan positif, lors du parcours du cycle complet. Métaphoriquement c'est la flottille anglaise qui part "starboard (tribord)" de Start Point, déploie ses voiles vers le nouveau monde pour revenir "port (babord)" à Start Point, et y décharger ou non les trésors trouvés. Biologiquement c'est d'abord le Verbe qui se fait Chair, phase catalogique de génération (on ouvre le catalogue de recettes¹ pour concocter la chair), suivi de la phase de corruption, de retour au centre organisateur. Thom développe dans "Modèles locaux en embryologie", chapitre 9 de SSM épigraphé "et le Verbe s'est fait Chair" (chapitre que j'essaie de digérer…).

D'où nous vient ce livre de recettes, ce catalogue? Est-il nécessairement d'origine supra-humaine (cata = de haut en bas), par définition inaccessible aux humains? La tentative spéculative de Thom est de faire précéder ce catalogue d'un analogue (ana = de bas en haut), précisément d'une théorie de l'analogie, théorie qui est ébauchée dans sa théorie des catastrophes élémentaires (là aussi j'essaie de m'accrocher…).

C'est dans cet esprit que j'ai parcouru -entre autres- le chap. XXV: "Les fissures de la Grande Muraille".


¹: Pour Thom le catalogue n'est pas contenu dans le génome:

- "(...) le génome n'est pas le métabolisme global. Il n'est que la partie fixe de ce dernier. Il est donc le résultat du métabolisme et non l'inverse." (1994)

- "Le rôle du génome apparaît plutôt comme un dépôt "culturel" des modes de fabrication des substances nécessaires à la morphogenèse. Il n'es peut-être guère plus nécessaire à l'embryologie que ne l'est la consultation des livres de cuisine aux réalisations gastronomiques d'un grand chef (...)." ES (1988), p.128






 

Le flambeau de la Tradition: de Guénon à Thom (et Grothendieck)?

jc

  10/10/2019

C'est l'analogie faite entre le haut de la "coquille" (dont parle Guénon dans "Les fissures de la Grande Muraille" de "Le règne…") et la lignée germinale en Biologie qui m'a inspiré ce commentaire.

Guénon est un véritable métaphysicien. De plus, comme les véritables mathématiciens, il cherche constamment à géométriser sa pensée ("Le règne…" est truffé de tentatives de représentations géométriques des concepts métaphysiques qu'il manipule), ce qui fait que je le classe sans guère hésiter parmi les mathematikoï¹, la plus haute instance des ésotériques pythagoriciens.

Guénon est intéressé au plus haut point par l'ontologie et l'hénologie: monade (être unique), dyade (être double), triade (être triple),..., états multiples de l'être, et a d'ailleurs consacré un livre entier à "la Grande Triade" et un autre aux "États multiples de l'Être".

L'être double est souvent représenté par un Janus bifrons, Janus à deux têtes, qui nous montre alternativement l'une ou l'autre. Ou bien nous acceptons de voir les deux en même temps, ou bien nous ne l'acceptons pas. Ou bien nous acceptons d'être successivement (on/off) éveillé et endormi, ou bien nos pensons qu'il y a nécessairement, pour des raisons d'intelligibilité et de continuité, des périodes d'indistinction où nous sommes à la fois éveillé et endormi. Ou bien nous acceptons l'intelligence on/off de l'ordinateur, auquel cas nous sommes SC (Scientifiquement Correct), ou bien nous ne l'acceptons pas et alors nous sommes SI (Scientifiquement Incorrect). J'émets l'hypothèse que Guénon cherche à géométriser sa pensée parce qu'il sent, peut-être inconsciemment, que le langage usuel ne lui permet pas d'exprimer correctement ses intuitions². S'il avait vécu quelques années de plus, peut-être Thom aurait pu lui en faire prendre conscience?

Thom: "Malgré son caractère non quantitatif, qui a suscité la dérision des scientifiques professionnels [les SC!], il [le modèle de l'agressivité du chien proposé par Christopher Zeeman] a l'avantage inestimable de montrer ce qui fait la supériorité d'un modèle géométrique sur une construction conceptuelle. Expliquer linguistiquement son contenu oblige à des paraphrases compliquées dont la cohérence sémantique n'est pas évidente²." (AL, Envoi, p.33)

SC ou SI? C'est le choix cornélien absolutissimement fondamental d'opter pour l'organon d'Aristote et son principe de non contradiction (SC),  ou non (SI). En géométrisant sa pensée Thom fait sans aucune ambiguité le choix d'être SI, en subordonnant sa propre logique à une morpho-logique, logique qui, par la force des choses, ne peut être que paraconsistante³.

La théorie des catastrophes décline les premiers états de l'être, les premiers échelons⁴ de l'échelle de Jacob:

- l'être basique est représenté par la zéroième catastrophe (considérée mais non nommée par Thom) de potentiel parabolique V(x)=x², sans déploiement;
- l'être double est représenté par la fronce, de potentiel V(x)=x⁴ qui se déploie en W(x)=x⁴+ux²+vx;
- l'être triple est représenté soit par le papillon, de potentiel V(x)=x⁶, qui se déploie en W(x)=x⁶+ux⁴+vx³+wx²+tx, soit, je crois…, par l'ombilic elliptique ou l'ombilic hyperbolique;
- l'être quadruple est (je crois…) représenté par l'ombilic parabolique.

L'Être Suprème, le Zéro méthaphysique selon Guénon, étant bien entendu en haut de l'échelle de Jacob⁵. Et le mystère de la Sainte Trinité se ramène peut-être à l'étude de la catastrophe papillon.

C'est la dénomination de Zéro métaphysique qui m'a encouragé -pas longtemps- à commencer la lecture de "Les états multiples de l'Être" avec l'idée qu'il y avait peut-être un rapport avec la théorie mathématique des catégories, certaines catégories possédant ce que les anglo-saxons appellent un Zero being et les français un objet central, sorte d'Alpha et d'Omega d'où tout part et tout revient⁶. Je préfère la notation multiplicative qui suggère de nommer un tel être -being ou objet- un UN, renvoyant ainsi à Plotin. Une telle catégorie vue comme un "UN" médiacosme entouré d'une myriade de "uns" microcosmes ou macrocosmes?

Il est clair pour moi que Thom est à la fois un métaphysicien "à la Guénon" et un mathématicien, et donc qu'il fait partie des mathematikoï "à la Pythagore". Aux yeux de ses contemporains habilités à porter un tel jugement, Alexandre Grothendieck est un génie des mathématiques. De mon point de vue (3ème couteau émoussé) je ne vois aucune raison pour laquelle il ne ferait pas, lui aussi, partie des mathematikoï (mais la logique de Grothendieck est intuitionniste -au sens des matheux-, donc opposée à celle de Thom -qui, lui, a opté pour la logique paraconsistante-).

En résumé je crois en ce que la théorie des catastrophes peut permettre à certains de percer les mystères de la Sainte Trinité et de la Grande Triade. Je n'en fais pas partie car il faut pour cela, au minimum, "voir" en 4D. Mais je pense que Thom, qui disait voir en 4D dès l'âge de 10-11 ans⁷, le pouvait peut-être. Personnellement j'espère être un jour (pas trop lointain, vu mon âge) capable de percer le mystère de la sainte "binité". Sélection naturelle d'un nouveau genre pour la constitution d'une nouvelle élite traditionnelle?


¹: Je note à ce propos qu'il se mesure intellectuellement souvent avec ce que je considère comme étant d'autres mathematikoÏ (en particulier Leibniz et Descartes).

²: C'est ce que je ressens à la lecture de ces deux livres!

³: Thom: "Dans cette confiance [platonicienne] en l'existence d'un univers idéal, le mathématicien ne s'inquiétera pas outre mesure des limites des procédés formels, il pourra oublier le problème de la non-contradiction." (AL, p.561) "

⁴: Cf. SSM, 2ème ed., pp.62 à 90 ...

⁵: Thom: "(...) le monde des Idées excède infiniment nos possibilités opératoires (...)" (AL p.561)

⁶: Dans la catégorie des groupes, le groupe à un seul élément est un tel being/objet

⁷: Cf le tout début de  http://pedagopsy.eu/entretien_thom.html
 

 

Métaphysique expérimentale.17

jc

  11/10/2019

De la Dyade à la Triade.

Il s'agit d'une synthèse. Mais il y a deux genres de synthèses: les synthèses hautes et les synthèses basses¹. Par exemple:

- la synthèse haute des nombres positifs et des nombres négatifs donne Tout et la synthèse basse donne Rien (le Zéro),
- la synthèse haute de 2 et 3 est 6 (leur PPCM) et la synthèse basse est 1 (leur PGCD),
- la synthèse basse des géométries 2D elliptique et hyperbolique est la géométrie euclidienne plane, mais je ne suis pas suffisamment géomètre pour en connaître la synthèse haute -si elle existe-,
- la synthèse basse de la logique intuitionniste et de la logique paraconsistante est la logique "classique", booléenne, mais je n'en connais pas la synthèse haute -si elle existe-.

Le problème posé et diversement résolu par la Tradition est de faire la synthèse haute du Dieu-Ciel et de la Déesse-Terre. Le fait que le Christ fasse l'affaire est un mystère pour le catholicisme (c'est ce que j'apprenais au catéchisme dans ma jeunesse). Il me semble qu'une synthèse haute naturelle est un DJD, un Dieu-Janus-Déesse androgyne.

Thom traite à sa façon, c'est-à-dire analogiquement, de ce problème du genre divin dans le chapitre 9 de SSM intitulé "Modèles locaux en embryologie" et épigraphé "Et le Verbe s'est fait chair", précisément dans la section intitulée "Épigenèse tardive", sous-section "Chréodes génitales" (2ème ed. pp.190 à 193).

Ma lecture (évidemment fantasmée parce que je n'y connais rien en embryologie biologique, et donc très certainement infidèle à l'auteur) me conduit à voir l'ombilic parabolique comme la synthèse haute des ombilics elliptique et hyperbolique.

Thom: "Si l'embryon humain présente une structure hermaphrodite jusqu'à un âge avancé, ce n'est sans doute pas, comme le voudrait la loi de récapitulation, parce que nous eûmes des ancêtres hermaphrodites; mais plutôt parce que l'épigenèse ayant à construire des mâles et des femelles, a trouvé plus économique de construire la situation seuil, quitte ensuite à infléchir, pour un court laps de temps², l'organisation dans un sens ou dans l'autre." (p.192)

Ce qui précède me permet d'élargir le propos en mettant en évidence un principe métaphysique que Thom applique constamment (presqu'autant que son PFDT ,Principe Fondamental de la Métaphysique Thomienne- qui est l'usage immodéré et SI -Scientifiquement Incorrect- de l'analogie): le principe de synthétisation haute par dévoilement (apocalypse) de variables précédemment cachées, évidemment SI lui aussi.

Thom: "Si un processus physique nous apparaît comme non-déterministe, c’est parce qu’on le représente dans un espace inadéquat: il faut alors ajouter des dimensions supplémentaires. Il faut ajouter des dimensions cachées jusqu’au moment où l’apparence de non-déterminisme disparaît."³

Exemple typique: la synthèse haute de l'ellipse et de l'hyperbole (en 2D) se fait par le cône (en 3D), les sections par des plans évitant le sommet étant soit des ellipses, soit des hyperboles, soit des paraboles.

Autre exemple: la synthèse du cercle et du carré (2D) se fait par le cylindre (en 3D) dont la longueur est égale au diamètre: la projection de ce cylindre sur un plan perpendiculaire à l'axe du cylindre est un cercle, et sur un plan parallèle est un carré. (peut-être peut-on faire de même la synthèse de la sphère et du cube, chère à Guénon, en "montant en 4D" et en projetant sur des espaces 3D adéquats…).

Ce dernier exemple est souvent cité en MQ (Mécanique Quantique) à propos du chat de Schrödinger, à la fois mort et vivant. Le SC n'aime guère la MQ et ne la tolère qu'à condition de se conformer à l'interprétation "classique" dite "de Copenhague". Je préfère l'interprétation dBB (de Broglie-Bohm⁴), théorie "à variables cachées" STI (Scientifiquement Très Incorrecte) car à visée nettement plus déterministe (horreur absolue pour les SC et les PC -qui tremblent pour leur liberté chérie?-).

Thom:
- "(...) à mes yeux, la statistique est fondamentalement une herméneutique déterministe dont voici le but : étant donné un nuage de points (une distribution de probabilités) dans un espace M, engendrer ce nuage par le mécanisme déterministique le plus simple possible agissant dans un espace produit MxY, Y espace de paramètres « cachés »."
- "Ce problème d'une interprétation géométrique de la mécanique quantique n'a cessé de me hanter."

Remarque finale: Guénon termine "Les états multiples de l'Être" par "une « preuve » métaphysique de la liberté"⁵. Il me semble intéressant de confronter son point de vue avec celui de Thom.


¹: J'ai vu passer sur Wikipédia que Heidegger avait introduit un néologisme pour les distinguer, mais je ne retrouve plus où.

²: "pour un court laps de temps" ???

³: Je suis content d'avoir trouvé cette citation sur le blog de Paul Jorion (un Jorion qui reste néanmoins par ailleurs SC et PC à donf):

https://www.pauljorion.com/blog/2019/08/28/progres-en-philosophie-naturelle-le-22-aout-2019-retranscription/

⁴: https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_de_De_Broglie-Bohm

⁵: https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_%C3%89tats_multiples_de_l%27%C3%AAtre

 

Métaphysique expérimentale.17.1

jc

  11/10/2019

La Grande Dyade Dieu-Ciel/Déesse-Terre, qui se transforme en Grande Triade Dieu-Ciel/Dieu-Ciel-Janus-Déesse-Terre/Déesse-Terre, me suggère l'analogie suivante, où la dyade Dieu-géomètre/Déesse arithméticienne se transforme en triade Dieu-géomètre/Dieu-géomètre-Janus-Déesse-arithméticienne/Déesse arithméticienne.

Pour les pythagoriciens, les mathématiciens (initiés) enseignaient aux acousmaticiens (non initiés) à travers un rideau afin que ceux-ci se concentrent uniquement sur ses phrases et non sur ses gestes, se contentant de répéter les aphorismes de Pythagore sans les comprendre, sans en connaître la source, la mécanique de raisonnement¹. Ainsi, pour les pythagoriciens de l'époque, les acoumasticiens avaient une position passive, traditionnellement féminine, alors que les mathématiciens avaient une position active, traditionnellement masculine.

Pour moi Thom est viscéralement un géomètre (qui écrit quelque part qu'il n'a aucune attirance pour l'algèbre -et, a fortiori, pour l'arithmétique-). À l'inverse, je pense que Grothendieck est un arithméticien né. Introduisant les "néologismes antiques" de géométrikoï et d'acousmétikoï (sic) , métaphysiciens géomètres ou arithméticiens (et non "simples" géomètres ou arithméticiens modernes), je dégrade donc Thom de son appartenance à la caste des mathématikoï à celle des géométrikoï, et je range Grothendieck parmi les acousmatikoÏ.

Grothendieck est-il en position passive par rapport à Thom? Pour moi certainement pas. Car si Thom "voit" le monde en Dieu-géomètre³, Grothendieck, lui, l' "entend" en Déesse-arithméticienne⁴. Il nous reste donc à attendre que tombe du ciel et jaillisse de la terre un membre de la super-caste des véritables mathématikoÏ, synthèse haute des castes des géométrikoï et des aousmatikoï , quelqu'un qui soit capable d'entendre le monde qu'il voit et de voir le monde qu'il entend². Mathématikoï = Harmonikoï.

Remarque: Je classe Guénon plutôt dans la caste des géométrikoî. Lacan, métaphysicien pour moi, a commencé par être membre de la caste des acousmatikoï (avec ses modèles formels: carrés des discours, formules de la sexuation, etc.) pour, sur la fin, se reconvertir dans la caste des géométrikoï, ne jurant plus alors que par des modèles continus -bande de Moebius, cross-cap, etc.-.(Mais la différence des connaissances mathématiques entre Guénon et Lacan d'une part et Thom et Grothendieck d'autre part est abyssale.)


¹: https://fr.wiktionary.org/wiki/acousmatique

²: C'est le fameux problème de Kac: "Peut-on entendre la forme d'un tambour et peut-on voir le son qu'il produit?"

³: Thom: "Selon beaucoup de philosophes Dieu est géomètre; il serait peut-être plus logique de dire que le géomètre est Dieu."

⁴: Grothendieck a écrit: "La clef des songes", sous titré "Dialogue avec le bon Dieu". (Pour moi la véritable arithmétique, l'arithmétique "sacrée" est l'étude de la musique des nombres: 1/1, 2/1, 3/2, 4/3, etc. unisson, octave, quinte, quarte, etc.)

Métaphysique expérimentale.17.2

jc

  12/10/2019

Et PhG dans tout ça? J'ai écrit récemment un peu rapidement que PhG est métaphysicien à ses heures. En fait PhG est pour moi fondamentalement métahistorien, et donc fondamentalement métaphysicien.

Rentre-t-il dans mon rangement acousmasticien*-harmonicien*-géométricien*? Entend-il le monde plutôt qu'il ne le voit, ou l'inverse, ou les deux à la fois? Est-il plutôt "audio", plutôt "visuel" ou carrément "audio-visuel"?

Pour moi PhG est un logocrate, ses références sporadiques au "Les logocrates" de George Steiner en sont un indice (et je crois même qu'il s'est lui-même qualifié ainsi une fois ou deux).

Quest-ce qu'un logocrate? La seule définition que j'ai trouvée sur la toile provient du site "La toupie", qui m'a l"air un site trotskiste ou apparenté et n'est guère flatteuse¹. Pour moi un logocrate est un musicien des mots -musicien-compositeur bien entendu-, un musicien qui compose une musique sacrée car il reconnaît -il intuite- la sacralité du langage:

Steiner (souvent cité par PhG): "« “Le point de vue ‘logocratique’ est beaucoup plus rare et presque par définition, ésotérique. Il radicalise le postulat de la source divine, du mystère de l’incipit, dans le langage de l’homme. Il part de l’affirmation selon laquelle le logos précède l’homme, que ‘l’usage’ qu’il fait de ses pouvoirs numineux est toujours, dans une certaine mesure, une usurpation. Dans cette optique, l’homme n’est pas le maître de la parole, mais son serviteur. Il n’est pas propriétaire de la ‘maison du langage’ (die Behausung der Sprache), mais un hôte mal à l’aise, voire un intrus… ”

Thom: "Le langage, ce dépositaire du savoir ancestral de notre espèce, contient dans sa structure les clés de l'éternelle structure de l'Être."

Thom: "(...) aucune théorie un peu profonde de l'activité linguistique ne peut se passer du continu géométrique (relativisant ainsi toutes les tentatives logicistes qui fleurissent chez les Modernes)."

Thom: "Dans beaucoup de philosophies Dieu est géomètre; il serait plus logique de dire que le géomètre est Dieu."

Thom: "L'ambition ultime de la théorie des catastrophes, en fait, est d'abolir la distinction langage mathématique-langage naturel qui sévit en science depuis la coupure galiléenne." (AL, "Le statut épistémologique de la théorie des catastrophes")

Un autre indice m'est donné par la (re-re)lecture de "Le désenchantement de Dieu"² qui servira -je crois me souvenir- d'introduction au tome III de "La Grâce…":

 "Il suffit d’un mot, d’une phrase, d’une citation à placer en tête, la chose inspiratrice qui ouvre la voie et là-dessus se déroule le texte, à son rythme, entièrement structuré, avec sa signification déjà en forme et en place. Je n’ai rien vu venir et j’ignore où je vais, mais j’ai toujours écrit d’une main ferme et sans hésiter… et toujours, à l’arrivée, il y avait un sens, une forte signification, le texte était devenu être en soi… C’était un instant de bonheur fou."

, indice renforcé dans le paragraphe suivant:

"Un jour, une relation qui était aussi un de mes lecteurs, étant dans une position au ministère de la défense qui l’inclinait à suivre ces réflexions qu’il jugeait d’ordre diplomatico-stratégique, me dit que mes rubriques dedefensa étaient construites comme des symphonies. Je fus heureux de la comparaison, bien que je n’eusse aucune connaissance de la structure des œuvres musicales, simplement parce que, dans son jugement, ce personnage surtout préoccupé des aspects politiques et techniques avait introduit, avec une certaine insistance, une notion artistique dans la description qu’il avait faite."

J'imagine bien PhG, musicien des mots, travaillant ses textes avec un fond musical, Je le classe sans hésiter dans la catégorie des acoumasticiensï, comme Grothendieck, ce musicien ès nombres.

Je ne pense pas que PhG soit fondamentalement un géomètre, un topocrate, ce qu'est pour moi typiquement Thom (et on pourrait en déduire qu'il (PhG) ne saurait, a fortiori, faire partie de la super caste des harmoniciens). Mais je suis convaincu qu'il est, peut-être inconsciemment (supraconsciemment serait plus adéquat) un peu tout cela à la fois: comment faire, sinon, une distinction fondamentale entre la cathédrale de Reims et les tours de Doubaï³?


*: Néologismes introduits pour marquer la différence avec les mathématiciens modernes non métaphysiciens (typiquement, selon moi, le macronien médaillé Fields Cédric Villani).

¹: http://www.toupie.org/Dictionnaire/Logocratie.htm

²: https://www.dedefensa.org/article/le-desenchantement-de-dieu

³: https://www.dedefensa.org/article/dialogues-3-le-grain-de-sable-divin
 

Métaphysique expérimentale.17.3

jc

  12/10/2019

 


Je termine le 17(.0) par:

"Remarque finale: Guénon termine "Les états multiples de l'Être" par "une « preuve » métaphysique de la liberté"⁵. Il me semble intéressant de confronter son point de vue avec celui de Thom." ,

avec référence à l'article de Wikipédia (⁵) qui consacre une vingtaine de lignes à commenter ce seul chapitre.

Je ne peux m'empêcher de mettre en regard quelques citations de Thom à ce sujet, avec l'espoir que les guénoniens vérifient que, sur ce point, Thom est digne de reprendre le flambeau de la Tradition tenu un temps par Guénon.

Remarques préliminaires.

1. En parcourant le chapitre en grand zig-zag, j'ai constaté que Guénon ne cite pratiquement personne autre que la Tradition et lui-même (seule est citée "La voie métaphysique" d'un certain Matgioi) et qu'il travaille "de première main" (comme Grothendieck et Philippe Grasset¹)  alors que l'opposition liberté/déterminisme a fait couler beaucoup d'encre au bout des plumes les plus prestigieuses.

2. En parcourant très rapidement https://listephilo.pagesperso-orange.fr/liberte.html , le premier site à se présenter pour moi à ce sujet sur la toile, j'ai noté la position de Karl Popper, dont George Soros était disciple², et son "L'Univers irrésolu. Plaidoyer pour l'indéterminisme " que je prends aussitôt, sans en avoir lu une ligne, comme la position du Système (pas de liberté sans l'indéterminisme et tous ses avatars, néo-darwinisme en tête, thermodynamique statistique, thermocratie "à la Gilles Châtelet" et mécanique quantique "interprétation de Copenhague" pas très loin derrière).

3. Ii y a eu à la fin des années 1970 une virulente querelle entre scientifiques à propos du déterminisme, opposant Thom (tenant du déterminisme) à Prigogine (entre autres) tenant de l'indéterminisme. Le médiatique Paul Jorion (PC et SC à donf) relate cette querelle dans un article de son blog³. (On y remarquera le "le camp défendu par René Thom, et peut-être Petitot", sachant que Petitot est certainement le meilleur connaisseur (français et peut-être mondial) de l'oeuvre de Thom et qu'il (Petitot) se considère aronien, hayekien et popperien -mais pas thomien!-.)

4. Cette remarque a, selon moi, un caractère beaucoup plus "profond" que les précédentes. Elle justifie ma lecture "en zig-zag" du chapitre et mon scepticisme sur la "preuve" métaphysique "formelle" de la liberté proposée par Guénon (sans remettre en question l'intuition qu'il a de la réponse!). Ce scepticisme est dû à l'approche morpho-logique de Thom, approche qui conduit à refuser la logique de l'organon d'Aristote, et en particulier les principes de non-contradiction et d'identité (et qui conduit à se méfier de l'emploi inconsidéré de la négation!):

"La T.C. [Théorie des Catastrophes] offre donc la possibilité (étendue) de transgresser le principe d'identité (quitte évidemment à réaliser ces transgressions dans des situations bien contrôlées)." (1978)

"Dans cette confiance [platonicienne] en l'existence d'un univers idéal, le mathématicien ne s'inquiétera pas outre mesure des limites des procédés formels, il pourra oublier le problème de la non-contradiction." (AL, p.561)


Citations thomiennes:

- "Si un processus physique nous apparaît comme non-déterministe, c’est parce qu’on le représente dans un espace inadéquat: il faut alors ajouter des dimensions supplémentaires. Il faut ajouter des dimensions cachées jusqu’au moment où l’apparence de non-déterminisme disparaît".

- "(...) à mes yeux, la statistique est fondamentalement une herméneutique déterministe dont voici le but : étant donné un nuage de points (une
distribution de probabilités) dans un espace M, engendrer ce nuage par le mécanisme déterministique le plus simple possible agissant dans un espace produit MxY, Y espace de paramètres « cachés »."  (1980)

- "La liberté, comme la mathématique, est fille de l'imagination." (1993)

- "Quant aux causes finales, on peut sans doute les faire rentrer au moins partiellement dans la causalité formelle, si l'on envisage une structure biologique comme partie d'une structure globale périodique : un « cycle » dans l'espace-temps. La réponse à une perturbation localisée d'un tel cycle stable peut être aussi bien considérée comme agissant en amont du cycle qu'en aval. D'où la possibilité de subsumer la cause finale en biologie sous la causalité formelle." (1983)

- "Encore une petite incursion dans la métaphysique : il n'y a de science qu'à partir du moment où on peut plonger le réel dans le virtuel. Il faut plonger le réel dans le possible, pour qu'on puisse réellement parler de science."

- "En quoi l'appel au hasard pour expliquer l'évolution serait-il plus scientifique que l'appel à la volonté du Créateur?" (1980)

- "Que gagne-t-on à enrober le squelette du déterminisme dans une couche de graisse statistique ? (paraphrase d'une formule de physiciens anglais)." (1980)

- "Le déterminisme en Science n'est pas une donnée, c'est une conquête. En cela les zélateurs du hasard sont des apôtres de la désertion." (1980)

- "Je ne discuterai pas ici la question de l'indéterminisme quantique ; je dirai seulement que l'argument sur lequel on prétend le fonder, — le principe de complémentarité ou d'incertitude —, révèle seulement le caractère grossier et inadéquat du modèle ponctuel de la particule." (1968)

- "On admet généralement que les phénomènes du monde macroscopique relèvent de la Mécanique classique et sont de ce fait astreints à un
déterminisme rigoureux, alors que les phénomènes à l'échelle quantique seraient, eux, foncièrement indéterminés. Cette vision livresque des choses est, croyons-nous, fondamentalement erronée." (1968)

- "A mon avis, c'est par l'axiome de localité, par un déterminisme local, que la science se sépare de la magie. Si on accepte les actions à distance, il n'y a plus aucun contrôle." (1989)

- "On n'a pas conscience, dans les milieux d'expérimentation, de la contrainte considérable que fait peser le postulat du déterminisme local."

- "Aucun homme sensé ne peut nier qu'il fait la différence entre le passé qui est fixé, défini, alors que le futur est plastique. On peut agir sur lui. Cette différence est fondamentale or elle n'est pas exprimable mathématiquement. Cela est tout à fait étrange. C'est cela qui m'amena à
reconnaître le libre arbitre humain."

- "(...) la mathématique est la fille de la liberté humaine. Elle en est peut-être le plus splendide rejeton." (1993)

- "(...) pourquoi ne pas croire que nous pouvons intérioriser mentalement une bonne part du déterminisme qui nous meut, en ce sens que ce
déterminisme, c'est nous-mêmes…" (1980)

- "On peut penser que comprendre l'articulation entre le déterminisme mathématique – de type différentiel et laplacien – et le déterminisme
langagier des causes en langue naturelle est l'une des tâches essentielles, sinon de la science, du moins d'une philosophie naturelle bien conçue."

- "Le déterminisme, lorsqu'il est scientifique, c'est-à-dire accessible à tous, et théoriquement intelligible pour tous, est un instrument de libération." (1980)

- "Je crois que le libre-arbitre existe chez l'homme, en tant que système qui permet d'échapper au double bind." (1984)


¹: https://www.dedefensa.org/article/ma-foi-du-charbonnier

²: "George Soros est le disciple de Karl Popper avec qui il entretenait une correspondance. Le nom de sa fondation, Open Society Foundations, est d'ailleurs une référence à l'ouvrage de Popper, La Société ouverte et ses ennemis."  https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Soros

³: https://www.pauljorion.com/blog/2019/08/28/progres-en-philosophie-naturelle-le-22-aout-2019-retranscription/

 

 

Métaphysique expérimentale.17.4

jc

  13/10/2019

Il ne s'agit pas ici de principes métaphysiques thomiens, mais de la façon dont Thom fait de la métaphysique. Ce qui suit est un prolongement de la quatrième et dernière remarque préliminaire du .3, censé montrer en quoi la façon de Thom diffère fondamentalement profondément de celle de Guénon. Ce qui suit ne concerne pas a priori les intuitions de Guénon et de Thom, mais la différence des façons qu'ils ont chacun detenter de convaincre.

Thom a une façon morpho-logique de voir le monde (STI, Scientifiquement Très Incorrecte) à laquelle il subordonne sa propre logique¹. Cette façon le conduit à rejeter dans l'organon d'Aristote les principes d'identité et de non-contradiction et donc les notions de vérité et de fausseté:

Thom: "(...) le problème important -en matière de philosophie du langage- n'est pas celui de la vérité² (affaire d'accident, Sumbebèkos dirait Aristote), mais bien celui de l'acceptabilité sémantique, qui définit le monde des "possibles", lequel contient le sous-ensemble (éminemment variable) du réel. On ne cherchera pas à fonder la Géométrie dans la Logique, mais bien au contraire on regardera la logique comme une activité dérivée (et somme toute bien secondaire dans l'histoire de l'esprit humain), une rhétorique." (ES, p.16)

Ce qui précède montre que le thomien que j'essaye d'être considère comme rhétoriques les arguments développés par Guénon dans le dernier chapitre de "Les états multiples de l'Être". Cela ne remet pas nécessairement en cause, je le répète, les intuitions de Guénon, comme le montre l'envoi du chapitre, à mettre en regard de la citation thomienne ci-dessus:

Guénon: "Pour prouver métaphysiquement la liberté, il suffit, sans s’embarrasser de tous les arguments philosophiques ordinaires, d’établir qu’elle est une possibilité, puisque le possible et le réel sont métaphysiquement identiques."

¹: Logique qui est pour Thom une embryo-logique: "La classe engendre ses prédicats, comme le germe engendre les organes de l'animal. Il ne fait guère de doute (à mes yeux) que c'est là l'unique manière de théoriser ce qu'est la Logique naturelle."

²: Thom: "Ce qui limite le vrai, ce n'est pas le faux, c'est l'insignifiant."
 

Métaphysique expérimentale.17.5

jc

  13/10/2019

De la logocratie à la topocratie, de la succession des mots à la succession des formes, des automatismes de l'audition aux automatismes de la vision, du point de vue "classique en Occident" au point de vue thomien (en ce sens du SC et PC au SI et PI).

Thom: "Un des problèmes centraux posés à l'esprit humain est le problème des la succession des formes." (SSM, première phrase)

Thom: "Mais qu'est donc l'objet de cette Sémiophysique? La Sémiophysique concerne d'abord la recherche des formes signifiantes; elle vise à constituer une théorie générale de l'intelligibilité. Le problème est en fait quasi expérimental. placez un sujet dans une cabine de cinéma, et projetez-lui un film représentant une morphologie abstraite en évolution. Demandez au sujet si ce qu'il voit à un sens pour lui et, dans ce cas, demandez-lui de le décrire. L'hypothèse ici présentée est que seules certaines configurations d'éléments font réellement sens, et peuvent servir de base à une construction intelligible, susceptible d'être linguistiquement décrite (...)" (ES, Préambule)

Thom est convaincu de la supériorité de l'approche topocratique sur l'approche logocratique:

Thom: "Malgré son caractère non quantitatif, qui a suscité la dérision des scientifiques professionnels [SC!], il [le modèle de Zeeman de l'agressivité du chien] a l'avantage inestimable de montrer ce qui fait la supériorité d'un modèle géométrique sur une construction conceptuelle." (AL, Envoi)

Thom: "L'ambition ultime de la théorie des catastrophes est d'abolir la distinction langage mathématique-langage naturel qui sévit en science depuis la coupure galiléenne. (...) Une modélisation géométrique de la pensée verbale ordinaire n'aura d'intérêt que si l'on peut, grâce à elle, aboutir à des assertions que ne permet pas de fournir la logique usuelle du langage naturel. Cela suppose qu'on puisse:
1) modéliser géométriquement toutes les déductions (rigoureuses) de la pensée ordinaire. Autrement dit réaliser le rêve leibnizien de la "caractéristique  universelle";
2) aller au delà.
La partie 1 de ce programme "énorme" n'étant pas réalisée (et de loin), il est sans doute prématuré de considérer la partie 2. J'ai cependant rencontré des propositions à caractère "translogique" fournies par le modèle géométrique et que rejetait le bon sens ordinaire. ainsi de l'assertion "le prédateur affamé est sa propre proiz", qui, selon moi, est à la base de l'embryologie animale." (AL, p.409)

Je pense que nos contemporains, dans leur immense majorité, argumentent avec des mots pour tenter de convaincre, rhétorisent (moi entre autres mais aussi Guénon) -voire sophistisent- parce que c'est comme ça que ça se fait, c'est l'usage, c'est SC et PC.

Restent les véritables logocrates, les Obélix de la chose ...

PhG¹: "Il suffit d’un mot, d’une phrase, d’une citation à placer en tête, la chose inspiratrice qui ouvre la voie et là-dessus se déroule le texte, à son rythme, entièrement structuré, avec sa signification déjà en forme et en place. Je n’ai rien vu venir et j’ignore où je vais, mais j’ai toujours écrit d’une main ferme et sans hésiter… et toujours, à l’arrivée, il y avait un sens, une forte signification, le texte était devenu être en soi… C’était un instant de bonheur fou."

PhG¹: "Je ne crois pas une seconde (...) que les mots et les phrases qui naissent de-ci de-là, de ma plume, je ne crois pas que tout cela soit de moi ; cela m’est un don, c’est-à-dire quelque chose que l’on voulut bien me donner pour que j’en fasse le message"

PhG²: "(On doit comprendre que l’expression “forces supra-humaines” est volontairement vague, imprécise, etc. Vous pourriez mettre à la place “l’Unité originelle”, “Dieu”, etc., les concepts précis ne manquent pas. Je ne le fais pas pour éviter le plus possible des polémiques terrestres tout aussi précises attachées à ces termes, dont je n’ai que faire, sachant d’une part leur évidente insolubilité, d’autre part leur fonction habituelle de déclencheuse de “chasse aux sorcières” dont je me passe aisément, – pas de temps à perdre à cet égard.)"

À mes yeux PhG n'est évidemment ni PC ni SC.


¹: https://www.dedefensa.org/article/le-desenchantement-de-dieu

²: https://www.dedefensa.org/article/ma-foi-du-charbonnier

 

Métaphysique expérimentale.17.6

jc

  14/10/2019

Le PFMT (Principe Fondamental de la Métaphysique Thomienne) encourage les analogies et l'intelligence "à la Thom" qui est de systématiquement tenter de se mettre dans la peau des choses, c'est-à-dire d'anthropomorphiser sa pensée (ce que Guénon refuse absolument), en particulier de la sexuer. Ce qui suit tente de répondre à la question suivante: quel sexe attribuer à un logocrate et à un topocrate?

Mon intuition première, récemment perturbée¹, est que la logocratie est masculine et la topocratie féminine. Je développe.

Pour moi un logocrate est un musicien des formes sonores, des mots, le substrat avec lequel il travaille étant la quantité discrète, discontinue, quantité qu'il s'agit de qualifier, c'est-à-dire quantité à laquelle il s'agit de donner un sens. Un texte tapé à la machine par un singe a peu de chances d'avoir un sens, et un texte syntaxiquement correct n'en a pas nécessairement un (pour Thom le problème du sens précède celui de la vérité¹). Pour moi Philippe Grasset est indéniablement un logocrate:  "Il suffit d’un mot, d’une phrase, d’une citation à placer en tête, (...) et toujours, à l’arrivée, il y avait un sens, une forte signification, le texte était devenu être en soi (...)² "; je le compare à un musicien compositeur auquel il suffit d'un thème de quelques notes (do, mi, sol, do) pour écrire toute une symphonie. Cette comparaison permet de faire le lien avec le règne de la quantité discrète (qui s'identifie pour Guénon pratiquement avec le règne du nombre): 1 (unisson), 1/2 (octave), 2/3 (quinte), 3/4 (quarte). Dualement un topocrate est pour moi un musicien des formes visuelles, des images, en lien, cette fois, avec le règne de la quantité continue.

Mon intuition première vient essentiellement de deux sources. La première est la lecture des chapitres XXI "Caïn et Abel" et XXIII "Le temps changé en espace" de "Le règne…" et l'intuition que Abel, le nomade, le spatial, est en fait Abelle, une femme (Caïn, le sédentaire, le temporel, étant bien entendu un homme). La seconde est la citation thomienne suivante qui féminise les topocrates en qualifiant les topologues de yin (et, a contrario, qui masculinise les logocrates en qualifiant les algébristes de yang):

Thom: "(...) il y a une certaine opposition entre géométrie et algèbre. Le matériau fondamental de la géométrie, de la topologie, c'est le continu géométrique ; étendue pure, instructurée, c'est une notion « mystique » par excellence. L'algèbre, au contraire, témoigne d'une attitude opératoire fondamentalement « diaïrétique ». Les topologues sont les enfants de la nuit ; les algébristes, eux, manient le couteau de la rigueur dans une parfaite clarté. (1978)

(On pourra alors méditer les citations thomiennes suivantes:

- "Pour moi, la mathématique, c'est la conquête du continu par le discret." (1977)  (L'inverse pour Grothendieck?)
- "Pour moi, l'aporie fondamentale de la mathématique est bien dans l'opposition discret-continu. Et cette aporie domine en même temps toute
la pensée." (1991) )

Remarque finale.

J'ai classé ainsi les quatre âges du Manvantara; or (yin-yin,4), argent (yin-yang, 2), bronze (yang-yin, 2), fer (yang-yang) pour une durée totale de 9 (4+2+2+1) au lieu du traditionnel 10 (4+3+2+1). Pour moi la charnière âge d'argent/âge de bronze coïncide avec la meurtre d'Abelle par Caïn, et symbolise la prise de pouvoir par les hommes. L'heure de la vengeance d'Abelle sur Caïn est-elle en train de sonner?

Guénon: "Ainsi un « retournement » s’opère en dernier lieu contre le temps et au profit de l’espace : au moment même où le temps semblait achever de dévorer l’espace, c’est au contraire l’espace qui absorbe le temps ; et c’est là, pourrait-on dire en se référant au sens cosmologique du symbolisme biblique, la revanche finale d’Abel sur Caïn."

Épilogue.

Selon Platon et de nombreux philosophes, "Dieu, toujours, fait de la géométrie". Ne serait-ce pas plutôt: "Dieu, toujours, fait de l'arithmétique" (rendant ainsi grâce au pythagoricien "Tout est Nombre") et "Déesse, toujours, fait de la géométrie"? Au fronton de l'Académie: "Que nul n'entre ici s'il n'est arithméticien et géomètre"?


¹: https://perso.imcce.fr/alain-chenciner/Vrai_faux_insignifiant.pdf

²: https://www.dedefensa.org/article/le-desenchantement-de-dieu




 

Métaphysique expérimentale.18

jc

  14/10/2019

Hegel et Guénon à propos de l'article Wikipédia sur "Le règne…" et du dernier chapitre "Notion métaphysique de la liberté" de "Les états multiples de l'Être".

Au début de l'article Wikipédia¹ est rappelée la conception guénonienne de l'histoire:

"Pour Guénon, l'histoire n'est que le reflet d'un vaste processus cosmique prenant lui-même sa source dans la dimension métaphysique, intemporelle. En conséquence, l'histoire en tant que science découle de la doctrine métaphysique. Dans la perspective traditionnelle, le temps demeure une notion purement contingente du monde manifesté et ne tire sa réalité que de principes immuables. Il a été souligné par plusieurs auteurs, qu'une telle conception de l'histoire s'oppose diamétralement à celle d'Hegel qui enferme, au contraire, sa métaphysique dans la sphère du temporel."

Je ne suis qu'un métaphysicien béotien autodidacte n'ayant rien lu directement de Hegel et commençant juste à lire Guénon dans le texte. Mais je trouve que l'opposition diamétrale  entre les deux approches appelle pavloviennement une synthèse "à la Hegel" ou "à la Guénon", ce que suggère d'ailleurs la suite du texte:

"Plus précisément, comme l'explique Georges Vallin, dans la pensée de Hegel, le mystère intemporel de la non-dualité, de la « coïncidence des opposés », que l'on trouve chez Guénon, est remplacé par « une dialectique temporelle de la thèse et de l'antithèse ». Pour Vallin, cet enfermement dans le temps de la condition humaine en opposition à la « perspective métaphysique » de Guénon se poursuivit avec le Martin Heidegger d'Être et Temps."

De ce que j'ai lu à propos de Hegel je ne suis pas du tout convaincu que sa conception du temps soit celle du "temps de la condition humaine", conception qui me semble plutôt être celle de Marx et Engels². Les reproches formulés à suivre:

"Pour Guénon, un tel enfermement de l'histoire dans le temps coupé de toute réalité transcendante prend une dimension satanique qui explique la chute du monde moderne : comme l'écrit Jean-Pierre Laurant, « l'histoire affirmant son autonomie [dans la sphère du temporel] et la liberté de l'homme dans une création continue faite par lui » devient, pour Guénon, « le Mal [qui désormais devient] le véritable moteur de l'histoire»."

s'adressent ainsi, selon moi, beaucoup plus aux matérialistes dialectiques qu'à Hegel.

D'autre part, concernant le dernier chapitre de "Les états…", Guénon comme Hegel sont confrontés au même problème de la double négation et me semblent le résoudre de la même façon, le temps ou l'intemporalité n'ayant rien à voir dans l'affaire.

Métaphoriquement peut-être (pas tant que ça) je vois le temps intemporel oriental comme un temps topocratique, et le temps linéaire occidental comme un temps logocratique (toute prose -mais pas tout chant- a un commencement et une fin).

En tant que matheux je vois le temps intemporel (moyen ou extrême oriental) comme le compactifié de Bohr² de la droite réelle qui modélise classiquement le temps linéaire des occidentaux (dont Hegel?) (autrement dit le temps intemporel est inéluctablement lié -adhère, disent les matheux- au temps temporel.

En tant que thomien le problème de la double négation -sur lequel Lacan s'est longtemps penché dans sa période "formelle" avec ses formules de la sexuation- s'évanouit en considérant des modes de pensée non plus formels mais géométriques.


¹: https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_R%C3%A8gne_de_la_Quantit%C3%A9_et_les_Signes_des_Temps

²: - " La pensée matérialiste de Marx et Engels s'approprierait la « forme » de la dialectique de Hegel, mais en la dépouillant de son « idéalisme » : alors que la dialectique hégélienne consistait en une dialectique de la pure pensée, Marx et Engels aspirent à une connaissance scientifique de la réalité, leur conception de la dialectique devant représenter le mouvement du réel dans son développement immanent."
  - "Dérivée de l'œuvre de Georg Wilhelm Friedrich Hegel, la philosophie marxiste est à la fois une stricte application de la méthode de ce dernier, et une réaction radicale contre la pensée hégélienne."   https://fr.wikipedia.org/wiki/Mat%C3%A9rialisme_dialectique#Influence_initiale_de_Hegel

³: https://en.wikipedia.org/wiki/Bohr_compactification

Métaphysique expérimentale.18.1

jc

  15/10/2019

Pour moi Hegel et Guénon sont deux métaphysiciens résolument anti-matérialistes. Hegel étant qualifié d'idéaliste par la communauté philosophique je qualifie Guénon de même. Ce qui différencie leur façon d'appréhender l'histoire c'est leur différence d'appréhender le temps: temps temporel, dynamique, progressiste, pour Hegel, temps intemporel, pseudo-statique, cyclique, pour Guénon. Conflit entre la force¹ (Hegel) et la forme (Guénon) (et par extension, selon moi, conflit entre le yang et le yin).

J'ai reparcouru le thomien "L'art: lieu du conflit des formes et des forces?" (AL) avec cette idée en tête. Je cite un extrait du début de l'article pour montrer que l'opinion de Thom a évolué d'une attitude foncièrement pseudo-statique vers une attitude plus dynamique, plus progressiste:

Thom: "Dans "Paraboles et catastrophes [1989] j'écrivais: il n'y a aucune raison de penser que la force ait en principe un statut ontologique plus profond que celui de la forme. En général, si on a attribué à la force un statut ontologique plus profond que celui de la forme, cela est sans doute dû à une sorte d'anthropomorphisme ingénu qui dérive du fait que nous agissons sur les objets extérieurs par l'intermédiaire des forces que nous leur appliquons avec l'aide de nos muscles.

Peut-être serais-je moins certain de cette antériorité des formes sur les forces. Déjà, au dernier chapitre de "Paraboles et catastrophes", avec l'introduction des concepts de saillance et de prégnance, apparaît l'inéluctabilité des pulsions, donc des forces. Toujours est-il que cette question de l'antériorité relative de l'une sur l'autre est l'une des fractures essentielles qui traversent l'histoire de la philosophia perennis.

La forme est une entité visible, mais en principe, statique. La force, elle, est une entité invisible qui produit, parfois, des effets dynamiques et visibles: ainsi la force est-elle liée de manière essentielle à la causalité et à l'irréversibilité du temps."


¹: "Hegel conçoit la dialectique comme l'enchaînement des contradictions qui engendrent l'histoire de l'humanité : celle-ci est une suite logique de forces qui se combattent pour en faire surgir de plus grandes."  https://fr.wikipedia.org/wiki/Mat%C3%A9rialisme_dialectique#Influence_initiale_de_Hegel

Symbolisme: de la Tradition aux mathématiques contemporaines

jc

  16/10/2019

Un fil pour relier la métaphysique traditionnelle aux mathématiques modernes. Ce fil passe par le symbolisme, omniprésent à la fois dans la Tradition et dans les mathématiques.

Thom: "Il faut être philosophe en sciences et scientifique en philosophie.", que je paraphrase en
          "Il faut être métaphysicien en mathématiques et mathématicien en métaphysique."

Un lien concret se fait par la théorie mathématique des systèmes de racines. Il suffit pour cela, même sans rien y comprendre, de consulter le tableau des systèmes de racines de rang deux de l'article Wikipédia¹ où l'on voit qu'il y a quatre tels systèmes, l'un d'entre eux étant une croix symbolique 2D à propos de laquelle Guénon a écrit tout un livre (en fait plutôt à propos de la croix 3D à six branche).

Dans ce tableau figure le système A2 composé de six vecteurs formant deux sous-systèmes de trois vecteurs -deux étoiles "Mercédès" à trois branches- dont les extrémités sont les sommets de deux triangles équilatéraux inversés qui renvoient immédiatement à l'étoile de David. Or ce système A2 est également lié à la catastrophe fronce (le système A1 étant associé à la catastrophe pli).

Il y a selon moi tout un réseau de liens à tisser entre les deux communautés à partir de la remarque ci-dessus. Côté matheux il faudrait arriver à décider quelques uns d'entre eux de descendre de leur empyrée²...

Thom: "La pensée purement mathématique, quand elle est formalisée, est aveugle, mais capable de marcher, et même fort loin. La pensée intuitive, au contact du réel, est le paralytique de la parabole, qui voit, mais ne peut pas progresser sûrement." (AL, p.503)

Pour avoir une idée du "et même fort loin" de la citation ci-dessus on pourra jeter un coup d'oeil sur le court article de "vulgarisation"³ assez ludique concernant les simplexes (triangles en 2D, tétraèdres en 3D, etc.) kaléidoscopiques et leur lien avec les systèmes de racines. Beaucoup de matheux (dont l'auteur de l'article -et moi-) et de physiciens sont fascinés par cette étoile de David (ou cette croix) des temps modernes qu'est le système de racines E8³ dont il est question dans cet article de "vulgarisation".


¹: https://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_de_racines

²: Dans son "Éloge des mathématiques" Alain Badiou se plaint à plusieurs reprises de l'élitisme des "vrais", des "grands" mathématiciens.

³: http://www.madore.org/~david/weblog/d.2018-08-30.2548.html

⁴: https://fr.wikipedia.org/wiki/E8_(math%C3%A9matiques)

Symbolisme: de la Tradition aux mathématiques contemporaines.1

jc

  18/10/2019

Au point où j'en suis de mes lectures de "Le règne…", je vois d'abord en Guénon un opposant farouche au matérialisme moderne pour lequel l'existence implique l'essence¹. Tout en prenant garde, en véritable² métaphysicien, à ne pas prendre l'attitude opposée où c'est l'essence  qui implique l'existence, attitude aussi indéfendable que celle des matérialistes, il adopte la position où l'essence prime sur l'existence, où la qualité prime ontologiquement sur la quantité, où la matière et la puissance sont considérées comme inférieures à la forme et à l'acte.

Il m'apparaît clair que Guénon adopte là une attitude masculine , logocratique, tout au long de "Le règne…" et des autres de ses ouvrages que j'ai parcourus, laissant à la féminité -au féminisme?- un rôle plus que subalterne. (Du catéchisme de mon enfance et du premier évangile selon saint Jean, rappelé à la fin de chaque célébration du culte catholique, il ressort que le Verbe est Dieu et qu'il s'est fait chair, et donc que, sans discussion, le Verbe et la Lumière sont masculins, alors que la chair et les ténèbres sont féminines. Ceci a sans doute un rapport avec cela.) Je voudrais ici réexaminer cette attitude (qui n'est pour moi qu'un formatage initial) dans un cadre mathématique, cadre qu'adopte Guénon à de nombreuses reprises " dans "Le règne…" et ailleurs.

Dans le chapitre "La sphère et le cube" de "Le règne…" et dans "Le symbolisme de la croix", il est naturel de voir le centre de la croix comme le point d'où par la lumière qui éclaire le monde dans quatre directions en 2D (et les six directions en 3D). Puisque le cercle et le carré sont dans le même rapport que la sphère et le cube, il n'y a pas de différence fondamentale à se placer en 2D plutôt qu'en 3D.

En 2D le carré renvoie immédiatement au symbolisme de la croix. Mais en 2D le triangle est une figure plus fondamentale que le carré³. Aussi dans ce qui suit j'opposerai le cercle et le triangle équilatéral.

Mathématiquement on peut se représenter un triangle équilatéral de deux façons: une façon angulaire (tri-angle équi-angle) figurée par trois vecteurs de même longueur issus d'un même centre, à 120° les uns des autres (équi-angles), en étoile "Mercédès" à trois branches, soit la façon classique, celle d'un trilatère (improprement appelé triangle) équilatère.

Où placer le cercle? En cohérence, je crois, avec ce qu'écrit Guénon, je place le cercle au centre, cercle bord d'un disque de rayon infinitésimal, "boule" d'énergie pure, indifférenciée.

Dans la représentation "Mercédès" cette énergie "explose dans les trois directions équiangles. Le constructeur allemand a voulu ce symbolisme, ai-je lu, pour signifier qu'il avait l'ambition initiale masculine de dominer les transports terrestre, maritime et aérien. Symbolisme qui réunit les quatre éléments, le feu -l'énergie pure- au centre, et l'air, l'eau et la terre aux trois extrémités. On remarque que ce symbolisme s'adapte parfaitement au matérialisme moderne: avec l'équivalence moderne(?) matière-énergie, la matière initialement indifférenciée se différenciant en ses trois phases solide, liquide et gazeuse.

Dans la représentation trilatérale classique, toujours avec la "boule" d'énergie indifférenciée placée au centre, le trilatère représente la maison-mère du constructeur (à Stuttgart?). Dans sa phase d'expansion cette maison-mère se développe par l'intermédiaire de succursales, symbolisées par des triangles équilatéraux copies de la la maison-mère, la première génération étant obtenue par les trois triangles obtenus par réflexion de la maison-mère autour des trois côtés⁴. Le triangle équilatéral "mère", étant kaléïdoscopique, peut en principe envahir tout le plan. Mais, bien entendu, l'expansion n'est pas indéfinie, car, à une phase initiale d'expansion, de croissance, de structuration, de génération succède inéluctablement une phase de repli, de décroissance, de déstructuration, de corruption (d'entropisation dirait sans doute PhG).

Je tire de ces petits modèles les conséquences générales suivantes:

1. Au cours d'un Manvantara il y a d'abord une phase lente de structuration (7/10 classiquement, 6/9 pour moi), de solidification (passage du cercle au carré) suivie d'une phase rapide de déstructuration (3/10 classiquement, 3/9 pour moi), et je place le basculement à la charnière âge d'argent/âge de bronze;

2. L'énergie est féminine dans un cas (maison-mère), contrairement à mon formatage "religieux", et masculine dans l'autre (énergie du fondateur de la firme), conformément à mon formatage "religieux".

Restent à différencier le modèle algébrique (l'étoile équi-angle "Mercédès") et le modèle géométrique (le trilatère équilatère "Maison-mère"). Intuitivement je suis naturellement plus convaincu par la supériorité du modèle "Maison-mère" -et je pense ne pas être le seul dans ce cas-. Qu'en est-il en tant que métaphysicien?

Parmi les PFMT (Principes Fondamentaux de la Métaphysique Thomienne) figurent les principes ABP (l'Acte est Bord de la Puissance) et FBM (la Forme est Bord de la Matière). Il est clair que mon choix de métaphysicien conforte mon intuition. Et je suis soulagé de voir que ce choix est cohérent avec mon rangement métaphysique général: l'acte et la forme sont masculins et la puissance et la matière sont féminines.

On voit sur ces deux modèles les deux approches actuelles de la société:

- d'une part la société traditionnelle, "fermée", de la femme enfermée au foyer requalifiée en femme-foyer-énergie (ce qui change, selon moi -et j'espère pas que- beaucoup de choses sur le regard à porter des hommes sur les femmes et des femmes sur elles-mêmes), symbolisée par le trilatère équilatère;

- d'autre part la société moderne actuelle, "ouverte", de l'homme-foyer-énergie, symbolisé par le triangle équiangle "Mercédès".

Saint Jean (premier évangile): "Et lux in tenebris lucet, et tenabrae eam non comprehenderunt" ...



¹: "On ne naît pas femme, on le devient"

²: Pour moi un philosophe matérialiste (au sens moderne) ne peut être qu'être un faux métaphysicien.

³: Tout quadrilatère convexe se décompose en deux triangles (montrant immédiatement que la somme des angles d'un quadrilatère convexe vaut deux angles plats).

⁴: Cf. le commentaire précédent (.0). On y voit la différence entre le système "vectoriel" A2 et le système "affine" A2^ (je ne sais pas faire le "tilde" au clavier)

 

Symbolisme: de la Tradition aux mathématiques contemporaines.2

jc

  18/10/2019

Dans le .1 j'ai sexué ma pensée conformément aux PFMT en masculinisant le modèle "Mercédès" et en féminisant le modèle "Maison mère".

Thom:

- "L'intelligence, c'est la faculté de se mettre dans la peau des choses."

- "Le dédain pour la théorie qui se manifeste dans les milieux d'expérimentateurs a sa source dans l'attitude analytique-réductionniste ; or
pour découvrir la bonne stratégie, il faut s'identifier à l'un des facteurs permanents du système. Il faut en quelque sorte entrer « dans sa peau ». Il s'agit là presque d'une identification amoureuse. Or comment pourrait-on aimer ce qu'on a, préalablement, cassé de manière irréversible ?
Toute la science moderne est ainsi fondée sur le postulat de l'imbécillité des choses."

Et Thom, sans le dire explicitement - à ma connaissance- nous suggère de sexuer nos concepts:

"Il faut (...) concevoir que tout concept est comme un être vivant qui défend son organisme (l'espace qu'il occupe) contre les agressions de l'environnement, c'est-à-dire, en fait, l'expansionnisme des concepts voisins qui le limitent dans l'espace substrat : il faut regarder tout concept comme un être amiboïde, qui réagit aux stimuli extérieurs en émettant des pseudopodes et en phagocytant ses ennemis."

Ainsi tout concept adopte selon le type d'agression auquel il est soumis soit une attitude masculine (émission de pseudopodes, séparation) soit une attitude féminine (phagocytage, réunion), attitudes universelles que l'on trouve jusque dans les combats de la Rome antique (gladiateurs contre rétiaires).

Dans le cadre de ces commentaires "De la Tradition aux mathématiques contemporaines", je voudrais ici tenter de me mettre dans la peau d'un boson ou d'un fermion. Car la théorie des systèmes "vectoriels" de racines fait apparaître des vecteurs dont toutes les coordonnées sont entières (qui renvoient aux bosons) et des vecteurs dont certaines coordonnées sont demi-entières (qui renvoient aux fermions). Comment les sexuer?

Une réponse m'a été donnée en reparcourant l'article "La mathématique essentielle" (AL):

Thom: "Terminons ces considérations sur l'ontogenèse des mathématiques par une remarque de physique. nous avons invoqué deux phénomènes pour justifier la construction de l'espace réel: la résonance qui synchronise des oscillateurs couplés d'une part, de nature temporelle; et la collision entre individus, qui, elle, permet la définition des chemins de létalité, et par suite la construction des espaces. Fort spéculativement, on associera ces deux processus aux deux grands types de particules connus en physique: bosons et fermions. Les bosons, de nature essentiellement radiative, ont tendance à s'associer en champs où ils deviennent indistinguables et non localisables, effet dû à la résonance. Les fermions, de nature essentiellement spatiale, matérielle, devraient leur caractère répulsif individualiste au phénomène de collision qui les sépare…"

Le boson de Higgs comme archétype féminin? En tout cas ce qui précède conforte mon idée que les femmes sont naturellement plutôt pacifiques, communistes, conservatrices et unitaires, alors que les hommes sont, eux, naturellement plutôt querelleurs, individualistes, évolutionnistes et diversitaires.

(Unité-Harmonie-Diversité, les femmes au Sénat, les hommes à l'AN; c'est la position politique que j'avais jusqu'à ce jour: pouvoir spatial aux femmes et pouvoir temporel aux hommes. Le fait de féminiser les bosons, de nature essentiellement temporelle si l'on suit Thom, me trouble un peu (et va m'inciter à relire les chapitres XXI et XXIII de "Le règne…").)

Symbolisme: de la Tradition aux mathématiques contemporaines.3

jc

  20/10/2019

Comme annoncé à la fin du .2, retour sur les chapitres XXI et XXIII de "Le règne…".

Guénon: "À son degré le plus extrême, la contraction du temps aboutirait à le réduire finalement à un instant unique, et alors la durée  aurait véritablement cessé d’exister, car il est évident que, dans l’instant, il ne peut plus y avoir aucune succession. C’est ainsi que « le temps dévorateur finit par se dévorer lui-même », de sorte que, à la « fin du monde », c’est-à-dire à la limite même de la manifestation cyclique, « il n’y a plus de temps » ; et c’est aussi pourquoi l’on dit que « la mort est le dernier être qui mourra », car, là où il n’y a plus de succession d’aucune sorte, il n’y a plus de mort possible. Dès lors que la succession est arrêtée, ou que, en termes symboliques, « la
roue a cessé de tourner », tout ce qui existe ne peut être qu’en parfaite simultanéité ; la succession se trouve donc en quelque sorte transmuée en simultanéité, ce qu’on peut encore exprimer en disant que « le temps s’est changé en espace »  . Ainsi, un « retournement » s’opère en dernier lieu contre le temps et au profit de l’espace : au moment même où le temps semblait achever de dévorer l’espace, c’est au contraire l’espace qui absorbe le temps ; et c’est là, pourrait-on dire en se référant au sens cosmologique du symbolisme biblique, la revanche finale d’Abel sur Caïn."

Avec l'aide des deux petits modèles "Mercédès", l'un, masculin, en forme de tri-angle équi-angle (120°), l'autre, féminin, en forme de trilatère équilatère (cf. le .1) et avec l'aide de la remarque thomienne sur les bosons et les fermions (cf. le .2), je fais l'analyse suivante, qui diffère un peu de celle de Guénon.

Dans le modèle féminin la femme est la lumière qui luit au centre du trilatère, source puissante d'énergie-matière rayonnante (matière et puissance), qui se réfracte sur les côtés masculins du trilatère (forme et en acte). Un régime d'ondes stationnaires s'instaure alors à l'intérieur du trilatère avec le centre comme foyer, régime qui abolit à la fois l'espace et le temps, régime que l'on peut qualifier d'a-spatio-temporel, alors que la spatio-temporalité subsiste sur le bord (chaque photon émis par le centre a un impact "hic et nunc" sur le bord du trilatère). De ce point de vue il ne s'agit plus d'un conflit entre l'espace et le temps mais entre la spatio-temporalité et l'a-spatio-temporalité, c'est-à-dire l'éternité vide d'évènements.

Ce qui précède me fournit un clé -dont je ne sais si elle est bonne ou non selon les critères PhG- pour tenter de comprendre ce qu'il écrit de la nostalgie infinie et de l'éternité à la fin du tome II de "La Grâce…".

Remarque finale.

En lisant la citation de Guénon ci-dessus, je ne peux m'empêcher de faire l'analogie avec "nos élites" (connards co(s)miques: Bezos, Zuckerberg, Trump, etc. -Arnault, Pinault, Macrault, etc. chez nous-) face à leurs peuples respectifs. Au moment où ces "élites" pensaient dévorer leurs peuples (c-à-d les mettre en esclavage) ce sont les peuples -selon moi, femmes en tête, of course- qui engloutissent ces "élites". Un avatar de la dialectique hégélienne du maître et de l'esclave?

 

Symbolisme: de la Tradition aux mathématiques contemporaines.1.1

jc

  20/10/2019

J'ai commencé le .1 par:

"Au point où j'en suis de mes lectures de "Le règne…", je vois d'abord en Guénon un opposant farouche au matérialisme moderne pour lequel l'existence implique l'essence. Tout en prenant garde, en véritable métaphysicien, à ne pas prendre l'attitude opposée où c'est l'essence  qui implique l'existence, attitude aussi indéfendable que celle des matérialistes, il adopte la position où l'essence prime sur l'existence, où la qualité prime ontologiquement sur la quantité, où la matière et la puissance sont considérées comme inférieures à la forme et à l'acte."

Je suis intimement convaincu qu'il faut faire sien le principe métaphysique suivant, implicite chez moi depuis quelque temps -cf. mes commentaires "Métaphysique expérimentale" sur les conflits à deux actants-, mais lumineusement explicité par un certain Elie Bernard-Weil¹:

"Pour une pensée bipolaire …

«Il faut apprendre ou réapprendre à penser toujours d’une manière bipolaire et de ne pas céder à l’attrait d’une pensée unipolaire, branchée sur un pôle dominant -ce qu’on appelle aussi « pensée unique » de nos jours -une tentation qui fait immanquablement plonger dans l’erreur et l’impuissance. La seule excuse, c’est que presque tout le monde considère que c’est là l’enjeu de la rationalité : trouver le bon pôle. Faux! Il en est une autre, de rationalité, et que certains d’entre vous professent au moins implicitement, c’est la rationalité systémique, et particulièrement celle ago-antagoniste, qui, elle, au moins, accepte de faire couple avec la science dite réductionniste -l’inverse étant rarissime !»

Ce principe s'applique à tous -c'est un principe universel-, en particulier aux matérialistes modernes et aussi à Guénon -cf. plus haut-, aux logocrates et aux topocrates, etc., etc., etc. .

L'enjeu de la rationalité n'est pas de trouver le bon pôle: nous n'en serions politiquement pas où nous en sommes si les allemands et l'UE avaient appliqué ce principe au lieu d'imposer à leurs peuples un ordo-libéralisme "constitutionnel".


¹: Cf. p.5  http://www.afscet.asso.fr/Ande14/agoantagonismeComplexiteJdeG.pdf

                           

Symbolisme: de la Tradition aux mathématiques contemporaines.3.1

jc

  20/10/2019


Complément au .3

Les Anciens Grecs avaient des mots pour distinguer la temporalité atemporelle et la temporalité temporelle: aïon et chronos. Thom les fait intervenir dans un cycle à quatre temps¹ (un de plus, toujours le même, et le même que celui de Roddier) dans son article "Structure et fonction en biologie aristotélicienne" (AL) dont il dit -dans le chapeau de l'article- que "c'est probablement l'un des exposés les plus complets du programme de constitution d'une biologie théorique".

Ce cycle suggère qu'après la catastrophe du temps absorbé par l'espace et le meurtre d'Abel(le) par Caïn, il y aura la catastrophe de l'espace absorbé par le temps et le meurtre de Caïn par Abel(le). Mais Guénon n'est peut-être pas de cet avis, qui parle de la revanche FINALE³ d’Abel(le) sur Caïn.


¹: "Mais l'aïon du muscle fléchisseur est le chronos du muscle extenseur et réciproquement: l'aïon est l'état normal du muscle, le chronos est l'état excité." (AL, p.259)

²: C'est moi qui majuscule.

Symbolisme: de la Tradition aux mathématiques contemporaines.1.3

jc

  21/10/2019

Suite du .1.1

Ago-antagonisme et cancer.
 
Il y tout un chapitre (le 6) à ce sujet dans le beaucoup plus prigoginien que thomien (mais tant pis) http://www.afscet.asso.fr/Ande14/agoantagonismeComplexiteJdeG.pdf

Je crois absolument fondamental d'avoir toujours à l'esprit cet enchaînement associatif Ago-antagonisme/Cancer ; plus précisément d'avoir toujours à l'esprit que l'abandon du principe de bipolarité ago-antagoniste ouvre la porte à la prolifération du cancer, et ce pas nécessairement en Biologie.

Thom: "Mais très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être, le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer." (ES, p.216)

Symbolisme: de la Tradition aux mathématiques contemporaines.4

jc

  24/10/2019

Peut-être, à ce jour, ma tentative la plus construite de rapprocher les deux mondes.

Ce qui distingue fondamentalement le métaphysicien Guénon et le mathématicien-métaphysicien Thom c'est la différence des pôles entre lesquels se produit pour eux toute manifestation: d'un côté l' 'essence" et la "substance", de l'autre le "discret" et le "continu", d'un côté toute(?) la Tradition¹, de l'autre une page du chapitre II de "Le règne..;" qui oppose la quantité discrète et la quantité continue, page qui commence par:

"Une autre question se pose encore : la quantité se présente à nous sous des modes divers, et, notamment, il y a la quantité discontinue, qui est proprement le nombre, et la quantité continue, qui est représentée principalement par les grandeurs d’ordre spatial et temporel ; quel est, parmi ces modes, celui qui constitue plus précisément ce qu’on peut appeler la quantité pure ?"

et qui oppose, selon Guénon, les points de vue de Descartes et de saint Thomas d'Aquin.

Guénon conclut l'avant-propos de "Le règne…" par:

"On peut donc dire encore que la descente dont nous avons parlé s’effectue de la qualité pure vers la quantité pure, l’une et l’autre étant d’ailleurs des limites extérieures à la manifestation, l’une au delà et l’autre en deçà, parce qu’elles sont, par rapport aux
conditions spéciales de notre monde ou de notre état d’existence, une expression des deux principes universels que nous avons désignés ailleurs respectivement comme « essence » et « substance », et qui sont les deux pôles entre lesquels se produit toute
manifestation ; et c’est là le point que nous allons avoir à expliquer plus complètement en premier lieu, car c’est par là surtout qu’on pourra mieux comprendre les autres considérations que nous aurons à développer dans la suite de cette étude."

Moi, béotien métaphysicien, je suis convaincu que la jonction entre les deux camps des guénoniens et des thomiens doit se faire et que c'est au prix de l'abandon de l'opposition matière-forme au profit de l'opposition plus abstraite continu-discret- qu'elle se fera (je prêche évidemment pour ma paroisse).

Car selon moi le dévoiement de l'opposition matière-forme au profit du seul matérialisme -au sens moderne du terme-, avec son apogée au XIXème et à la première moitié du XXème siècle, s'est déplacé en se virtualisant à partir de la deuxième moitié du XXème. Avec l'arrivée des calculateurs électroniques, le conflit s'est déplacé du technologisme vers la communication pour se situer maintenant entre les langages formels des ordinateurs et notre langage naturel², entre l'intelligence artificielle des robots et l'intelligence naturelle de l'humain, avec dévoiement actuel au profit des premiers. Métaphoriquement il y a pour moi autant d'écart -abyssal- entre les tours de Doubaï et la cathédrale de Reims³ qu'entre un langage formel, conventionnel, et le langage naturel. Pour moi, mais aussi, j'en suis profondément convaincu, pour Philippe Grasset, qui cite de temps à autres George Steiner:

“Le point de vue ‘logocratique’ est beaucoup plus rare et presque par définition, ésotérique. Il radicalise le postulat de la source divine, du mystère de l’incipit, dans le langage de l’homme. Il part de l’affirmation selon laquelle le logos précède l’homme, que ‘l’usage’ qu’il fait de ses pouvoirs numineux est toujours, dans une certaine mesure, une usurpation. Dans cette optique, l’homme n’est pas le maître de la parole, mais son serviteur. Il n’est pas propriétaire de la ‘maison du langage’ (die Behausung der Sprache), mais un hôte mal à l’aise, voire un intrus… ”

Certains objecteront qu'une Tradition qui évolue n'est plus une Tradition. Et Guénon lui-même écrit dans l'avant-propos de "Le règne…" que les spéculations les plus vantées des hommes de génie contemporains (je pense bien entendu à Thom) "ne valent certes pas la connaissance de la moindre vérité traditionnelle". Mais qui peut nier qu'il y a eu une évolution en ces domaines depuis l'homme de Cro-Magnon et que cette évolution s'est faite du concret vers l'abstrait.

Ce déplacement du réel vers le virtuel, de la Tradition grecque (forme et matière) et de la Tradition hindoue (Purusha et de Prakriti), entre autres, conduit naturellement à remplacer la matière, la substance (celle qui se tient en dessous) par quelque chose de plus abstrait qui se tient encore plus en dessous que la substance, à savoir l'étendue continue. C'est le point de vue que défend Thom dans "Esquisse d'une sémiophysique" (1988):

Thom: "Apparemment les Grecs n'ont pas de concept équivalent à l'étendue cartésienne. La chora platonicienne aurait pu remplir cette fonction; c'est précisément un concept qu'Aristote refuse, parce qu'il veut que le lieu soit un prédicat de la substance, et non la matière un prédicat de l'étendue." (ES, p.245)

"Il est curieux de voir comment Aristote a ostracisé le concept d'espace, en lui substituant, pour les besoins de sa métaphysique substantialiste, un "lieu" attaché à chaque entité. Cette exclusion de l'étendue -qui a eu, il faut le reconnaître, sur les origines de la Mécanique des effets assez désastreux- n'en a pas moins eu des conséquences heureuses. Car en dévalorisant l'étendue spatiale, Aristote a, par compensation, pensé tous les problèmes des entités mentales sous la catégorie du continu." (ES, p.211)

Thom se dit et est un penseur du continu qui pense le monde avec des images continues, qui le voit. et son problème est de l'exprimer avec des mots discrets; c'est un topocrate. Philippe Grasset, au contraire,  est un penseur du discret, qui pense le monde en l'entendant, avec des lettres qui forment des mots, et des mots qui forment un texte, texte qui lui-même n'est pas une simple juxtaposition de lettres discrètes mais, miraculeusement, une concaténation continue, une musique, qui lui donne un sens; c'est un logocrate⁵. Thom le topocrate c'est le Caïn du chapitre XXI ( "(...) par la force des choses, les sédentaires en arrivent à se constituer des symboles visuels, images faites de diverses substances, mais qui, au point de vue de leur signification essentielle, se ramènent toujours plus ou moins directement au schématisme géométrique, origine et base de toute formation spatiale." ) et Grasset le logocrate c'est Abel(le) ("Les nomades, par contre, à qui les images sont interdites comme tout ce qui tendrait à les attacher en un lieu déterminé, se constituent des symboles sonores, seuls compatibles avec leur état de continuelle migration."). Principe d'inversion analogique cher à Guénon qui poursuit: "Mais il y a ceci de remarquable, que, parmi les facultés sensibles, la vue a un rapport direct avec l’espace, et l’ouïe avec le temps : les éléments du symbole visuel s’expriment en simultanéité, ceux du symbole sonore en succession ; il s’opère donc dans cet ordre une sorte de renversement des relations que nous avons envisagées précédemment, renversement qui est d’ailleurs nécessaire pour établir un certain équilibre entre les deux principes contraires dont nous avons parlé". À Thom l'esprit de géométrie et à Grasset l'esprit de finesse? Les matheux  contre les littéraires?

Je ne le pense pas.  Au contraire je pense que PhG a des alliés naturels au sein de la communauté mathématique, à savoir les arithméticiens -les mathématiciens quantiques- (comme Grothendieck et Riemann) qui savent écouter la musique des nombres comme PhG sait écouter la musique des mots.


¹: Guénon: "(...) quelles que soient les différences qui existent réellement à cet égard entre la conception de Platon et celle d’Aristote, ces différences, comme il arrive souvent, ont été grandement exagérées par leurs disciples et leurs commentateurs. Les idées platoniciennes sont aussi des essences ; Platon en montre surtout l’aspect transcendant et Aristote l’aspect immanent, ce qui
ne s’exclut pas forcément, quoi qu’en puissent dire les esprits « systématiques », mais se rapporte seulement à des niveaux différents"

²: Thom: "Je suis convaincu que le langage, ce dépositaire du savoir ancestral de notre espèce, contient dans sa structure les clés de l'éternelle structure de l'Être."

³: Voir https://www.dedefensa.org/article/dialogues-3-le-grain-de-sable-divin

⁴: extraites de https://www.maths.ed.ac.uk/~v1ranick/papers/thom/data/citations.pdf

⁵: PhG: "Il suffit d’un mot, d’une phrase, d’une citation à placer en tête, la chose inspiratrice qui ouvre la voie et là-dessus se déroule le texte, à son rythme, entièrement structuré, avec sa signification déjà en forme et en place. Je n’ai rien vu venir et j’ignore où je vais, mais j’ai toujours écrit d’une main ferme et sans hésiter… et toujours, à l’arrivée, il y avait un sens, une forte signification, le texte était devenu être en soi… C’était un instant de bonheur fou."


                                                 ———————————————————————-

Pour ceux que ces considérations pourraient intéresser -et je vise en particulier PhG et un sien ami- voici quelques citations thomiennes concernant essentiellement l'opposition discret-continu⁴:

Pour moi, la mathématique, c'est la conquête du continu par le discret.
(1977)

(...) il y a une certaine opposition entre géométrie et algèbre. Le matériau fondamental de la géométrie, de la topologie, c'est le continu géométrique ; étendue pure, instructurée, c'est une notion « mystique » par excellence. L'algèbre, au contraire, témoigne d'une attitude opératoire fondamentalement « diaïrétique ». Les topologues sont les enfants de la nuit ; les algébristes, eux, manient le couteau de la rigueur dans une parfaite clarté. (1978)

Il ne fait guère de doute que d'un point de vue psychologique (et pour moi ontologique) le continu est l'être premier. (AL, p.564)

(...) il n'y a pas de « phénomènes », ni de phénoménologie sans discontinuités perceptibles au sein d'un milieu continu (...) (1992)

L'ambition ultime de la théorie des catastrophes, en fait, est d'abolir la distinction langage mathématique-langage naturel qui sévit en science depuis la coupure galiléenne. (1976)

(...) aucune théorie un peu profonde de l'activité linguistique ne peut se passer du continu géométrique (relativisant ainsi toutes les tentatives logicistes qui fleurissent chez les Modernes). (1980)

Mon espoir est ici d'apporter quelques éléments mettant en jeu des aspects peut-être difficilement appréciés des spécialistes [d'Aristote] à qui le problème des rapports entre mathématique et réalité ne s'est jamais posé que comme un problème « philosophique » (ce qui veut dire, selon une formule célèbre de Paul Valéry, qu'on pourrait s'abstenir de le considérer), et non comme le problème essentiel qu'il est effectivement. Ce qui est en jeu ici, c'est l'aporie constituée par les rapports entre le continu et le discret.

On touche là au problème de la justification dynamique des structures, problème que seul, me semble-t-il, la théorie des catastrophes – ou toute théorie apparentée qui explique l'émergence du discret au sein du continu est en mesure d'aborder. (1968)

Le grand vice du structuralisme est son caractère discret, qui ne lui permet pas de prendre en compte les variations continues des formes, en particulier leur mouvement. (1983)

Pour moi, l'aporie fondamentale de la mathématique est bien dans l'opposition discret-continu. Et cette aporie domine en même temps toute la pensée. (1991)

C'est là, je pense, une conclusion à laquelle il est difficile d'échapper : le sens est toujours lié à l'attribution d'une place de nature spatiale à une expression formelle codée. (1979)

Un programme pour moi c'est toujours une approximation discontinue d'une figure continue sous-jacente, qui figure en tant que projet. Le projet est continu, mais la réalisation est discontinue, catastrophique.

L'impossibilité de maintenir deux systèmes récurrents en état d'indépendance dynamique apparaît comme une conséquence du caractère continu du temps (1972)

Et peut-être faudra-t-il renverser l'interprétation traditionnelle des paradoxes des Eléates. Ce n'est pas le continu qui fait problème, mais bien le continu, dans sa réalisation d'infini actuel, qui justifie l'infini dénombrable : car, n'est-ce pas, Achille finit par dépasser la tortue…

(...) l'existence du continu apparaît comme une donnée primordiale. C'est par elle, croyons-nous, que s'opère la jonction entre la description langagière d'Aristote et la description mathématisée de la Physique post-galiléenne. (1988)

Il est de fait qu'Aristote a été le premier – et pour des siècles, voire des millénaires – le seul penseur du continu. (1988)

L'expérience première, en toute réception des phénomènes, est la discontinuité. Mais la discontinuité présuppose le continu. (1988)

On aurait tort de voir dans la singularité [discrète] le seul effet de l'incapacité d'un milieu spatial à accepter une certaine structure globale [continue]. On peut avoir le point de vue inverse, et prétendre qu'une singularité a un pouvoir génératif qui lui permet de structurer l'espace environnant. (AL, Philosophie de la singularité)

C'est parce que la mathématique débouche sur l'espace [continu] qu'elle échappe au décollage sémantique créé par l'automatisme des opérations algébriques [discrètes]. (1979)
 

Symbolisme: de la Tradition aux mathématiques contemporaines.4.1

jc

  25/10/2019

Dans le .4 l'expression "Philippe Grasset, au contraire, est un penseur du discret, qui pense le monde en l'entendant, avec des lettres qui forment des mots (...)" est malheureuse. Il est préférable de préciser la formulation: PhG, qui pense le monde en l'entendant, s'exprime avec des phonèmes qui forment des mots, alors que Thom tente d'exprimer ce qu'il voit¹ à l'aide de lexèmes².

La possibilité d'entente, l'harmonie des points de vue ago-antagonistes que sont le point de vue topocratique et le point de vue logocratique renvoient au problème mathématique de Kac: "Peut-on voir le son d'un tambour et entendre sa forme?", problème où se mêlent le corpusculaire et l'ondulatoire, le discret et le continu. La musique des mots, leur chant, pour assurer la concaténation (et non la simple juxtaposition) des phonèmes et ainsi leur donner sens? Du cantique au quantique?


¹: Thom: "Malgré son caractère non quantitatif, qui a suscité la dérision des scientifiques professionnels, il [le modèle de l'agressivité du chien de Zeeman] a l'avantage inestimable de montrer ce qui fait la supériorité d'un modèle géométrique sur une construction conceptuelle. Expliquer linguistiquement son contenu oblige à des paraphrases compliquées dont la cohérence sémantique n'est pas évidente." (AL, envoi, p.33)

²: Thom: "Une lettre est un animal stylisé."

Symbolisme: de la Tradition aux mathématiques contemporaines.4.2

jc

  25/10/2019

Dans le .4(.0) j'écrivais:

"Avec l'arrivée des calculateurs électroniques, le conflit s'est déplacé du technologisme vers la communication pour se situer maintenant entre les langages formels des ordinateurs et notre langage naturel², entre l'intelligence artificielle des robots et l'intelligence naturelle de l'humain, avec dévoiement actuel au profit des premiers. Métaphoriquement il y a pour moi autant d'écart -abyssal- entre les tours de Doubaï et la cathédrale de Reims³ qu'entre un langage formel, conventionnel, et le langage naturel."

Pour moi les combats IA/IN et LC/LN (Langage Conventionnel/Langage Naturel) sont actuellement fondamentaux. Mais les guénoniens peuvent légitimement se demander en quoi les mathématiques -perçues généralement par eux comme artificielles et conventionnelles, et donc a priori favorables au camp d'en face- peuvent leur être utiles. La réponse est donnée par la citation suivante:

Thom: "(...) il est certain qu'il y a quelque chose de spécifique qui oppose le langage mathématique au langage naturel. Je crois que ce qu'il y a de spécifique c'est cette possibilité de définir des variations continues, non descriptibles linguistiquement. (...) Dans le formalisme mathématique , il existe une possibilité au moins virtuelle de descriptions qui, d'une certaine manière, introduit l'infini actuel (puisqu'on est dans le continu, c'est justement un infini actuel). Au contraire la description linguistique commune est une description par éléments discrets, une combinatoire." (Paraboles et catastrophes, p. 120)

Car les mathématiques du continu permettent, selon Thom, de voir au delà de ce que le langage naturel peut décrire:

Thom: "Malgré son caractère non quantitatif, qui a suscité la dérision des scientifiques professionnels, il [le modèle de l'agressivité du chien de Christopher Zeeman] a l'avantage inestimable de montrer ce qui fait la supériorité d'un modèle géométrique sur une construction conceptuelle. Expliquer linguistiquement son contenu oblige à des paraphrases compliquées dont la cohérence sémantique n'est pas évidente." (AL, envoi, p.33)

J'en profite pour expliquer le qualificatif "abyssal" choisi pour différencier LC et LN dans le .4(.0). Il provient de ce qu'il y a dans le langage naturel autre chose que ce que tout un chacun attend d'un langage, à savoir communiquer avec ses semblables -auquel cas un simple langage conventionnel suffit-. Cette autre chose est formulée par Thom dans le dernier chapitre "Pensée et langage" de SSM (2ème ed. p.309):

"L'apparition du langage répond chez l'homme à un double besoin: une contrainte individuelle de nature évolutive, visant à réaliser la permanence de son moi en état de veille, et une contrainte sociale, exprimant les grands mécanismes régulateurs du groupe social.

La première contrainte répond au besoin de virtualiser la prédation. L'homme en éveil ne peut, comme le nourrisson de neuf mois, passer son existence à saisir les objets pour les mettre en bouche. Il a mieux à faire: aussi va-t-il "penser" c'est-à-dire saisir des êtres intermédiaires entre les objets extérieurs et les formes génétiques, les concepts.

La seconde contrainte (...)"

C'est par le biais de cette contrainte génétique, logocratique, que je rejoins la position de PhG lorsqu'il cite George Steiner:

“Le point de vue ‘logocratique’ est beaucoup plus rare et presque par définition, ésotérique. Il radicalise le postulat de la source divine, du mystère de l’incipit, dans le langage de l’homme. Il part de l’affirmation selon laquelle le logos précède l’homme, que ‘l’usage’ qu’il fait de ses pouvoirs numineux est toujours, dans une certaine mesure, une usurpation. Dans cette optique, l’homme n’est pas le maître de la parole, mais son serviteur. Il n’est pas propriétaire de la ‘maison du langage’ (die Behausung der Sprache), mais un hôte mal à l’aise, voire un intrus… ”

 

Symbolisme: de la Tradition aux mathématiques contemporaines.4.3

jc

  26/10/2019

Encore une citation thomienne pour insister sur l'importance du rôle de la génétique dans la formation du langage naturel, et donc sur la différence "abyssale" entre langage conventionnel et langage naturel:

Thom: "L'analogie Génétique-Linguistique, si tentante qu'elle soit pour l'esprit, n'en suscite pas moins de sérieuses réserves. Les structures biologiques sont tri-dimensionnelles, et non uni-dimensionnelles comme l'est la chaîne parlée. L'unidimensionnalité du génome est vraisemblablement moins due à une contrainte de communication qu'à une contrainte d'autoréplication. Personnellement, je serais tenté de croire que l'analogie doit être prise en sens inverse de celui où on la prend d'ordinaire. Le langage s'est créé chez l'Homme, par invasion du champ conceptuel par le champ « génétique » : les concepts pensés par l'homme sont devenus capables de se reproduire, en fabriquant leurs propres « gamètes » que sont les mots. Autrement dit : la Linguistique s'explique par une extension des mécanismes de la Génétique, et non l'inverse. (1968)

 

Thom: un nouveau Newton

jc

  08/11/2019

PhG: "Pour mon compte et selon ce que je sais et dis du système de la communication, cela signifie, ce que je crois absolument, qu’en évoluant dans ce magasin cosmique du Règne de la Quantité on peut y trouver du matériel métaphysique pour porter des coups terribles au Règne de la Quantité. A nous de le trouver…"

On pourra trouver lassant, voire indécent, mon insistance à parler sur ce site de l'oeuvre de René Thom, et à tenter ici, par mes nombreux commentaires, de faire la jonction avec celle de René Guénon en général et de "Le règne de la quantité..." en particulier. J'insiste et insiste encore parce que je suis convaincu que, comme dans l'oeuvre de Guénon, se trouve dans l'oeuvre de Thom "du matériel métaphysique pour porter des coups terribles au Règne de la Quantité". Mais si le matériel métaphysique contenu dans l'oeuvre de Guénon vise plutôt les esprits de finesse, celui contenu dans l'oeuvre de Thom s'adresse, lui, plutôt aux esprits de géométrie, en particulier aux "scientifiques" formatés au mécanisme quantitatif post galiléen initié par Newton. (En paraphrasant Pascal, les esprits faux ne sont ni fins ni topologues, et c'est peut-être là, au fond, le problème de "notre" quantitative modernité.)

Lors de la parution en 1972  de "Stabilité structurelle et morphogenèse" (quatre ans après sa rédaction…), un grand hebdomadaire a titré: "Le nouveau Newton est français". Après une courte -mais assez intense- période d'engouement de la communauté scientifique , il y a eu une très longue période de reflux, une très longue période de traversée du désert due essentiellement -du côté scientifique, les travaux de Thom n'ayant pas ou guère, à ma connaissance, pénétré la communauté philosophique- au fait que les théories thomiennes sont qualitatives, donc pas du tout dans l'air du temps.

Qu'en est-il aujourd'hui, un demi-siècle plus tard?  Jean Petitot, fin connaisseur de l'oeuvre de Thom, fait le point dans "Les premiers textes de René Thom sur la morphogenèse et la linguistique: 1966-1970¹". Il y apparaît nettement que Thom est bien à l'ancienne physique (la phusis aristotélicienne), vitaliste et qualitative, ce que Newton est à la moderne physique, mécaniste et quantitative². Je reproduis ici le début et la fin de l'article.

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2    Une nouvelle conception de la modélisation

2.1    Présent mathématique et passé philosophique.

La refonte thomienne du concept classique de modèle a réactivé de nombreux débats classiques de philosophie des sciences et la plupart des interrogations qu’elle a pu susciter étaient dues à l’écart toujours grandissant qui, depuis ce que l’on a appelé la “coupure  ́epistémologique” galiléenne, s’est creusé, telle une dérive des continents, entre des mathématiques de la nature centrées sur le  concept  mécanique primitif de force et des philosophies de la nature centrées sur les concepts dynamiques primitifs de forme, de structure et d’organisation. D’Aristote au vitalisme du XIXe si`ecle, la morphogenèse biologique est demeurée du côté d’une dynamique des formes et a donc pâti du rejet des diverses philosophies spéculatives de la Nature. Mais le noeud gordien scientifique de cette histoire est que, comme l’ont noté des générations successives de savants,  une  mathématique idoine pour une dynamique des formes  ́etait  “introuvable”  et,  comme  le  déplorait  Buffon,“manquait  absolument”. Faute de mathématiques appropriées, ces domaines des sciences naturelles restaient à la marge de la scientificité et les données  expérimentales massives à leur sujet n’arrivaient pas à être  modélisées. Ces disciplines butaient clairement sur un “obstacle épistémologique” majeur. Nous allons parler de morphogenèse et de structures, mais il faut noter que de nombreuses disciplines se sont trouvées au cours des siècles dans la même situation. La théorie mécanique du mouvement elle-même n’a pu dépasser ses apories millénaires qu’avec l’avènement du calcul intégro-différentiel. Un autre exemple saisissant aux XVIIIe et XIXe siècles était celui de la chimie dont le concept primitif d’ “affinité”  ́etait incompréhensible. L’ “obstacle épistémologique” était évident et il aura effectivement fallu attendre la mécanique quantique pour avoir une théorie de la valence. L’idée directrice de René Thom dans les années 1960 était que les nouveaux outils de la théorie des singularités pouvaient fournir la mathématique “introvable” idoine qui pourrait venir compenser les effets de la “coupure” galiléenne. Haute ambition théorique qui se proposait d’utiliser des résultats mathématiques d’avant garde comme levier pour résoudre des problèmes théoriques restés ouverts  pendant  des  siècles.  Dans  [1]  Thom vise “la  synthèse  (...)  des  pensées ‘vitaliste’ et ‘mécaniste’ en Biologie”. Dans [4] il explique :“What I offer you is a radically new point of view for biological problems.” Une telle ambition  était-elle démesurée ? En fait, Thom s’était rendu compte que ce que l’on pourrait appeler le “supplément de géométrie” fourni par la notion de déploiement universel venait combler le “manque de géométrie” diagnostiqué depuis longtemps et permettait de géométriser des concepts morphologiques fondamentaux comme ceux de “chréode”, de “champ morphogenétique” ou de “paysage épigénétique”  utilisés par le grand embryologiste Conrad  Waddington. C’est bien là “l’origine de la théorie” comme il l’écrivit dès le §1.1. de ce qu’il qualifiait lui-même d’“article princeps” [1]. La conscience aiguë du fait que l’avènement de modèles mathématiques pour les phénomènes critiques, les ruptures de symétries, l’apparition de patterns et de morphologies constituait un événement scientifique majeur était d’ailleurs partagée par plusieurs savants des années 1960-1970 et faisait partie d’un vaste bouillonement d’idées. La TC y rencontrait, parfois avec quelques polémiques, les  “structures  dissipatives”  d’Ilya Prigogine, la “synergétique” de Hermann Haken,  ou  “l’ordre à partir du  bruit” de Henri Atlan. Il suffit de  se rappeler le début de La nouvelle alliance d’Ilya Prigogine et Isabelle Stengers qui met en scène le célèbre Entretien de 1769 entre d’Alembert, défenseur de la mécanique rationnelle quantitative mathématisée, et Diderot, défenseur de l’embryogenèse qualitative non mathématisée, pour se convaincre, d’une part, de l’épaisseur historique et philosophique des problèmes et, d’autre part, de la conscience qu’avaient ces auteurs de l’enjeu innovant de leurs modèles. (...) L’importance fondamentale et la diversité impressionnante des phénomènes critiques justifiaient à elles seules de vastes généralisations de leurs applications. Mais René Thom est allé beaucoup plus loin et sa vision vers l’aval d’un progrès futur aura été en définitive celle d’un retour amont vers l’hylémorphisme aristotélicien. C’est le statut de cette “boucle temporelle”, de cette “Rückfrage” aurait dit Husserl, qu’il nous faut essayer de comprendre. Car, avec les modèles de Thom, il s’agit de tout sauf de quelques spéculations d’un mathématicien s’aventurant dans des domaines qu’il connaît mal. Il s’agit d’une ample opération sur l’histoire de la connaissance qui consiste à partir d’un grand progrès mathématique pour faire un “reset” historique de conceptions antiques tombées dans l’oubli. C’est un peu comme dans l’histoire des mathématiques lorsque l’invention du calcul  intégro-différentiel permit de renouer avec les calculs d’Archimède  ou comme dans l’histoire de l’art, lorsque Michel-Ange (qui participa en 1506 à la découverte du Laocoon) renoua avec la sculpture hellénistique.

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14    Conclusion

Dans cette note, nous avons essayé de présenter les modèles morphodynamiques de Thom en biologie et en linguistique à partir de ses  tout premiers articles sur le sujet. Nous avons montré comment sa création d’un langage morphologique multidimensionnel indépendant des substrats lui avait permis de rendre solidaires biologie et langage dans le cadre de la “seconde voie” de la théorie des catastrophes. Nous avons insisté sur l’opération qui consiste à mettre des mathématiques d’avant-garde au service d’une réhabilitation (pour le dire comme Leibniz) de problématiques jusque là marginalisées à cause de leur “géométrie absente”. Nous avons également insisté d’une part sur l’épaisseur historique des difficultés philosophiques rencontrées (Aristote, Leibniz, Kant, Goethe, Husserl) et d’autre part sur la grande actualité scientifique de résultats confirmant certaines propositions thomiennes (génétique du développement et homéogènes, grammaires et sémantiques neuro-cognitives). A propos de la Nature comme τέχνη productrice de formes, Kant parlait dans sa troisième Critique de la “Nature comme Art”. On pourrait dire qu’avec la théorie des catastrophes comme “art des modèles”, Thom a élargi les mathématiques de la Nature de façon à leur permettre de modéliser la Nature comme Art.

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Remarque finale.

À la lecture de cet article j'avoue ne pas comprendre pourquoi Petitot s'est dit -et se dit toujours?- aronien, hayekien et popperien³.


¹: http://jeanpetitot.com/ArticlesPDF/Petitot_Thom_1966-1970.pdf

²: Thom:
- "L'ambition ultime de la théorie des catastrophes, en fait, est d'abolir la distinction langage mathématique-langage naturel qui sévit en science depuis la coupure galiléenne."
- "(...) l'existence du continu apparaît comme une donnée primordiale. C'est par elle, croyons-nous, que s'opère la jonction entre la description langagière d'Aristote et la description mathématisée de la Physique post-galiléenne."

³: http://jeanpetitot.com/ArticlesPDF/Petitot_Hayek.pdf